Plusieurs centaines de policiers auraient demandé à leur parquet respectif le retrait de leur habilitation à la fonction d’officier de police judiciaire. Ils veulent ainsi démontrer leur exaspération devant l’application d’une nouvelle loi qui modifie, à la marge, le déroulement de la garde à vue.
Ils estiment notamment qu’ils croulent sous la paperasserie et les taches annexes, ce qui les détourne de leur mission d’enquêteur judiciaire.
Même s’il est troublant de voir des représentants de la loi discuter sur le bien-fondé d’une loi qui a été adoptée par les élus il y a bientôt six mois, il faut reconnaître qu’ils n’ont pas tort : « Les multiples réformes intervenues depuis plus d’une vingtaine d’années ont toutefois rendu complexes et peu lisibles les règles de procédure pénale et, ce faisant, affecté leur efficacité pour les praticiens et les justiciables », peut-on lire dans le projet de la loi du 3 juin 2016, celle, justement, que critiquent les policiers.
Vous me direz, c’est tout pareil dans la vie de monsieur et madame Tout-le-Monde. Avant la moindre initiative, il faut tenter de savoir ce qui est permis, interdit, toléré, obligatoire, etc. C’est le mal de notre pays. Et même lorsqu’il est question de simplifier les choses, la technocratie prend le pas sur les bonnes intentions et tout devient plus compliqué qu’avant.
Cette loi doit donc, entre autres, apporter « des simplifications qui faciliteront le travail des enquêteurs et des magistrats… »
Pour les magistrats, c’est possible, mais pour les enquêteurs…
Les OPJ sont notamment vent debout contre une nouvelle mesure qui accorde aux personnes privées de liberté, même pour le temps d’une garde à vue, la possibilité de s’entretenir avec un parent ou un proche. Pourtant, on pourrait presque dire que c’est une mesure charitable, tant il est vrai qu’être brutalement arraché à sa vie de tous les jours peut poser problème : enfants, personnes à charge, animaux, soins médicaux, ou le lait sur le feu.
Ce n’est pas que les policiers soient insensibles, non, non ! mais il s’agit pour eux d’une contrainte qui s’ajoute aux autres : notification de garde à vue, auditions, confrontations, avocat, médecin, traducteur, etc. Autant d’actes qui nécessitent la rédaction d’un procès-verbal, même si cette nouvelle mesure peut se limiter à une simple mention sur le P-V de notification de garde à vue et sur le récapitulatif final (art 64, 4e).
Il faut d’ailleurs relativiser les choses, car si cette possibilité doit obligatoirement être signifiée au gardé à vue, il appartient à l’OPJ – et non au procureur – d’accepter ou de refuser de donner suite à cette requête. Toutefois, s’il donne suite, c’est à lui de trouver un local et d’organiser la rencontre (soft, hein !), laquelle ne peut durer plus de trente minutes. Il peut d’ailleurs assister à l’entretien, et donc participer à la conversation. C’est l’occasion rêvée pour mettre un peu de chair entre le flic et son client, alors que sur le trottoir, devant le commissariat, dans le frimas, l’avocat fait les cent pas C’est donc finalement une arme psychologique non négligeable qui est fournie à l’enquêteur et il lui appartient d’en faire bon usage.
L’OPJ est un personnage clé dans l’enquête pénale, il possède en propre, ou par délégation de justice, des pouvoirs coercitifs importants – dont celui de priver une personne présumée innocente de sa liberté. Aussi, même si cela est parfois fastidieux, il est normal dans un État de droit que ses prérogatives soient solidement encadrées.
La qualité d’OPJ est attachée au grade, pour les commissaires et les officiers de police ainsi que pour les officiers et les gradés de la gendarmerie, et après trois ans d’ancienneté pour les autres, sur avis conforme d’une commission. Mais elle nécessite, en plus, une habilitation individuelle du procureur général de la cour d’appel du lieu d’affectation du récipiendaire. Cette habilitation est liée à la fonction exercée. Elle peut d’ailleurs être suspendue – de fait – le temps d’une mission. Ainsi, un policier ou un gendarme perd sa qualité d’OPJ s’il participe à une opération de maintien de l’ordre (police administrative). On peut d’ailleurs se demander ce qu’il en retourne lorsqu’il effectue une perquisition administrative dans le cadre de l’état d’urgence… Peut-il en cours de perquise troquer sa casquette ?
On pourrait dire, mais c’est une vue de l’esprit, que lorsqu’il fait un acte judiciaire, l’OPJ change de ministère.
Cette faculté, à laquelle font mine de vouloir renoncer certains policiers, ne va pas sans obligations, professionnelles et personnelles. D’ailleurs, drôle de coïncidence, la loi de 3 juin 2016 introduit justement un nouvel article (229-1) qui permet au président de la chambre de l’instruction, saisi par le procureur général, d’interdire à un officier ou agent de police judiciaire d’exercer ses fonctions en cas de manquement professionnel grave ou d’atteinte à l’honneur ou à la probité. Il s’agit d’une sanction instantanée et sans procédure contradictoire.
Au passage, ce texte de loi renforce de nouveau les pouvoirs du procureur de la République, et rappelle, l’air de rien, que c’est lui le patron de la PJ, même si cela est dit avec des circonvolutions de langage.
On peut comprendre que les enquêteurs renâclent devant la complexité de la procédure, pourtant, je trouve que le symbole de la fonction judiciaire est trop fort pour être caviardé par des revendications, même si elles sont légitimes. D’ailleurs, implicitement, ils sont d’accord avec moi, car si parmi les policiers qui ont manifesté certains portaient leur brassard « police », je n’en ai vu aucun ceint de son écharpe tricolore…
Les OPJ se plaignent de la complexité grandissante de la procédure mais y participent eux-mêmes.
Exemple d’une procédure vue cette semaine : lors d’un contrôle routier, un conducteur s’avère conduire malgré l’annulation de son permis et la palpation de sécurité révèle la présence dans sa poche de quelques grammes de cannabis.
Ca donne, non pas une, mais deux procédures, la première pour conduite malgré annulation du permis et une seconde, incidente, pour détention de stupéfiants, avec donc, un procès-verbal supplémentaire expliquant la procédure incidente et des photocopies des procès-verbaux de garde à vus et d’audition. Bien pour les stat : 2 affaires, et 2 affaires élucidées ; moins bien pour le temps passé et les finances publiques ; encore moins quant au résultat : pas le moindre test pour vérifier la nature du produit… l’avocat plaide et obtient la relaxe.
« Vous me direz, c’est tout pareil dans la vie de monsieur et madame Tout-le-Monde »
Merci de le dire car peu de journalistes l’ont dit : le malaise des policiers au travail est le même que celui de tous les travailleurs. Et le malaise des OPJ n’a rien de plus que celui des nombreux cadres exécutants qui n’encadrent personne.
Les entreprises privées ont en interne davantage de procédures lourdingues que bien des administrations.
De fait on a même davantage de morts et accidentés au travail dans certaines professions que dans la police.
GLR ou GLB ?… ce sont des nouvelles fraternelles subversives à la maison Poulaga ? Peut-on nous expliquer comment y rentrer toutes affaires cessantes ?
On complexifie peut-être la procédure avant le grand choc de la simplification frontiste, mais en donnant quand même plus de pouvoirs coercitifs aux OPJ, tout en mettant les avocats sur la touche, en les faisant patienter dehors… Résultat : on peut continuer à « cuisiner » son « client » dedans, comme au bon vieux temps où fallait quand même se faire sa faire sa petite idée… Quant au contrôle du Proc (le « vrai patron » ???), c’est toujours la même bonne blague qu’on nous vend. In the facts, la Maison P. sait bien qu’il n’est que l’auxiliaire des OPJ, vu qu’il entérine à 97% sans broncher les convictions implicites qui ressortent de nos procédures profilées à charge (reconnaissons que les procédures à décharge, forcément y’en a pas beaucoup par définition, la Justiss engagée dans l’expédition des affaires courantes à cause des impératifs de rentabilité irait quand même pas ruiner le boulot d’abattage des collègues, hein !). Et pour les autres bonnes raisons à ça, faudrait voir avec les sociologistes qui croient pas trop à ce qui est marqué sur le papier ou le stuc.
Bref, un billet certes informatif mais toujours un brin périlleux vu les casquettes du tôlier…
Merci Monsieur Moréas. Comme toujours vos billets sont clairs et équilibrés. Par ailleurs, si vous ne l’avez pas encore découvert, je me permets de vous signaler ce qui m’a semblé être un excellent ouvrage sur le métier. Il s’appelle bêtement « POLICE » d’Hugo Boris…
Le maire aussi est opj!
ca c’est un discours de garde municipal
C’est une réalité et la police devrait progressivement réfléchir à son rôle dans la société.
A titre personnel je prefere avoir affaire à un policier municipal qui assure une fonction de police de proximité dont je connais le responsable (le maire et pas un obscure fonctionnaire inaccessible) et qui me reconnait et me dit bonjour quand je le croise le matin.
La police nationale rechigne à assurer ces tâches de proximité, celles qui la rendre proche du citoyen, dont le travail est directement visible du contribuable et qui ne sont pas moins nobles. Tans pis pour son image, après quelques syndicats font des manif par ce que la police est malaimée.
Pourtant pour avoir vécu au Canada, je sais qu’une autre police est possible pas simplement autoritaire et répressive mais également là pour aider .
Quoi qu’il en soit avec des municipaux qui se déplacent quand on les appelle, qui sont de plus en plus équipés comme la police, tasers, semi-automatique, pare balles bientôt la la légitime défense etc… On se demande pourquoi le contribuable que je suis paierait 2 fois.
Je crois que l’avenir de la police nationale c’est la police municipale. Gardons quelques unités d’élite pour les rares fois une un fourgon de la Brinks est attaqué, les meurtres ou de rares attaques terroristes.
Et pourtant j’ai longtemps défendu un service public et une fonction de sécurité assurée par l’Etat mais le service s’est tellement dégradé que j’en suis venu à la conclusion que la police municipale satisferait grandement à mes besoins. Et pour finir jamais les syndicats ne ce sont battus pour contrer les demandes de plus en plus importantes des municipaux en terme d’equipement et bientôt de prérogatives.
Enfin pour les gardes à vues ont connait tous le excès de 2007-2008 qui ont conduit à obtenir plus de droit pour le citoyens.
on pourra bientôt faire le bilan de « choc de complexité » du quinquennat…
S’ils ne sont pas contents, ils peuvent toujours démissionner.
Il y a quatre millions de chômeurs au moins (dont certains doivent bien avoir la qualification nécessaire pour ce poste) qui attendent au bureau d’embauche !
@Ray Hack : Commentaire de fond de comptoir, qui transpire la subtilité et la connaissance du sujet…un Opj, c’est dans votre esprit confus un type qui a volé le job à un autre, comme ça, par héritage ou escroquerie…Machin, le concours est ouvert à tous. Ceux qui ont cette « qualification » peuvent le passer, plutôt que d’attendre au bureau d’embauche !
Comment avez-vous deviné que je passais ma vie dans un fond de comptoir ?
Nous nous y sommes déjà rencontré ?
Reste à savoir combien dans les quatre millions de chômeurs sont aptes et prêts à assumer la charge d’OPJ sans compter la volonté de passer les examens, d’avoir la disponibilité et la motivation qui vont avec. Les concours de la police et de la gendarmerie sont ouverts à tout citoyens français sous condition d’aptitude et de diplôme, or les candidats ne se pressent pas au portillon. Si tous les travailleurs étaient immédiatement interchangeables cela se saurait.
Au lieu de renâcler sur l’application de la loi pénale votée , ces OPJ devraient plutôt demander au gouvernement d’augmenter la prime OPJ qui est de 50 euro par mois. pas cher payer pour les responsabilités et le travail à exécuter .
m’ouais…
n’oubliez pas que souvent, l’OPJ entraine le grade… la prime OPJ est donc complémentaire de la solde affectée au galon supérieur…
On peut discuter après de la solde globale d’un gradé mais c’est un autre débat.