Des suspects a priori – C’est l’impression que l’on ressent en lisant les dépositions d’anciens salariés d’AZF : « J’ai été mis en examen, et je ne sais toujours pas pourquoi. Ne me mettez pas les morts en face, ce n’est pas le moment ! On a été traités d’assassins, accusés de meurtre. Au lieu de nous cracher dessus, on aurait dû nous donner une médaille ! (…) On nous dit : » Vous avez tué des gens « . Non, on a sauvé des gens ! » C’est Richard Mole, un ingénieur du site AZF qui parle ainsi. Lui et quelques-uns de ses collègues en ont gros sur le cœur. Ils n’ont pas digéré la manière dont ils ont été traités par les enquêteurs de la police judiciaire et par les juges d’instruction.
À la lecture de cette nouvelle chronique de Jean-Christian Tirat, on a l’impression que les policiers ont tenté de faire coïncider les dépositions des témoins ou des suspects avec la version officielle annoncée d’entrée de jeu par le procureur de la République.
Une impression dérangeante…
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Le tribunal évacue, invalide, exclut et réfute
Pour élucider le mystère de la catastrophe de Toulouse, les hypothèses d’une météorite tombée fortuitement sur le hangar 221 d’AZF, celle d’une bombe non explosée lâchée par la RAF le 2 mai 1944, et celle encore plus saugrenue d’un essai militaro-industriel high-tech loupé pour des raisons X ou Y, ont été évacuées par tous les experts ; pour une fois unanimes serait-on tenté d’ajouter.
Celle d’un arc électrique a aussi été vite invalidée. On aurait d’ailleurs pu y associer l’idée séduisante d’un « tsunami » de monopôles magnétiques développée par des physiciens de l’Institut Louis de Broglie et de l’institut Semenov de Moscou, mais il n’en a même pas été question.
Restent la piste d’une explosion due à un gaz exogène, tout aussi prestement réfutée par un expert (nous y reviendrons dans une prochaine chronique) ; et la piste intentionnelle gardée au chaud par le président du tribunal (voir la chronique du procès AZF n°10).
En attendant, c’est l’explication privilégiée (de guerre lasse ?) par les juges d’instruction Thierry Perriquet et le très discret Didier Suc, que le tribunal va passer au crible.
Il s’agit du mélange accidentel de quelques balayures d’un dérivé chloré pour piscines (DCCNa) avec des nitrates d’ammonium (NA) humides qui aurait été déversé dans le box d’entrée du hangar 221 où transitaient les NA déclassés pour raisons commerciales*.
* Pour en savoir plus sur les nitrates et le DCCNa.
Le président patouille
11 semaines que le procès est ouvert, sans que la thèse officielle soit franchement évoquée si ce n’est par touches successives, prudentes, méthodiques… Le président a certes fait le ménage, mais il va et vient maintenant au gré de la disponibilité des témoins et au détriment de la cohérence des débats.
Il rôde autour de l’option controversée du mélange incompatible : Il s’englue dans l’huile de carter des engins de chantier, neufs mais déjà fuyants selon l’accusation ; il s’enrhume sous un léger vent d’Autan, peut être humide ; il patouille dans des engrais secs ou boueux, c’est selon ; il patine sur une éventuelle croûte géante de nitrates pollués qui recouvrirait une dalle en béton en plus ou moins bon état. À ce jeu, il finit par s’enliser dans le marigot des textes réglementaires scrupuleusement respectés pour les uns, « adaptés » pour les autres. Pour changer, il flaire les miasmes du chlore ou de l’ammoniac ; il toussote et l’on s’y perd. Quand va-t-il aborder le problème de front ? Les victimes et leurs avocats, comme ceux de la défense s’impatientent. La tension monte.
Elle monte sur les conditions d’exploitation du hangar 221…
Il faudrait qu’un journaliste fasse le même travail d’enquête au sujet de l’explosion dans le tunnel sous la manche, qui eut lieu le 11 septembre 2008.
Et dont l’enquête,(et le procès?) ne sont pas médiatisé.
Je suis votre chronique avec beaucoup d’attention. Merci pour cette contribution très importante pour comprendre ce qui s’est passé et, surtout, comment la justice fait son œuvre.