LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Étiquette : Officier de police judiciaire

L’officier de police judiciaire victime collatérale du flingage de la PJ ?

En tirant un trait sur la PJ de province, Gérald Darmanin a cédé aux doléances d’une poignée de godillâtes en mal d’une érection neuronique qui ne vient pas. Car on ne peut imaginer qu’un dirigeant politique de son envergure ait pris la décision de casser un outil qui ne marchait pas si mal uniquement pour avoir sous la main le personnel nécessaire à la sécurité des JO…

Esquisse du logo de la PJ par le peintre Raymond Moretti

Le ministre de l’Intérieur a d’ailleurs reconnu implicitement sa boulette, c’est du moins l’avis de l’Association nationale de police judiciaire (ANPJ), en admettant à demi-mot l’importance d’un travail de fonds pour lutter contre la narco-mafia ou la mocro-mafia, il a même utilisé des termes que je croyais obsolètes en parlant de « la lutte contre le grand banditisme ». Mais en prenant des bouts de phrases ici ou là, on fait dire n’importe quoi à n’importe qui. En fait, la priorité du ministre de l’Intérieur se tient dans l’action présente, celle qui se voit, comme le montrent d’ailleurs les opérations « place nette » de ces derniers jours. Il est pour une police de « voie publique ».

Le 10 avril 2024, au Sénat, devant la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France, il n’a pas dit autre chose : « On ne peut attendre d’avoir toutes les preuves… – C’est sûr que si l’on veut l’enquête absolument parfaite sur tout le réseau, les gens peuvent attendre extrêmement longtemps. – Moi mon travail, chacun son travail, moi mon travail, c’est qu’il n’y ait pas de points de deal. L’excuse de dire qu’il faut absolument des enquêtes parfaites pour ne pas faire de voie publique… c’est justement ça qui fait l’inefficacité publique que le Français moyen voit dans la rue… »

Tête du tigre qui a vraisemblablement servi de modèle pour le dessin du logo de la PJ

Lors de cette audition, lorsqu’il a été question des enquêtes au long cours, Darmanin a taclé la justice, qu’il considère comme trop rigide, faisant notamment allusion au commissaire divisionnaire Stéphane Lapeyre, ancien n° 2 de l’Office des stups, condamné en décembre dernier à 3 ans de prison avec sursis pour complicité de trafic de drogue dans le cadre d’une livraison de cocaïne surveillée. Le garde des Sceaux est resté coi. Éric Dupond-Moretti s’est-il une seule fois frotté au ministre de l’Intérieur ? S’il a obtenu des moyens supplémentaires pour la justice, on l’entend rarement défendre l’institution, alors qu’il est à la charnière de la séparation des pouvoirs. En fait, quand il parle, on a toujours l’impression qu’il est sur la défensive, comme s’il ne se sentait pas à sa place. Aussi, en l’absence de feuilles de route, désorientés par la disparition des services de police judiciaire provinciaux de la police nationale, les magistrats en charge d’enquêtes criminelles se tournent désormais vers les services de police judiciaire de la gendarmerie nationale, lesquels restent fortement structurés, même si la hiérarchie militaire ne présente pas toujours la souplesse nécessaire aux investigations criminelles. Souvent, l’enquête presse-bouton ne suffit pas, pas plus qu’une escouade de militaires.

Dans l’enquête sur la disparition de Delphine Jubillar, en décembre 2020, aucun service de police n’aurait pu mettre autant d’hommes sur le terrain. La semaine dernière encore, c’est une soixantaine de personnels militaires : actifs, réservistes, équipes cynophiles… qui ont repris des fouilles à proximité de la maison de la jeune femme. Y aurait-il des éléments nouveaux ? se sont demandé les journalistes. Ils ont du mal à obtenir une réponse, d’autant que le parquet général a changé de patron et son successeur, Nicolas Jacquet, a la réputation d’être prudent avec les médias, pour bien les connaître, puisqu’il est le doyen du pôle communication judiciaire de l’école nationale de la magistrature.

D’après La Dépêche, il s’agirait de refermer une porte en procédure après les affabulations d’une voyante qui, en 2022, « avait eu des visions de Delphine Jubillar séquestrée dans le vide sanitaire d’un corps de ferme ». Mais sacrebleu, qui a eu l’idée de recueillir sur procès-verbal les propos d’une illuminée en mal de pub !

Lorsqu’une enquête se fait au grand jour, les témoignages les plus farfelus sont pléthore. Pas facile de faire le tri. Les deux juges en charge du dossier en savent quelque chose, puisqu’ils ont été invités à revoir leur copie par la chambre d’instruction de la cour d’appel, alors qu’ils croyaient leur dossier bouclé. Oups !

Il semble donc que les dés soient jetés, les gendarmes sortent vainqueurs de la guéguerre police judiciaire – gendarmerie judiciaire. D’ailleurs, sur le site du ministère de l’Intérieur, les services de PJ ont disparu. Même le logo créé par le peintre Raymond Moretti est en train de s’effacer. De l’ancienne DCPJ, il ne reste que les services centraux, regroupés au sein d’une direction nationale – et non plus centrale – dont le seul rôle est d’animer la filière judiciaire et qui, de fait, n’a aucun pouvoir sur les policiers de province. Alors que les vieux péjistes quittent en masse une « maison » qui n’existe plus, même le recrutement lui échappe. Comment vont donc travailler les enquêteurs des offices centraux, s’ils ne peuvent s’appuyer sur des collègues implantés au-delà de l’Île-de-France ? En se coupant de la base, la PJ devient élitiste.

La vraie histoire du logo de la PJ

Pour l’ANPJ, ce nouvel organigramme favorise la criminalité organisée : « La focalisation de l’action publique sur la petite délinquance pousse à l’absorption des petits groupes criminels par de plus grosses organisations mieux structurées et plus résilientes… »

Alors, l’investigation sur la criminalité organisée va-t-elle rester en rade ? « On n’est pas totalement… dénué d’esprit », a répondu Gérald Darmanin, avec un sourire en coin, devant les sénateurs-enquêteurs. Il a décidé de charger la DGSI des enquêtes proactives sur le narcotrafic, sous le sceau du secret défense, à l’abri du regard inquisiteur des magistrats.

Tout cela est bien compliqué, d’autant que le terme « officier de police judiciaire » ne facilite pas les choses. Il n’est pas toujours aisé de faire la différence entre un service de police judiciaire et une activité de police judiciaire. D’ailleurs, pour ne pas utiliser le mot « police », les douanes ont opté pour le terme officier judiciaire des douanes (OJD) et le fisc pour officier fiscal judiciaire (OFJ). À quand l’OGJ ? Officier de gendarmerie judiciaire, ça sonne bien, non !

 

Extrait de la vidéo de l’audition de Gérald Darmanin par le Sénat (durée : 1 mn.)

Des greffiers chez les poulets

Le chef de l’État veut voir davantage de policiers sur le terrain et moins dans les bureaux à perdre leur temps à des tâches administratives. Bravo ! Mais comment concilier cette ambition avec le télétravail. Et quel rapport avec la création de postes de greffier de police ?

Depuis un décret de février 2016, le télétravail s’est peu à peu installé au sein de la fonction publique pour tous les personnels qui le souhaitent à raison de trois jours par semaine, au maximum. Cela « constitue pour les agents une opportunité d’améliorer la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle », mentionnait le directeur général de la police nationale dans sa circulaire d’application. Une possibilité qui a été aménagée au bon vouloir du coronavirus responsable de la Covid-19.

Naïvement, on peut se demander comment un métier dit de « service actif » peut être pratiqué à domicile, les pieds dans les charentaises. C’est le miracle d’une société branchée ! Non seulement le policier peut rédiger toute la paperasse à distance, mais il peut également consulter les fichiers, procéder à des écoutes téléphoniques, suivre une géolocalisation en live et même assurer des planques ou des patrouilles grâce à des caméras vidéo judicieusement installées. C’est la réalité virtuelle. Quand je pense que leurs aînés se caillaient dans des fourgons de planque sans chauffage ou qu’en l’absence de tenue adaptée, les motards glissaient des journaux entre leurs sous-vêtements et leur chemise pour mieux se protéger du froid…

Je dis ça parce que je suis un peu énervé d’entendre les flics se plaindre à longueur de journée : on ne nous aime pas, on se fait injurier, on n’a pas le matos, les ordis moulinent à vide, les logiciels sont obsolètes, la justice est trop lente, pas assez répressive, la procédure pénale est trop compliquée…

Tiens, arrêtons-nous à cette réflexion qui revient en boucle dans la bouche de nombreux responsables syndicaux : la procédure pénale est trop compliquée. Au pied de la lettre, c’est admettre que leurs collègues en activité ne maîtrisent pas l’outil de base de leur fonction d’agent ou d’officier de police judiciaire. Quel désaveu cinglant ! Et pourtant cet axiome est admis sans sourciller.

Comment peut-on relayer un tel discours ? Ces sempiternels râleurs diraient-ils à leurs enfants : « T’as raison tes devoirs sont trop compliqués, je vais demander à ton prof de faire plus simple ! » Continue reading

Un peu las, les OPJ renâclent

Plusieurs centaines de policiers auraient demandé à leur parquet respectif le retrait de leur habilitation à la fonction d’officier de police judiciaire. Ils veulent ainsi démontrer leur exaspération devant l’application d’une nouvelle loi qui modifie, à la marge, le déroulement de la garde à vue.

echarpe-1-copieIls estiment notamment qu’ils croulent sous la paperasserie et les taches annexes, ce qui les détourne de leur mission d’enquêteur judiciaire.

Même s’il est troublant de voir des représentants de la loi discuter sur le bien-fondé d’une loi qui a été adoptée par les élus il y a bientôt six mois, il faut reconnaître qu’ils n’ont pas tort : « Les multiples réformes intervenues depuis plus d’une vingtaine d’années ont toutefois rendu complexes et peu lisibles les règles de procédure pénale et, ce faisant, affecté leur efficacité pour les praticiens et les justiciables », peut-on lire dans le projet de la loi du 3 juin 2016, celle, justement, que critiquent les policiers.

Vous me direz, c’est tout pareil dans la vie de monsieur et madame Tout-le-Monde. Avant la moindre initiative, il faut tenter de savoir ce qui est permis, interdit, toléré, obligatoire, etc. C’est le mal de notre pays. Et même lorsqu’il est question de simplifier les choses, la technocratie prend le pas sur les bonnes intentions et tout devient plus compliqué qu’avant. Continue reading

© 2024 POLICEtcetera

Theme by Anders NorenUp ↑