LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Le dictaphone du majordome de Mme Bettencourt

Rien de plus simple que d’écouter les conversations de la dame la plus riche de France, il suffit d’un matériel basique que l’on peut trouver n’importe où. telephone_design-technology.1277105849.JPG« Elle est bien mal conseillée, m’a dit un spécialiste du contre-espionnage. Lors de la dernière campagne présidentielle, par exemple, les deux candidats de tête ont dépensé pas loin de cent mille euros rien que pour s’assurer qu’il n’existait ni micros ni écoutes téléphoniques dans leurs locaux. » Un « dépoussiérage » qui est devenu une habitude dans les entreprises pour éviter l’espionnage industriel, la manipulation du cours de bourse, sauvegarder le secret d’une campagne de pub, etc. Une mission facturée quand même entre 300 et 500 euros de l’heure !

Mais il existe des gadgets plus sophistiqués que le « dictaphone du majordome ». Et ce n’est plus affaire de spécialistes. Leur utilisation est tellement simple que n’importe qui peut se découvrir des talents de parfait petit espion. Il n’existe pas bien sûr de statistiques officielles, mais peu de domaines échappent aujourd’hui aux oreilles indiscrètes. Les écoutes tous azimuts sont devenues un véritable fléau de la société moderne. Et si les services de l’État sont les premiers utilisateurs,  a contrario, le gouvernement tente de freiner la vulgarisation de ces matériels auprès du grand public.

C’est l’une des raisons du décret signé par le Premier ministre en juillet 2009, pour créer une agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, appelée ANSSI. Ses missions sont multiples, mais elle vient de publier un document qui rappelle « que l’intimité de la vie privée et le secret des communications électroniques sont protégés par la loi. Leur violation, la vente au public et l’utilisation de dispositifs d’écoute sont illégales et passibles de poursuites judiciaires ». Un an de prison et 45 000 euros d’amende, que ce soit pour l’utilisation, la détention, la vente et même la publicité de ces matériels.

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Même si le dictaphone du majordome s’est transformé en bombe politique, il faut bien reconnaître que les simples écoutes  sont dépassées. Aujourd’hui, le téléphone portable a changé la donne. Les renseignements les plus importants ne sont plus dans les conversations, mais plutôt dans le comportement, les déplacements, les habitudes… En fait, extrait-pub-espion-mobile2.1277106687.jpgce sont les traces que nous laissons derrière nous, dans notre vie de tous les jours, qui nous trahissent le plus.

Et pourtant, dans une poche ou dans un sac, on le trimballe tous ce satané portable, ce sycophante des temps modernes.

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Un léger problème technnique sur ce blog m’empêche de donner les statistiques du dernier billet.  

13 Comments

  1. Clafoutis

    Ce majordome/maître d’hôtel doit être décoré de l’étoile d’or de Jeeves, avec palmes (de Canard).

  2. lilith

    Et pourquoi n’y aurait-il plus de majordomes ? C’est un métier aussi valable qu’un autre qui requiert même une certaine culture.

  3. anonyme

    Petite précision : l’ANSSI nous coûte 90 millions d’euro pour un rappel à la loi … super !!

    (source http://www.tayo.fr/anssi–agence-nationale-securite-des-systeme-information–definition-news.php)

  4. nomade

    Sans attendre les explications des gestionnaires des blogs du Monde, je comprends à la lecture de la dernière ligne du blog ci-dessus que l’affichage des statistiques foire pour tout le monde sur le Monde des blogs.
    Merci pour l’info ! Pas besoin d’une enquête !

  5. michel-j

    Marrante, mais Ô combienjustifiée la métaphore sur le « portable »… ca me rappelle une époque, pas si lointaine, où il se disait déjà : « si tu vois un mec assis à une terrasse de bistrot, la pile du portable désenclanchée, c’est un malfrat de haut vol bien documenté… ou un flic des S.R ! »

  6. Vince

    Le must, c’est quand même le rayon laser projeté sur une vitre et qui répercute les vibration de la vitre à un CPU qui régénère le signal audio. Discret et imparable, même à 300€ l’heure de « dépoussiérage ».
    Mais « écouter » le rayonnement électromagnétique avec une antenne permet également de récupérer les touches entrées au clavier d’un ordinateur ou d’un smartphone et de reconstituer le message.

    Faudra quand même penser à équiper le nouveau majordome de Bettencourt avec ces gadgets, car, au vu de ses nombreuses dissimulations, il y a sûrement des nouveau cadavres à sortir de ses placards poussiéreux, à la vielle carne…

  7. nom

    On peut écouter des passages des conversations audio de qualité.
    http://www.mediapart.fr/journal/france/210610/affaire-bettencourt-trois-cheques-trois-questions

  8. else

    Et si vous tiriez sur quelqu’un qui prétend être sur le point de faire exploser une bombe à 100km de là, ce serait illégal ?

  9. nom

    Les enregistrements clandestins ont-ils valeur de preuve ?
    http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2010/06/17/les-enregistrements-clandestins-ont-ils-valeur-de-preuve.html
    affiche-1.jpgLiliane Bettencourt ne s’entend plus avec sa fille, laquelle estime que sa mère n’a plus toute sa tête, et devrait être placée sous curatelle ou tutelle,… ce qui se révèle impossible car sa mère refuse d’être examinée par un médecin à cet effet. Ajoutons des intermédiaires, des donations, et le procès fait rage devant le tribunal de grande instance de Nanterre… L’affaire ne sent pas bon.

    Elle se complique désormais, avec un volet fiscal, de très importantes sommes planquées en Suisse, et un volet politique, à savoir l’intérêt de l’Elysée pour le déroulement de la procédure. Toutes les personnes impliquées protestent, et la police enquête. Lisez Mediapart pour en savoir plus…

    Mais, dans ce brouillard, un point est acquis. Ces dernières infos viennent de conversations enregistrées clandestinement entre mai 2009 et mai 2010 par le maître d’hôtel de Liliane Bettencourt, sur dictaphone, dans l’hôtel particulier de l’héritière de L’Oréal, à Neuilly-sur-Seine. Motivation ? Une vengeance contre sa patronne. Le maître d’hôtel a remis les cassettes à la fille, qui les a confiées à la police. Question : quid de la valeur de ces enregistrements ?

    Si le maître d’hôtel confirme les faits, ce sera pour lui la correctionnelle, pour atteinte à la vie privée. Le fait de capter, d’enregistrer ou de transmettre, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, est une infraction, prévue par l’article 226-1 du Code pénal. affiche-1.jpg

    Mais pour autant, ces informations ne sont pas perdues pour la justice. Voyons ce que dit la Chambre criminelle de la Cour de cassation.

    La Cour pose pour principe qu’aucune disposition légale ne permet au juge pénal d’écarter des moyens de preuve au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale. Il lui appartient seulement, en application de l’article 427 du Code de procédure pénale, d’en apprécier la valeur probante après les avoir soumis à la discussion contradictoire. Il en est ainsi du testing ou des enregistrements (11 juin 2002, n° 01-85559 ; 27 janvier 2010, n° 09-83395).

    Est ainsi admise la production de l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, dès lors qu’elle est justifiée par la nécessité de rapporter la preuve des faits dont l’auteur de l’enregistrement est victime et par les besoins de sa défense (31 janvier 2007 n° 06-82383). L’enregistrement clandestin destiné à constituer la preuve de faits dont on est victime est un moyen de preuve soumis à la libre discussion des parties (19 janvier 1999, n° 98-83787).

    Le juge d’instruction aussi peut enregistrer, et il a les coudées franches. Le téléphone, c’est un classique, mais par application des articles 81, 151 et 152 du Code de procédure pénale, il peut ordonner la captation, la transmission et l’enregistrement de conversations privées, autres que des communications téléphoniques, pourvu que ces mesures aient lieu sous son contrôle et dans des lespionauxpattesdevelou.jpgconditions ne portant pas atteinte aux droits de la défense (23 novembre 1999, n° 99-82658). Il peut même, s’il en justifie la nécessité, par la gravité des accusations, enregistrer des conversations tenues au parloir de la prison, lors des visites, ce dans le cadre des articles 706-96 à 706-102 du code de procédure pénale (1 mars 2006, n° 05-87251)

    Une personne mise en examen est sans qualité pour contester la régularité de l’interception et de la transcription, ordonnées par le juge d’instruction, de conversations téléphoniques échangées entre d’autres personnes mises en examen sur une ligne qui ne lui est pas attribuée (14 novembre 2001, n° 01-85965).

    On peut même donner un peu dans la ruse, la limite étant la provoc. La participation simulée d’un fonctionnaire de police à une action illicite ne vicie pas la procédure, lorsqu’elle ne détermine pas la personne intéressée à commettre le délit. A été jugé valable le concours d’un fonctionnaire de police ayant feint d’accepter des offres de sommes d’argent en échange de renseignements, dès lors que les investigations ont pour objet de recueillir les preuves d’un délit de corruption active qui préexistait (23 novembre 1999, n° 99-82658).

    C’est vis-à-vis de l’avocat que ça coince, et encore. La captation et la transcription de conversations téléphoniques échangées entre un avocat et son client sont régulières, dès lors que le contenu de celles-ci est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction, les droits de la défense n’étant pas en cause (14 novembre 2001, n° 01-85965 ; 18 janvier 2006, n° 05-86447).

    Eh oui, pas facile d’être tranquille…

  10. nom

    Bonjour,
    Par contre les enregistrements mettant à mal en haut lieu, le pouvoir, peuvent-être acceptés par un juge, et c’est tant mieux.
    http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2010/06/17/les-enregistrements-clandestins-ont-ils-valeur-de-preuve.html

    L’auteur du billet aurait-il une idée de la raison pour laquelle Sarkozy diligente « ses procureurs » pour étouffer les plaintes de Françoise Bettencourt, au détriment d’un gigolo et d’une bande de vautours ?
    Merci

  11. no one

    Et si des écoutes « privées » révélaient un réseau terroriste, ce serait illégal ?

  12. rouau

    … et Nestor ! (dans les albums de Tintin ,-)

  13. Relique

    Moi qui suis fan d’Agatha Christie et de ses romans, j’ai été surtout choqué qu’il existe encore des majordomes ! Je pensais ce métier éteint !

    Enfin, j’imagine que quand on a 22 milliards d’euros, on peut se payer du personnel…

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