LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Europe (Page 1 of 2)

Au 1er juillet, la garde à vue s’aligne sur le droit européen

Lorsqu’il s’agit d’imposer des bouchons soudés aux bouteilles d’eau minérale qui en font rager plus d’un, la France s’exécute sans tarder, mais pour adapter notre droit à celui de l’U-E, elle traîne des pieds. C’est la raison d’être de la loi fourre-tout du 22 avril 2024 qui modifie certaines de nos règles « en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole ».

Une loi qui vient en application d’une directive du Parlement européen remontant à plus de dix ans.

La procédure de garde à vue est concernée par ce texte qui renforce les droits des personnes placées sous main de police, notamment l’impossibilité de débuter une audition hors la présence d’un avocat, et supprime le délai de carence. Alors qu’elle s’applique ce lundi 1er juillet, sa pratique ne sera envisagée que le lendemain, lors d’une réunion, semble-t-il informelle, entre la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), les présidents de juridiction, les forces de l’ordre et le Conseil national des Barreaux.

Il y a une quinzaine de jours, Laureline Peyrefitte, la directrice de la DACG, s’est fendue d’une circulaire qui détaille les modalités de mise en œuvre de cette réforme, tentant, du moins dans sa présentation, de minimiser les effets contraignants de ces nouvelles règles pour les services en charge d’une mission de police judiciaire, c’est-à-dire la police, la gendarmerie et les douanes.

Je ne sais pas si, de son côté, la direction générale de la police nationale a donné les clés de fonctionnement à ses troupes. Il est vrai que ces jours-ci, Place Beauvau, il y d’autres sujets de préoccupation…

Quant au Conseil national des barreaux, sa circulaire date du 26 juin.

Cette réforme renforce le rôle de l’avocat, rend sa présence quasi obligatoire et accorde au gardé à vue un certain droit de communication avec « l’extérieur ».

La fin du délai de carence

Jusqu’alors, si l’avocat de la personne en garde à vue ne s’était pas présenté dans un délai de deux heures, l’OPJ pouvait commencer les auditions sans lui. Ce délai de carence est supprimé. Dorénavant, la règle générale veut que ni les auditions ni les confrontations ne puissent s’effectuer en l’absence de l’avocat. Si l’avocat désigné ne peut être présent dans le délai de deux heures, il appartient à l’OPJ de saisir le bâtonnier pour la désignation d’un commis d’office. Dans l’attente de sa venue, seul un procès-verbal d’identité peut être envisagé. L’avocat, lui, est tenu « de se présenter sans retard indu ». Un retard délibéré pourrait probablement être considéré comme une faute professionnelle ou une combine procédurale. (art. 63-3-1)

Il existe des exceptions, mais elles sont… exceptionnelles :

– La personne gardée à vue renonce expressément à la présence d’un avocat par une mention portée au procès-verbal et signée

– Sur autorisation du procureur de la République, par une décision écrite et motivée « soit pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale, soit pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne » (nouvel art. 63-4-2-1)

Droit d’accès aux procès-verbaux d’audition et de confrontation

L’avocat peut désormais consulter les procès-verbaux d’audition et de confrontation, même s’il n’était pas présent lors de ces actes. Il ne peut pas les photocopier, mais il peut prendre des notes. Malgré les demandes sans cesse réitérées de la profession, les avocats n’ont toujours pas accès à l’ensemble du dossier.

Droit de prévenir toute personne 

À ce jour, le gardé à vue pouvait seulement prévenir un proche parent ou son employeur. Dorénavant, il peut prévenir la personne de son choix quelle que soit sa qualité et communiquer avec elle s’il le souhaite. Il appartient à l’OPJ de déterminer si ce contact avec l’extérieur doit se faire par écrit, par téléphone ou en présentiel. Cet entretien ne peut dépasser trente minutes. L’enquêteur peut décider d’y assister.

Si cet avis à tiers risque d’entraver sérieusement l’enquête, le procureur peut, à la demande de l’OPJ, différer tout contact extérieur.

Alors que les relations se durcissent entre les avocats (de plus en plus procéduriers) et les magistrats (de plus en plus débordés), cette réforme de la garde à vue ne va pas faciliter les choses, car la loi votée en avril 2024 est a minima par rapport à la directive européenne. En l’état, des recours ne sont pas impossibles, d’autant que pour les instances européennes, les procureurs ne sont pas considérés comme des magistrats indépendants, tant en raison de leurs liens hiérarchiques avec le pouvoir politique que dans la mesure où ils sont parties prenantes au procès en tant que représentants de la société.

Réforme de la garde à vue : l’avocat maître des horloges

Réforme de la garde à vue : l’avocat maître des horloges

Les parlementaires ont entamé un sprint de fin d’année pour modifier les articles du code de procédure pénale concernant la garde à vue. Ils renaudent, nos élus, et ils n’ont pas tort : la France a été mise en demeure, il y a deux ans, par la Commission européenne de modifier certaines procédures de la GAV et nous sommes en cette fin d’année à la limite des sanctions financières. Or, rien n’a été envisagé, aucune étude sérieuse n’a été effectuée, en deux mots, on a laissé filer, alors que la directive européenne, dite « directive C », date de 2013 et qu’elle concerne essentiellement le rôle de l’avocat dans les procédures pénales et les droits de la personne privée de liberté.

Alice au pays des merveilles, Disney

Le résultat n’est pas brillant. Alors qu’une directive européenne fixe des objectifs en laissant à chaque État de l’Union le soin de l’adapter au mieux à son droit interne, la France a tergiversé en tentant de faire rentrer le dentifrice dans le tube, avant, en septembre dernier, que Bruxelles ne tape du poing sur la table.

On peut critiquer, se demander « de quoi qu’y se mêle », mais depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, en décembre 2009, en matière de justice et de police au sein de l’Union, comme dans d’autres domaines d’ailleurs, les gouvernements des différents pays ont délégué́ leur pouvoir de décision aux élus européens et aux représentants des 27 États membres, lesquels sont tenus d’ailleurs de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme sans attendre d’être attaqués devant elle ni même d’avoir modifié́ leur législation.

La garde à vue actuelle

Dans la procédure actuellement appliquée en France, deux points ne correspondent pas aux critères européens :

  • Le contact extérieur: le gardé à vue peut informer de sa situation uniquement la personne avec qui il vit habituellement ou l’un de ses parents proches (père, mère, frères et sœurs), ainsi que son employeur (indispensable pour ne pas risquer une rupture du contrat de travail). Il peut le cas échéant communiquer avec ces personnes.
  • L’avocat: Si deux heures après avoir été avisé, l’avocat ne s’est pas présenté, la première audition peut commencer en son absence, même si la personne retenue a expressément demandé sa présence (il conserve toutefois le droit de se taire).
Les modifications demandées

La directive de l’U-E demande la modification de ces deux éléments de notre code de procédure pénale pour harmoniser le droit européen selon les critères acceptés par chacun des États membres. Continue reading

Qui veut la peau d’Interpol ?

L’élection récente du général émirati Ahmed Naser Al-Raisi à la présidence d’Interpol a causé un sacré remous dans les rangs de l’Organisation internationale de Police criminelle (OIPC), ou plutôt un tourbillon qui risque de lui faire boire la tasse. À première vue, on pourrait se dire que l’homme est à sa place, puisqu’il s’agit d’un ancien policier. Mais son ascension jusqu’aux grades les plus élevés ne s’est pas faite sans violence. Il est d’ailleurs présenté par de nombreuses ONG comme l’un des personnages influents les plus autoritaires du Golfe, pour qui les « droits de l’homme » se résument au droit de la fermer. En France, il fait l’objet de plusieurs plaintes, dont l’une, déposée par Me William Bourdon, le tient pour responsable des tortures infligées à Ahmed Mansoor, détenu à l’isolement depuis quatre ans. Celui-ci, poète, blogueur et défenseur des droits de l’homme, aujourd’hui âgé de 52 ans, a été arrêté en 2017 et condamné en 2018 à dix ans de prison pour avoir publié sur les réseaux sociaux des « informations fausses et trompeuses ».

Sur Twitter, Grégory Doucet, le maire de Lyon, où se trouve le siège d’Interpol, s’est offusqué : « Comment un homme suspecté de tortures peut-il prendre la tête de l’organisation mondiale des polices ? » Cette réaction épidermique inquiète, car l’OIPC a un projet d’agrandissement sur la ville pour un budget de plus de 60 millions d’euros, dont une partie doit être financée par nos impôts – avec un bémol (une menace ?) : sur un coin de table, l’option de transférer son siège dans un autre pays. Les Émirats arabes unis ont évidemment ouvert grand leur coffre-fort : le symbole de cette prestigieuse organisation quittant « la patrie » des droits de l’homme pour un  État monarchique qui cherche à se blanchir d’une image ancrée dans le totalitarisme n’a pas de prix.

En soutenant et en facilitant l’élection de Naser Al-Raisi à la présidence d’Interpol, les autorités émiraties ont posé une première pierre. Si ce projet devait se concrétiser, quelle serait la position de l’Europe, alors que le parlement européen vient de prendre une résolution condamnant la situation des droits de l’homme dans ce pays ? Une résolution qui a été rejetée par les Émirats et par l’Observatoire arabe des droits de l’homme, une émanation du Parlement arabe.

On est en pleine guerre des droits de l’homme !

L’OIPC-Interpol, dont l’un des principes fondateurs est basé sur l’interdiction d’intervenir « dans les questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial », risque donc de s’engluer dans une mouscaille politique. D’autant que pour faire tourner cette énorme boutique, il faut beaucoup d’argent. En 2021, le budget de fonctionnement s’élève à 145 millions d’euros qui sont couverts pour 72 millions par les contributions statutaires des 195 pays adhérents, et le solde par les contributions volontaires de ces pays ainsi que les financements privés. On a reproché par exemple à Interpol d’accepter l’argent de fabricants de cigarettes ou de laboratoires pharmaceutiques, cependant, il n’y a pas de conflit d’intérêt : la lutte contre les trafics autour de ces activités est bien de sa compétence. L’Union européenne, le Canada et les États-Unis sont les principales sources de financement volontaire. La France est l’un des principaux donateurs en nature (personnel, locaux, équipements…). Le quart des effectifs d’Interpol est composé de policiers et de gendarmes détachés. Continue reading

Fadettes, pirouettes, cacahouètes…

Le 6 octobre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a tranché : la collecte et la conservation systématiques des métadonnées – toutes ces traces qu’on laisse sur Internet ou via notre smartphone – sont incompatibles avec les traités et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Certains pourraient être tentés de dire qu’on n’en a rien à faire de cette Charte, sauf que, proclamée il y a vingt ans, à Nice, elle est juridiquement contraignante depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, en 2009. En fait, pour ceux qui espèrent une Europe « plus humaine », il s’agit d’une avancée considérable. Et même si la route est longue, cette Charte est sans doute le premier pas vers une souveraineté européenne. Un projet porté pour la France par Emmanuel Macron, qui passe par le renforcement de l’État de droit au sein de l’UE et par l’adhésion de celle-ci à la Convention européenne des droits de l’homme.

Cela pour dire qu’on ne peut pas s’asseoir sur une décision de la CJUE : ce n’est pas un diktat, mais la simple application des traités que les 27 pays de l’Union ont voulus et signés. D’ailleurs, dans l’arrêt concernant les demandes de décision préjudicielle déposées par la France et la Belgique, la Cour s’est astreinte à trouver un compromis entre le souci affiché de renforcer les libertés publiques et les nécessités opérationnelles des services enquêteurs.

Toutefois, c’est un sérieux coup de frein aux méthodes d’investigation adoptées ces dernières années, tant par les services de renseignement que par les services d’enquête. Et cette décision risque fort de faire passer à la trappe le chantier (intellectuellement séduisant, mais combien dangereux) de l’enquête prédictive. Projet basé, pour ce que l’on en sait, sur la captation des données de chacun d’entre nous, afin de les passer à la moulinette de mystérieux algorithmes : on surveille tout le monde et un changement de comportement fait d’un innocent un suspect. Un projet pour lequel des entreprises privées ont déjà investi de gros moyens et qui nous mène tout droit vers une police de la pensée, telle qu’elle est imaginée par George Orwell – une police chérie de tous les césars aux petits pieds.

En deux mots, les services concernés vont donc devoir apprendre à travailler autrement, puisqu’aujourd’hui, la première démarche des enquêteurs consiste le plus souvent à « faire les fadettes » des suspects ou des victimes, s’il y en a, et ensuite à tracer leur Internet.

Pourtant, il ne faut pas faire celui qui tombe du placard. Déjà, en 2016 Continue reading

Les procureurs ont perdu leur ombre

Le Conseil constitutionnel a tranché : les procureurs sont des magistrats indépendants qui dépendent du gouvernement. Pour parvenir à cette conclusion, les Sages ont utilisé un curieux syllogisme qui, non sans ironie, peut se résumer ainsi :

  • – Selon l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, toute société dans laquelle la séparation des pouvoirs n’est pas déterminée « n’a point de Constitution ».
  • – Or, nous avons une Constitution, et celle-ci affirme dans son article 64 que « le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ».
  • – Les procureurs étant nommés par décret du président de la République, il en résulte que « la Constitution consacre l’indépendance des magistrats du parquet ».

En réalité, selon l’ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs supérieurs hiérarchiques et sous le contrôle du garde des sceaux. Autrement dit, les procureurs doivent obéissance à leurs chefs, lesquels sont placés sous l’autorité du ministre de la Justice, lequel est placé sous l’autorité du Premier ministre, lequel est nommé par le président de la République. Cette hiérarchie pyramidale ressemble comme deux gouttes d’eau à celle de tous les fonctionnaires, si ce n’est qu’à l’audience, la parole des procureurs  est libre.

Sur Twitter aussi : Continue reading

L’Europe désarme les « civils »

Lors de son fameux discours devant le congrès, après les attentats du 13 novembre 2015 (vous vous souvenez : « La France est en guerre… »), François Hollande a décidé de donner aux magistrats les « moyens d’enquête les plus sophistiqués, pour lutter contre le trafic d’armes « car ce sont avec les armes du banditisme que les actes terroristes sont commis ».

Proc Epique

Il a également rappelé que la France avait depuis longtemps demandé à l’Europe de prendre des dispositions pour lutter contre le trafic d’armes.

La Commission européenne avait alors réagi au quart de tour. 48 heures après ce discours, elle annonçait une révision de la directive sur l’acquisition et la possession des armes à feu en dressant une palette de mesures qui allaient du bon sens au non-sens. Finalement, lors des débats en commission du commerce intérieur, la présidente avait reconnu que « le texte avait sérieusement besoin d’être retravaillé ». En gros, il devenait quasi impossible pour un particulier de posséder une arme légalement. Un bien mauvais signal, car, historiquement, c’est l’une des premières mesures prises dans les pays où s’installe le totalitarisme.

Trop de précipitation, sans doute. Continue reading

Guerre froide : Farewell est-il mort pour rien ?

L’Ukraine, la Syrie… La guerre froide renaît de ses cendres. Pourtant, depuis la chute du mur de Berlin, on avait bien cru ne jamais revoir ça. Dans ce conflit larvé de près d’un demi-siècle entre les deux grandes puissances, un homme de l’ombre a joué un rôle déterminant. Un rôle qui n’est pas sans rappeler celui d’Edward Snowden.

Il s’agit de Vladimir Ippolitovitch Vetrov, un espion russe plus connu sous le nom de code de Farewell.

Farewell VetrovOn a tout dit et écrit sur lui et son histoire, des livres, des films… Alors laissez-moi vous donner ma version. Elle en vaut une autre.

En 1965, l’URSS installe le personnage dans son ambassade parisienne avec l’étiquette d’attaché « au développement du commerce soviétique avec la France ». Un poste qui lui va comme un gant, puisqu’il est ingénieur électronicien et qu’il parle couramment le français et l’anglais. En fait, c’est un agent du KGB. Continue reading

Pourquoi on a besoin de la Cour européenne des droits de l’homme

Lorsque Manuel Valls fait des déclarations qui vont à l’encontre d’une récente décision de la CEDH sur les enfants nés d’une mère porteuse, on s’interroge ; lorsque Jean-Yves Le Drian récuse l’idée que les militaires et les gendarmes puissent se syndiquer ou lorsque Bernard Cazeneuve soutient le bien-fondé d’une loi antiterroriste qui tripatouille la Convention européenne, on s’inquiète ; mais lorsque David Cameron affirme qu’il veut sortir le Royaume-Uni de la justice européenne, on comprend tout : l’Europe dérange.

La communication anti-européenne a pris son envol. L’Europe, bouc émissaire idéal ! Et, au vu des récentes déclarations de Nicolas Sarkozy et de Marine Le Pen sur l’espace Schengen, il n’est pas exclu qu’elle ne devienne un argument électoral fort lors des Présidentielles de 2017.

La CEDH

Palais des droits de l’homme à Strasbourg (site CEDH)

Or, si l’on peut s’interroger sur le poids de l’Euro ou celui d’une fiscalité disparate dans nos misères de tous les jours, les attaques contre la cour de Strasbourg sont beaucoup moins lisibles. Elle n’est que l’outil qui permet de faire respecter les droits fondamentaux reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme. Elle donne aux Européens la possibilité de faire condamner leur pays si ces droits ont été violés. C’est la seule arme légale pour freiner la tendance actuelle à piétiner les droits de l’homme. C’est un symbole, celui des valeurs partagées par 800 millions de personnes au sein de la grande Europe. Juste l’idée d’une zone de paix et de liberté. Continue reading

La justice européenne cherche à s’imposer

Alors que la coopération européenne bat son plein dans la police, le système judiciaire est à la traîne. Il faut dire que si les États soutiennent haut et fort la lutte transfrontière contre la criminalité et le terrorisme, bien peu sont prêts à abandonner leur souveraineté, notamment en ce qui concerne le déclenchement de l’action publique, autrement dit, l’initiative des poursuites. Raison pour laquelle le traité de Lisbonne, applicable depuis fin 2009, apporte des garanties aux États membres lorsque certaines mesures risquent de mettre en cause leur justice pénale, comme la définition des infractions, le barème des sanctions ou la création d’un parquet européen. Le garde-fou consiste en une clause dite « frein-accélérateur » que les États membres peuvent évoquer pour bloquer une décision ou au contraire demander un renforcement de la coopération.

Eurojust_LogoLe traité de Lisbonne pose le principe d’un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect des droits fondamentaux et des différents systèmes et traditions juridiques de chaque pays de l’Union. Il définit une coopération accrue en matière de justice civile et pénale par le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions – ce qui implique le rapprochement des législations nationales et l’application de règles minimales communes. Continue reading

Le mandat d’arrêt européen : arrestations sans frontière

Après un procès dérangeant qui aurait sans doute inspiré Jean de la Fontaine, Jérôme Kerviel a entamé un bras de fer avec la justice, attendant, sous l’œil bienveillant des médias, que les forces de l’ordre viennent le chercher de l’autre côté de la frontière italienne – mais au sein de l’Europe. Ce fait-divers braque les projecteurs sur l’avancée la plus importante de l’UE en matière de justice et de police : le mandat d’arrêt européen (MAE).

Touriste de bananes de Georges Simenon, illustré par Loustal (Vertige Graphic)

Touriste de bananes de Georges Simenon, illustré par Loustal (Vertige Graphic)

En effet, l’extradition n’existe plus entre les États membres de l’Union. La France a entériné la chose en 2003 en modifiant sa Constitution : « La loi fixe les règles relatives au mandat d’arrêt européen en application des actes pris par les institutions européennes ».

L’extradition a donc été remplacée par un système « basé sur la confiance réciproque » qui consiste à remettre au pays demandeur les personnes condamnées, comme Jérôme Kerviel en France, ou celles qui font simplement l’objet de poursuites pénales. On ne parle donc plus d’une personne extradée mais, en l’absence de synonyme, d’ « une personne dont la remise a été demandée ».

Le vieux principe selon lequel la France n’extrade pas ses nationaux a donc vécu. Il s’est incliné devant la citoyenneté européenne. Continue reading

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