LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Argent et escroqueries (Page 1 of 5)

Anticor et à cri

Depuis 18 ans, l’association Anticor s’est imposée comme l’acteur principal de la lutte anticorruption. Elle est sur tous les fronts : l’affaire de l’ancien PDG de Radio France Mathieu Gallet, qui vient d’être condamné en appel pour favoritisme, l’enquête sur les Mutuelles de Bretagne, qui a valu à Richard Ferrand une mise en examen et son portefeuille de ministre ; la saisine de la Cour de justice de la République concernant Éric Dupond-Moretti ; l’affaire Alstom, les milliards du Grand Paris, les fraudes aux subventions agricoles en Corse, Sarkozy, Buisson, Benalla… (voir la liste des affaires) ou encore l’enquête sur les manquements du maire de Pourrières, dans le Var,  après le décès de deux jeunes filles lors de l’accident d’une navette scolaire…

Inutile de dire combien cette association empoisonne le panthéon de la politique en s’appliquant à combattre un mal bien implanté en France : la corruption. Un mal qui, selon une étude du parlement européen, coûte 120 milliards d’euros par an aux contribuables que nous sommes, soit l’équivalent du budget de l’Éducation nationale, et qui mine la confiance dans les institutions (3 Français sur 4 estiment la société politique « plutôt » corrompue).

Le fait de profiter de sa fonction pour obtenir un avantage personnel, quel qu’il soit, est un acte de corruption. Ce délit (et son avatar le trafic d’influence) est donc lié au pouvoir. Il ne concerne pas que les élus ou les membres du gouvernement, mais toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public. On parle là de corruption publique, car une loi de 2005 a introduit la corruption privée dans le code pénal (art. 445-1 et 445-2). Cela concerne aussi bien les salariés, que les dirigeants, et même les entreprises en tant que personnes morales.

Mais pour qu’une association puisse ester en justice, il faut qu’elle ait intérêt à agir, et en matière de corruption ou autres délits proches, qu’elle obtienne un agrément ministériel. Tout est dit dans l’article 2-23 du code de procédure pénale qui autorise les associations anticorruption déclarées depuis au moins cinq ans à exercer les droits reconnus aux parties civiles – sous réserve d’être agréées selon les conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ce qui se traduit par une décision ministérielle renouvelable tous les trois ans.

Il faut donc l’accord du pouvoir exécutif pour lutter contre la corruption.

« L’action associative devant les juridictions traduit de façon modeste la possibilité d’un autre rapport au pouvoir. Elle a permis à une citoyenneté vigilante d’entrer dans les prétoires », dit Éric Alt. Il sait de quoi il parle puisqu’il assume à la fois son rôle de vice-président de l’association et ses fonctions de magistrat (ce qui lui a valu de faire l’objet d’une enquête interne). Mais les associations sont poil à gratter Continue reading

Toni Musulin lave-t-il plus blanc ?

Il y a quelques jours, Toni Musulin était interpellé à Londres alors qu’il changeait plusieurs dizaines de milliers de livres sterling. Interrogé sur l’origine de ces espèces, il a affirmé qu’il s’agissait du produit de la vente d’une voiture de luxe. Why not ! Mais quand même, le personnage est trop sulfureux pour ne pas envisager que cet argent provienne du vol pour lequel il a été condamné !

On se souvient, c’était en 2009, à Lyon. Ce jour de novembre, Musulin est au volant du fourgon de l’entreprise de transports de fonds Lommis, où il travaille depuis dix ans. C’est le milieu de la matinée, mais le véhicule est déjà bien chargé. Alors que ses deux collègues descendent pour procéder à un nouveau ramassage de liquidités, il disparaît avec le fourgon.

 

La suite est rocambolesque. Il aurait transféré, tout seul, 47 sacs de billets dans une camionnette, qu’il remise ensuite dans un box loué sous un nom d’emprunt, dans lequel il a aménagé une cache derrière un double mur, comportant une fente pour y glisser les billets, comme dans une tirelire. Mais, pris d’une soudaine fringale, il va s’acheter un pan-bagnat et, lorsqu’il revient, les flics sont là. Il prend la fuite. Après une dizaine de jours d’une mystérieuse cavale, il se constitue prisonnier à Monaco. Fin de l’histoire, à 2,5 millions d’euros près, que l’on n’a jamais retrouvés.

Pour Michel Neyret, l’ancien sous-chef de la PJ de Lyon, il ne fait aucun doute que Musulin a conservé cette partie du butin. Pour preuve, dit-il, on a retrouvé une empreinte à l’intérieur de l’un des emballages de billets retrouvés vides.

Toni Musulin a-t-il bâti un plan machiavélique ? Peut-on envisager qu’il ait anticipé son arrestation et accepté le principe d’un passage par la case prison, dans l’espoir de profiter ensuite en toute impunité des 20 % prélevés sur le butin ?

Tout cela au nom d’un principe vieux comme le droit, « Non bis in idem » : le voleur ne peut être receleur de son propre vol !

La cour de cassation parle d’ailleurs plus volontiers de « concours idéal d’infractions » : un même fait ne peut entraîner une double déclaration de culpabilité. Avec cependant de légers bémols : la nécessité d’une seule intention coupable et une imbrication entre les délits, l’un ne pouvant exister sans l’autre.

C’est typiquement le cas du recel. Mais pas celui du blanchiment…

Le blanchiment consiste à réinjecter dans le circuit économique des profits tirés d’actes illicites, pour les utiliser à des fins licites. Comme n’importe quel lave-linge, l’action se déroule en 3 phases :

  • Le prélavage, qui consiste à introduire des billets dans un business où les liquidités sont habituelles (casino, bar, restaurant, épicerie…)
  • Le lavage ou empilage, c’est-à-dire la répétition de ce type d’opération, pour mieux effacer les traces
  • L’essorage, qui lisse l’argent blanchi en l’investissant dans des opérations parfaitement légales

Même pas besoin de monter au paradis fiscal !

L’article 324-1 du code pénal définit le blanchiment comme étant le fait de faciliter la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus provenant d’un crime ou d’un délit, ou tout bonnement d’apporter son concours à cette régularisation de façade. La peine est de cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.

Des peines qui peuvent être doublées lorsque les faits sont commis de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle (banquier, agent de change, avocat…).

Pour que les conditions de la répression soient réunies, il faut donc une infraction principale, qualifiée crime ou délit d’où proviennent les fonds à blanchir (que l’auteur des faits ait été condamné ou non) ; qu’il existe au moins l’un des deux éléments matériels évoqués ci-dessus et que le fautif agisse en connaissance de cause.

Il existe une certaine rivalité entre le délit de blanchiment et celui de recel, et le « blanchisseur » peut souvent être considéré comme un receleur. Il appartient au juge de choisir l’infraction qui convient le mieux mais, et c’est là où les choses deviennent intéressantes (enfin, pas pour tout le monde), si le voleur ne peut pas être receleur, il en va différemment en matière de blanchiment : les deux infractions sont distinctes et autonomes. Théoriquement, rien ne s’oppose donc à ce que le voleur soit poursuivi pour le blanchiment des biens qu’il a volés.

La Cour de cassation abonde dans ce sens, affirmant que « l’article 324-1 s’applique à l’auteur du blanchiment du produit d’une infraction qu’il a lui-même commise » (Crim. 20 fév. 2008, n° 07-82977).

La jurisprudence pousse donc à faire du blanchiment un délit autonome de son infraction principale…

Autrement dit, le voleur qui a payé sa dette à la société peut conserver le bien mal acquis, car le recel est la conséquence naturelle du vol. Mais si ce voleur cherche à s’en défaire, il y a de fortes probabilités qu’il soit poursuivi pour le blanchiment du bien qu’il a lui-même volé et, sans doute à l’issue d’une bataille  juridique, condamné.

Dans l’hypothèse où les livres sterling que Toni Musulin a fait briller dans un bureau de change londonien proviendraient indirectement des euros qu’il a dérobés à la Lommis, il aurait du souci à se faire ; surtout s’il rentre en France : nos juridictions sont compétentes pour des infractions commises à l’étranger dès lors que le vol a eu lieu sur le territoire (art. 113-2 du code pénal). Le dossier du nouveau  « casse du siècle » est loin d’être classé.

Pour paraphraser Montaigne, même sur une montagne d’or, on n’est jamais assis que sur son cul.

Police, douane, gendarmerie… la drogue les rend fous

Les tribulations des agents en charge de la lutte contre les narcotrafiquants ne cessent de nous étonner. Vu de l’extérieur, on a l’impression qu’ils se livrent à une course au trésor dans laquelle les coups de Jarnac sont comme des pratiques rituelles. Mais il semble bien que la récente mise en examen de l’ancien patron de l’office des stups, François Thierry, va apporter un coup de projecteur sur les méthodes utilisées, tant par les enquêteurs que par la justice, et peut-être même un coup d’arrêt.

Sans remonter à la création de l’OCRTIS (office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants), le plus ancien office après celui de la fausse monnaie (OCRFM), les turpitudes actuelles qui font l’actualité démarrent bien loin de chez nous, en Républicaine dominicaine, lors de cette fameuse nuit du 19 au 20 mars 2013, au moment où un avion privé appartenant à la SA Alain Afflelou, le Falcon F-GXMC, est stoppé in extremis sur le tarmac de l’aéroport de Punta Cana.

Dans le même temps, en France, gendarmes et douaniers du Var peaufinent un plan d’intervention. Des mois de surveillance pour ce moment tant attendu : l’arrestation en flag d’une équipe de la « french cocaïne ». Dans quelques heures, lorsque le Falcon va atterrir sur la piste de l’Aéroport international du Golfe de Saint-Tropez, tout sera plié. Continue reading

L’avocat tend un piège

Les deux journalistes mis en examen pour extorsion de fonds au détriment du roi du Maroc se disent victimes d’une cabale. Pour eux, il n’y avait ni chantage ni pression, mais un simple arrangement commercial. Pourtant, l’enregistrement des entretiens avec l’avocat « royal » semble mettre à mal leur système de défense.

Mais ces enregistrements sont-ils recevables en justice ?

Des écoutes sauvages – Elles ont été effectuées par l’avocat du plaignant à l’insu des personnes enregistrées. Elles portent donc atteinte à la vie privée et sont susceptibles de poursuites en justice. La première fois, l’avocat marocain déclenche l’enregistrement de son iPhone avant le début de son entretien avec Éric Laurent. C’est son initiative. Lors des deux rendez-vous suivants, il semble qu’il procède de même, mais cette fois à la demande des enquêteurs.

PaperArtistPour Me Éric Moutet, l’avocat de Catherine Graciet, il ne fait aucun doute que dans ces conditions ces écoutes sauvages constituent un détournement de procédure ; et le défenseur d’Éric Laurent, Me William Bourdon, doit être sur la même longueur d’onde lorsqu’il dénonce un coup monté par « l’avocat de Rabat ». Continue reading

Casino de Namur : le Milieu français sur la sellette

Pendant plus de vingt ans, le casino de Namur a été pillé par ses dirigeants. Une fraude qui se situe dans une fourchette de 49 à 75 millions d’euros. Or le procès qui se tient actuellement en Belgique vise des faits qui ont commencé au début des années quatre-vingt, à l’époque où Gilbert Zemour, une figure du Milieu français, a décidé de faire main basse sur l’établissement namurois. Et il aura fallu attendre le début des années 2000 et la mort de Joseph Khaïda, le maître des lieux, pour que les langues enfin se délient Continue reading

Bernard Tapie face à une enquête patrimoniale

 « On ne peut pas accepter des décisions comme ça », clame-t-il avec sa fougue habituelle. Les magistrats se seraient concertés pour lui « piquer ses biens » et toute cette procédure n’aurait d’autre but que de le descendre en flammes. « Je ne savais pas qu’on vivait dans un pays où l’on peut exécuter des gens avant d’avoir été jugés. » Pour lui, c’est la seule raison de cette enquête ouverte pour escroquerie en bande organisée. Pourtant, la loi du 9 juillet 2010 qui a donné aux juges et aux procureurs la possibilité de saisir les biens lors de l’enquête ou de l’information judiciaire ne vise pas que la criminalité organisée, mais toutes les infractions dont le but recherché est le profit. Et pour cela, les magistrats ont besoin d’un bilan de fortune, une sorte d’inventaire qui vient de plus en plus souvent se joindre au dossier judiciaire : l’enquête patrimoniale.

C’est l’une des missions de base de la PIAC (plate-forme d’identification des avoirs criminels). Créée en 2005, pour répondre à un besoin, à l’initiative du chef de l’office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), la PIAC a été officialisée le 15 mai 2007. C’est un service de police judiciaire à compétence nationale, dirigé par un commandant de police, composé de policiers, de gendarmes et de fonctionnaires relevant d’autres administrations (impôts, douanes…).

À l’époque, la loi n’autorisait la confiscation des biens avant jugement que dans quelques cas précis, notamment par mesure de sûreté (armes, produits nocifs…) ou s’ils étaient directement liés à l’infraction. Même si certains juges pugnaces allaient bien au-delà. La loi de 2010 a changé la donne en instituant un principe de base : tous les biens confiscables sont saisissables.

Autrement dit, tout ce qui pourrait être récupéré après le jugement peut être saisi avant le jugement. Quitte à procéder à une restitution en cas de non-lieu ou d’acquittement.

Les biens concernés sont donc les mêmes que ceux visés à l’article 131-21 du CP qui prévoit la peine complémentaire de confiscation. Une sanction qui peut être prononcée à l’égard de l’auteur de n’importe quelle infraction punie d’une peine d’emprisonnement supérieure à un an (sauf délit de presse). Et lorsqu’il s’agit d’un délit punissable d’une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement, pratiquement tous les biens sont saisissables, qu’ils soient ou non matériels, sauf à pouvoir en justifier expressément l’origine. La confiscation peut même être générale pour les crimes les plus graves. On parle alors de saisie patrimoniale.

Le préalable à ces saisies est donc l’enquête patrimoniale. Elle est destinée à identifier et à localiser, en France comme à l’étranger, les biens mobiliers ou immobiliers qui composent le patrimoine d’une personne condamnée ou d’un suspect. Rien de plus simple pour un individu lambda, mais dès que l’on s’attaque à un « gros poisson », les écrans et les intermédiaires se multiplient. Les enquêteurs doivent donc connaître toutes les ficelles du monde underground de la finance.

Comme toujours dans une enquête de police, tout commence par la consultation des fichiers. Les fichiers de police et de gendarmerie, mais également, par voie de réquisition, les administrations, les banques, les assureurs, le cadastre, le bureau de conservation des hypothèques, etc. Il est évident que l’interrogation des différents fichiers fiscaux (revenus déclarés, comptes bancaires, coffres-forts, immeubles, participation dans des sociétés, etc.) est le béaba de l’enquête patrimoniale. Celle-ci s’étend le plus souvent aux proches de la personne soupçonnée.

Les documents recueillis lors des perquisitions sont également une source de renseignements. Les officiers de police judiciaire doivent désormais se livrer à un « calcul patrimonial » lors des perquisitions et des scellés. En garde à vue, il est même possible de réserver un temps d’audition pour inviter la personne à s’expliquer sur ses biens.

À la finale, la PIAC dressera une fiche d’identification patrimoniale (FIP) qui pourra être exploitée par le magistrat.

Mais l’identification des biens va au-delà des frontières. Une loi-cadre de 2006 (dite initiative suédoise) prévoit l’échange direct d’informations entre les services répressifs au niveau européen. En cas d’urgence, cela peut ne prendre que quelques heures. Et il existe, depuis 2007, dans presque tous les États de l’U-E, une unité nationale de dépistage et d’identification des avoirs criminels. D’une manière plus large, le réseau CARIN (Camden Asset Recovery Inter-agency Network) permet des échanges opérationnels et juridiques entre une soixantaine de pays.

Monsieur et Madame Tapie détiennent de nombreux biens à l’étranger. Les magistrats instructeurs en possèdent donc la liste et, s’ils l’estiment opportun, ils ont la possibilité de faire appel à l’entraide judiciaire internationale pour en obtenir la saisie, ou même délivrer directement un « certificat de gel de biens », conformément à l’article 695-9-1 du CPP. La raison voudrait qu’ils se limitent à la somme en litige (278 millions d’euros) et aux acquisitions effectuées après l’encaissement de cette somme, en juillet 2008. Cependant, comme l’intéressé est mis en examen pour escroquerie en bande organisée (dix ans de prison), rien ne les empêche d’élargir leurs exigences et de demander la justification de l’origine de l’ensemble de son patrimoine.

La saisie est devenue la nouvelle arme des juges d’instruction. Une arme d’une efficacité redoutable, parfaitement adaptée à la lutte contre la criminalité organisée et qui trouve son assise sur l’enquête patrimoniale. Mais est-elle toujours justifiée ? Il ne faudrait pas que cela devienne une sanction et que le justiciable ait l’impression d’être condamné avant d’être jugé, comme le dit Bernard Tapie. La liberté de disposer de ses propres biens constitue en effet l’un des attributs les plus importants du droit de propriété.

Sur un autre plan, ce droit de propriété ne serait-il pas menacé par l’application de cette pratique à un délit aussi mal défini que la fraude fiscale ? En effet, la peine encourue dans la loi actuellement en discussion va jusqu’à sept ans d’emprisonnement. Un individu soupçonné de fraude fiscale pourra donc se voir privé de tout ou partie de ses biens, en attendant d’être jugé.

Riches ou pauvres, nous n’aimons pas trop que l’on furète dans notre vie. Ce ne sont pas les sénateurs qui diront le contraire, eux qui viennent de rejeter le projet de loi sur la transparence. L’un d’entre eux a même déclaré que la publication de leur patrimoine serait une « atteinte au droit à la vie privée ». Pas mieux ! doit se dire Bernard Tapie.

 

Une bande organisée, c’est quoi ?

Dans l’affaire Tapie, trois personnes ont été mises en examen pour escroquerie en bande organisée. Les mots sont cinglants, et surtout, ils parlent à tout le monde. Mais en droit, quel est le sens réel de cette épithète à l’infraction de base ?

La bande organisée suppose l’existence d’une organisation structurée en vue de commettre un crime ou un délit (art.132-71). Lorsque cette hypothèse est retenue, elle entraîne une aggravation de la peine, un peu comme la préméditation transforme le meurtre en assassinat. Mais surtout, elle donne des moyens d’investigation plus importants.

Dans notre droit, la différenciation est récente. Une ébauche apparaît dans la loi « Sécurité et  liberté » de 1981.  Mais le texte était tellement mal fichu qu’il n’a pratiquement jamais été utilisé. C’est la loi du 9 mars 2004 qui a rendu l’idée cohérente.

L’intérêt principal de la bande organisée se situe dans les pouvoirs d’enquête. Cette qualification permet des mesures dérogatoires au droit commun, assimilables à celles qui sont utilisées pour lutter contre le terrorisme, le proxénétisme ou le trafic de stupéfiants. Lorsque les magistrats ajoutent les mots magiques, les enquêteurs disposent de tout ou partie des pouvoirs détaillés dans le titre XXV du Code de procédure pénale : garde à vue plus longue, infiltration, écoutes téléphoniques, perquisitions en dehors des heures légales, sonorisation, captation d’images et de données informatiques, etc.

 » Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on est plus de quatre on est une bande de cons… « 

Toutefois, la conséquence la plus visible est l’alourdissement de la peine. En fin de parcours, c’est souvent la cour d’assises. En théorie. Car, dans la pratique, la justice « correctionnalise » à tout va. Ainsi, une information judiciaire ouverte pour vol en bande organisée passible des assises et de 15 ans de réclusion criminelle peut devenir un vol en réunion, délit passible de 5 ans d’emprisonnement. Les juges feront mine de croire que la réunion est fortuite. Il n’y aurait donc ni organisation ni préméditation.

Il pourrait bien en être ainsi dans l’affaire du Carlton de Lille. Les personnes poursuivies, dont DSK, ont été mises en examen pour proxénétisme en bande organisée. Une infraction qui relève de la Cour d’assises, punissable de 20 ans de réclusion criminelle et de 3 millions d’euros d’amende. Or, au terme de ce dossier particulièrement médiatisé et qui a coûté fort cher au contribuable (il y aurait plus de 3.000 P-V), les juges envisageraient de requalifier l’infraction en proxénétisme en réunion (10 ans d’emprisonnement), ce qui permettrait au procès de se tenir devant un tribunal correctionnel. En l’occurrence, il faut reconnaître que des magistrats professionnels montreraient peut-être plus de sérénité qu’un jury populaire dans une affaire qui a un peu chatouillé l’opinion publique.

La bande organisée permet donc de donner des armes supplémentaires aux juges et aux enquêteurs. Mais la généralisation de son application semble donner raison aux juristes qui s’inquiètent de cette vulgarisation des moyens dérogatoires au droit commun. Et si son utilisation devait devenir une ficelle juridique, il y a fort à parier que, sous la pression de la Cour européenne, le législateur pourrait être amené un jour ou l’autre à revoir sa copie.

Et pour revenir à l’affaire Tapie, en clin d’œil à Brassens, qui sera le cinquième de la bande ?

Claude Guéant et le fric des flics

L’ancien ministre de l’Intérieur a justifié des dépenses en liquide par des primes reçues de la main à la main alors qu’il était directeur de cabinet Place Beauvau. Du coup, l’ancienne ministre de la Solidarité Roselyne Bachelot se désolidarise de son pair et le traite gentiment de menteur ou de voleur. Et, bouclant le grand 8, si j’ose dire, M. Guéant lui rétorque qu’elle n’y connaît rien et qu’il y avait sous l’ère Sarkozy deux régimes de primes différents. Ce que dément un autre ancien ministre de l’Intérieur, Daniel Vaillant.

Comment s’y retrouver dans cet embrouillamini ? On est tiraillé entre l’idée qu’ils nous racontent tous des craques ou celle qu’ils n’y connaissent rien. Et je ne sais pas ce qui est le plus inquiétant.

Si les primes de cabinet en liquide ont été supprimées par Lionel Jospin en 2002, n’en déplaise à ceux qui veulent que ça saigne, M. Guéant a raison. Il a existé, après cette date, au sein du ministère de l’Intérieur, une sorte de pompe à fric parallèle pour attribuer aux policiers des primes qui officiellement n’en étaient pas. Et cette carotte n’est pas celle d’un homme, mais d’un système qui a duré plusieurs décennies. Cela concernait aussi bien les frais de déplacements plus ou moins bidons que des fonds spéciaux, au cas où. Et pour les « belles affaires », il y avait les primes de réussite. Ce qu’on appelait si j’ai bonne mémoire les « secteur 2 ».

À une époque plus lointaine, à la préfecture de police, dans leur chasse aux proxénètes, les enquêteurs de la brigade mondaine parlaient de la prime au julot ou « julot casse-croûte ». Un brin de poésie ne nuit pas à l’efficacité…

Tout cela en bon argent sonnant et trébuchant. Bien entendu, pour débloquer ces fonds, il fallait l’aval du contrôleur financier, mais ensuite, il n’y avait pratiquement pas de contrôle sur la répartition. Et entre le ministre et le policier de base, les intermédiaires étaient nombreux.

Il est donc exact, comme l’affirme M. Guéant que, même après 2002, et durant encore plusieurs années, des milliers de fonctionnaires de police touchaient chaque mois une enveloppe en argent liquide. Même si, pour le lampiste, elle n’était pas très épaisse. Une somme qui dépendait du grade et du service et dont le percepteur ne voyait jamais la couleur. Parfois, bobonne non plus ! Et comme les billets de la Banque de France s’entassaient chaque mois sur le bureau du ministre avant de redescendre toute la hiérarchie, il n’est pas invraisemblable de penser que chacun se servait au passage… D’après ses dires, M. Guéant faisait partie de la chaîne.

D’ailleurs, à la direction générale, tout le monde se souvient de la « boite à biscuits d’Henriette ». C’était elle, la secrétaire du grand patron, qui assurait la distribution. Inutile de dire qu’elle était chouchoutée…

Ces temps sont évidemment révolus. Aujourd’hui, toutes les primes portent des abréviations énigmatiques et sont virées en même temps que le traitement. Enfin, presque toutes… il existe encore ici et là, des sommes en liquide mises à la disposition des chefs de service pour des missions exceptionnelles. Et si, en fin d’année, tout n’a pas été dépensé, ledit chef de service distribue le solde à ses hommes. Bof, un pourboire !

Alors, même si tout le monde lui tombe dessus, Claude Guéant ne ment pas. Mais on peut aussi se dire que ce grand commis de l’État, comme disent ses amis, tapait dans la caisse des flics. Et je trouve finalement assez amusant qu’à la suite d’une perquisition effectuée par ces mêmes flics, il soit obligé de justifier l’origine de ces fonds.

Allez, soyons miséricordieux. Après tout, comme disait Jean-Paul Sartre dans Les mains sales : Est-ce que tu t’imagines qu’on peut gouverner innocemment ? 

La PJ va donc s’enrichir d’un nouvel Office central

Pour mieux lutter contre la fraude fiscale, François Hollande a annoncé la création d’un parquet et d’un office central spécialisés. Oubliant au passage que dans ce domaine les poursuites pénales ne sont pas l’apanage du procureur mais le privilège de l’administration fiscale. Pour faire simple, la peine de prison, c’est un peu le bâton que l’on agite sous les yeux du fraudeur pour l’inciter à négocier au mieux pour les caisses de l’État.

Parmi la ribambelle de crimes et délits, ceux qui touchent à l’argent sont les plus compliqués à établir. Dans un hold-up, il y a les braqueurs, les complices et éventuellement les receleurs. Alors que dans un dossier de fraude fiscale ou de blanchiment, on peut tout aussi bien trouver des criminels, des trafiquants, des margoulins et… d’honnêtes gens. Comme le montre la mésaventure de Florence Lamblin, l’élue écolo, prise à son insu dans l’engrenage d’un blanchiment d’argent de la drogue. D’ailleurs, même si ce n’est pas dans les textes, les juges font la distinction entre l’argent sale, issu du crime, et l’argent gagné proprement, uniquement sali par un détournement des règles fiscales.

Le délit de fraude fiscale résulte de la dissimulation de sommes soumises à l’impôt. Cela va du montage international sophistiqué à la simple omission de déclaration sur sa feuille d’impôts. Il est le plus souvent sanctionné par des pénalités, déterminées par l’administration elle-même sous le contrôle du juge des impôts. Quant aux sanctions pénales, elles sont exceptionnelles. Leur effet dissuasif est d’ailleurs très incertain du fait de la modestie des peines prononcées : le plus souvent une simple amende (autour de 5 000 €). Pourtant, depuis la dernière loi des Finances, dans certains cas, les peines prévues peuvent aller jusqu’à 7 ans de prison et 1 million d’euros d’amende (art. 1741 du CGI). Et, pour sourire un peu au souvenir des avant-dernières déclarations du président de la République, il n’est pas inutile de rappeler que toute personne condamnée pour fraude fiscale peut perdre ses droits civiques.

Pour s’affranchir du bon vouloir de l’administration fiscale, policiers et magistrats préfèrent s’intéresser au blanchiment de fraude fiscale. Il consiste pour un fraudeur ou ses complices à réintroduire l’argent douteux dans un circuit légal. Et pour cela, toutes les combines sont bonnes. Il y a encore quelques années, l’un des moyens souvent utilisé consistait à se faire prêter de l’argent par un établissement bancaire installé en France, en garantissant ce prêt par un dépôt en espèces effectué à l’étranger (back to back). Souvent en Suisse. Un autre procédé ressemblait à un de jeu de chaises musicales, faisant tourner l’argent des clients d’une même banque d’un pays à l’autre. À une toute autre échelle, ces procédés sont toujours utilisés pour le blanchiment du produit du crime organisé. Une plongée dans certains comptes chypriotes serait sans doute révélatrice de ce système. Le blanchiment simple est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende.

Ces deux infractions sont fortement imbriquées mais pour qualifier le blanchiment, il faut d’abord établir l’existence d’une fraude fiscale, même si l’infraction n’est pas poursuivie. Un peu comme un cambrioleur pourra faire l’objet de poursuites pour recel si l’on ne parvient pas à établir sa participation au vol.

Pour lutter contre la fraude et le blanchiment, une loi du 12 juillet 1990 a créé Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins). Cet organisme est considéré comme un service secret. Il est donc protégé, un peu comme la DCRI. Je ne sais pas si un sénateur peut s’en faire ouvrir les portes… En tout cas pour Bercy, c’est une arme redoutable, la clé de voûte de la lutte anti-blanchiment. D’autant qu’à la différence des journalistes qui peuvent s’abriter derrière la loi sur la protection des sources (comme l’a fait Le Monde pour les documents dits « Offshore Leaks »), des tas de professions (banquiers, assureurs, notaires, huissiers, agents immobiliers, casinotiers…) sont tenus de lui dénoncer toute transaction inhabituelle. Même les avocats sont concernés (CEDH : aff. Michaud contre la France). Deux situations opposées : les journalistes disent ne pas vouloir faire le métier de la police et les autres ont juste le droit de s’exécuter. Dans les deux cas, cela peut poser un problème de conscience. Je me demande s’il y a eu débat à la rédaction du Monde

On envisagerait d’ailleurs, Place Beauvau, un système d’alerte qui lui s’adresserait à tout le monde, avec, pour le dénonciateur, la carotte du statut de repenti.

Pour mémoire, en 2001, Arnaud Montebourg (avocat de profession) avait déposé un amendement devant ses collègues députés pour faire de la non-dénonciation en matière fiscale un délit.

Le 9 avril dernier, Pierre Moscovici et ses homologues, britannique, allemand, espagnol et italien, ont demandé au Commissaire européen en charge de la fiscalité l’instauration d’un projet multilatéral d’échange du renseignement inspiré de la législation américaine (FATCA).

On a vraiment l’impression d’une histoire sans fin. Pourtant, ce n’est pas faute pour la police d’avoir accumulé les structures…

Tentons de décortiquer le mille-feuille de ces dernières années :

En mai 2002, il a été mis en place au sein de chaque région administrative des Groupes d’intervention régionaux (GIR) dans lesquels se mélangent plusieurs administrations avec l’objectif essentiel de lutter contre l’économie souterraine. Une coordination nationale de ces groupements est assurée au sein de la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière.

Cette sous-direction de la PJ chapeaute également la division nationale d’investigations financières et fiscales (DNIFF) – dont dépendent la brigade de répression de la délinquance financière (BRDFi), la brigade centrale de lutte contre la corruption (BCLC), créée en 2004, et la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), qui a vu le  jour en 2010.

Services auxquels il faut ajouter l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) au sein duquel sont placés la brigade centrale pour la répression des fraudes communautaires (BCRFC), la brigade de recherches et d’investigations financières nationales (BRIFN) et la plate-forme d’identification des avoirs criminels (PLAC).

Et j’en oublie sans doute, comme la brigade nationale d’enquêtes économiques, dont je découvre l’existence.

Et cela uniquement pour la direction centrale de la police judiciaire.

Le nouvel office central de lutte contre la fraude fiscale et la corruption (OCLCFFC ? – ça se complique) va donc s’insérer dans cet organigramme, probablement en regroupant deux ou trois de ces services – sans doute sans l’ombre d’un effectif supplémentaire. Mais cela aura peut-être le mérite de mieux harmoniser les efforts…

Toutefois, le plus important dans la lutte contre la fraude fiscale, le blanchiment et la corruption, ne se trouve pas dans l’Hexagone, mais au-delà des frontières. Or, ce nouvel office va indéniablement faciliter les échanges internationaux (la DCPJ assure en effet la gestion et le suivi des trois canaux de coopération internationale : Interpol, Europol, et le système d’information Schengen).

Mais restons lucide, cela ne réglera pas le problème. Pour mémoire, l’OCRTIS (Office central pour la répression du Trafic illicite des stupéfiants) a été créé en 1953. Il a donc 60 ans – Et le trafic international de stupéfiants n’a jamais été aussi prospère, car, comme en matière de fraude fiscale, la solution du problème (si elle existe) se trouve en amont de la répression – et certainement pas dans une réaction coup de poing à une affaire ponctuelle.

Il n’est d’ailleurs pas interdit de s’interroger sur le bien-fondé de cette chasse aux simples évadés fiscaux avec des moyens d’investigation (notamment techniques) identiques à ceux utilisés pour lutter contre le grand banditisme, le trafic de stups ou le terrorisme. Chacun en pense ce qu’il veut. Moi, je suis perplexe, car nous sommes tous contribuables, donc tous suspects… Or, à chaque fois que l’on pénètre plus avant notre sphère privée, que l’on cherche à nous rendre plus transparent, notre autonomie en prend un coup. Et on nous moutonne un peu plus.

Les sectes et la fin du monde

La fin du monde est annoncée pour le 21 décembre 2012. Pas d’affolement, depuis l’avènement d’Internet, ce « marronnier » revient maintenant tous les 2 ou 3 ans. Cette fois, l’apocalypse serait inscrite dans le calendrier maya… Et le seul endroit au monde où l’on aurait une chance de survivre serait le pic de Bugarach, dans l’Aude. Le Pays Cathare en a vu bien d’autres, mais à tout hasard, de crainte de voir le village se transformer en Arche de Noé, le préfet compte interdire l’accès au site à l’approche de la date fatidique.

La région plaît bien aux businessmen de la liturgie. Ainsi, à une centaine de kilomètres, dans un autre village perché sur une montagne, une secte répertoriée dans un rapport parlementaire en 1995 sous le nom d’Énergie universelle humaine, aurait fait sa réapparition. On pouvait lire à son propos, dans une édition 2003 de El periodico de Catalunya : « La secte réussissait à capter la volonté des participants en leur faisant croire que son leader avait la capacité de soigner des maladies graves comme le sida ou le cancer grâce à l’imposition des mains (…) En plus, le groupe disait que la fin du monde était imminente … »

Le gourou landais de cette résurgence serait un disciple de Curtis Cao Duy (un Américain d’origine vietnamienne), l’un des héritiers moral du Grand Maître, le Sri-lankais Dasira Narada. Dans cette secte française, les zélateurs seraient au moins 1500. Et le recrutement, dit-on, va bon train. Il se fait par étapes successives. Il faut gagner ses galons, en quelques sortes. Ici, le mentor n’a pas annoncé la fin du monde. Il parle juste d’un « grand changement à venir » – des millions de morts. Une manière de dire que l’argent est inutile et qu’il vaut mieux se défaire de ses biens matériels.

Il y aurait 500 000 membres d’une secte en France, dont 60 000 enfants.

Il y a 5 ou 6 ans, lors d’une visite surprise dans une communauté du département des Pyrénées-Atlantiques, des parlementaires s’étaient inquiétés des conditions dans lesquelles les enfants étaient scolarisés sur place. Dans leur rapport, ils relevaient le laisser-faire de l’Éducation nationale. Mansuétude ou indifférence ? La question mérite d’être posée tant on a parfois l’impression que les sectes bénéficient de certains passe-droits, voire de protection aux plus hauts niveaux. Ainsi, en 2009, la Miviludes (Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires) s’est étonnée qu’une modification de la loi retire aux juges la possibilité de dissoudre une secte accusée d’escroquerie. Et cela, à quelques jours de l’ouverture du procès contre l’Église de scientologie, alors que le Ministère public avait justement requis sa dissolution pour escroquerie en bande organisée.

On peut aussi se demander pourquoi la liste des 173 mouvements sectaires publiée par une commission parlementaire en 1995 a été reléguée aux oubliettes par la circulaire du 27 mai 2005 qui traite de la lutte contre les dérives sectaires…

Le député Georges Fenech, ancien magistrat et responsable de la Miviludes durant plusieurs années, estime que les grandes sectes infiltrent les milieux politiques, économiques et aussi de la santé. « Les sectes ne se sont jamais si bien portées », dit-il dans une interview à Nice-Matin de ce lundi. C’est un peu le Monsieur antisecte en France. Il a d’ailleurs sorti, il y a quelques mois un livre, Apocalypse : menace imminente ? chez Calmann-Lévy, sur le sujet (je n’ai pas lu). Selon un rapport parlementaire de 1999, les deux sectes les plus riches de France (donc les plus influentes) seraient Les témoins de Jéhovah et l’Église de scientologie.

Peut-on se prémunir contre les sectes ? Pas facile, car, en bons psychologues, les entremetteurs cherchent la faille. Et, à un moment ou un autre, nous sommes tous vulnérables, à la recherche de nos chimères. La croyance en une divinité pallie l’incapacité de l’espèce humaine à comprendre le mystère de la vie. (Ouah !) On a besoin d’un créateur, d’un commencement et d’une fin. Il nous faut des repères. Certains d’entre nous ne croient en rien, d’autres ont besoin d’un dieu ou d’un… marabout. Ce n’est pas nécessairement négatif, mais c’est la porte ouverte à toutes les escroqueries. Selon un sondage de 2011, 20 % des Français connaissent dans leur entourage au moins une victime des dérives sectaires. Lorsque l’un de nos proches se trouve ainsi sous influence, il n’est pas aisé de l’aider, car la loi n’est pas adaptée : notre société se doit aussi de protéger la liberté de penser, la liberté de culte, la liberté d’association… Pas facile de séparer le bon grain de l’ivraie. Et c’est la quadrature du cercle pour démontrer les dévoiements. Il existe pourtant la loi About-Picard, prise en juin 2001 sous le gouvernement Jospin. Le texte se voulait une arme contre les sectes et la manipulation mentale. Mais le projet initial a été passé au tamis et, au fil des discussions parlementaires, il a perdu de sa force pour se mouler dans le droit commun. Le lobbying américain n’est peut-être pas étranger à ces modifications : aux États-Unis, la liberté de religion n’est pas négociable (Par curiosité, ce petit guide du FBI). Ce texte reste néanmoins un outil juridique précieux pour poursuivre ceux qui s’en prennent aux personnes les plus vulnérables. La Belgique a adopté une loi  similaire l’année dernière.

Généralement, au niveau des enquêteurs du moins, on préfère asseoir sa procédure sur des délits plus classiques, comme le défaut d’assistance, les violences, la séquestration… et surtout l’escroquerie. Sans doute l’une des infractions les plus difficiles à monter en procédure. Souvent, d’ailleurs, les policiers pataugent lorsque l’on parle de sectes. Raison pour laquelle en 2009, une petite cellule de spécialistes a été mise sur pied à la DCPJ, sur l’initiative du chef de l’Office central pour la répression des violences aux personnes : la CAIMADES (Cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires). Ses enquêteurs n’ont pas pour mission de s’en prendre aux sectes mais aux individus, qui, au sein d’une secte, commettent des actes délictuels, précise le commissaire Frédéric Malon. Tout en nuances, le chef ! Ils ont aussi un rôle d’assistance aux victimes, du moins si celles-ci sont prêtes à déposer plainte. Ce qui n’est pas toujours évident car elles sont sous emprise et le plus souvent en « liberté surveillée ». Or, pour démarrer une enquête, il faut un minimum de biscuits. Ainsi, c’est lors d’un déplacement à l’étranger que l’une des victimes de l’affaire des reclus du château de Monflanquin a pu être approchée. La Caimades et la PJ de Toulouse ont traité l’enquête conjointement.

En attendant, il y aura d’autres « fins du monde ». Car en annonçant à leurs disciples le jour de leur mort, ces devins retirent à leurs ouailles la seule chose qui incite à ne pas trop ouvrir son porte-monnaie : le souci du lendemain. Heureusement, il y a les optimistes. Pour eux, le 21 décembre 2012 ne sera pas la fin du monde, mais le début d’un nouveau monde. À bien y réfléchir, je me demande si ce n’est pas pire… Mais entre nous, lorsque les scientifiques nous annoncent la disparition de la Planète Bleue dans quelques milliards d’années, doit-on les prendre plus au sérieux ? En tout cas, il y aura belle lurette que l’espèce humaine aura disparu de sa surface. J’ai lu quelque part que le dernier survivant sur notre bonne vieille terre serait un scorpion. Une bonne leçon d’humilité.

« Older posts

© 2024 POLICEtcetera

Theme by Anders NorenUp ↑