Lorsque l’huissier a brisé les scellés du grand sac blanc, dans la salle d’audience, le suspens était palpable. Les avocats s’étaient approchés et comme tout le monde, ils retenaient leur souffle…
Petit retour en arrière : Bien après la catastrophe, à la demande de la société Grande Paroisse, un huissier a saisi les sacs vides qui se trouvaient dans le hangar 335 – ce qui n’avait pas été fait lors de l’enquête. Et personne ensuite ne s’intéresse à ce scellé jusqu’au jour où le journaliste Jean-Christian Tirat met en évidence une contradiction* : le nitrate d’ammonium, le produit utilisé pour démontrer la thèse de l’accident, n’était peut-être pas le bon.
En effet, le nitrate d’ammonium est contenu dans des sacs munis de 4 anses et d’une inscription en noir. Or Gilles Fauré, l’ouvrier qui a pelleté le produit, a affirmé qu’il s’agissait d’un sac muni d’une seule anse, portant effectivement des inscriptions en noir**, mais contenant de l’ammonitrate.
Mais on ne l’a pas cru, car il était admis que l’ammonitrate ne pouvait être marqué qu’en vert. Et toute l’instruction judiciaire a été bâtie sur l’hypothèse que les sacs d’une capacité d’une tonne portant une inscription en noir, contiennent obligatoirement du nitrate d’ammonium (un explosif de carrière). Personne n’a pensé aux sacs de 600 kg, qui eux aussi portent une inscription en noir, mais lorsqu’ils contiennent de l’ammonitrate, c’est-à-dire un engrais agricole, non explosif dans des conditions normales d’utilisation.
Ce qui rend les déclarations de l’ouvrier Fauré plausibles. Mais encore fallait-il les confirmer !
Donc, en cet instant de l’affaire AZF, après des années d’instruction et des semaines de procès, l’huissier sort du grand sac blanc d’autres sacs, et sur deux d’entre eux, l’inscription « ammonitrate 33,5 % » est écrite en noir…
L’avocat de la ville de Toulouse, Me Lèguevaques, tente bien de noyer le poisson en estimant qu’il est impossible de déterminer l’origine de ces sacs. Mais Serge Biechlin, l’ancien directeur d’AZF, le reprend : tous les sacs sont tracés et le numéro de l’usine de Toulouse est 31555. L’huissier vérifie : les sacs portent ce numéro.
Que peut-il se passer maintenant ? Lors de son délibéré, le tribunal correctionnel va-t-il malgré tout maintenir l’existence d’une responsabilité pénale contre AZF et ses représentants ?
Voici ce qu’en pense l’universitaire Hubert Seillan, spécialiste en droit du danger. Il est interviewé par Anna Lutzky, dans Usine Nouvelle, sous le titre : « Procès AZF : En quarante ans de carrière, je n’ai jamais vu ça ».
Sur l’enquête : « Je suis venu le surlendemain de la catastrophe sur le site d’AZF, avec 100 étudiants, sans qu’il y ait aucune limite, c’était la foire. Quand un simple accident survient dans un atelier, les policiers mettent des scellés, bloquent les machines, font des prélèvements immédiatement… Ici rien. De même, les experts ont travaillé sur les données qu’on leur a fournies or ces dernières ont été très partielles ».
Sur la responsabilité de Total : « Soit c’est un accident interne au hangar, et là Total est pleinement responsable de la formation de ses employés, et de la sécurité du site. Soit c’est de la malveillance interne liée à la sous-traitance, et Total n’a pas bien géré ses sous-traitants. Soit c’est une source extérieure, terroriste ou accidentelle, et Total est toujours impliqué : quand on a un site industriel, on s’arrange pour que personne ne vienne chez soi. Il reste cependant l’hypothèse d’une malveillance sans aucune intrusion… ».
Le président Le Monnyer a terminé la séance du mardi 9 juin par ces mots rapportés sur le blog La Dépêche de Sabine Bernède : « Je considère maintenant que l’essentiel de l’instruction a été dite ».
Ce mercredi 10 juin, Thierry Desmaret l’ancien président de Total est attendu à la barre. Plusieurs associations envisagent de manifester.
Et le vendredi 12 juin, Serge Biechlin, l’ancien directeur d’AZF (à droite), et son directeur général, Daniel Grasset, seront entendus par le tribunal.
Ensuite viendra l’accusation, la défense et… la décision du tribunal.
Mais en l’état, ce procès risque bien de se terminer sur une question : Que s’est-il réellement passé le 21 septembre 2001 sur le site AZF de Toulouse ?
_________________________________________________
* Le blog de Jean-Christian Tirat : AZF : l’enquête assassinée.
** Sur ce blog: Une histoire de sacs.
_________________________________________________
4 réponses à “Chroniques du procès AZF (4)”
The Best Scholarships for Minorities…
[…]listed here are a few hyper-links to online sites which we connect to seeing as we believe they really are worthy of visiting[…]…
« Quidam », merci du compliment.
« Jean », merci de l’info. La problématique des témoignages sera abordée dans une prochaine chronique
Bien cordialement
Le Professeur Arnaudies répond au Président Lemonnier
http://geopolintel.kazeo.com/AZF-l-histoire-d-une-raison-d-Etat/AZF-Le-professeur-Anaudies-repond-au-president-Le-Monnyer,a785715.html
Je trouve que la chronique du procès AZF est de l’excellent journalisme. Tant mieux pour ce blog tout a fait intéressant.