LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

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Ma petite histoire du canal de Suez

Le président Hollande a été l’invité d’honneur de l’inauguration de la seconde voie du canal de Suez. Et, tandis que les Rafale vrombissaient, il a rappelé que ce canal était le symbole du lien historique entre l’Égypte et la France.

Canal Suez 2Et moi, ça m’a rappelé des souvenirs. Dans les années 60, je naviguais sur un rafiot d’une compagnie pirate dont le port d’attache était Djibouti. Mon premier métier. C’est ainsi que j’ai traversé le canal de Suez à plusieurs reprises. Après de longs jours à ne voir que du bleu, se retrouver entre deux bandes de terre, ça avait quelque chose d’irréel. Tous ces bateaux qui semblaient naviguer dans le désert, c’était magique. Lorsqu’on se présentait à l’entrée pour embarquer le pilote, le contrôleur estimait le prix du passage – fort cher – en fonction de critères qui m’ont toujours échappé. Mais le tonnage devait en faire partie, car il regardait attentivement les lignes de jauge sur la coque. Je me suis toujours demandé s’il ne trouvait pas bizarre que le pétrolier penche autant, le bord le plus haut de son côté, bien sûr. Bon, c’est une anecdote, même pas une goutte d’eau dans le canal de Suez dont l’histoire a failli nous entraîner dans une 3ème guerre mondiale. Continue reading

Projet ReLIRE : Hold-up sur les écrivains

L’autre jour, je reçois un courriel d’un ami qui est en train de créer sa maison d’édition numérique. Il m’annonce que mes livres étant dans le domaine public, il aimerait bien en inscrire un ou deux dans son portefeuille d’auteurs. Je sursaute. Dans le domaine public, mes livres ! En France, la propriété intellectuelle s’étend durant 70 ans après la mort de l’auteur. Ce qui me laisse un peu de temps… En poursuivant la lecture et en cliquant sur le lien qu’il m’indique (ici), je comprends mieux : dix de mes romans (et un ouvrage collectif) sont offerts aux enchères – ou presque. Ils font partie de la première liste de titres sélectionnés par un « conseil scientifique » parmi les livres du siècle dernier.

Ce que c’est de vieillir !

60 000 livres à l’encan – C’est ainsi que je découvre que le 21 mars 2013, le site ReLIRE de la Bibliothèque nationale de France (BNF) a publié une liste de 60 000 livres parus avant 2001 qui ne sont plus commercialisés. Ces livres sont offerts à qui veut les éditer sous forme électronique. Non pas pour être mis gratuitement à la disposition des lecteurs, mais pour être vendus. C’est l’aboutissement d’un accord secret ourdi en février 2011, qui a abouti à la loi du 1er mars 2012 sur « l’exploitation numérique des livres indisponibles du XX° siècle ». Quant au décret d’application, il date du 1er mars 2013. (Le joli mois de mars est le mois du salon du Livre.) En tout cas, un bel exemple de la continuité de l’État, puisque deux ministres de la Culture différents ont paraphé ces textes : Frédéric Mitterrand et Aurélie Filippetti.

Comme les ministres aiment bien donner leur nom à certaines lois, pour sourire, on pourrait dire qu’il s’agit de la loi Mi-Fi. Mais je ne suis pas sûr que les écrivains aient envie de sourire. Car, d’une certaine manière, quasiment en douce, on vient de les spolier de leur droit d’auteur.

Un procédé qui manque d’élégance – Le projet ReLIRE consiste à numériser d’office, et plus ou moins aux frais du contribuable, des livres que les éditeurs ont retiré de la vente (ce qui est le cas de la plupart des livres au bout de quelques années) pour qu’ils soient versés dans un fonds collectif : la Sofia (Société française des intérêts des auteurs de l’écrit). Agréée par le ministre de la Culture, la Sofia est gérée par la Société des gens de lettres et le Syndicat national de l’édition. Au bout de 6 mois, si les auteurs ne se sont pas manifestés, les éditeurs pourront piocher dans cette manne numérisée et éditer les titres de leurs choix. Du moins les « grands », car bien sûr il y aura un filtrage. Une manière comme une autre d’éloigner de ce beau monde tous les petits concurrents qui fleurissent sur le Web. Tout cela sans demander ni l’avis ni l’accord des auteurs ou de leurs ayants droit. Comme disait un vieil ami, lui-même éditeur, « L’édition serait un métier formidable s’il n’y avait pas les auteurs ». Grâce à la MI-FI, c’est fait.

Un objet immatériel – Le droit d’auteur, dit Franck Macrez, maître de conférences au CEIPI (Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle), a pour véritable objet l’œuvre de l’esprit, c’est-à-dire un objet immatériel. Or le législateur, en modifiant le Code de la propriété intellectuelle, l’a assimilé à un bien commercial. Et dorénavant, ce n’est plus l’auteur qui importe, mais l’exploitant. En droit pénal, lorsqu’un cambrioleur force une serrure, il commet un vol avec effraction. Mais aucun verrou ne peut protéger un « objet immatériel ». Seule la loi peut le faire.

C’est ainsi qu’aux États-Unis, un tribunal fédéral a estimé qu’il était interdit de revendre d’occasion un fichier MP3 acquis légalement. La personne qui télécharge une musique ou un livre numérique, ont dit les juges, devient seulement propriétaire du droit de les écouter ou de les lire. Alors qu’il est évidemment possible de revendre un disque ou un livre, objet matériel. Un coup dur pour l’entreprise ReDigi visée par cette décision de justice. Elle a fait appel. Il semble toutefois que la Cour de justice de l’Union européenne ait une opinion différente. Elle aurait repris à son compte un slogan de Mai-68 : il est interdit d’interdire.

Les écrivains, des nantis ? – En France, peu d’auteurs ont fait fortune grâce à leurs livres. Si certains parviennent à vivre de leur plume, c’est souvent en empruntant des chemins annexes, comme l’écriture de scénarios ou la traduction d’ouvrages étrangers. Mais pourquoi les écrivains refuseraient-ils que leur œuvre soit rééditée ? D’abord, parce que ce passage en force est inadmissible. Et ensuite, le procédé est grossier, malhonnête, et probablement anticonstitutionnel. En fait, cette décision politique droite-gauche est le résultat d’un lobbying pressant des éditeurs. Arc-boutés sur leur fonds de commerce, ils ont lutté des années contre le livre numérique avant de se rendre à l’évidence : le vent tourne. L’édition numérique est en train de révolutionner le monde littéraire. Alors, ils prennent le train en marche, piquant au passage l’idée de Google Books et implorant l’aide de l’État. Dans d’autres pays, les solutions ont été différentes. Au Québec, la situation est bien plus claire : un programme d’aide rembourse aux éditeurs une partie des frais de numérisation. Les Pays-Bas ont signé un accord avec Google pour numériser 80 000 livres anciens : une bibliothèque gratuite pour les étudiants, les chercheurs… Chez nous, on tape sur ceux qui ne sont pas organisés pour se défendre : les auteurs ; pour finalement créer avec des fonds publics une bibliothèque numérique qui sera payante.

La rébellion des tâcherons – Cependant, le ton monte chez les écrivains. Ainsi Didier Daeninckx refuse de se voir publié par un éditeur qu’il n’aurait pas choisi. Mais il refuse également de se plier au diktat de ReLIRE : remplir un formulaire, y joindre une photocopie de sa carte d’identité et justifier qu’il est bien l’auteur de ses propres livres. Onze fois, puisqu’il a onze titres dans la fameuse liste. Il s’est donc fendu d’un courrier recommandé pour s’opposer à la mise en ligne de ses romans. Réponse : « La Sofia vous notifiera, dans un délai maximum de 3 mois, le résultat de l’instruction de votre demande ».  – Inutile de dire qu’il a les boules.

Les œuvres orphelines – On peut se demander si les autorités françaises n’ont pas cherché à couper l’herbe sous les pieds du Conseil de l’Union européenne. En effet, une directive de 2012 a établi un cadre juridique pour créer un fonds numérique européen des œuvres (livres, journaux, revues, enregistrements, films, etc.) protégées par les droits d’auteur mais dont les propriétaires ne peuvent être identifiés ou localisés. L’objectif étant de créer une bibliothèque numérique européenne (probablement) gratuite.

Somme toute, je pourrais être flatté d’avoir été distingué par un « conseil scientifique », mais je suis surtout en colère. Ces romans, peu importe qu’ils soient bons ou mauvais, je les ai portés, je les ai écrits. Des heures et des heures à tapoter sur un clavier. Parfois, ils m’ont fait rêver, souvent ils ont pourri mes nuits. Mais sur chacun j’ai écrit le mot fin, avec un petit pincement au cœur et la peur, comme un navigateur solitaire, de revenir sur la terre ferme. Certains ont trouvé leurs lecteurs. D’autres pas. Lorsque les éditeurs ont arrêté leur diffusion, j’ai récupéré mes droits. Je pensais donc être le seul à pouvoir en disposer. Eh ben, non !

Et qu’on ne vienne pas me parler de « livres orphelins ». Papa est toujours là !

Le drone, l’arme des crimes d’État

Mercredi dernier, un chef taliban, le mollah Nazir, a été tué par un drone américain. L’affaire n’a pas fait les gros titres. Et pourtant, cet homme a été assassiné par des tirs qui auraient fait au moins une dizaine de victimes. Le lendemain, ce sont quatre autres insurgés qui auraient été abattus. Pour les USA, ces hommes étaient une menace, tandis que pour le Pakistan (leur allié), Maulvi Nazir était plutôt considéré comme un précieux auxiliaire dans leur lutte contre les talibans locaux. Et hier dimanche, ce sont une douzaine de personnes qui auraient été tuées par des missiles tirés depuis des drones américains, faisant au passage de nombreux blessés.

Je suis comme beaucoup, j’ai du mal à comprendre ce qui se passe réellement dans cette région du monde. J’ai l’impression que chacun place ses billes avant le départ de la coalition militaire, l’année prochaine. Pourtant, devant ces assassinats qui s’enchaînent, on doit se rendre à l’évidence : le crime d’État est devenu une banalité.

Et l’arme quasi invisible de ce mécanisme inquiétant est le drone.

Depuis 2004 (le second mandat de George W. Bush), la CIA aurait effectué des centaines de frappes au Pakistan, tuant 2 560 à 3 325 personnes, selon les estimations, dont 474 à 881 civils. « Les drones survolent les populations du nord-ouest vingt-quatre heures sur vingt-quatre, frappent des véhicules, des maisons et des espaces publics sans sommation. Leur présence terrorise les hommes, femmes et enfants, créant un traumatisme psychologique. Les habitants doivent vivre dans la crainte permanente de pouvoir être frappés à tout moment par un bombardement meurtrier, sachant qu’ils n’ont aucun moyen de s’en protéger », peut-on lire dans le rapport d’un groupe d’experts américains cité dans Le Monde. Si l’on compte les autres opérations, notamment au Yémen, en Somalie et aux Philippines, combien de personnes ont ainsi trouvé la mort, alors que ces pays ne sont pas en guerre contre les États-Unis ? De plus en plus de voix s’élèvent d’ailleurs Outre-Atlantique contre ces actions répétées. Sont-elles toutes justifiées ? D’autant que depuis l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche, les raids de drones se sont multipliés. C’est aujourd’hui l’un des principaux volets de sa stratégie militaire mondiale.

M. Obama restera peut-être dans l’histoire comme le Prix Nobel de la paix qui a le plus de morts innocents sur la conscience. Car non seulement les dégâts collatéraux sont inévitables, mais en plus, ces assassinats ciblés sont souvent fomentés sur des hypothèses bâties par les services secrets. Des mises à mort sans procès. C’est une guerre d’intellectuels qu’il a déclenchée, disent ses détracteurs. En pointillé, une guerre sans honneur. Durant la récente campagne pour son second mandat, afin de leur couper l’herbe sous les pieds, il s’est plus ou moins engagé à « régulariser » la procédure de ces pratiques meurtrières. Ce à quoi Amnesty international a répondu qu’il n’y avait pas à fixer de nouvelles règles mais à appliquer les règles existantes : les droits de l’homme et les lois humanitaires reconnus internationalement. C’est-à-dire, en langage non châtié, la ligne qui sépare l’action de guerre du crime de guerre. De leur côté, les Nations unies pourraient cette année ouvrir un bureau, à Genève, pour enquêter sur les victimes civiles des attaques par drones. Plusieurs familles de celles-ci auraient d’autre part déposé plainte contre la CIA.

Dans le Courrier International, on peut lire les confidences troublantes de Brandon Bryant, 27 ans, un ancien pilote de drones… Le Predator, un avion délicat et argenté, décrit des huit dans le ciel afghan. À plus de 10 000 kilomètres de là, Brandon est aux commandes. Il attend les instructions. Lorsque l’ordre d’ouvrir le feu tombe, il fixe la cible dans son viseur laser : une étable pour les chèvres. Près de lui, le deuxième pilote actionne alors un joystick. Il reste 16 secondes avant l’impact. Soudain, sur l’écran, un enfant apparaît au coin de la bâtisse. Une lueur. L’explosion.  « On vient de tuer un gamin ? » demande Brandon à son collègue. « Je crois », lui répond celui-ci. Quelqu’un qu’ils ne connaissent pas, enfermé ailleurs, dans un poste de commandement, intervient alors sur les ondes : « Non, c’était un chien ! »

Lorsque Brandon sort de son conteneur, ce jour-là, sur la base de Creech, au Nevada, à une cinquantaine de kilomètres de Las Vegas, l’Amérique lui paraît sans doute moins belle. Jamais il n’aurait imaginé tuer tant de gens.

Lors d’un récent débat à l’ONU, les représentants de plusieurs pays ont souligné le mauvais exemple donné par la plus grande puissance militaire mondiale. Un engrenage qui pourrait s’avérer ravageur. Car le drone va se « vulgariser ». Que se passera-t-il lorsque les armées des grandes puissances seront toutes dotées de drones de combat ? A l’opposé de la Kalachnikov, arme symbolique des combattants les plus pauvres, le drone pourrait bien devenir le symbole de leur hégémonie.

À ce jour, il semble que l’armée française ne possède que des drones de surveillance. Mais le mois dernier, Dassault Aviation a présenté le Neuron (qu’il faut parait-il écrire nEUROn), un drone de combat de 10 mètres de long et de 12.50 mètres d’envergure issu d’une coopération européenne dans l’industrie de défense. D’ici deux ans, nos militaires seront donc équipés de ces engins. Comment les utiliserons-nous, alors que la France est le pays d’Europe le plus engagé à l’étranger ?  Lors de la campagne de Libye, le général Vincent Tesnière a insisté sur le rôle déterminant des drones américains. « Si on avait eu 30 ou 40 drones armés, on aurait fait ce qu’il y avait à faire », a-t-il déclaré.

On dit d’ailleurs que c’est un drone américain qui aurait repéré Kadhafi lors de sa cavale. Nos alliés dans la coalition ont-ils passé l’information à la France ? Cela pourrait expliquer le mystère qui entoure la mort du dictateur. Mais alors, s’agirait-il d’un crime d’État ?

Fortune de mer pour le Costa Allegra

Le paquebot a-t-il lancé un appel de détresse (Mayday ! Mayday !…) ou un simple message d’urgence (Pan ! Pan !…), comme le font les marins pour demander une aide ponctuelle ou pour signaler une situation délicate ? À présent que les passagers, l’équipage et le navire sont à l’abri, la question pourrait bien se poser, car si aucune rémunération ne peut être demandée pour sauver des vies humaines, il en va différemment pour l’assistance aux biens. Le thonier français qui a remorqué le Costa Allegra doit donc percevoir une indemnité. Mais sur quelle base ? Le capitaine et l’équipage ont-ils réagi pour éviter un naufrage ou simplement pour dépanner un navire en difficulté ?

D’après L’Express, qui rapporte les propos du directeur général de la société de sauvetage « Les abeilles international » : « C’est le commandant qui lance l’alerte. Il envoie un mayday avec sa position (…) Tous les navires dans la zone de navigation reçoivent le SOS… »

A : Seychelles - B : La Réunion - C : Mayotte (Google)

Le Trévignon, un thonier senneur de 90 mètres de long, immatriculé dans le nouveau département de Mayotte (976), mais propriété d’un armateur breton, le capte sans doute comme les autres. Mais c’est lui qui est le plus rapide. Il faut dire qu’à son bord, il y a une équipe de protection de la marine nationale (les eaux sont dangereuses, là-bas), laquelle est probablement dotée de moyens de transmission performants. C’est d’ailleurs le Cross de La Réunion (Centre régional opérationnel de secours et de sauvetage) qui demande au capitaine s’il peut se dérouter. Pour ce bâtiment de pêche, construit pour traîner de lourds filets, le remorquage du paquebot ne pose pas de problèmes majeurs. Ses moteurs sont suffisamment puissants.

Si le « mayday » est considéré comme un appel au secours, ce n’est toutefois pas suffisant pour déterminer la gravité de la situation. Qui dit sauvetage, dit perdition. C’est du moins ce que l’on peut penser. Or, ce n’est pas tout à fait la position de la jurisprudence française. Ainsi, la Cour d’Appel de Montpellier a considéré qu’un yacht, incapable de tenir un cap, à la suite d’une simple avarie, était en péril, même si la météo se montrait clémente. Mais la proximité des terres était un élément déterminant. De toute façon, hors des eaux territoriales, c’est la Convention maritime internationale qui fixe les règles de l’assistance aux navires. Convention que la France a ratifiée en 2001.

Et ce n’est pas simple…

En mer, en cas de problème, il ne faut jamais saisir l’aussière que votre sauveteur vous lance, sinon, vous perdez la propriété de votre bateau… En revanche, si c’est le sauveteur qui la récupère… À moins que ce soit le contraire, je ne me souviens plus. En tout cas c’est l’histoire que m’avaient racontée de « vieux loups de mer » dans un bistrot de Puerto de Mogan, aux Canaries. Mais la bouteille de whisky avait déjà pris une sacrée claque… Allez, il faut tordre le cou à la légende : le sauveteur d’un bateau en détresse n’en devient pas automatiquement le propriétaire. Pour cela, il faudrait qu’il soit considéré comme une épave (le bateau s’entend).  Or, un navire, même abandonné par son équipage, n’est pas considéré comme une épave dès lors qu’il peut reprendre la mer après réparations. En France, c’est la loi du 3 juillet 1985 et un décret de 1987 qui fournit des éclaircissements sur le sujet. Et, en dernier recours, c’est le ministre en charge de la Marine marchande, aujourd’hui le ministre de l’Écologie, qui peut prononcer la déchéance des droits du propriétaire. Pour la petite histoire de la campagne présidentielle, en décembre dernier, François Hollande s’est déclaré favorable au retour d’un ministère de la Mer. Ce qui, pour un pays maritime comme la France, n’est quand même pas si bête.

Mais l’Allegra ne bat pas pavillon français et l’incident s’est produit en haute mer. Et il n’y avait pas de péril imminent. Alors ? En droit maritime, il n’y a assistance maritime que si un navire se trouve confronté « au péril de la mer ». Le danger peut être immédiat ou non et il n’implique pas obligatoirement la perdition. En fait, sauvetage ou assistance, on s’en fiche un peu. Une simple menace pour les personnes ou les biens est suffisante pour justifier l’intervention. On peut donc penser, dans le cas présent, que le remorquage du paquebot constitue bien une assistance maritime et non un simple dépannage. À ce titre, le thonier devrait donc recevoir une indemnité pour avoir aidé à préserver le bateau et le matériel de bord. Et non pour avoir sauvé les passagers. Car l’assistance aux personnes est un devoir qui ne peut donner lieu à une rétribution ni même au remboursement des frais engagés.

Quel pourra être le montant de cette rémunération d’assistance ? D’après les textes, elle doit être équitable. Dans un litige opposant deux plaisanciers, 2 % de la valeur des biens sauvés ont été estimés raisonnables par les juridictions françaises. Mais ici, il ne s’agit pas d’un petit voilier… Il est d’ailleurs vraisemblable que le montant des frais de remorquage ait déjà été négocié par l’armateur. Raison pour laquelle, les autres bâtiments ont escorté le convoi sans se saisir de l’aussière.

En tout cas, outre la fierté d’avoir respecté la règle de la solidarité des gens de mer, on peut espérer que les marins-pêcheurs du thonier breton n’auront rien perdu à interrompre leur campagne de pêche. Et, comme Madame Kosciusko-Morizet a d’autres chats à fouetter, par intérim, je m’autorise un coup de chapeau.

Kerviel et le prix du blé

La Société Générale aurait récupéré 1,7 milliard sur le montant des pertes de Jérôme Kerviel, nous dit la presse. Et du coup, on a l’impression que l’État lui aurait remboursé une partie de l’argent perdu par son trader… Ce qui n’est pas le cas, évidemment. En revanche, ce qui peut choquer, c’est la différence de traitement fiscal entre une société et un particulier. Si vous ou moi perdons de l’argent en bourse, cela ne modifiera en rien le montant de notre impôt sur le revenu. Tout au plus pourra-t-on reporter cette perte sur des gains éventuels, dans les dix années qui suivent. Tandis que si l’on gagne, l’imposition pour une entreprise et un particulier est quasi identique.

Mais, dès qu’on parle d’argent, surtout s’il s’agit de fortes sommes, on est tous un peu perdus. Moi le premier. Si ça se trouve, je viens d’écrire une grosse boulette.

Bon, je vais essayer de me refaire…

Ce procècoup-de-pied_picsou.1286787654.jpgs SG contre JK, c’était un peu le pot de fer contre le pot terre, et le résultat n’a pas manqué, le pot de terre a été réduit en miettes. Et l’on a beau nous tenir un discours modérateur, nous expliquer en long en large que les juges se sont prononcés sur les faits, rien que sur les faits, cette  condamnation laisse quand même planer comme un sentiment d’insatisfaction.

Et même d’incompréhension.

Alors, pour mieux comprendre, j’ai cherché des réponses – jusqu’à l’absurde.  Ce billet s’éloigne de l’objet de ce blog, mais si l’on veut me suivre dans ce cafouillis de zéros…

Le travail de Jérôme Kerviel consistait à spéculer sur les contrats Futures, lesquels se situent dans la catégorie des contrats à terme. Lorsqu’on cherche la définition de ces produits, dits « dérivés », on se retrouve, de façon quasi systématique devant une métaphore bien terre-à-terre : le prix du blé. Quel rapport me direz-vous ? Je pense que les boursicoteurs donnent cet exemple pour montrer qu’ils ne sont pas tout à fait coupés de la réalité. Alors qu’ils évoluent souvent dans un monde virtuel. Donc, le blé pousse et le paysan se demande à combien il pourra le vendre. Alors, pour mettre fin à ses angoisses, quelqu’un lui propose de lui acheter sur pied, au cours du jour, quel que soit son prix le jour de la récolte. Si le jour J le cours a chuté, le paysan se frotte les mains, il a fait une bonne affaire ; et s’il a monté, il se dit qu’on ne l’y reprendra plus.

Dans cette histoire, sans rien connaître à la bourse, l’agriculteur et son acheteur ont conclu un contrat à terme. L’un l’a vendu, l’autre l’a acheté. Eh bien, Jérôme Kerviel jonglait avec les contrats à terme qui portaient non sur du blé, mais sur des indices boursiers, et notamment celui de Francfort, le DAX, pour lequel il semblait avoir une petite préférence.

Comment ça fonctionne ?

Ces jours-ci, le DAX cote environ 6300 points. Chaque point vaut 25 €. La valeur d’un contrat sur le DAX est donc de 157 500 €. Mais pour l’acheter, nul besoin de disposer de cette somme, une caution (le déposit) d’environ 6000 € est suffisante.

Ce qui réduit considérablement la facture.

Mais cette somme n’est même pas utilisée. On se contente de faire les comptes en fin de journée (l’appel de marge). Soit la position est gagnante, et l’on encaisse un gain, soit elle est perdante, et il faut payer sa dette. À défaut, la position est clôturée d’office le matin suivant.

Par exemple, si le DAX a gagné 1% dans journée, soit 63 points, l’heureux détenteur d’un Future (on parle d’un lot) va encaisser la somme de 63 X 25 € = 1575 €. Soit un gain de plus de 26% sur une somme qui est restée bloquée sur son compte. Si l’indice a baissé, évidemment, c’est l’inverse.

Lorsque Kerviel a été suspendu de ses fonctions, il possédait environ 10 000 lots sur le DAX (et d’autres sur d’autres indices). Ce qui représente une somme « virtuelle » de 1,575 milliard d’euros, et une somme réelle de 60 millions d’euros.

Pour résumé, et si je ne me trompe pas dans les zéros, si le trader était engagé pour un montant de 50 milliards, comme on l’a dit, il s’agissait en fait d’un montant réel de moins de deux milliards. Un argent qui n’avait pas vocation à être utilisé, puisque seule la compensation gains-pertes est comptabilisée.

Alors, comment a-t-il pu perdre près de cinq milliards ? Après avoir connu le succès, il se trouvait alors dans une spirale de pertes, et, chaque jour, il fallait remettre de l’argent au pot pour continuer de jouer. C’est le plus vieux système à la roulette : doubler sa mise à chaque coup perdant. On est sûr d’y laisser sa chemise.

Mais d’ailleurs, ce n’est pas lui qui a perdu cette somme ! Ses comptes s’arrêtent au 20 janvier 2008. À cette date, d’après un rapport de l’Autorité des marchés financiers, ses pertes potentielles avoisinaient 2,7 milliards. Mais la vente en catastrophe ordonnée par le PDG de la Société Générale aurait généré une perte supplémentaire de 3,6 milliards. Soit une perte totale de 6,3 milliards.

Alors, d’où vient ce chiffre de 4,9 milliards ? Eh bien, la banque a pris en compte la somme gagnée par Kerviel en 2007 (nous sommes en janvier 2008), soit 1,4 milliard (6,3 – 1,4 = 4,9).

Si on refait les calculs en tenant compte de ces chiffres, et si l’on admet le principe que Kerviel ne peut être tenu pour responsable d’opérations effectuées sans son accord, on obtient le décompte suivant :

6,3 (perte totale) – 3,6 (perte lors de la revente par la direction de la SG) + 1,4 (gain de Kerviel en 2007) = 1,3 milliard (montant de la perte de Kerviel)

Et pour poursuivre le raisonnement par l’absurde, comme la Société générale a récupéré une moins-value fiscale de 1flic_attitudes_lessor.1286790326.jpg,7 milliard d’euros. La banque doit des réparations à son salarié pour un montant de 400 millions d’euros.

CQFD.

Une pénalité qui viendrait à bon droit sanctionner le fait de spéculer sur ses fonds propres, autrement dit de prendre des risques inconsidérés avec l’argent destiné en principe à couvrir les risques d’une activité bancaire.

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Déchéance de nationalité : pour qui et pour quoi ? a été lu 1156 fois et a suscité 16 commentaires.

Petite fable d’un 14-Juillet de flics

C’est le petit matin. Pour la plupart, on habite la banlieue, et il a fallu se lever tôt. On est plantés sur le trottoir, une petite cinquantaine, des hommes et des femmes, jeunes, en tenue d’été sous le gilet pare-balles. Si la journée est chaude, comme les précédentes, le Sig, le  tonfa, les menottes, et tout le barda plus ou moins réglementaire qu’on trimballe, ça va être lourdingue à porter. Tel quel, on est parti pour six ou sept heures à battre la semelle. Et ces putains de brodequins qui pèsent une tonne !

lampions_mairie-vitre.1279184806.gifEn rang d’oignons, on attend. Pas un absent. Pas un ticket. Aucun ne s’est fait porter pâle. Pourtant, pour certains, c’est leur troisième cycle de service, le plus pénible ; et pour d’autres, leur jour de repos.

À 6 h 30, l’autorité se manifeste sur les ondes. C’est une femme. Vingt ans de boîte. Capitaine. Elle en vu d’autres. Elle assure. On dit qu’elle cache sa gentillesse derrière ses galons. Mais de temps en temps, ça transpire : le sourire complice, la bouteille d’eau en douce, la pause-café…

Elle compte ses effectifs, débusque les « civils » qu’on a sortis de derrière leur burlingue pour venir en renfort et nous rappelle les instructions : en résumé, on doit être gentils tout en faisant respecter les consignes : pas de drapeaux, pas de parapluies, pas d’objets suspects… Et surtout, pas de palabres. S’il y a un mauvais coucheur, on le neutralise et on l’évacue. En deux mots, s’il y a un incident, on l’a dans le baba ; et si l’on crée un incident, on l’a dans le baba.

Un peu plus tard, un tout jeune commissaire vient également nous donner les consignes. Mais comme ce sont les mêmes, on ne l’écoute pas.

En retrait, il y a les collègues des RG. Enfin, on suppose qu’ils sont des RG, parce qu’ils ne se sont pas présentés. Y a une histoire qui court comme quoi un petit malin aurait refilé à leur chef des numéros bidons pour leur téléphone portable de service. On imagine bouchersanzot_tintin-et-miliou.1279185003.jpgune scène à la Tintin : « Non, ce n’est pas le brigadier Méluchon, ici c’est la boucherie Sanzot… » Lors des essais, parait qu’ils étaient pliés, les RG. Nous, on risque rien, vu qu’on n’a pas de portable administratif. Certains ont quand même des radios.

Peu à peu, les trottoirs se garnissent d’une foule hétéroclite. Attention aux pickpockets. Mais ça, c’est pas vraiment notre job. On se dit que la PJ maraude, aux aguets.

C’est alors qu’on s’est pris la première rincée. Sur les trottoirs, c’est la débandade. Et nous, stoïques sous la pluie dans nos fringues à tordre. Un peu plus loin des collègues sont obligés d’intervenir dans le métro, envahi par les gens qui cherchent  un abri. Du coup, l’état-major, l’étage des morts, comme on dit, s’inquiète de ces mouvements de foule. Ils veulent connaître le nombre de personnes qui risquent de se retrouver dans les couloirs du métro. Y craignent peut-être une émeute. « Comment on fait pour compter des gens qui se déplacent tout le temps ? a demandé un jeunot. – Simple, lui a répondu un vétéran de trente ans, tu comptes les oreilles et les pieds et tu divises par quatre. » Mais nous, au fond, on sait bien que tout ça, c’est des conneries. Alors, on a répondu n’importe quoi. On n’est quand même pas entrés dans la police pour compter les moutons…

Après, il n’a pas cessé de pleuvoir. Pour être francs, on n’a rien vu du défilé, ni des sbires dans la tribune. Au bout d’un moment le bruit a couru que le Président était rentré chez lui, à l’Élysée, à pied, la main dans la main avec sa meuf. Nous, on attendait les ordres. Faut dire que la plupart des radios avaient pris l’eau, et celles qui marchaient encore balançaient des appels de détresse à tout va. On a su que c’était fini lorsqu’on a vu les RG plier bagage. Finalement, notre capitaine nous a dit qu’on pouvait se mettre au sec. On en a profité pour discuter. « Tiens, nos représentants syndicaux, ils étaient pas là ? – Y devaient être dans la tribune, avec les pontes… – Tu crois que Sarko, il a pris un bain de foule ? – En tout cas, président ou pas, y s’est pris une saucée ! – L’aurait pu venir nous serrer la louche, non ! – Mouais, et pourquoi pas nous apporter une bouteille d’eau, pendant que tu y es… »

Vous voyez, rien que des conneries. Après ça a dérapé sur sa femme. Des propos de corps de garde, qu’on ne peut pas rapporter ici. On était là, l’uniforme dégoulinant, les doigts de pieds clapotant dans les rangers, à siroter notre café  à 40 centimes d’euro dans son gobelet plastique. Et on aurait bien voulu rentrer chez nous.

Finalement, tout s’est bien passé, ont dit les gradés. Y devaient être contents. Aucun incident notable. Faut dire qu’avec ce déluge…

parapluie_hugo-lescargot.1279185121.pngEt le soir, ceux qui ont résisté à la fatigue ont dû bien rigoler en regardant le journal de France 2, commenté par David Pujadas : « Nicolas Sarkozy est passé entre les gouttes ».

N’empêche que ce monde n’est pas juste : ceux qui se mouillent passent à travers les gouttes, et nous, on se fait rincer.

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Que penser des fuites dans l’affaire Bettencourt ? a été lu 13 360 fois et a suscité 35 commentaires.

Quelque part une petite école…

Alors que les vacances de Pâques se terminent  pour l’ensemble des écoliers français, au fin fond de l’Afrique, il y a une petite école…

capture1.1272785400.JPGOh, elle ne paie pas de mine l’école primaire de Sakabi, sur la nationale 10, au nord de Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso ! Mais autrefois, elle était encore plus sinistre : ses classes étaient désertes.

Eric, l’instituteur, était au désespoir : comment faire venir les enfants ? se demandait-il. Et un jour, il a eu une idée : il faut une cantine ! Car pour se remplir la tête, il ne faut pas que l’estomac soit vide. Et il a défendu son projet auprès de l’administration, et, surtout, il a su convaincre une poignée de gens, des Suisses et des Français, délégués sur place pour une mission sanitaire.

« Il nous a fait part de son envie de faire un jardin maraîcher à proximité de l’école, eric-dans-son-jardin.1272785620.JPGdit le docteur Odile Dufriche. Il pourrait profiter de l’eau du forage qui s’écoulait librement et gratuitement à proximité de l’école pour arroser le jardin. Jardin qui serait cultivé par les enfants et dont les légumes et les fruits permettraient d’améliorer l’ordinaire de la cantine qu’il voulait mettre en place. »

En dehors de toute association, sans faire appel à des donateurs, sans en parler, ceux-ci ont décidé de l’aider.

Il faut dire que dans un pays si pauvre, même un pauvre de chez nous est riche. Et il ne fallait pas grand-chose pour la mise en route : un peu d’argent pour construire le local, quelques sacs de riz et deux ou trois tonneaux d’huile.

la-cuisine.1272785932.JPGL’affaire a été vite réglée.  Et depuis, à tour de rôle, ce sont les mamans qui viennent faire la cuisine, tandis que les enfants apportent le bois pour mettre sous le chaudron. Chaque matin, sagement, avant les cours, les élèves font la queue pour une louche de riz ou une boulette faite de graines de néré, le soumbala, qui ressemble aux boules que chez nous  les gens de bon cœur  accrochent aux branches pour nourrir les oiseaux. Et à la récré, ils vont tirer l’eau à la fontaine, pour arroser les plantations.

Depuis les classes se sont garnies. L’année corvee-deau.1272786979.JPGdernière, l’instituteur  a accueilli 731 élèves. Des enfants attentifs, correctement nourris, l’esprit en éveil…

Hélas, dans tous les contes de fées, il y a un méchant. Dans le nôtre, c’est le maire. Un beau jour, il a décidé de faire payer l’eau de la fontaine.

Bien trop cher pour le budget toujours ric-rac de la petite école.

Alors, les plantes se sont ratatinées, les arbres sont morts, l’un après l’autre. Au bout de quelques semaines, le beau jardin était tout sec.

le-jardin-apres.1272786193.JPGAprès un moment de découragement, Eric, soutenu par tous les autres enseignants, a dégotté un autre terrain, à 25 km de la ville, donc pas trop cher, mais surtout à quelques pas d’un point d’eau. Toujours grâce à ses mécènes, il a pu l’acheter et entreprendre un défrichage. La coupe des arbres, effectuée avec l’autorisation de l’administration, a payé une bonne partie des travaux. Quel drôle de pays ! On n’y parle guère d’écologie, mais là-bas, pour couper un arbre, il faudrait une autorisation…

Ce terrain, c’est sûr, est bien loin de l’école. Il ne présente pas les mêmes avantages que l’ancien. Mais  pour Eric, le principal est que ses enfants mangent de nouveau des fruits et des légumes. D’ailleurs, en 2009, la première récolte de sésame a été plutôt bonne.

Et cette année-là, le taux de capture3.1272786075.JPGréussite aux examens est passé de 53 à 79 %.

Mais il ne compte pas s’arrêter là. Son objectif, à présent, est de rendre son établissement financièrement autonome. Pour cela, il envisage d’acheter un moulin, pour moudre le mil, et aussi, à l’occasion, pour l’usage des agriculteurs, moyennant une modeste contribution.

Voilà, à la différence d’une fable, tout est vrai dans ce récit, et il n’y a pas de morale. Ou plutôt, il y en a plusieurs. À chacun de choisir la sienne.

Je ne connais pas le Burkina, et cette histoire m’a été racontée par le docteur Odile Dufriche et Jean-Marc Pauze, à qui l’on doit les photos.

palais_kosyam.1272786307.jpg

Palais présidentiel de Kosyam à Ouagadougou

Bien sûr, pour rester raccord avec l’objet de ce blog, j’aurais pu parler de la loi « autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Burkina Faso relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire ». Accord qui prévoit « la mobilisation des compétences et des ressources des migrants burkinabés afin que leur migration favorise le développement et l’enrichissement du Burkina Faso ».

Mais à quoi bon…

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Les détectives privés sont à la fête a été lu 10 695 fois et a suscité 8 commentaires.

Mon identité nationale

Le sujet été lancé par les plus hautes autorités du pays, la presse a relayé la chose avec plus ou moins de mauvaise foi, et je dois avouer que ce débat m’est passé complètement au-dessus de la tête. Comme beaucoup de Français, je suppose.

lecriture_chat-de-geluk_image-de-yentl-sur-pandorenet.jpgEt aujourd’hui, la question m’a rattrapé : « Quel département vous voulez ? » m’a demandé le garagiste.

J’étais là, avec ma carte grise toute neuve, pour faire poser des plaques sur la vieille bagnole que je viens de m’offrir : un 4×4 de huit ans d’âge, embarrassant, polluant, et pour tout dire anachronique.

« Euh !… »

La voiture est immatriculée en 27, je me trouve dans le 95, j’habite le 78 et je suis né dans le 92. « On peut s’en passer ? » que je lui demande, naïvement. « Non, c’est obligatoire, mais vous pouvez choisir le département que vous voulez ». Là-dessus, il m’offre un café et nous discutons un bout, lui et moi, pour finalement tomber d’accord et se dire qu’on a quand même de la chance de vivre à une époque où l’on peut choisir quelque chose d’obligatoire…

Et tandis qu’il posait les plaques, je me livrais à une sorte d’introspection. Je suis né en France, d’un père grec et d’une mère « de l’Assistance », comme on disait à l’époque. Je ne sais pas où ils se sont connus, tous les deux, mais je penche pour un quai de gare. Ils ne tenaient pas en place. Nous passions notre temps à déménager. On se serait cru en cavale. Je dois être l’un des rares mômes à avoir fréquenté une bonne douzaine d’écoles différentes entre la maternelle et le certif.

Ce qui n’a d’ailleurs eu aucune incidence sur mes études, puisque une fois pour toutes j’avais décidé de ne rien faire.

Mon père  a été naturalisé français après la guerre, mais pas pour faits d’armes. Lorsqu’il a voulu s’engager, pour défendre le pays qui l’avait accueilli, on l’a collé dans un camp. Je crois qu’on appelait ça un « centre de rassemblement pour étrangers ». Il paraît qu’il y avait des gens de toutes les nationalités. Certes, ce n’était pas Auschwitz, mais c’était dur, d’après ce qu’il nous a raconté. Surtout le froid. Quand il a commencé à cracher le sang, on l’a libéré. Pour ne pas contaminer les autres, je suppose. Donc, la France, non pas reconnaissante, mais peut-être repentante, a décidé de naturaliser ces étrangers qu’elle avait collés dans des camps.

Et bien plus tard, alors qu’il n’était plus de ce monde, le père, son histoire m’est revenue en pleine bobine, lorsque j’ai demandé une nouvelle carte d’identité. À la mairie, on m’a dit « Ah, vous êtes né d’un père étranger ! Il faut prouver que vous avez opté pour la nationalité française avant votre majorité ». Ou le contraire, je ne me rappelle plus.

C’est alors que j’ai eu un premier doute.

Avant, la question ne m’avait même pas effleuré. J’étais fonctionnaire, flic depuis pas mal d’années. Jeunot, on m’avait envoyé visiter le Maghreb et, en cherchant bien au fond d’un tiroir, je devais même pouvoir retrouver quelques breloques de ces aventures passées.

Mais est-ce que j’étais vraiment Français ?

Et aujourd’hui, devant ce garagiste à l’accent venu d’ailleurs, la question m’est revenue différemment : Français, oui, mais de quelle région ?

Aucun parent en Bretagne, en Corse ou je ne sais où. Pas de maison familiale au grenier croulant de souvenirs sous les toiles d’araignées, pas  le moindre lopin de terre auquel me raccrocher.

Un rien désorienté, j’ai repris le volant de mon 4×4 d’un autre âge muni de ses plaques toutes neuves – et estampillées 973.

Depuis que j’ai lu Papillon, j’ai toujours eu envie de visiter la Guyane.

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Un commandant de police se lance en politique a été lu 11.424 fois en 3 jours et a suscité 39 commentaires avec des avis divergents. Certains pensent qu’un policier peut être candidat à une élection, d’autres non. Il semble que l’on puisse interpréter le code électoral de différentes manières… Quant à savoir ce qu’il en est pour le secrétaire général d’un syndicat, là, il faudrait plutôt demander l’avis des adhérents.
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Remerciements à mon voisin de blog Hervé Baudry pour ce dessin.

Le Père Noël sera-t-il décoré par Sarkozy ?

Tout comme les cheminots du RER, le vieil homme à barbe blanche aura-t-il montré sang-froid et professionnalisme en pilotant son traîneau surchargé et en distribuant aux enfants – grands et petits – les joujoux qu’ils espèrent ? pere-noel-en-gav.jpgAu deuxième apéro entre amis, on se disait, que ce chauffard qui avait glissé sur une plaque de verglas avec plus d’un gramme d’alcool dans le sang méritait bien de passer les fêtes de fin d’année sur la paille humide des cachots…

Surtout, après que Bécassine (le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat de Catherine) nous ait raconté sa folle journée à la gare d’Austerlitz. Elle devait prendre le train pour La Souterraine. Bon, nous déjà, on n’y a pas cru. Vous pensez, un bled qui s’appelle souterraine ! Eh ben si, y paraît que c’est dans la Creuse. Et que pour aller dans la Creuse, même si c’est moins branché que London, c’est pire galère. Un monde fou dans cette gare aux courants d’air ! Une foule, le nez en l’air, à attendre que les mots magiques apparaissent sur le tableau d’affichage. Et des agents SNCF complètement débordés, tentant de rassurer les gens, mais incapables de leur donner la moindre information. Bon finalement pour La Souterraine, lui a dit un employé, vous aurez probablement un train dans 3 ou 4 heures. Mais, à Orléans, y paraît que ça coince. Il faudra attendre une correspondance. Alors, Bécassine, elle a fait ses comptes. Son train prévu pour 12h56, risquait de partir vers 16-17 heures. Une heure pour aller à Orléans, disons une heure d’attente, puis au minimum deux heures de trajet. Dame, à La Souterraine, y a pas de TGV ! Avec un peu de chance, elle arriverait juste avant le Père Noël, et au pire, elle le croiserait sur le départ – la hotte vide. Alors, elle a craqué. Faut dire qu’elle sortait de quinze jours de galère dans le RER A… Elle a harponné un contrôleur, lequel d’un geste las et résigné lui a mis un coup de tampon sur ses billets, « Vous pourrez vous faire rembourser », lui a-t-il dit.

Et c’est comme ça que Bécassine s’est retrouvée avec nous en train (si l’on peut dire) de prendre son troisième apéro. Tout ça à cause d’un mec qu’avait bu un coup de trop !

Bon, c’est vrai qu’il aurait pris des petites choses en plus. Mais lorsqu’on voit qu’un sportif de renom a été contrôlé positif pour avoir bécoté une fille qui aurait sniffé un peu de coke ! On s’interroge ! Ce chauffard, il aurait pas embrassé une pochtronne, par hasard !

Et dans l’ambiance siroteuse de cette soirée de fête, y en a forcément un qu’a dit : « Mais au fait, pourquoi il a été placé en détention provisoire ? »

Eh ben, je lui ai cloué son bec, à ce prétentieux. Ce n’est pas pour des raisons politiques, comme le prétend son avocat, non, il a été mis au placard pour éviter qu’il ne récidive.

Et lorsqu’un autre a surenchéri en pere-noel_clipartcom.jpgdemandant à la ronde quelle a été l’action d’éclat des cheminots pour mériter « la médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement », là, j’ai bien compris qu’il voulait nous entraîner dans une discussion politique. Alors, j’ai décidé qu’on avait assez bu.

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Un journaliste digne de ce nom ne donne pas ses sources a été lu 1.527 fois en 3 jours et a suscité 10 commentaires.

Gare Saint-Lazare, ce matin

Des milliers de banlieusards ont eu la surprise, en débarquant de leur train, d’être canalisés par des cordons de policiers et d’agents de sécurité. Et de les voir ainsi, tête baissée, se hâter entre ces gens en uniformes, ou en civil porteurs d’un brassard, cela m’a glacé le sang. Dans cette séquence de vie, loustal-dans-touriste-de-bananes-de-georges-simenon.jpgil y avait un je ne sais quoi de mortifiant. Et même si on n’a pas vécu cette époque, comment ne pas penser à ces scènes vues tant de fois dans des films :  d’autres trains, d’autres uniformes… « Il ne manque que les chiens », a murmuré une jeune femme. Un homme, un Noir, a tenté de se rebeller : pourquoi était-il obligé de faire un si grand détour pour rejoindre la sortie qui se trouvait à deux pas de lui ? Personne ne lui a donné d’explications. On lui a dit de la fermer, on l’a attrapé par un bras, et on l’a remis dans… le troupeau. « Et on accepte ça », a grommelé ma voisine.

Je crois qu’elle avait honte, tout comme moi, de suivre la foule – sans rien dire.

Oh je sais bien, que cette gare est un cauchemar pour les autorités lors des grèves ou des manifestations ! Et sans doute la solution d’aujourd’hui était-elle préférable à celle du début de l’année, où, pour des raisons de sécurité, elle avait été carrément fermée.

D’ailleurs, même en temps ordinaire, aux heures de pointe, traverser le hall Saint-Lazare ressemble à un gymkhana, raison pour laquelle, sans doute, on a tracé au sol des bandes de différentes couleurs…

Moi, je les ai cherchées, ces bandes, mais au sol, je n’ai vu que des pieds, des centaines de pieds – qui piétinaient. Et, comme je suis d’un naturel optimiste, je veux croire que mes compagnons de voyage, tout comme moi, cherchaient leurs marques. Oui, je veux croire que c’est pour ça, que nous baissions la tête.

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Poker menteur à Bercy a été lu 900 fois en une journée et a suscité 11 commentaires.
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