LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Fiches de lecture (Page 1 of 6)

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Disparition de la petite Maddie : la police portugaise présente ses excuses

Selon la BBC, la police judiciaire portugaise aurait admis avoir mal géré l’enquête sur la disparition de la fillette britannique, en mai 2007, alors qu’elle était en vacances au Portugal. Et elle aurait présenté ses excuses aux parents. Une information qui n’a pas été confirmée, les autorités portugaises se contentant de parler d’un contact avec la famille de la victime afin de faire un point sur l’avancée de l’enquête.

Cette contradiction montre à quel point la tension perdure entre Anglais et Portugais après 16 ans d’une enquête criminelle autour de laquelle, exploitant l’émotion provoquée par la mystérieuse disparition d’une enfant, se sont greffés des enjeux politiques et mercantiles. Certains individus n’hésitant à profiter de la fragilité d’une famille meurtrie, fragilisée, pour se lancer dans un merchandising odieux. Autant de déclarations, de pressions, de contradictions, d’engueulades…, qui n’ont pas facilité les choses. Ce charivari explosif a dynamité l’enquête.

Il y a maintenant 3 ans, le parquet de Brunswick, dans le nord de l’Allemagne, a annoncé détenir des éléments de preuve contre l’un de ses ressortissants. Cet Allemand, Christian Brueckner, âgé de 46 ans, actuellement incarcéré pour des infractions sexuelles, a été dénoncé par un taulard. Cette piste s’annonce comme une dernière chance de connaître la vérité.

Un espoir bien sombre, car, si c’est lui le coupable, Maddie est morte.

La disparition

En cette soirée du 3 mai 2007, Madeleine McCann, dite Maddie, a disparu de sa chambre, dans un luxueux club de vacances situé à Praia da Luz, en Algarve, au Portugal, où elle était supposée dormir.  Elle allait avoir 4 ans.

Ce soir-là, les McCann dînent avec des amis, dans un restaurant situé à proximité. Vers 22 heures, Kate, la mère de Maddie, se lève de table pour s’assurer que ses enfants, laissés seuls, vont bien. Ses deux bébés, des jumeaux, dorment à poings fermés, chacun dans son berceau. La porte de la chambre de sa fille n’est pas fermée, ce qui l’étonne. Elle entre, la fenêtre est ouverte, le volet est levé : Maddie a disparu.

C’est du moins ce qui ressort de sa première audition. Par la suite, elle et son mari ont dû modifier leur déposition pour être raccord entre eux et avec les autres témoignages. En fait, on ne saura jamais ce qui était ouvert ou fermé dans ce meublé de vacances, si ce n’est par un communiqué d’un ancien policier, devenu enquêteur privé, qui a déclaré que l’on n’avait forcé ni le contrevent ni la fenêtre et que la porte-fenêtre était ouverte.

 Les parents un temps soupçonnés
d’homicide involontaire

La gendarmerie ne sera prévenue que 50 minutes plus tard. Dès l’alerte donnée, les recherches s’organisent dans l’environnement immédiat : la petite fille est peut-être sortie pour tenter de retrouver ses parents… Puis les enquêteurs envisagent la possibilité d’un enlèvement : 250 personnes participent aux recherches et 500 appartements sont fouillés. On monte à la hâte une cellule de crise. Le directeur régional de la PJ informe les autorités judiciaires de la possibilité d’un « kidnapping », mais il ne peut agir sans l’aval du parquet et la désignation d’un juge d’instruction. Il faudra six jours pour que la photo de l’enfant paraisse dans la presse. Entre-temps, des policiers britanniques ont débarqué. La pression politique grimpe en flèche. Les offres de récompense se multiplient. En quelques jours, elles atteignent 4 millions d’euros. Les parents sont interrogés pendant 13 heures, puis ils sont mis hors de cause. Plus tard, ils seront mis en examen avant, finalement, faute d’éléments concrets, que le dossier ne soit classé. En l’espace d’une dizaine de jours, ils ont créé un fonds de soutien : les dons affluent. Avec cet argent, ils embauchent un responsable de la com., des enquêteurs privés… Fin mai, ils sont reçus par le pape. Au 50e jour de la disparition, des lâchers de ballons sont organisés dans plusieurs pays d’Europe, des tee-shirts à l’effigie de Maddie sont même vendus lors de ces manifestations de soutien. L’affaire a pris une dimension internationale… et commerciale. Continue reading

« Les anges gardiens du 36 »

Alors que le « gardien de la paix » disparaît peu à peu du vocabulaire, si ce n’est sur la feuille de paie des policiers de base, il n’est pas sûr que le titre de ce livre soit bien adapté à notre époque. Les anges, en l’occurrence, sont les policiers de la BRI. Mais on peut aussi se dire que ce sont les gardiens du 36 quai des Orfèvres, puisque c’est le seul service de PJ qui soit resté dans l’Île de la Cité, peut-être grâce à l’action de son ancien chef, le commissaire Christophe Molmy. Les autres ont rejoint le New-36, le Bastion, quasi accolé au nouveau Palais de Justice.

Ce livre n’est donc pas un recueil nostalgique de souvenirs de la PJ parisienne, comme il y en a beaucoup, mais un ouvrage qui nous fait vivre en live des interventions de la BRI. Un service créé en 1966 par le commissaire François Le Mouël, essentiellement pour neutraliser des équipes de braqueurs en flag ou, plus tard, en « opération retour ». D’où le nom d’« antigang ». Puis, au lendemain de la prise d’otages meurtrière au cours des JO de Munich, en 1972, une question s’est posée : en France, dans une situation analogue, quel service de police pourrait intervenir ?

Après un tour de table, la réponse est tranchée : la BRI. Et, pour détourner sa compétence territoriale limitée à la zone PP, il est décidé de créer une brigade anti-commando, en fait, un service fantôme regroupant, en cas d’alerte, la BRI et des policiers volontaires qui, le temps de la mission, seront détachés de leurs obligations habituelles. La BRI-BAC n’agit plus alors comme un service de PJ, mais, en droit, dans le cadre d’une mission de police administrative. Elle peut donc intervenir sur n’importe quel coin du territoire. C’était malin. Plus tard, la création du GIGN, puis du RAID a changé le paysage des services d’intervention. Et la lutte contre le terrorisme islamiste a bousculé tous les services de police.

Aujourd’hui les effectifs de la BRI ont considérablement gonflé et, lorsqu’elle intervient dans une affaire de terrorisme, on parle de BRI-CT, pour contre-terrorisme.

Jacques Capela, dessin de Jean-Charles Sanchez, extrait du livre « Les anges gardiens du 36 », Mareuil Editions

L’auteur, Jérémy Milgram (16 ans de BRI) nous entraîne dans les opérations à hauts risques auxquelles il a participé. Il les raconte à la première personne, en évitant habilement de tirer la couverture à lui. Ce qui est sympa. La typographie du livre est originale et les dessins de Jean-Charles Sanchez (autre policier) sont vraiment chouettes. Il a du talent, le monsieur ! Son portrait en pied de l’inspecteur divisionnaire Jacques Capela, chef de groupe à la brigade criminelle, tué lors de la prise d’otages à l’ambassade d’Irak à Paris, en juillet 1978, est saisissant de réalisme.

Olivier Marchal les a côtoyés, ces « opérateurs » de la BRI. Il préface le livre : « Milgram et sa bande de chiens fous vaccinés à la bravoure et à l’adrénaline Continue reading

Yves Jobic : une vie d’aventure en PJ

« C’est pour la PJ que j’ai passé le concours de commissaire de police », me dit Yves Jobic, qui vient de publier ses mémoires : Les secrets de l’antigang, flics, indics et coups tordus, Plon, 2022, écrit en collaboration avec Frédéric Ploquin.

Yves Jobic, octobre 2022

Après des études de droit à Bordeaux, à l’âge de 25 ans, il termine major de sa promo, la 33e ; tous les postes lui sont donc ouverts. Il aurait pu rester près de chez lui, mais sans hésiter, il choisit Paris, peut-être pour être « au centre des choses », comme disait Camus. En tout cas, s’il cherchait une vie d’aventure, il a été servi. Il a même connu la prison : cellule C 415, à Bois-d’Arcy.

C’était le 22 juin 1988 : neuf mètres carrés, un lit métallique, une petite table, un WC, un lavabo, une fenêtre ovale en partie occultée par des lames d’acier horizontales et des murs couleur de rien bardés d’inscriptions. « L’une d’elles me fait sourire : Mieux vaut mitard que jamais ! » C’est le QI (?), le quartier d’isolement, au quatrième et dernier étage de cette prison récente où séjournent les habituels clients du commissaire en attente de jugement. Derrière les murs, la rumeur s’est vite répandue… Au petit matin, Jobic est réveillé par des cris : « Fils de pute ! Pédé de flic ! – Bravo Hayat, envoie tous les flics au trou ! ». Jean-Michel Hayat, c’est le juge d’instruction qui a placé Jobic en détention – contre l’avis du ministère public – pour proxénétisme et corruption. « Tu te rends compte, me dit-il, dans la perquise, chez moi, comme il n’a rien trouvé, il a saisi un « Que sais-je ! » sur le proxénétisme… » Son histoire est méandreuse à souhait. Elle fleure le règlement de comptes dans le quart monde du business du sexe, et notamment de la rue de Budapest, dans le 9e – Buda pour les initiés. Un coupe-gorge qui s’ouvre par une arche sur la rue Saint-Lazare, en face de l’immeuble où Charlie Bauer, le complice de Jacques Mesrine, avait trouvé refuge. Là où les filles de joie (la joie des clients s’entend) sont sous la coupe machiste du banditisme de ces années-là : si t’as pas de filles au tapin, t’es rien ! Buda, c’est un peu la Cour des Miracles, on y trouve de tout : des putes, des julots, des voleurs, des michetons, des dealers, des camés…, et les braves gens qui viennent pour le folklore ou pour acheter le dernier Leica « tombé du camion ». Et sous le vernis, on y trouve aussi des indics : c’est le terrain de chasse du commissaire.

Yves Jobic est accusé d’avoir touché de l’argent des prostituées, de leurs protecteurs, des tenanciers d’hôtel, ou de je ne sais trop qui, et d’avoir planqué cet argent sale en Algérie. Je simplifie. Le jour du procès approche. Continue reading

Dans la peau de Mesrine

Jacques Mesrine, « L’ennemi public n° 1 » pour les Français, « Mister Jacky », pour les Québécois, est mort criblé de balles le 2 novembre 1979. Il avait 42 ans. Sa traque finale s’est étalée sur plusieurs mois, mais durant des années, chez nous comme au Canada, il n’a eu de cesse de faire parler de lui, pavoisant dans les médias, dénonçant un système pénitentiaire déshumanisé, fustigeant le pouvoir politique, menaçant les journalistes, les magistrats, et sans cesse provoquant les flics. Il devait mourir, il le savait, mais il rêvait d’un face-à-face, l’arme à la main, les bottes aux pieds et le soleil dans les yeux. Comme dans un western. Il est parti sans éclat, saucissonné sur le siège de sa BMW, sans avoir eu le temps de glisser la main dans sa sacoche, à ses pieds, dans laquelle se trouvaient son nouveau hochet, un Browning GP 35, et deux vieilles grenades quadrillées qui ne le quittaient jamais. Ce jour-là, sa légende est née.

C’était un vendredi, il était 15 h 15. Porte de Clignancourt, l’embouteillage a été colossal.

Moi, j’ai suivi l’opération depuis le PC de l’Office central pour la répression du banditisme. Lorsque Mesrine est sorti de sa planque, rue Belliard, le trafic radio s’est intensifié. Puis, tout est allé très vite. Sous les crachotements, j’ai cru entendre une voix qui disait « Oh putain, ça flingue ! » Ensuite un long silence, plus fort que tout : ce moment qui succède à la tension d’une intervention à haut risque.

Comme beaucoup de flics, je me suis senti frustré par cette fin brutale. Cet événement marquait la fin d’une épopée criminelle hors du commun et, d’une certaine manière, l’épilogue aux années folles de la PJ.

Chacun d’entre nous rêvait de passer les pinces au « Grand » et d’un face-à-face, le temps d’une garde à vue – sans avocat, à l’époque. Dans son livre de souvenirs (De l’antigang à la criminelle, Plon, 2000), le commissaire Marcel Leclerc (c’était loin d’être un affreux gauchiste) disait de lui : « La première impression qui se dégage du personnage, c’est la sensation intense d’une présence. Il est là. Il capte le regard, d’abord par son apparence physique athlétique, ensuite par la force de sa personnalité, mélange de gouaille, de séduction et de brutalité. »

Oui, qu’on le veuille ou non, Mesrine était un truand hors norme, non pas en raison de son parcours criminel, mais en raison de sa personnalité – à facettes multiples. Il a passé sa vie à la jouer. Comme un comédien sur les planches. Il nous avait dit « Attrape-moi, si tu peux ! » Jeu de piste, jeu de rôle…, le jeu a tourné court. Continue reading

Plume de poulets n° 3

Lorsque la marmite surchauffe, pour évacuer la pression, certains policiers se répandent sur les réseaux sociaux. Ils se font peut-être du bien, mais souvent hélas ! leurs propos tirent vers le bas. Pas de quoi faire rêver !

D’autres, et ils sont finalement assez nombreux, se lancent dans l’écriture : documents, essais, romans, scénarios…

Voici donc quelques-uns de ces auteurs.

Philippe Deparis (c’est un pseudo) est un ancien de la BRI – de Paris. Je dis ancien, car j’ai cru comprendre qu’il avait récemment changé de service. Je ne sais pas si c’est en raison de l’ambiance morose qui semble avoir gagné cette unité d’élite… Le départ rock and roll de son chef, Christophe Molmy (qui écrit lui aussi des romans), remplacé récemment par un proche de Gérald Darmanin, peut d’ailleurs apparaître comme une volonté politique d’un remaniement. Mais, qu’on se le dise, pour toucher à la BRI, il faudra d’abord envoyer valdinguer la casquette de Didier Lallement !

Pour ceux qui envisageraient de rejoindre ce service phare, l’auteur nous dévoile son entraînement au « quotidien » : « Tir tactique, manœuvres de cordes, descente en hélicoptère, tactique (bâtiment, milieu ouvert, structures dites tubulaires – bus, train, bateau). Et pour assurer la mission de police judiciaire : « Interpellation de piéton, serrage de véhicule, balisage, filoches, etc. ».

Le héros du livre, Sébastien, est le chef du groupe 80. À ses côtés, il y a le négociateur, le varappeur, le sniper, le fricfraqueur et le tacticien ; autrement dit une équipe d’intervention au complet. Dès le chapitre 2, le ton est donné : il s’agit de neutraliser un forcené retranché au 10e étage d’une tour du Val-de-Marne. Au pied de l’immeuble, ils attendent « l’heure légale », six heures du matin. Dans l’escalier, à la queue leu leu, les policiers, en « chenille », montent leurs 25 kilos de matériel et une fois sur le palier, comme tous les policiers du monde, je suppose qu’ils doivent vaincre le syndrome de la poudrière : Qu’est-ce qui nous attend derrière cette putain de porte !?  La réponse est instantanée : le claquement de la culasse d’un fusil à pompe leur laisse juste le temps d’esquiver les projectiles qui explosent le bois et vont s’écraser sur le mur. Fusillade, grenade, pistolet électrique, rien n’y fait. Finalement, c’est le chien, HK, qui neutralisera l’individu, les crocs refermés sur son avant-bras, le regard fixe, les yeux dans ses yeux.

Au passage, j’ai appris que certaines armes étaient munies d’une lampe disposant d’une fonction stroboscope « qui produit une alternance de phases lumineuses très rapides », comme dans une boîte de nuit. Du coup, j’ai pensé avec nostalgie à la touche de vernis à ongles taguée sur le guidon, à l’extrémité du canon de mon 2 pouces, le petit revolver qui m’a longtemps accompagné… Comme dit Sarkozy devant ses juges, « les temps changent ».

BRI, les formes de l’ombre, de Philippe Deparis, est un livre d’action, une action que l’on vit de l’intérieur en suivant un groupe de policiers qui enquêtent, agissent et interviennent, dans l’anonymat. (Éditions Mareuil, 2021, 18 €)

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James Holin (c’est aussi un pseudo) est responsable d’une section de police judiciaire en région parisienne. Ce livre n’est pas son coup d’essai, on lui doit plusieurs nouvelles et plusieurs romans, dont son tout premier aux éditions AO, dirigées par Jean-Luc Tafforeau, l’amoureux des belles-lettres. « C’est une fiction complète », m’a affirmé l’auteur, mais bien sûr on sent dans le déroulé de l’enquête la patte du pro. Un truc que l’on ne trouve que dans les polars écrits par des policiers ou des gendarmes. Il ne serait pas correct de « divulgâcher » l’histoire, comme disent les Québécois. Cela se passe dans l’Oise. Le commissaire Camerone est en route pour la préfecture. Une réunion, une de plus, un vendredi soir, à quelques jours des fêtes de Noël. La corvée dont il se serait bien passé. Continue reading

Le masque et la plume

2020 s’achève. Rien à regretter. Et, même s’il y a quelques mois, on a pu voir des libraires afficher « la vente de livres est interdite », le bouquin reste notre plus fidèle compagnon, toujours prêt à nous aider à « faire le mur ». Des murs de plus en plus hauts, de plus en plus gris. C’est aussi le cadeau de dernière minute. Le plaisir de partager avec un proche le livre que l’on a aimé va bien au-delà de l’objet-papier, c’est un peu une communion de pensées : à défaut de se prendre la main, on se touche les idées.

Aussi, dans l’esprit de ce blog, je me permets quelques suggestions piochées dans mes lectures de l’année écoulée.

Si vous cherchez un livre sur la police, la gendarmerie, les affaires criminelles, le banditisme, etc., les éditions Mareuil sont incontournables, avec un nombre impressionnant de publications sur le sujet : GIGN, RAID, BRI, Brigade criminelle, PJ de Marseille…

Histoire du RAID est un beau livre cartonné, illustré de nombreuses photos inédites, dont le récit est centré sur l’intervention de police à haut risque. Pierre Joxe, qui l’a préfacé, revendique la paternité du RAID. S’il est vrai qu’il a eu le mérite de le mettre en œuvre, contre l’avis de certains hauts cadres de la police, l’idée en revient à Robert Broussard et à Ange Mancini. C’est en Corse, alors qu’ils sont en charge de lutter contre le terrorisme, que tous deux méditent sur la conception d’un service de police équivalent au GIGN, ou plutôt concurrent. Il faut dire que sur l’Île, l’action underground du capitaine de gendarmerie Paul Barril, alors en charge de l’aspect opérationnel de la cellule élyséenne, leur donne des boutons. Le préfet Broussard devra cependant attendre une opportunité politique pour faire passer son projet. Attendre, un truc qu’il a appris à l’antigang. En 1984, Pierre Joxe est nommé à l’Intérieur par le nouveau premier ministre Laurent Fabius. La réforme est dans l’air, sauf qu’avec lui, ce n’est pas du vent. Il donne son feu vert : le 23 octobre 1985, l’unité de recherche, assistance, intervention et dissuasion (RAID) est officiellement créée. Ange Mancini en devient le premier patron. Dans un récit aéré, les auteurs nous entraînent au cœur de ce service d’exception.

Histoire du RAID illustrée de Charles Diaz et Ange Mancini

 

Jean-Marc Simon, historien et romancier, est l’auteur de plusieurs livres sur l’ennemi public des années 1970, dont un ouvrage de référence paru en 2015. Dans Mesrine, les sept cercles de la mort, il décortique la vie de Jacques Mesrine tout en se livrant à une analyse sociétale et, in fine, il s’interroge : Mesrine était-il à un tournant de son action criminelle ? Allait-il basculer dans le terrorisme ? Continue reading

Confidences de flics à l’ancienne ou l’histoire du 127

Ces derniers temps, le journaliste Frédéric Ploquin a amicalement infiltré les réunions (arrosées) d’anciens de la PJ pour mieux recueillir les souvenirs, les confidences, voire les aveux, de ceux qui ont mené la vie dure aux beaux mecs du siècle dernier. Ces offices spécialisés de la police judiciaire (banditisme, stupéfiants, proxénétisme…), rattachés à la sûreté nationale, avant que la police ne devienne « nationale », étaient installés au 127 rue du Faubourg-Saint Honoré, à deux pas de la Place Beauvau. Des locaux qui abritaient une banque, réquisitionnés par l’État à la Libération. À la différence de leurs collègues du 36 quai des Orfèvres, les policiers de ces services disposaient d’une grande autonomie et fonctionnaient un peu comme des commandos, efficaces, mais peu soucieux de mordre la ligne. C’était avant que la police ne se militarise, avant que tout le monde ne soit coulé dans un même moule.

Frédéric Ploquin en a tiré un livre, C’était la PJ, aux éditions Fayard, sorti ces jours-ci.


Claude Bardon, l’un des derniers « survivants » de l’époque de l’après-guerre d’Algérie a quitté les paras pour la police. À la création de la BCDRC, que personne n’appelait le bureau central de documentation et de recherche criminelle (trop administratif), et qui plus tard deviendra l’Office du banditisme (OCRB), il pénètre le milieu parisien en se glissant dans la peau d’un « bordelier » qui « place des gonzesses ». Rapidement, les tuyaux affluent.

 « L’adrénaline nous motivait, se souvient-il. Je n’avais rien d’un justicier ni d’un donneur de leçons, j’y allais pour le fun. » Et en fait, en deux mots, tout est résumé : ces flics à l’ancienne bossaient pour leur plaisir. Comme m’avait dit un jour un directeur : « Vous devriez payer pour faire ce métier-là ! »

Une drôle d’époque où, dans un commissariat, un soir de raout, on pouvait décider de brûler toutes les commissions rogatoires en retard ou de mettre discrètement le feu à un bidonville…

De quoi faire rêver certains policiers en activité ! Je parle du raout, évidemment.

Et les résultats sont au rendez-vous, pratiquement cent pour cent de réussites. « On était des prédateurs, des voyous, se souvient Bardon. On ramenait de la « viande » en permanence. Les cages étaient toujours pleines. On faisait peur, au point que certains gars se décomposaient en demandant ce qu’on voulait savoir. On était heureux quand on faisait une belle affaire. On était simples et frustes. »

Quoi, un avocat ! Continue reading

Un livre qui nous rappelle le temps où l’on tuait les terroristes

En refermant le livre de Georges Salinas, Le Chat d’Oran, qui nous entraîne dans la lutte contre le terrorisme au début des années 1960, je me suis interrogé : peut-on comparer le terrorisme lié au conflit algérien à la période actuelle ? La réponse est évidemment négative, mais cette expérience désastreuse, qui a mené la France au bord de la guerre civile, devrait au moins nous inciter à ne pas commettre les mêmes erreurs.

Georges Salinas, Librairie Fontaine Haussmann, le 21 février 2019

Antoine Delarocha, le héros, est flic au CRA d’Oran (Centre de renseignement et d’action). Et il tente de faire son boulot de flic, dans des conditions qu’aucun policier aujourd’hui n’oserait envisager. Au début du roman, Delarocha planque sur un ancien militaire qui a rallié le FLN. « Désormais fellagha en cavale, Ahmed Benjelloul était un ancien béret rouge : il avait servi pendant dix ans dans l’armée française, chez les parachutistes », dit-il, alors qu’il s’apprête à lui mettre la main au collet. Mais, évidemment, rien ne se passe comme prévu. Ce face à face de deux hommes, l’indépendantiste et le pied-noir, chacun enfermé dans ses certitudes, c’est le fil de l’histoire.

Salinas n’a pas connu cette époque, il était à peine né, il se fie donc aux souvenirs de son père (Le Chat d’Oran, c’est un peu lui) pour recréer l’ambiance de police de ces années noires. Il nous fait vivre les enquêtes et les filatures à l’ancienne : peu de personnels, peu de moyens et surtout pas de smartphone pour demander des instructions. Tout au mieux des radios portables de la taille d’une bouteille d’eau 2XL. Une fois sur le terrain, c’est l’initiative personnelle qui joue, et aussi l’expérience, et parfois le talent. Mais l’expérience, c’est aussi d’avoir au fond d’une poche le jeton de téléphone qui permettra d’établir une liaison avec son service. L’ancien monde, quoi !

C’était il y a maintenant plus d’un demi-siècle. La France, des deux côtés de la Méditerranée, comptait chaque jour ses morts, alors que l’on nous parlait de « pacification » et de « maintien de l’ordre ». Le mot « guerre », rabâché aujourd’hui, étant alors tabou.

Le plus souvent, les images de cette époque qui nous reviennent en mémoire sont celles de militaires bardés de décorations haranguant les foules du haut de leur balcon Continue reading

Lorsque le droit sert le criminel

C’était un mercredi, il y a une quarantaine d’années. En fin d’après-midi, trois individus armés font irruption au Crédit Agricole de Villefort, en Lozère, et s’emparent d’une somme d’environ 50 000 francs avant de prendre la fuite à bord d’un véhicule volé le matin même, une DS Citroën de couleur vert foncé. Dans leur fuite, sur une petite route de campagne, ils croisent une estafette de gendarmerie. À bord, deux jeunes gendarmes qui terminent une patrouille de routine. Les deux véhiculent se frôlent. Les gendarmes continuent leur route. Mais un peu plus loin, un homme leur signale que ce véhicule a percuté le sien, sans même s’arrêter. Il leur donne le numéro minéralogique. Les gendarmes cherchent un point haut dans la campagne, tant pour obtenir une meilleure liaison radio, afin d’identifier le véhicule, que pour surveiller les alentours. C’est alors que la DS surgit et stoppe, pare-chocs collé à l’estafette. Deux hommes à bord. Au volant Pierre Conty. Les choses vont très vite. Il descend, un pistolet-mitrailleur à la hanche : la première rafale atteint le gendarme Dany Luczak. Six balles lui déchirent le ventre. Pendant ce temps, le passager, Stéphane Viaux-Péccat, passe le buste par la vitre ouverte et tire à l’aide d’un fusil à canon scié. Le second gendarme, Henri Klinz se dissimule comme il peut. Mais Conty a contourné l’estafette et lui arrive dans le dos. Il appuie sur la détente et, miracle ! la septième balle explose dans la chambre. Henri Klinz ne l’apprendra que plus tard, à l’issue de l’expertise de l’arme. Pour l’heure, il lève les mains haut vers le ciel. « Le pistolet-mitrailleur toujours à la hanche, il me braquait. », raconte le survivant, dans son livre-enquête, Mon témoignage sur l’affaire Pierre Conty, le tueur fou de l’Ardèche (Éditions Mareuil, 2017). Tout en s’éloignant, Conty ordonne à son complice de le « descendre ». Celui-ci fait alors un choix inattendu : « Casse-toi », lui murmure-t-il en lui désignant le ravin tout proche. « J’ai sauté dans le bas-côté, raconte Henri Klinz, glissant sur une dizaine de mètres entre les châtaigniers où je me suis couché. » Puis Viaux-Péccat a tiré dans sa direction, mais beaucoup trop haut, sans risque de l’atteindre.

Dans la fuite des malfaiteurs, deux autres personnes seront abattues par Conty. Froidement. Sans raison. Continue reading

Polar au Bastion

Le déménagement est en cours. Peu à peu, les services de la PJ parisienne vont rejoindre les locaux tout neufs du quartier des Batignolles. Tous grades confondus, bien des policiers y vont à reculons, même si les patrons doivent faire bonne figure. À terme, ce sont plus de 1500 fonctionnaires qui vont se retrouver sur ce site. Il s’agit, d’après l’administration, de maintenir une proximité entre les services de police judiciaire et ceux de la justice – du moins lorsque le futur tribunal de grande instance sera terminé. L’année prochaine. Si tout va bien. Cette raison avancée paraît un peu paradoxale, alors que les moyens de communication actuels permettent mieux que jamais de compenser l’éloignement et que le télétravail commence à gagner certaines administrations, même l’Intérieur…

Il faut surtout y voir, me semble-t-il, une volonté de concentration qui va au-delà d’un simple souci d’efficacité… Et pourtant, on ne peut pas dire que le transfert à Nanterre des services actifs de la DCPJ, tout comme le blockhaus de la DGSI, à Levallois, soient des réussites !

Mais la police, plus que jamais, est devenue une police d’État, qui s’éloigne de la population, et chacun sait que la préfecture de police de Paris, est un État dans l’État. Il est où le temps où certains élus socialistes (pas de nom, on ne tire pas sur une ambulance) voulaient mettre à bas la citadelle !

La PJ parisienne va-t-elle retrouver son âme après ce déménagement ? Peut-être, dans quelques années, ou plutôt quelques décennies. Continue reading

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