Titititaaa, titititaaa, titititaaa…
Régulièrement, la presse (branchée) fait état de ces mystérieux messages incompréhensibles qui, occasionnellement ou de façon permanente, occupent certaines fréquences radioélectriques.
En se connectant sur les ondes courtes, notamment la nuit, alors que les liaisons sont meilleures, il n’est pas rare d’entendre des séries de cinq chiffres, soit en phonie, dans des langues dont certaines paraissent bien exotiques, soit en graphie, plus facilement saisissables pour qui connaît le morse. Parfois, on capte aussi des notes de musique ou des sons incongrus qui ressemblent à des parasites.
Alors, signaux venus d’un autre monde ou des services secrets de tel ou tel pays ?
Que faut-il penser, par exemple, de ce son bizarroïde qui semble provenir d’un bâtiment militaire désaffecté situé dans une zone pas très éloignée de Moscou. Dans ces lieux, paraît-il, il y aurait un émetteur invisible qui fonctionnerait tout seul, gardé par un chien immortel (là j’en rajoute, mais cela ressemble tellement à un film de science-fiction), vestige oublié de la guerre froide, du temps de l’URSS. À moins, comme le pensent certains, que ce signal soit un indicateur : tant qu’il est émis, la capitale russe n’a pas été détruite par une bombe nucléaire – un peu comme la commande de « l’homme mort » dont les locomotives des trains sont équipées pour stopper la machine si le conducteur est victime d’une défaillance !
Il y a aussi ces flashes cosmiques, appelés « sursauts radio rapides », des impulsions radioélectriques très brèves dont la source se situerait au-delà de la Voie lactée, devant lesquelles les chercheurs seraient dans l’expectative : s’agit-il d’un phénomène naturel ou la démonstration de l’existence d’une intelligence supérieure à l’homme ! Ces chiffres, ces lettres, ces bruits forment le corps du message, peut-on lire dans un article du journal Le Monde, À la radio, sur les ondes courtes, l’envoutant mystère des « stations de nombres. « Car il s’agit bien de messages, nous dit le journaliste Guillaume Origoni. Mais qui les envoie ? À qui sont-ils destinés ? »
Et aux effluves du mystère, déjà on se pourlèche les babines : des services secrets, des espions loin de leur base, des militaires qui préparent la prochaine ou de petits bonshommes verts qui chercheraient à établir un contact avec les habitants de la planète Terre, en se demandant s’ils sont très intelligents ou très cons.
Tous les scénarios sont sur la table. Il manque juste le mien. Je vous le livre pour ce qu’il vaut.
Titititaaa, titititaaa, titititaaa…
Cette suite de signaux morses répétant sans fin une série de « v », suivie d’un indicatif, était autrefois le signe d’une station fixe qui signalait sa présence sur une fréquence radio dans l’attente d’un appel ou de l’envoi de sa liste de diffusions. Ces « v », qui ne veulent rien dire, étaient également utilisés par les opérateurs des stations mobiles pour procéder aux réglages de leurs appareils. Puis, avec l’apparition de la BLU (bande latérale unique), la transmission de la parole devint possible, même à grande distance. De ce fait, le message « d’occupation » changea. À Saint-Lys-Radio, par exemple, il prit la forme d’un gimmick de quelques phrases, suivi d’une musiquette reprenant « Hardi les gars, vire au guindeau, good bye farewell, good bye farewell… ». Un appel sans cesse répété tant qu’aucun correspondant ne s’était pas manifesté. Le dernier message (ici) est de 1998, date à laquelle Saint-Lys-Radio, station mythique, a fermé boutique pour laisser la place aux liaisons satellitaires.
Si dans la marmar (marine marchande), les « officiers-radio » étaient transparents et se retrouvaient volontiers dans le boui-boui d’un port du bout du monde, il n’en était pas de même des militaires ni des services de renseignement et de contre-espionnage. Pour ceux-ci une fréquence radio devait être occupée en permanence pour éviter de se la faire piquer. Et, en cas d’urgence, elle devait être immédiatement utilisable.
C’est ainsi que dans les années 1960, depuis le dernier étage du ministère des Armées, immeuble du boulevard Saint-Germain avec vue sur le jardin du ministre (c’était Messmer à l’époque), une poignée de personnels civils, dont beaucoup venaient de la marmar, et dont je faisais partie, transmettaient jour et nuit de longs textes codés complètement bidons, composés de groupe de cinq chiffres ou de cinq lettres, sur des fréquences radioélectriques jugées stratégiques. Le but était double : occuper la fréquence et former de jeunes recrues qui, du fin fond de leur caserne, étaient tenues de « prendre » ces messages, voire d’y répondre. Sans savoir évidemment qu’il s’agissait d’un jeu de rôle.
Pour corroborer la fantasmagorie des ondes, voici une anecdote. Je vous la garantis authentique. Une nuit, je suis dans mon pigeonnier du ministère des Armées à m’user les doigts sur mon « vibro » (rien de cochon, voire photo) lorsque l’officier de permanence me fait appeler. « Rejoignez-moi au sous-sol », me dit-il. Je me perds un peu dans les étages, avant de le trouver planté devant une porte d’un long couloir éclairé par les seules veilleuses. Il ouvre lentement ladite porte. Et là, surprise ! Ce sont les toilettes ! Un peu inquiet, mais poussé par la curiosité, j’entre… tout en ménageant mes arrières. Il porte un doigt à l’oreille pour me signifier d’écouter. Il a raison, le commandant, on perçoit des titititaaa, comme du morse, mais sans réelle signification. J’ouvre la porte d’un WC, d’un autre…, et je me retiens d’éclater de rire. Je lui désigne la chasse d’eau, une chasse d’eau à l’ancienne, hein ! en hauteur ! d’où provient le chuintement. Je ne sais pas s’il a fait un rapport, mais je peux vous dire que mes copains se sont bien marrés.
Après le GCR (Groupement des contrôles radioélectriques), j’ai rejoint les services techniques de la DST et plus précisément le centre d’écoutes de Noisy-le-Grand, en région parisienne. Là, nuit et jour, nous chassions les espions sur un terrain virtuel, entre le sol et l’ionosphère. Je peux donc affirmer qu’au début des années 1970, il suffisait de tourner le bouton d’un récepteur HF pour tomber sur une émission inconnue et chiffrée, que ce soit en graphie ou en phonie. Ces textes codés étaient indéchiffrables, et nous étions d’ailleurs persuadés qu’ils ne voulaient rien dire. Sauf lorsqu’ils s’arrêtaient. Alors, le temps d’un éclair, on pouvait entendre une sorte de grésillement : un message compressé. « Alerte flash ! » lançait l’opérateur qui l’avait capté.
Pour nous, à la DST, service de contre-espionnage, la centrale qui se situait souvent dans un pays de l’Union soviétique n’était pas notre priorité. C’est le correspondant qui nous intéressait. Lorsqu’il répondait à l’aide d’un message tout aussi bref, une alerte flash était lancée à la demi-douzaine de stations de radiogoniométrie réparties dans l’Hexagone. Chacun tentait alors de tirer une droite. Avec un peu de chance, il était alors possible d’effectuer une triangulation. Et, si la zone repérée n’était pas trop étendue, une opération rapprochée pouvait être envisagée, à l’aide d’une « valise apériodique », c’est-à-dire un récepteur capable de recevoir toutes les communications émises dans un rayon réduit sur une large bande de fréquence. L’ancêtre de l’IMSI-catcher utilisé pour surveiller nos téléphones portables.
Je ne sais pas si mon témoignage peut aider à percer « l’envoutant mystère des ondes courtes », mais il paraît évident que ces émissions radio qui ne veulent rien dire ne sont pas inutiles. Sans chercher à casser le jouet, il n’y a ni mystère ni messages venus d’ailleurs. Ils sont le fait de pays qui se préparent au pire : un tsunami nucléaire susceptible de détruire tous les systèmes de communication modernes. D’où la nécessité de conserver en état de vieilles fréquences OC et surtout de former un personnel à ces méthodes de transmission d’un autre âge.
Je ne sais pas si la France, puissance nucléaire qui a quasiment tout misé, tant pour la défense nationale que pour la sécurité, sur la technologie, fait partie de ces états prévoyants. J’espère que oui. Sinon, il reste les pigeons voyageurs.
9 réponses à “Un livre qui nous rappelle le temps où l’on tuait les terroristes”
Je voulais évidemment dire « les dizaines de milliers de harkis qui seront massacrés quelques mois plus tard ».
« l’année suivante, le général Massu obtient les pleins pouvoirs pour neutraliser le FLN. Ce sera la bataille d’Alger : 3 000 morts ou disparus, et la pratique systématique de la torture à faire pâlir d’envie la CIA de George W. Bush ». Cher Georges, cette phrase n’est-elle pas quelque peu lapidaire ?
Vous omettez le contexte de cette bataille d’Alger : des bombes qui explosent dans des cafés fréquentés par les jeunes Algérois et qui font des dizaines de morts et des centaines de blessés. Vous oubliez les tueries commises par le FLN, les tortures à l’égard des soldats français ou à l’égard de musulmans travaillant avec les Français. Vous oubliez les dizaines de harkis qui seront massacrés quelques mois plus tard.
Certes, la mémoire est courte. Il convient cependant d’éviter d’accabler unilatéralement les militaires et les policiers français qui ont combattu en Algérie. Lesquels ne faisaient d’ailleurs qu’obéir aux ordres du pouvoir politique.
Voilà qu’on nous fait passer le message suivant, suite aux convulsions actuelles… En attendant le prochain billet de GM…
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Contradictions et ambiguités du jacobinisme à la française dans la police nationale.
On limoge un préfet de police et son directeur de cabinet sous prétexte de leur ignorance de certaines initiatives de leurs collaborateurs, donc de leur défaut de management. Soit.
On met fin aux fonctions d’un directeur des services actifs sous prétexte d’avoir pris une initiative sans en référer. Soit. Notons tout de suite au passage qu’une initiative par définition s’affranchit de la tutelle, sinon ce n’est plus une initiative.
Première question : pourquoi mettre un IG/DISA à la tête d’une direction sans que celui-ci ne puisse prendre des décisions sans avoir à en référer constamment ? S’agit-il d’un directeur ou d’un « transmetteur » ? Si ce dernier n’est là que pour gérer des gamelles et des bidons, un attaché d’administration voire un administrateur civil ferait aussi bien l’affaire.
Ensuite, on décide qu’à compter de ce jour, toute décision avant qu’elle ne puisse être mise en oeuvre devra être avalisée au niveau du ministre. Soit. On en revient à la première question.
Plus symptomatique de l’ambiguité apparaît encore la mesure suivante : dans le même temps que l’on renforce le pouvoir de contrôle a priori en ce qui concerne les échelons directoriaux, on décide de donner plus d’autonomie aux unités sur le terrain. Pour le traduire rapidement en forçant à peine le trait, le commandant d’une CRS aura bientôt plus de pouvoir que le préfet de police, sans parler des brigadiers des BAC qui pourront user (et abuser parfois) de leur nouvelle légitimité d’initiative là même où le directeur de la DSPAP est sommé de faire relire ses notes !
Bienvenue dans le monde des corps-francs du capitaine Conan.
(Ce n’étaient que de simples réflexions à chaud d’un « ancien »… qui nous ont été rapportées et que nous posons sur le blog Policeetc).
Les terroristes francais doivent être jugés en France pour les actes commis à l’étranger. Soit. Mais cette loi entre en conflit avec la souveraineté d’autres nations qui veulent juger des terroristes étrangers capturés sur leur territoire. Personne n’a de réponse à cette contradiction. Les États font ce qu’ils veulent lorsqu’ils le peuvent. La réalité ne coincide pas toujours avec les bons sentiments.
Ben ils doivent être jugés sur place pour les crimes qui relèvent des juridictions locales puis après avoir purgé leurs peines être éventuellement extradés en France pour y être jugés pour les crimes dont ils doivent répondre ici.
Pour être clair:
* en Iraq, la justice est suffisament erratique et corrompue pour que parler sérieusement de jugement est un oxymore
* La Syrie est un cas particulier: à la suite d’atrocités, le régime en place n’est pas reconnu par les Etats Europeens (même si les ba3athistes ont une grande expérience -cf Aloysius Brunner, ex gardien de Drancy, mort à Damas après transfert de know how- en matière de recyclage de terroristes)
Le proto etat (qui a une représentation à Paris) du Nord Est Syrien est limpide: les prisonniers extrêmement dangereux sont traités … suivant les conventions de Genève (et leur prison semble plus confortable que les Baumettes cf Amberin Zaman « Inside the prison holding IS detainees in northeast Syria
Read more: https://www.al-monitor.com/pulse/originals/2019/03/syria-kurdish-region-isis-prison-sdf.html#ixzz5jB5QiHk0
« ).
Les non combattants (femmes, enfants et malades ) sont mis dans des camps de réfugiés (al Hawl a une mortalité de 10 par jour, portant essentiellement sur les enfants (morts de froid/maladie/malnutrition): ils se plaignent du manque de crédits et de l’impossibilité de les encadrer.
Les autorités kurdes sont parfaitement conscientes du fait qu’elles sont débordées (il y a eu un transfert de 50 000 personnes -familles de djihadistes + otages+ (quelques) yazirds/kakays -dont certains convertis à la cause deu Caliphat- de Baghuz vers al Hol, doublant sa population (et les besoins en eau potable et en fuel n’étaient déjà pas couverts en décembre 2019, je ne parle pas des besoins médicaux de base)
La demande claire et sans ambiguité de ce proto état est que tous les étrangers soient rapatriés (en dehors de crimes locaux, difficiles à attribuer nommément à un jihadiste , fautes de victimes -mortes, déplacées ou réfugiées-, ils ne revendiquent aucune compétence).
L’avenir de ce proto état est suffisamment sinistre – l’occuppation éventuelle par la Turquie fera que les jihadistes étrangers seront recyclés: leur connaissance de la langue et des usages de leurs pays d’origine, jointe à une expérience du terrorisme, en feront de bons outils de chantage vis à vis de l’Occident, voire de terrorisme d’etat
« Aussi, quand j’entends un jeune député, à peine sorti de Sciences Po, affirmer d’un ton péremptoire qu’il faut tuer sur place les djihadistes français pour ne pas avoir à les ré-accueillir, j’ai envie de lui coller un flingue entre les mains et de lui dire : Tire ! »
Je parie qu’il tirera…surtout en période préélectorale.
Et si ce sont des enfants de djihaddistes (ils en ont eu beaucoup : Ms Begum, 19 ans, en a eu 3, dont deux sont morts de faim), il est assez doué pour les rater.
Madame Ilham Ahmed est une des chefs (ils ont une parité intégrale, le PYD étant ultra féministe) politiques du PYD (sa branche armée est les SDF/QSD/HDS -en anglais, Arabe et Kurde ) qui servent de chair à canon à la coalition et qui hébergent, dans de mauvaises conditions : il y a déjà plus d’un million de déplacés internes, et le Rojava/Nord Est Syrien est soumis à blocus total de la Turquie, partiel côté iraqien ou Bashur). Elle a déclaré que les enfants de djihadistes, qui sont dans des camps de réfugiés (les Kurdes n’ont rien à reprocher aux mères, sauf s’il est prouvé qu’elles ont fait partie de la police des moeurs, capable d’actes de barbarie) , ne peuvent pas être encadrés (d’un point de vue alimentaire, sanitaire et éducation) et sont pris en charge par leurs mères, qui peuvent être fanatisées (ou le devenir, au vu des conditions abominables: ISIS avait l’habitude de « mariages » forcés).
A terme, les survivants seront des révoltés et Me Ahmed parle de bombe à retardement….
Il est assez curieux de voir les combattant-e-s kurdes ou les -rares- américains (marines : ils ne veulent pas être filmés) pouponner -mais ça ne sert à rien, à terme- lors d’évacuation de femmes, d’enfants et d’éclopés . Ca fait un contraste étonnant avec nos chers politiciens.
A noter que, si le Nord Syrien passe sous influence turque, les djihadistes mâles peuvent être … récupérés (ils sont entraînés; les diverses déclinaisons djihadistes avaient des cloisons poreuses au niveau des hommes de troupe) par la Turquie et ses frères musulmans de l’AKP.
Merci commissaire pour cet excellent article sur un période si trouble de l’histoire de France.
« De tout temps et dans tous les les pays, les services secrets ont ainsi baladé les hommes politiques ! »: n’est-ce pas l’inverse?
A titre personnel, je préfère mille injustices à un désordre…peut-être suis-je par trop radical.
De cette époque n’oublions pas non plus la scandaleuse amnistie des terroristes de l’OAS, les français de métropole n’ont pas oublié les massacres commis par leurs compatriotes dans la lâcheté la plus complète.