Tout est bon pour grappiller quelques petits millions d’euros sur le dos du fisc, comme nous le montre l’affaire Bettencourt. Mais dans le catalogue des combines et entourloupes (paradis fiscaux, placements offshore, fondations…) on n’a pas mentionné la martingale à la mode : le trust.
Le trust n’est ni une personne physique ni une société ni quoi que ce soit. C’est une entité, une réalité abstraite. Un acte par lequel une personne confie ses biens à une autre personne, afin que celle-ci les gère au profit d’une troisième personne, avant de les remettre à une quatrième personne – celle qui, à l’expiration du trust, empoche la mise. Tout cela sous le contrôle éventuel d’un cinquième larron appelé le « protector ».
Je sais je sais, on n’y comprend rien. Mais c’est exprès. D’autant que cela peut encore se compliquer lorsqu’il y a réunion de plusieurs candidats trusteurs.
Quel avantage, me direz-vous. Eh bien, le principal avantage, c’est que les biens mis en trust n’apparaissent plus dans le patrimoine de leur propriétaire. Puisque juridiquement, il s’en est défait au profit du trust – jusqu’au jour où il les récupérera, lui ou ses héritiers.
Un bon truc le trust, non !
Vous pensez bien que l’administration fiscale s’est intéressée depuis longtemps à ce petit bijou du droit anglo-saxon. Mais elle s’y est plus ou moins cassé les dents. Ainsi, le Tribunal de grande instance de Nanterre a jugé qu’un résident français ne pouvait pas être assujetti à l’ISF pour des revenus provenant d’un trust créé aux USA. Et, en 2007, la Cour de cassation a enfoncé le clou dans un arrêt qui souligne l’intérêt fiscal d’un trust ouvert à l’étranger.
« Il peut donc être utilisé pour planifier une succession, préparer sa retraite, financer une association caritative… ou simplement organiser une séparation temporaire. Ainsi, Sylvio Berlusconi a mis dans un trust ses participations dans des chaînes de télévision italiennes pendant son mandat de Premier ministre », lit-on, dans Money Week. Et de citer l’exemple d’un résident américain, de nationalité française, décédé en France en 1995, dont les héritiers (français) ont encaissé la succession sans verser le moindre centime au fisc. Car le défunt n’étant plus légalement propriétaire des biens, il s’agissait non d’un héritage mais d’une mutation à titre gratuit.
Pour ne pas être en reste, en 2007, la France a créé son propre trust, mais réservé uniquement aux entreprises : la fiducie.
L’article 2011 du Code civil nous en donne cette définition, alambiquée à plaisir : «La fiducie est l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires.»
Bon !
Il s’agissait, a-t-on dit à l’époque, de freiner les délocalisations. Pourtant, l’année dernière, la fiducie s’est ouverte aux personnes physiques.
Pour faire simple, aujourd’hui, pour un droit fixe de 125€, chacun peut créer sa fiducie. Encore faut-il avoir quelque chose à mettre dedans. On imagine les avantages sur l’ISF ou les droits de succession… Mais je suis peut-être mauvaise langue : la loi est trop récente pour avoir la moindre idée de ses imbrications fiscales.
En attendant, si Mme Bettencourt avait glissé son île dans un trust de droit anglo-saxon, qui lui est aussi vieux que le monde, les as de la brigade financière auraient pu chercher longtemps à qui elle appartenait, car elle n’aurait appartenu à personne.
Alors pourquoi ses gestionnaires de fortune n’ont-ils pas utilisé ce stratagème ? Je me garderai bien de répéter l’opinion de l’avocat fiscaliste qui a fait l’effort de m’initier à ces techniques…
20 réponses à “Le dictaphone du majordome de Mme Bettencourt”
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Ce majordome/maître d’hôtel doit être décoré de l’étoile d’or de Jeeves, avec palmes (de Canard).
Et pourquoi n’y aurait-il plus de majordomes ? C’est un métier aussi valable qu’un autre qui requiert même une certaine culture.
[…] Lire la suite sur : Le Monde Url de l’article : Le dictaphone du majordome de Mme Bettencourt. […]
Petite précision : l’ANSSI nous coûte 90 millions d’euro pour un rappel à la loi … super !!
(source http://www.tayo.fr/anssi–agence-nationale-securite-des-systeme-information–definition-news.php)
Sans attendre les explications des gestionnaires des blogs du Monde, je comprends à la lecture de la dernière ligne du blog ci-dessus que l’affichage des statistiques foire pour tout le monde sur le Monde des blogs.
Merci pour l’info ! Pas besoin d’une enquête !
[…] Read more here: Le dictaphone du majordome de Mme Bettencourt […]
Marrante, mais Ô combienjustifiée la métaphore sur le « portable »… ca me rappelle une époque, pas si lointaine, où il se disait déjà : « si tu vois un mec assis à une terrasse de bistrot, la pile du portable désenclanchée, c’est un malfrat de haut vol bien documenté… ou un flic des S.R ! »
Le must, c’est quand même le rayon laser projeté sur une vitre et qui répercute les vibration de la vitre à un CPU qui régénère le signal audio. Discret et imparable, même à 300€ l’heure de « dépoussiérage ».
Mais « écouter » le rayonnement électromagnétique avec une antenne permet également de récupérer les touches entrées au clavier d’un ordinateur ou d’un smartphone et de reconstituer le message.
Faudra quand même penser à équiper le nouveau majordome de Bettencourt avec ces gadgets, car, au vu de ses nombreuses dissimulations, il y a sûrement des nouveau cadavres à sortir de ses placards poussiéreux, à la vielle carne…
On peut écouter des passages des conversations audio de qualité.
http://www.mediapart.fr/journal/france/210610/affaire-bettencourt-trois-cheques-trois-questions
Et si vous tiriez sur quelqu’un qui prétend être sur le point de faire exploser une bombe à 100km de là, ce serait illégal ?
Les enregistrements clandestins ont-ils valeur de preuve ?
http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2010/06/17/les-enregistrements-clandestins-ont-ils-valeur-de-preuve.html
affiche-1.jpgLiliane Bettencourt ne s’entend plus avec sa fille, laquelle estime que sa mère n’a plus toute sa tête, et devrait être placée sous curatelle ou tutelle,… ce qui se révèle impossible car sa mère refuse d’être examinée par un médecin à cet effet. Ajoutons des intermédiaires, des donations, et le procès fait rage devant le tribunal de grande instance de Nanterre… L’affaire ne sent pas bon.
Elle se complique désormais, avec un volet fiscal, de très importantes sommes planquées en Suisse, et un volet politique, à savoir l’intérêt de l’Elysée pour le déroulement de la procédure. Toutes les personnes impliquées protestent, et la police enquête. Lisez Mediapart pour en savoir plus…
Mais, dans ce brouillard, un point est acquis. Ces dernières infos viennent de conversations enregistrées clandestinement entre mai 2009 et mai 2010 par le maître d’hôtel de Liliane Bettencourt, sur dictaphone, dans l’hôtel particulier de l’héritière de L’Oréal, à Neuilly-sur-Seine. Motivation ? Une vengeance contre sa patronne. Le maître d’hôtel a remis les cassettes à la fille, qui les a confiées à la police. Question : quid de la valeur de ces enregistrements ?
Si le maître d’hôtel confirme les faits, ce sera pour lui la correctionnelle, pour atteinte à la vie privée. Le fait de capter, d’enregistrer ou de transmettre, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, est une infraction, prévue par l’article 226-1 du Code pénal. affiche-1.jpg
Mais pour autant, ces informations ne sont pas perdues pour la justice. Voyons ce que dit la Chambre criminelle de la Cour de cassation.
La Cour pose pour principe qu’aucune disposition légale ne permet au juge pénal d’écarter des moyens de preuve au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il lui appartient seulement, en application de l’article 427 du Code de procédure pénale, d’en apprécier la valeur probante après les avoir soumis à la discussion contradictoire. Il en est ainsi du testing ou des enregistrements (11 juin 2002, n° 01-85559 ; 27 janvier 2010, n° 09-83395).
Est ainsi admise la production de l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, dès lors qu’elle est justifiée par la nécessité de rapporter la preuve des faits dont l’auteur de l’enregistrement est victime et par les besoins de sa défense (31 janvier 2007 n° 06-82383). L’enregistrement clandestin destiné à constituer la preuve de faits dont on est victime est un moyen de preuve soumis à la libre discussion des parties (19 janvier 1999, n° 98-83787).
Le juge d’instruction aussi peut enregistrer, et il a les coudées franches. Le téléphone, c’est un classique, mais par application des articles 81, 151 et 152 du Code de procédure pénale, il peut ordonner la captation, la transmission et l’enregistrement de conversations privées, autres que des communications téléphoniques, pourvu que ces mesures aient lieu sous son contrôle et dans des lespionauxpattesdevelou.jpgconditions ne portant pas atteinte aux droits de la défense (23 novembre 1999, n° 99-82658). Il peut même, s’il en justifie la nécessité, par la gravité des accusations, enregistrer des conversations tenues au parloir de la prison, lors des visites, ce dans le cadre des articles 706-96 à 706-102 du code de procédure pénale (1 mars 2006, n° 05-87251)
Une personne mise en examen est sans qualité pour contester la régularité de l’interception et de la transcription, ordonnées par le juge d’instruction, de conversations téléphoniques échangées entre d’autres personnes mises en examen sur une ligne qui ne lui est pas attribuée (14 novembre 2001, n° 01-85965).
On peut même donner un peu dans la ruse, la limite étant la provoc. La participation simulée d’un fonctionnaire de police à une action illicite ne vicie pas la procédure, lorsqu’elle ne détermine pas la personne intéressée à commettre le délit. A été jugé valable le concours d’un fonctionnaire de police ayant feint d’accepter des offres de sommes d’argent en échange de renseignements, dès lors que les investigations ont pour objet de recueillir les preuves d’un délit de corruption active qui préexistait (23 novembre 1999, n° 99-82658).
C’est vis-à-vis de l’avocat que ça coince, et encore. La captation et la transcription de conversations téléphoniques échangées entre un avocat et son client sont régulières, dès lors que le contenu de celles-ci est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction, les droits de la défense n’étant pas en cause (14 novembre 2001, n° 01-85965 ; 18 janvier 2006, n° 05-86447).
Eh oui, pas facile d’être tranquille…
Bonjour,
Par contre les enregistrements mettant à mal en haut lieu, le pouvoir, peuvent-être acceptés par un juge, et c’est tant mieux.
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L’auteur du billet aurait-il une idée de la raison pour laquelle Sarkozy diligente « ses procureurs » pour étouffer les plaintes de Françoise Bettencourt, au détriment d’un gigolo et d’une bande de vautours ?
Merci
Et si des écoutes « privées » révélaient un réseau terroriste, ce serait illégal ?
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… et Nestor ! (dans les albums de Tintin ,-)
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Moi qui suis fan d’Agatha Christie et de ses romans, j’ai été surtout choqué qu’il existe encore des majordomes ! Je pensais ce métier éteint !
Enfin, j’imagine que quand on a 22 milliards d’euros, on peut se payer du personnel…