En tirant un trait sur la PJ de province, Gérald Darmanin a cédé aux doléances d’une poignée de godillâtes en mal d’une érection neuronique qui ne vient pas. Car on ne peut imaginer qu’un dirigeant politique de son envergure ait pris la décision de casser un outil qui ne marchait pas si mal uniquement pour avoir sous la main le personnel nécessaire à la sécurité des JO…
Le ministre de l’Intérieur a d’ailleurs reconnu implicitement sa boulette, c’est du moins l’avis de l’Association nationale de police judiciaire (ANPJ), en admettant à demi-mot l’importance d’un travail de fonds pour lutter contre la narco-mafia ou la mocro-mafia, il a même utilisé des termes que je croyais obsolètes en parlant de « la lutte contre le grand banditisme ». Mais en prenant des bouts de phrases ici ou là, on fait dire n’importe quoi à n’importe qui. En fait, la priorité du ministre de l’Intérieur se tient dans l’action présente, celle qui se voit, comme le montrent d’ailleurs les opérations « place nette » de ces derniers jours. Il est pour une police de « voie publique ».
Le 10 avril 2024, au Sénat, devant la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France, il n’a pas dit autre chose : « On ne peut attendre d’avoir toutes les preuves… – C’est sûr que si l’on veut l’enquête absolument parfaite sur tout le réseau, les gens peuvent attendre extrêmement longtemps. – Moi mon travail, chacun son travail, moi mon travail, c’est qu’il n’y ait pas de points de deal. L’excuse de dire qu’il faut absolument des enquêtes parfaites pour ne pas faire de voie publique… c’est justement ça qui fait l’inefficacité publique que le Français moyen voit dans la rue… »
Lors de cette audition, lorsqu’il a été question des enquêtes au long cours, Darmanin a taclé la justice, qu’il considère comme trop rigide, faisant notamment allusion au commissaire divisionnaire Stéphane Lapeyre, ancien n° 2 de l’Office des stups, condamné en décembre dernier à 3 ans de prison avec sursis pour complicité de trafic de drogue dans le cadre d’une livraison de cocaïne surveillée. Le garde des Sceaux est resté coi. Éric Dupond-Moretti s’est-il une seule fois frotté au ministre de l’Intérieur ? S’il a obtenu des moyens supplémentaires pour la justice, on l’entend rarement défendre l’institution, alors qu’il est à la charnière de la séparation des pouvoirs. En fait, quand il parle, on a toujours l’impression qu’il est sur la défensive, comme s’il ne se sentait pas à sa place. Aussi, en l’absence de feuilles de route, désorientés par la disparition des services de police judiciaire provinciaux de la police nationale, les magistrats en charge d’enquêtes criminelles se tournent désormais vers les services de police judiciaire de la gendarmerie nationale, lesquels restent fortement structurés, même si la hiérarchie militaire ne présente pas toujours la souplesse nécessaire aux investigations criminelles. Souvent, l’enquête presse-bouton ne suffit pas, pas plus qu’une escouade de militaires.
Dans l’enquête sur la disparition de Delphine Jubillar, en décembre 2020, aucun service de police n’aurait pu mettre autant d’hommes sur le terrain. La semaine dernière encore, c’est une soixantaine de personnels militaires : actifs, réservistes, équipes cynophiles… qui ont repris des fouilles à proximité de la maison de la jeune femme. Y aurait-il des éléments nouveaux ? se sont demandé les journalistes. Ils ont du mal à obtenir une réponse, d’autant que le parquet général a changé de patron et son successeur, Nicolas Jacquet, a la réputation d’être prudent avec les médias, pour bien les connaître, puisqu’il est le doyen du pôle communication judiciaire de l’école nationale de la magistrature.
D’après La Dépêche, il s’agirait de refermer une porte en procédure après les affabulations d’une voyante qui, en 2022, « avait eu des visions de Delphine Jubillar séquestrée dans le vide sanitaire d’un corps de ferme ». Mais sacrebleu, qui a eu l’idée de recueillir sur procès-verbal les propos d’une illuminée en mal de pub !
Lorsqu’une enquête se fait au grand jour, les témoignages les plus farfelus sont pléthore. Pas facile de faire le tri. Les deux juges en charge du dossier en savent quelque chose, puisqu’ils ont été invités à revoir leur copie par la chambre d’instruction de la cour d’appel, alors qu’ils croyaient leur dossier bouclé. Oups !
Il semble donc que les dés soient jetés, les gendarmes sortent vainqueurs de la guéguerre police judiciaire – gendarmerie judiciaire. D’ailleurs, sur le site du ministère de l’Intérieur, les services de PJ ont disparu. Même le logo créé par le peintre Raymond Moretti est en train de s’effacer. De l’ancienne DCPJ, il ne reste que les services centraux, regroupés au sein d’une direction nationale – et non plus centrale – dont le seul rôle est d’animer la filière judiciaire et qui, de fait, n’a aucun pouvoir sur les policiers de province. Alors que les vieux péjistes quittent en masse une « maison » qui n’existe plus, même le recrutement lui échappe. Comment vont donc travailler les enquêteurs des offices centraux, s’ils ne peuvent s’appuyer sur des collègues implantés au-delà de l’Île-de-France ? En se coupant de la base, la PJ devient élitiste.
Pour l’ANPJ, ce nouvel organigramme favorise la criminalité organisée : « La focalisation de l’action publique sur la petite délinquance pousse à l’absorption des petits groupes criminels par de plus grosses organisations mieux structurées et plus résilientes… »
Alors, l’investigation sur la criminalité organisée va-t-elle rester en rade ? « On n’est pas totalement… dénué d’esprit », a répondu Gérald Darmanin, avec un sourire en coin, devant les sénateurs-enquêteurs. Il a décidé de charger la DGSI des enquêtes proactives sur le narcotrafic, sous le sceau du secret défense, à l’abri du regard inquisiteur des magistrats.
Tout cela est bien compliqué, d’autant que le terme « officier de police judiciaire » ne facilite pas les choses. Il n’est pas toujours aisé de faire la différence entre un service de police judiciaire et une activité de police judiciaire. D’ailleurs, pour ne pas utiliser le mot « police », les douanes ont opté pour le terme officier judiciaire des douanes (OJD) et le fisc pour officier fiscal judiciaire (OFJ). À quand l’OGJ ? Officier de gendarmerie judiciaire, ça sonne bien, non !
Extrait de la vidéo de l’audition de Gérald Darmanin par le Sénat (durée : 1 mn.)
13 réponses à “De Empain à Pétronin : le business des enlèvements”
Retour vers le futur et totalement hors sujet, Commissaire:
https://www.mon-cafe.com/blog/category/le-feuilleton-du-cafe/
😉
Rodikol
Il reste, ce jour, des quantités de zones d’ombre dans l’itw de Benalla au journal Le Monde. Les journalistes n’ont pas fait preuve de beaucoup de curiosité sur l’origine de la vidéo. Faut bien dire qu’ils sont dans leur petit souliers, à ne pas vouloir divulguer la source de leur collègue A. Chemin. Or, c’est dans les mêmes parages que ceux qui ont porté la vidéo à Benalla.
Une affaire qui sent mauvais de tous les côtés (Elysée/presse/police/gendarmerie/syndicat)… Et comme d’habitude, la justice de M. Molins passe pour la nigaude de service, après le fiasco écrit d’avance de la commission d’enquête parlementaire… Un magnifique cas d’école pour les futurs historiens ou politistes de la confusion des pouvoirs sous la 5e République agonisante…
Il y a un aspect qui est souvent ignoré, ce sont les enlèvements d’Etat (le cas le plus connu est l’affaire Ben Barka en France) et la diplomatie des otages (l’Iran a une certaine expertise dans ce domaine, avec un stock de binationaux américains et iraniens en prison).
La Turquie a aussi une expertise certaine : le pasteur Andrew Brunson est depuis assez longtemps en Turquie pour être rentré … dans wikipedia; accusé d’appartenance au mouvement très musulmans Guelen, et au PKK (très athée; Zaman France , lié à Guelen, était féroce vis à vis du PKK…) , il sert à donner le rythme des danses pour animer les relations entre le Trumpoffistan et la Turquie.
Une autre façon de priver des gens de liberté (ce qui est une forme d’enlèvement) est de recourir à …. Interpol:Salih Muslim (ancien chef politique du PYD/Tevagra Civake Demokratik -parti avec une milice structurée, milice + administrant le Nord Syrien: se sont illustrés dans la lutte contre Daesh -soyons charitables, cette lutte n’était pas la tasse de thé turque-; ont une représentation … à Paris, près de Beaubourg), en tournée de conférence en Europe, s’est vu mettre en garde à vue dans sa chambre d’hôtel à Prague, le dernier dimanche de février 2018.
Le lundi suivant, il a été libéré sous les … sourires des juristes. La même tentative d’intimidation a été encore plus brève en Allemagne et la Turquie aurait renoncé à faire le tour d’Europe des tribunaux… Certes, c’est moins sanglant que l’assassinat de 3 militantes kurdes à Paris, rue Lafayette, les 9-10 janvier 2013,ou la strangulation de manifestants désarmés et de policiers s’interposant lors d’une visite d’Etar le 17 mai 2017 à Washington DC.
Mais si la moindre contre partie est accordée à une nouvelle satrapie en échange d’otages para légaux, on ouvre la porte à toutes sortes d’abus… qui n’ont aucune commune mesure avec les extorsions de quelques petits truands.
j’ose me permettre d’espérer que vous nous ferez un point sur l’histoire emberlificotée de Benalla quand le moment sera venu.
« Ceux qui ont travaillé, quelquefois pendant des années, avec Michel NEYRET ont connu un policier intelligent, intègre et rigoureux. Un homme respectueux de ses semblables. Il est aujourd’hui gravement mis en cause mais nous ne le reconnaissons pas dans les accusations infamantes dont les médias se font l’écho.Dans l’attente de connaître ses réponses, il est bien décevant de lire dans un journal comme LE MONDE qu’il est « passé du côté des bandits » et qu’il est « devenu un voyou » (2011)
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D’un vieux flic qui aurait mieux fait de se taire, naguère, et de rester djeune… à la lumière des sympathiques dealers d’Elysée Deschamps.
Et pourquoi pas un petit papier sur ces enlèvements dans le sympathique milieu des dealers qui veulent récupérer une créance sur des associés indélicats ?
Amicalement.
Il serait urgent de faire un point sur le statut de ces agents interlopes, ni gardiens de Sécurité Privée, ni flics du très sérieux SHP, ex embauchés et virés des SO du PS, venus d’on ne sait où, sinon aussi d’une officine de sécurité privée sévissant au Maroc, etc… qui fonctionnent encore comme des barbouzes violentes du bon temps des colonies foccartières, et toujours préposées à certaines basses œuvres de la présidence, en compagnie de « réservistes de la GN » (!) détournés dans le SO du parti du nouveau président… Le tout, avec la couverture passivement complice du MI Collomb, de quelques hauts fonctionnaires détrempés de la maison Poulagate, et de celle du préfet de police. Peu reluisant, tout ça, à vrai dire.
Le tout… sans sacrifier, bien sûr, à la moindre hypothèse d’un complot destiné à abattre un jupitérisme de plus en plus mal éclairé par les marcheurs.
« les enquêteurs de la brigade criminelle ne l’ont pas gérée au mieux, notamment en pratiquant l’ostracisme à l’égard des autres services : le résultat a été un fiasco. Ilan Halimi est mort dans des conditions atroces. »
Peut être un jugement hâtif, et qui demande d’être étayé.
J’adore :
« Le baron Édouard-Jean Empain est mort à 80 ans. Le traumatisme de son enlèvement y est sans doute pour quelque chose, car c’est trop jeune pour mourir, ou pas assez vieux – c’est du moins ce que je me dis ces jours-ci. »
Allons, dites les choses clairement, c’est effectivement jeune pour quelqu’un qui n’a jamais travaillé de sa vie, vécu de la besogne des autres. Pour ceux qui ont une vie normale, 80 ans est une bénédiction, demandez autour de ceux que vous avez croisez dans votre « carrière » Oh grand Seigneur de la Police. Et ça serait son enlèvement et sa séquestration qui l’aurait tuée… Bonne blague.
Faites une statistique des travailleurs algériens en France qui étaient passés entre les mains de l’armée française durant la guerre de libération nationale, vous verrez des hommes dont la captivité a eu un impact sur leur espérance de vie….
En attendant, votre blog est presque toujours à côté de la plaque pour ceux qui ont véritablement connu la rue, le milieu, ou les affaires… Encore un flic qui pense se faire mousser devant la classe moyenne…..
Curieusement, dès l’indépendance acquise, non seulement les « travailleurs algériens » ne se sont pas précipités vers leur nouvelle et protectrice patrie, mais en plus ils ont continué d’affluer en masse en métropole. Ils devaient tout ignorer du politiquement correct.
bon anniversaire Maître des Mots !
ha uiiiiiiiiiiiiiii !
Bon anniversaire !!! Et surtout, continuez à écrire, Entièrement d’accord avec Niko (commentaire ci-dessus).
récit très intéressant, merci, on aimerait juste que votre billet soit plus long pour en apprendre plus
🙂