LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Affaire Bettencourt

Le trust, niche fiscale des milliardaires

Tout est bon pour grappiller quelques petits millions d’euros sur le dos du fisc, comme nous le montre l’affaire Bettencourt. Mais dans le catalogue des combines et entourloupes (paradis fiscaux, placements offshore, fondations…) on n’a pas mentionné la martingale à la mode : le trust.

niche-fiscale_site_partenaire-europeen.jpgLe trust n’est ni une personne physique ni une société ni quoi que ce soit. C’est une entité, une réalité abstraite. Un acte par lequel une personne confie ses biens à une autre personne, afin que celle-ci les gère au profit d’une troisième personne, avant de les remettre à une quatrième personne – celle qui, à l’expiration du trust, empoche la mise. Tout cela sous le contrôle éventuel d’un  cinquième larron appelé le « protector ».

Je sais je sais, on n’y comprend rien. Mais c’est exprès. D’autant que cela peut encore se compliquer lorsqu’il y a réunion de plusieurs candidats trusteurs.

Quel avantage, me direz-vous. Eh bien, le principal avantage, c’est que les biens mis en trust n’apparaissent plus dans le patrimoine de leur propriétaire. Puisque juridiquement, il s’en est défait au profit du trust – jusqu’au jour où il les récupérera, lui ou ses héritiers.

Un bon truc le trust, non !

Vous pensez bien que l’administration fiscale s’est intéressée depuis longtemps à ce petit bijou du droit anglo-saxon. Mais elle s’y est plus ou moins cassé les dents. Ainsi, le Tribunal de grande instance de Nanterre a jugé qu’un résident français ne pouvait pas être assujetti à l’ISF pour des revenus provenant d’un trust créé aux USA. Et, en 2007, la Cour de cassation a enfoncé le clou dans un arrêt qui souligne l’intérêt fiscal d’un trust ouvert à l’étranger.

« Il peut donc être utilisé pour planifier une succession, préparer sa retraite, financer une association caritative… ou simplement organiser une séparation temporaire. Ainsi, Sylvio Berlusconi a mis dans un trust ses participations dans des chaînes de télévision italiennes pendant son mandat de Premier ministre », lit-on, dans Money Week. Et de citer l’exemple d’un résident américain, de nationalité française, décédé en France en 1995, dont les héritiers (français) ont encaissé la succession sans verser le moindre centime au fisc. Car le défunt n’étant plus légalement propriétaire des biens, il s’agissait non d’un héritage mais d’une mutation à titre gratuit.

Pour ne pas être en reste, en 2007, la France a créé son propre trust, mais réservé uniquement aux entreprises : la fiducie.

L’article 2011 du Code civil nous en donne cette définition, alambiquée à plaisir : «La fiducie est l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires.»

Bon !

Il s’agissait, a-t-on dit à l’époque, de freiner les délocalisations. Pourtant, l’année dernière, la fiducie s’est ouverte aux personnes physiques.

Pour faire simple, aujourd’hui, beep-beep_site_allo-cine.jpgpour un droit fixe de 125€, chacun peut créer sa fiducie. Encore faut-il avoir quelque chose à mettre dedans. On imagine les avantages sur l’ISF ou les droits de succession… Mais je suis peut-être mauvaise langue : la loi est trop récente pour avoir la moindre idée de ses imbrications fiscales.

En attendant, si Mme Bettencourt avait glissé son île dans un trust de droit anglo-saxon, qui lui est aussi vieux que le monde, les as de la brigade financière auraient pu chercher longtemps à qui elle appartenait, car elle n’aurait appartenu à personne.

Alors pourquoi ses gestionnaires de fortune n’ont-ils pas utilisé ce stratagème ? Je me garderai bien de répéter l’opinion de l’avocat fiscaliste qui a fait l’effort de m’initier à ces techniques…

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Un flic qui se mouille a été lu 56 181 fois et a suscité 62 réactions. Comme le commentaire d’Olivier P., qui se trouvait près du lac Daumesnil, a été malencontreusement effacé, on peut le retrouver ici. Sa vision des événements est moins lyrique que la mienne.

Bettencourt : Les écoutes peuvent-elles servir de preuve ?

Toute la procédure visant l’entourage de la milliardaire, et au passage celui d’un ministre, est basée sur des enregistrements effectués clandestinement. Or, « ces enregistrements constituent d’abord des délits dont celui d’atteinte à l’intimité de la vie privée qui seront poursuivis », déclare le procureur Philippe Courroye dans une interview au Figaro.

espionnage_espion_on_line.jpgFichtre ! Peut-on bâtir une procédure qui vise à déterminer l’existence d’un ou plusieurs délits en utilisant le fruit d’un ou plusieurs délits ? D’autant qu’il ajoute : « Ces pratiques illégales sont une très grave entorse au principe de la loyauté de la preuve. »

Si le procureur chargé des poursuites se pose des questions,  on est en droit de s’en poser également.

Qu’en dit l’antisèche des juristes, autrement dit la jurisprudence ?

Dans une affaire qui opposait un employeur à son salarié, la Cour d’appel d’Agen a jugé que les enregistrements téléphoniques et la retranscription de SMS étaient des procédés déloyaux. Mais, en 2007, la Cour de cassation a estimé que seules les écoutes téléphoniques étaient déloyales, pas  les SMS, car « l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur ».

Mais, ce qui est vrai au civil l’est-il au pénal ? Non, car l’article 427 du Code de procédure pénale, nous dit Me Benoît Denis, sur son blog, mentionne que « les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ».

Il semble donc admis que les parties à un procès pénal puissent utiliser ce genre de procédés. Ce qui n’empêche pas, parallèlement, des poursuites pour avoir porté atteinte « à l’intimité de la vie privée d’autrui », délit puni d’un an d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende.

En revanche, les policiers, eux, ne peuvent utiliser les écoutes que lorsqu’elles sont ordonnées par un juge, même si la loi Perben II a écorné ce principe pour la criminalité organisée. Je me souviens de la mésaventure de ce commissaire, dans les années 80, qui avait branché un magnétophone sur son propre téléphone dans l’affaire dite des « fausses grâces médicales de Marseille ». Non seulement la procédure a été cassée, mais il a été poursuivi pour avoir procédé à des écoutes illégales.

Le Figaro nous rapporte que Jean-Paul Belmondo envisagerait de déposer une plainte contre les policiers belges à la suite d’écoutes téléphoniques effectuées sur sa compagne, Barbara Gandolfi. Guère de chances d’aboutir, car il s’agit ici d’une enquête judiciaire, mais… les policiers avaient-ils le droit de lui faire écouter certains enregistrements susceptibles de bousculer sa vie privée, alors que ses proches le disent « en état de fragilité » ?

Je parle de droit moral.

Et les journalistes… Ont-ils le droit (tout court) de mettre en ligne ou de retranscrire des enregistrements effectués au domicile de Mme Bettencourt ?

Si l’on se rappelle qu’il y a actuellement une information judiciaire, et plusieurs personnes mises en examen, à la suite de la diffusion en 2008, par Rue89, des images « off de Sarkozy » (les quelques minutes qui précédaient l’intervention du chef de l’État sur France 3), on peut s’interroger.

En Italie, on soupçonne Berlusconi de sombres arrières pensées lorsqu’il veut limiter l’utilisation des écoutes téléphoniques et leur publication dans la presse, mais, « Voulez-vous une société où, demain, n’importe qui s’arrangera pour faire sonoriser le bureau ou le domicile d’un avocat, d’un chef d’entreprise d’un journaliste, d’un magistrat puis rendra publics ces enregistrements ? » s’interroge le procureur Courroye. 

Alors là, la tête me tourne. Je ne sais plus que penser. Je n’aimerais pas que l’on place chez shadok-probleme_e-atlantidecom.1279873236.jpgmoi des micros et que ma vie privée devienne publique. Mais je n’aimerais pas non plus que l’on empêche les journalistes de faire leur travail, car sans eux, finalement, la démocratie serait mollassonne – et la vie bien plus grise.

Cela dit, si lui-même n’y croit pas, on ne voit pas très bien la suite judiciaire que M. Courroye va pouvoir donner à l’affaire Bettencourt…

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Le droit et la police a été lu 1.233 fois et a suscité 13 commentaires.

Le droit et la police

L’affaire  Bettencourt aura au moins le mérite d’attirer l’attention sur la guéguerre entre certains magistrats, sur le fonctionnement de la justice, et sur celui de la police. Il y a de la passion dans ce dossier, et chacun y va de sa propre interprétation du Code de procédure pénale – moi compris, sans doute. Aussi n’est-il pas inutile dans de telles circonstances d’ouvrir droit-de-la-police.1279609376.jpgun livre comme celui du commissaire principal Hervé Vlamynck : Droit de la police (3e édition – 2010), chez Vuibert, ouvrage qui se situe à mi-chemin entre la théorie et la pratique, et qui est préfacé par l’ancien directeur de la formation de la police nationale, Emile Pérez.

Voici ce qu’il nous dit de l’enquête préliminaire :

« Le pouvoir d’ouvrir une enquête préliminaire et de mener les investigations appartient concurremment à l’officier de police judiciaire, à l’agent de police judiciaire et au procureur de la République (…) Lorsque le parquet donne pour instruction de procéder à une enquête préliminaire, il fixe le délai dans lequel cette enquête doit être effectuée. »

À noter qu’à la différence de l’enquête menée dans le cadre d’une information judiciaire, il n’y a pas ici de délégation de pouvoir. L’enquêteur agit selon les prérogatives de sa fonction.

 « La police judiciaire a la possibilité de mettre directement en œuvre certains pouvoirs coercitifs » (contrôle d’identité, garde à vue, palpation de sécurité, réquisition à manœuvrier et prélèvement génétique).

Pour la garde à vue, le Code impose deux conditions : « La première concerne les nécessités de l’enquête et la deuxième suppose l’existence d’une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que la personne a commis ou tenté de commettre l’infraction, objet des investigations ». L’OPJ n’a pas à solliciter l’accord de la personne. « Il faut que celle-ci soit à sa disposition (…) Lorsque la personne accepte de l’accompagner, de le suivre ou de déférer à une convocation, (il) peut la placer en garde à vue. »

« Le seul domaine où la personne doit consentir expressément, est celui de la perquisition. »

Si une personne refuse d’accompagner les policiers ou de répondre à une convocation, le procureur de la République peut utiliser des mesures de contrainte (art. 78).

Si une personne refuse une perquisition, c’est le juge des libertés et de la détention qui va intervenir, pour les délits punis d’au moins cinq ans de prison (ce qui, après lecture de l’art. 324-1 du Code pénal, est le cas du blanchiment). Ce même magistrat peut également autoriser l’OPJ à se faire remettre les données des opérateurs de téléphonie, et sans doute (mais ce n’est pas très clair), à procéder à des écoutes téléphoniques. Dans la pratique, l’utilisation d’écoutes administratives, simplifient les choses. Elles ne peuvent cependant être utilisées en procédure.

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Quant à la coopération internationale, elle a profondément évolué ces dernières années. Ses différents organes sont aujourd’hui rassemblés au sein d’une plate-forme commune, le SCCOPOL (section centrale de coopération opérationnelle de police), qui est rattachée à la direction centrale de la PJ. Les échanges d’informations sont monnaie courante, avec, pour la Suisse, commission rogatoire ou pas, cette réticence à répondre à des recherches qui concernent une fraude fiscale.

Une enquête effectuée sur délégation d’un juge d’instruction ne donne guère plus de pouvoir à l’OPJ, et certainement beaucoup plus de contraintes. C’était le fil du billet précédent : une plus grande liberté d’enquête pour la police. D’autant qu’à la brigade financière, les rapports de force sont rarement physiques : on y sort plus souvent son stylo que son calibre.

Bien entendu, l’information judiciaire malmène moins les droits de la défense, puisque les « mis en examen » ont accès au dossier, mais il s’agit là d’un autre débat. À noter, comme le rappelle Péhène dans son commentaire du billet précédent, que le procureur peut très bien donner aux personnes concernées un accès au dossier, comme cela a été fait pour Julien Dray.

D’ailleurs, qui peut affirmer que le procureur Courroye n’ouvrira pas une information judiciaire à l’issue de l’enquête préliminaire ?

Ce qui serait dans l’ordre des choses.

Et dans ce cas, le magistrat qui serait en charge de l’affaire délivrerait des commissions rogatoires à des policiers – probablement les mêmes hommes et les mêmes femmes, avec au-dessus d’eux la même hiérarchie. Je suis de ceux qui réclament la saisine d’un juge d’instruction dans l’enquête Bettencourt, mais juge ou pas, les « techniciens de surface » seront les mêmes.

Bien sûr, on n’est pas obligé de leur faire confiance, mais pour l’instant, à la brigade financière, ils ont fait un sans-faute.

Attention, au nom de la justice, de ne pas se livrer à un procès d’intention.

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Bettencourt : Les policiers ne sont pas des potiches a été lu 10 434 fois et a suscité 37 commentaires. Le billet ci-dessus tente de répondre aux critiques.

Bettencourt : Les policiers ne sont pas des potiches

Contrairement à une idée toute faite, l’enquête préliminaire est le cadre juridique qui laisse le plus de liberté à un policier ou un gendarme. Car, dans les limites du Code, il peut prendre toutes les plante-carnivore_gif.1279445084.gifinitiatives qui lui semblent nécessaires à la recherche de la vérité. Alors que sur commission rogatoire, ce même enquêteur devra souvent se contenter d’exécuter les instructions du juge.

On le voit bien dans l’affaire Bettencourt… Le procureur a ouvert une enquête préliminaire pour blanchiment de fraude fiscale et, on a envie de dire accessoirement, pour vérifier les conditions d’embauche de l’épouse de M. Woerth. Difficile de faire autrement tant ces deux éléments ressortent des enregistrements clandestins effectués par le majordome. Mais, à la différence du juge, le procureur ne peut limiter les actes de la procédure. Et une fois la machine policière en route, certes il peut la contrôler, mais difficile de l’arrêter. Ainsi, il peut demander que certains actes précis soient exécutés, mais il ne peut en interdire d’autres. Autrement dit, il fixe les grandes lignes, sans plus. Si dans un P-V d’audition, le policier appuie sur la recherche d’un conflit d’intérêt entre l’emploi de Mme Woerth et le poste de ministre du budget de son mari, comme c’est rapporté dans Le Monde du 18 juillet, il ne peut rien y faire. On n’a jamais vu un procureur déchirer un P-V.

En revanche, et c’est là où le bât blesse, il reste maître des poursuites. Il peut, comme dans l’affaire Julien Dray, se contenter d’un simple froncement de sourcil avant de classer le dossier. On comprend bien pourquoi, sur RTL, ce dernier vante les mérites de l’enquête préliminaire…

C’est ce que je tentais d’expliquer à Mme Eva Joly lors du débat sur l’affaire Bettencourt dans l’émission Arrêt sur Images. Inutile de dire que je ne l’ai pas convaincue, ni elle ni Daniel Schneidermann. Est-il si difficile d’admettre que des policiers puissent faire leur boulot honnêtement ?

Ce qui n’empêche pas, dans cette enquête précise, d’ouvrir une information judiciaire. Ne serait-ce que pour couper court aux suspicions d’ingérence de la politique dans la justice. Et pour ne plus être la risée de nos voisins européens.

eva-joly_arret-sur-images.1279445182.JPGPourtant, dans les arguments d’Eva Joly, il y en a un qui fait vraiment mouche : pourquoi le procureur Courroye a-t-il ouvert une enquête pour blanchiment de fraude fiscale ?
Pour qu’il y ait blanchiment, il faut démontrer une fraude fiscale. Or c’est ce même magistrat qui nous expliquait, il y a trois ou quatre semaines, qu’il ne pouvait pas enquêter sur une fraude fiscale sans la plainte de Bercy…

Les choses ont-elles changé ? L’administration a-t-elle déposé plainte contre la milliardaire ? Va-t-elle le faire ? L’héritière de l’héritière va-t-elle mettre la main sur les actions de l’Oréal ? Ce fleuron du CAC 40 risque-t-il de passer dans le giron du SMI (Swiss Market Index) ? L’île d’Arros servira-t-elle de lieu de vacances pour les orphelins de la police ? Les héritiers Bettencourt vont-ils demander des droits pour le tournage du film en préparation Parce que je le vaux bien ? Liliane Bettencourt va-t-elle se retrouver en garde à vue ?

Vous le saurez en lisant la suite de l’enquête dans votre journal préféré.

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Sur le plateau d’Arrêt sur Images, se trouvait également le journaliste Christophe D’Antonio, auteur du livre La Lady & le dandy, chez Jacob-Duvernet
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Petite fable d’un 14-Juillet de flics a été lu 28 858  fois et a suscité 30 commentaires, et quelques mails sympathiques. Merci beaucoup.

Que penser des fuites dans l’affaire Bettencourt ?

Montesquieu se retourne sans doute dans sa tombe et se demande, comme nous, qui a bien pu planquer un dictaphone dans les bureaux de la brigade financière ? Car ces jours derniers, alors que les dépositions enregistrées par la police se retrouvent dans la presse avant même que les témoins ne les aient relues et signées, la frontière entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire ressemble de plus en plus à la ligne Maginot

magicien.jpg« L’ancienne comptable revient sur une partie  de ses déclarations », titrait Le Monde du 8 juillet, avant de corriger le tir par ce nouveau titre : « Quant une rétractation cache une révélation ».

Libération affirme que des extraits des procès-verbaux de Mme Thibout ont été remis aux journalistes, ce que confirme d’une certaine manière Gérard Davet, du Monde : « Le PV qu’on nous donne, il est vrai, mais il est tronqué… » (Arrêt sur images, propos cités par le NouvelObs ).

Étonnant, non ! car si ces choses sont vraies, on n’est plus dans la rumeur ou la contre-rumeur, mais dans la manipulation des médias.

Autrement dit la désinformation.

Alors, évidemment, on s’interroge : en enquête préliminaire, existe-t-il un secret comparable au secret de l’instruction ?

« La procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète », nous dit l’article 11 du Code de procédure pénale. Par cette petite phrase, le législateur fait-il un amalgame entre l’enquête (de police ?) et l’instruction, c’est-à-dire l’information judiciaire ? On s’en fiche un peu,  pas la peine de faire du mal aux mouches, car, au stade de l’enquête préliminaire, les choses sont simples : nul n’a accès au dossier en dehors des enquêteurs et du procureur.

Donc, si des fragments de procès-verbaux ont été remis à la presse, la moindre des choses serait d’ordonner illico une enquête administrative. Ou mieux, pour faire mode, une enquête préliminaire. Et l’on se tourne vers MAM, toujours si discrète. Du temps où elle était ministre des Armées, on dit que les militaires l’avaient surnommée « Lady commandement », ce qui n’était pas méchant. Je me demande comment on l’appelle dans les couloirs de la place Vendôme…

Il y a plein de choses bizarres dans cette affaire. Ainsi, on a vu sur I-Télé Me Georges Kiejman (ancien garde des Sceaux, tout de même), brandir la photocopie des carnets personnels de la comptable de sa cliente, Mme Bettencourt. Or si ces carnets proviennent d’une perquisition (en fait, on ne sait pas trop comment la police a mis la main dessus), il aurait commis un délit prévu par l’article 58 du code de procédure pénale.

Quant aux journalistes qui diffusent des informations sur les enquêtes en cours, leur responsabilité pourrait être engagée si lesdites informations  provenaient de personnes qui concourent à la procédure.

Si leur source se situe à l’Élysée, comme certains le soutiennent, ils n’ont donc rien à craindre.

Et pour revenir à Montesquieu, je me permets un extrait (tronqué) de la préface De l’esprit des lois : « On sent flic_indecis_lesso.1279010442.jpgles abus anciens, on en voit la correction ; mais on voit encore les abus de la correction même… »

Euh !…
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Préliminaires dans l’enquête Bettencourt a été lu  18 907 fois et a suscité 38 commentaires

Préliminaires dans l’enquête Bettencourt

Enquêtes préliminaires tous azimuts. La justice est en marche, disent certains, tandis que d’autres affirment qu’il ne s’agit que poudre aux yeux, le procureur n’étant pas un magistrat indépendant. Mais c’est quoi, « une préli » ?

juge_intimeconviction.1278747173.jpgC’est une enquête effectuée à la demande du parquet ou sur l’initiative des policiers ou des gendarmes, qu’ils soient officiers ou agents de police judiciaire. Dénommée autrefois « enquête officieuse », elle a été encadrée par le Code de procédure pénale et longtemps présentée comme un cadre juridique qui ne permet pas l’utilisation de la coercition. Une enquête à la bonne franquette, quoi !

Au fil des ans, les choses ont un peu évolué, mais pas tellement. Ainsi, les perquisitions au domicile de M. de Maistre et à son bureau de la société Clymène, n’ont pu être effectuées qu’avec le consentement écrit de l’intéressé.

Que se serait-il passé s’il avait refusé ?

Ah, ah ! Tous les vieux poulets se souviennent avoir poireauté des heures devant la porte d’un suspect en attendant la précieuse commission rogatoire qui les autoriserait enfin à pénétrer dans les lieux. Car, en cas de refus de l’intéressé, pas d’autres choix que de saisir un juge d’instruction.

Aujourd’hui, toutefois, le procureur a une autre possibilité : se retourner vers le juge des libertés et de la détention (loi du 9 mars 2004), lequel peut autoriser la perquisition pour les nécessités d’une enquête préliminaire concernant des faits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Ce qui ne semble pas le cas ici.

Enfin, je dis ça… Comme je suis l’un des rares Français à ne pas avoir accès au dossier, je ne connais pas la qualification juridique retenue par le procureur Courroye. On parle de financement illégal de la campagne présidentielle…

Donc, si le gestionnaire de la fortune de Mme Bettencourt avait refusé la perquisition, le procureur aurait dû saisir un juge d’instruction.

Ce qui, vous en conviendrez, n’aurait pas nécessairement arrangé les affaires – ni de l’un ni de l’autre.

D’ailleurs, dans cette même enquête préliminaire, on apprend que les policiers seraient allés chercher la comptable, Mme Thibout, quelque part dans le Gard. Je suppose qu’ils lui ont juste demandé l’heure… Ou tout au plus de bien vouloir se présenter à leur service. Une simple convocation verbale. Car en préli, pas d’arrestation, pas de garde à vue. « La condition préalable au placement en garde à vue est que l’intéressé accepte de se mettre à la disposition de l’officier de police judiciaire », nous précise le commissaire principal Hervé Vlamynck*. Si cette dame avait refusé de suivre les policiers, il aurait fallu que le procureur délivre un mandat de recherche, mandat que les enquêteurs parisiens n’auraient d’ailleurs pu signifier eux-mêmes, pour cause de non-compétence territoriale.

En fait, et pour la petite histoire, deux fourgons de gendarmes et trois voitures de police ont planqué devant le domicile des parents de la comptable, dans le village de Fourques. Informé de cette présence insolite, raconte Midi Libre, le maire envoie son garde champêtre aux nouvelles. Chou blanc. Celui-ci est prié de passer son chemin. Ensuite, lorsque Mme Thibout est sortie, les policiers l’ont gentiment « escortée » jusqu’à Nîmes.

Je vais vous dire, le Code de procédure pénale, c’est un truc qui emmouscaille les flics comme le Code fiscal complique la vie des honnêtes gens fortunés.

Dans cette affaire qui tournicote autour de Mme l’Oréal, le proc a ouvert trois enquêtes préliminaires distinctes, ce qui limite un chouïa le pouvoir des policiers dans l’accomplissement de certains actes, comme une réquisition à une banque suisse, par exemple. Ce facho (sic) de Plenel a donc beau jeu de mettre en doute l’impartialité des enquêteurs, puisque le procureur est aux ordres du ministre de la justice, et que les policiers sont à la fois aux ordres du procureur et du ministre de l’Intérieur…

Aussi, pour nous rassurer sur la justice de notre pays, pour nous ôter l’idée que certains se placeraient au-dessus des lois, et pour faire bourricot-bourricotcome.1278745266.jpgcesser les ricanements venus de l’étranger, il faut évidemment ouvrir une information judiciaire. Et comme en haut de la pyramide du parquet se trouve la garde des Sceaux, la décision lui appartient…

MAM doit se dire que si on avait avancé plus vite dans la réforme pénale, on n’en serait pas là, puisqu’il n’y aurait plus de juges d’instruction.

* Droit de la police (édition 2010), de Hervé Vlamynck, chez Vuibert.
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Aff. Bettencourt : les policiers peuvent-ils enquêter librement ? a été lu 27 771 fois et a suscité 44 commentaires.

Aff. Bettencourt : les policiers peuvent-ils enquêter librement ?

À la brigade financière de Paris, l’air doit être irrespirable. Dans ce service habitué à traiter des « affaires chaudes », la culture du secret est constante, mais ces jours-ci, on doit frôler la parano. Car si les fameux enregistrements du majordome de Liliane Bettencourt masque-a-gaz_comboutique.jpgsont une véritable bombe pour le parti au pouvoir, les policiers doivent se méfier des dégâts collatéraux. Les plus anciens se souviennent sans doute du limogeage de deux commissaires, Yves Lucet et Patrick Riou, à la suite de la mise en examen du ministre de la Coopération Michel Roussin, justement pour  des affaires concernant le financement du RPR. Affaires qui se soldèrent, si j’ai bonne mémoire, par des non-lieux.

Autrement dit, nos flicounets, ils sont en équilibre sur une planche à roulettes.

Mais la question que chacun se pose est la suivante : Vont-ils pouvoir aller jusqu’au bout de leurs investigations ?

La première chose était de confirmer les identités de chacune des voix – ce qui est fait. Ensuite, les choses se compliquent, car en épluchant les conversations des uns et des autres, on peut envisager l’existence de plusieurs délits : fraude fiscale, blanchiment, escroquerie… On a l’impression que la riche et vieille héritière s’est trouvée prise dans un tourbillon de personnages, des comédiens, qui à tour de rôle lui passaient une main dans le dos tandis que de l’autre ils farfouillaient dans ses poches. Et machin qui cherche à lui revendre l’île qu’elle lui a donnée, et trucmuche qui fait venir des valises de billets de Suisse pour qu’elle lui offre le bateau de ses rêves. Tous font semblant de croire qu’elle est en possession de toutes ses cellules grises, et dans le même temps – à tout hasard – ils la placent sous « mandat de protection future ».

mandat-protection_legifrance.1278491713.JPG

(extrait Légifrance)

On aurait presque envie de dire : la pauvre !

Pour en revenir au travail des policiers, à la différence d’une information judiciaire, où leur action tient à la volonté du juge, en enquête préliminaire, il n’y a pas de limites. Et le procureur, me direz-vous… On imagine assez mal M. Philippe Courroye mettre un frein à l’enquête qu’il a lui-même ordonnée. Du moins tant qu’on touche au commun des mortels. Car s’il s’agit d’aller titiller un ministre, les choses ne sont plus les mêmes. Certes, en droit, un ministre ne bénéficie d’aucune immunité particulière, mais uniquement d’un privilège de juridiction (Cour de justice) pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions. Mais dans les faits, on comprend bien que cette procédure compliquée agit peu ou prou comme une protection contre les poursuites (art. 68-1 et 2 de la Constitution). Et si l’on se souvient que dans l’affaire citée plus haut, le juge Halphen avait convoqué le président Chirac comme un quelconque pékin (d’ailleurs sans résultat), on ne voit guère un procureur convoquer un ministre. Et encore moins un OPJ.

Ou alors un OPJ suicidaire.

Quant aux déclarations de l’ancienne comptable de Mme Bettencourt, il est assez simple de confirmer ses propos, puisqu’elle fait allusion à de l’argent retiré aux guichets de banques situées en France. On peut être sûr que c’est déjà fait. Pour les enregistrements clandestins, c’est différent. Il faut wanted_dalton.1278491944.jpgse méfier de ce qui est trop apparent. Le majordome les aurait effectués entre mai 2009 et mai 2010, et cela avec un appareil d’une capacité de 200 heures. Pourquoi « seulement » 21 heures ont été retenues ? Qui a fait le tri ? Sur quels critères ? Qui a décidé ? Qu’y avait-il sur les enregistrements que l’on ne connaît pas ? Que sont-ils devenus ? N’y a-t-il pas eu montage ? Etc. Car s’il est tentant de régler son compte à un ministre un rien arrogant, il ne s’agit pas d’une chasse à l’homme. Il faut rester neutre, impartial.

Pas facile dans le climat actuel.

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Pour le dessin du haut voir le blog de Sanrankune.
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Liliane et les quarante voleurs a été lu 21 886 fois et a suscité 38 commentaires.

Liliane et les quarante voleurs

L’année dernière, Tracfin a reçu 18 104 informations, dont 17 310  « déclarations de soupçon » transmises par les établissements financiers. Y avait-il dans le nombre une note concernant les liasses fernandel-dans-ali-baba-et-les-40-voleurs.jpgde billets retirées chaque semaine du compte bancaire de Mme Bettencourt ?

Si ce n’est pas le cas, son banquier devrait se faire taper sur les doigts, car il a l’obligation de déclarer les déplacements d’argent liquide (de mémoire, à partir de 8.000€).

Mais si c’est le cas…

Pour comprendre le processus, il suffit de se souvenir des mésaventures de Julien Dray. La banque attire l’attention de Tracfin sur des mouvements de fonds suspects. Rien à voir avec Bettencourt. Le député socialiste ne joue pas dans la cour des grands : seulement 300 000 euros étalés sur trois ans.

Après une enquête poussée, la cellule antiblanchiment pond un rapport de 37 pages (qu’on retrouve dans la presse) qui est transmis au procureur de la République. Lequel, derechef, ouvre une enquête préliminaire.

Il semble que l’interprétation du droit soit différente dans l’affaire Bettencourt. Si l’on comprend bien, le procureur de Nanterre était au courant de possibles fraudes fiscales de la milliardaire (avait-il été informé par Tracfin ?), et il n’a pas ouvert d’enquête, se contentant d’en aviser le fisc. Le parquet ne pouvant, d’après ses dires, « décider seul de se saisir d’un fait de fraude fiscale ».

Puis, finalement, on apprend par le JDD, qu’il vient de transmettre « une analyse juridique » à son supérieur hiérarchique, le procureur général de Versailles. Autrement dit, on attend à présent le feu vert de la chancellerie.

Et un petit mot de MAM ?

Je ne sais pas vous, mais moi, je m’y perds un peu. La fraude fiscale est un délit puni de cinq ans de prison. Et le procureur ne serait pas compétent pour engager des poursuites ? Oui, oui, me dit-on, il faut que l’administration fiscale dépose plainte. Mais ici, s’agit-il vraiment de fraude fiscale ? Ne peut-on pas imaginer qu’il se cache autre chose derrière ces mouvements considérables d’argent liquide ? Un autre délit, peut-être.

Ah, les arcanes de la justice…

50 000 € d’argent de poche par semaine ! Pour nous, 50 000 €, c’est un, deux, trois… cinq ans de salaire ou de retraite… Forcément, on s’indigne, et l’on s’interroge : Que pouvait bien faire Liliane Bettencourt de ces espèces sonnantes et trébuchantes ?

Des emplettes ? Impossible au-delà de 3000 € en espèces.

Arroser les partis politiques ? Interdiction de dons en espèces supérieurs à 150 €.

Alors ? Alors, il nous vient un doute. Et si cette vieille dame n’avait jamais vu la couleur de ces billets ? Et si elle était entourée d’une bande d’aigrefins en train de consciencieusement  piller sa fortune ?

Et si la fifille n’avait pas tout à fait tort ?

vautour_lucky-luke.1278235337.jpgIl y a comme un parfum nauséabond autour de l’héritage de l’Oréal. Les milliards de Bettencourt, c’est un peu la caverne d’Ali Baba, il ne reste plus qu’à identifier les quarante voleurs.

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En raison de problèmes techniques récurrents, impossible de donner des chiffres sur le dernier billet.

Le dictaphone du majordome de Mme Bettencourt

Rien de plus simple que d’écouter les conversations de la dame la plus riche de France, il suffit d’un matériel basique que l’on peut trouver n’importe où. telephone_design-technology.1277105849.JPG« Elle est bien mal conseillée, m’a dit un spécialiste du contre-espionnage. Lors de la dernière campagne présidentielle, par exemple, les deux candidats de tête ont dépensé pas loin de cent mille euros rien que pour s’assurer qu’il n’existait ni micros ni écoutes téléphoniques dans leurs locaux. » Un « dépoussiérage » qui est devenu une habitude dans les entreprises pour éviter l’espionnage industriel, la manipulation du cours de bourse, sauvegarder le secret d’une campagne de pub, etc. Une mission facturée quand même entre 300 et 500 euros de l’heure !

Mais il existe des gadgets plus sophistiqués que le « dictaphone du majordome ». Et ce n’est plus affaire de spécialistes. Leur utilisation est tellement simple que n’importe qui peut se découvrir des talents de parfait petit espion. Il n’existe pas bien sûr de statistiques officielles, mais peu de domaines échappent aujourd’hui aux oreilles indiscrètes. Les écoutes tous azimuts sont devenues un véritable fléau de la société moderne. Et si les services de l’État sont les premiers utilisateurs,  a contrario, le gouvernement tente de freiner la vulgarisation de ces matériels auprès du grand public.

C’est l’une des raisons du décret signé par le Premier ministre en juillet 2009, pour créer une agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, appelée ANSSI. Ses missions sont multiples, mais elle vient de publier un document qui rappelle « que l’intimité de la vie privée et le secret des communications électroniques sont protégés par la loi. Leur violation, la vente au public et l’utilisation de dispositifs d’écoute sont illégales et passibles de poursuites judiciaires ». Un an de prison et 45 000 euros d’amende, que ce soit pour l’utilisation, la détention, la vente et même la publicité de ces matériels.

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Même si le dictaphone du majordome s’est transformé en bombe politique, il faut bien reconnaître que les simples écoutes  sont dépassées. Aujourd’hui, le téléphone portable a changé la donne. Les renseignements les plus importants ne sont plus dans les conversations, mais plutôt dans le comportement, les déplacements, les habitudes… En fait, extrait-pub-espion-mobile2.1277106687.jpgce sont les traces que nous laissons derrière nous, dans notre vie de tous les jours, qui nous trahissent le plus.

Et pourtant, dans une poche ou dans un sac, on le trimballe tous ce satané portable, ce sycophante des temps modernes.

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Un léger problème technnique sur ce blog m’empêche de donner les statistiques du dernier billet.  

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