Alors que le « gardien de la paix » disparaît peu à peu du vocabulaire, si ce n’est sur la feuille de paie des policiers de base, il n’est pas sûr que le titre de ce livre soit bien adapté à notre époque. Les anges, en l’occurrence, sont les policiers de la BRI. Mais on peut aussi se dire que ce sont les gardiens du 36 quai des Orfèvres, puisque c’est le seul service de PJ qui soit resté dans l’Île de la Cité, peut-être grâce à l’action de son ancien chef, le commissaire Christophe Molmy. Les autres ont rejoint le New-36, le Bastion, quasi accolé au nouveau Palais de Justice.
Ce livre n’est donc pas un recueil nostalgique de souvenirs de la PJ parisienne, comme il y en a beaucoup, mais un ouvrage qui nous fait vivre en live des interventions de la BRI. Un service créé en 1966 par le commissaire François Le Mouël, essentiellement pour neutraliser des équipes de braqueurs en flag ou, plus tard, en « opération retour ». D’où le nom d’« antigang ». Puis, au lendemain de la prise d’otages meurtrière au cours des JO de Munich, en 1972, une question s’est posée : en France, dans une situation analogue, quel service de police pourrait intervenir ?
Après un tour de table, la réponse est tranchée : la BRI. Et, pour détourner sa compétence territoriale limitée à la zone PP, il est décidé de créer une brigade anti-commando, en fait, un service fantôme regroupant, en cas d’alerte, la BRI et des policiers volontaires qui, le temps de la mission, seront détachés de leurs obligations habituelles. La BRI-BAC n’agit plus alors comme un service de PJ, mais, en droit, dans le cadre d’une mission de police administrative. Elle peut donc intervenir sur n’importe quel coin du territoire. C’était malin. Plus tard, la création du GIGN, puis du RAID a changé le paysage des services d’intervention. Et la lutte contre le terrorisme islamiste a bousculé tous les services de police.
Aujourd’hui les effectifs de la BRI ont considérablement gonflé et, lorsqu’elle intervient dans une affaire de terrorisme, on parle de BRI-CT, pour contre-terrorisme.
L’auteur, Jérémy Milgram (16 ans de BRI) nous entraîne dans les opérations à hauts risques auxquelles il a participé. Il les raconte à la première personne, en évitant habilement de tirer la couverture à lui. Ce qui est sympa. La typographie du livre est originale et les dessins de Jean-Charles Sanchez (autre policier) sont vraiment chouettes. Il a du talent, le monsieur ! Son portrait en pied de l’inspecteur divisionnaire Jacques Capela, chef de groupe à la brigade criminelle, tué lors de la prise d’otages à l’ambassade d’Irak à Paris, en juillet 1978, est saisissant de réalisme.
Olivier Marchal les a côtoyés, ces « opérateurs » de la BRI. Il préface le livre : « Milgram et sa bande de chiens fous vaccinés à la bravoure et à l’adrénaline. Je les ai rencontrés sur un de mes films. Je les ai connus avant et après le Bataclan […] Je les aime. Je sais ce qu’ils valent. Je leur souhaite longue vie. Et je les remercie d’exister… »
L’auteur nous raconte neuf interventions qui l’ont marqué, et même si en préambule il nous dit qu’il s’agit de fictions, on sent derrière la prudence éditoriale la réalité des faits. Celle qui m’a le plus marqué est l’histoire de papy qui prend en otage l’huissier venu pour lui saisir son matériel informatique. « Ledit matériel étant le dernier lien entre cet homme sans famille et physiquement très diminué avec le reste du monde. » Les policiers sentent bien que l’affaire est inhabituelle. Le preneur d’otage a laissé son téléphone à l’huissier de justice. Celui-ci, apeuré, s’est réfugié dans une pièce d’où il communique avec eux. « Si la vie de l’otage reste notre priorité, la situation particulière de son ravisseur suscite l’empathie des opérateurs et nous amène à tout faire pour préserver son intégrité physique. »
Feu vert. La porte explose et… une partie du plafond tombe sur la tête du premier binôme. Le second prend le relai et se place entre la victime et le preneur d’otages, protégés par leur bouclier balistique. Ce dernier tient un fusil de calibre 12. Il a l’air déterminé. « Malgré son grand âge et sa maladie, il dégage une impression de force… Soudain, il pivote et pointe son arme en direction des opérateurs qui ne sont pas protégés. » Deux tirs, l’homme s’écroule : son fusil n’était pas chargé. Les policiers sont consternés, ils ont aidé un homme à se donner la mort : un « suicide by cops ».
Ce livre Les anges gardiens du 36 est publié chez Mareuil Éditions (cliquez pour la vidéo de présentation). C’est vraiment un bel ouvrage qui trouvera sa place dans votre bibliothèque ou que vous aurez plaisir à offrir à un proche. Il vient de paraître.
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