LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Actualité (Page 41 of 71)

Mon identité nationale

Le sujet été lancé par les plus hautes autorités du pays, la presse a relayé la chose avec plus ou moins de mauvaise foi, et je dois avouer que ce débat m’est passé complètement au-dessus de la tête. Comme beaucoup de Français, je suppose.

lecriture_chat-de-geluk_image-de-yentl-sur-pandorenet.jpgEt aujourd’hui, la question m’a rattrapé : « Quel département vous voulez ? » m’a demandé le garagiste.

J’étais là, avec ma carte grise toute neuve, pour faire poser des plaques sur la vieille bagnole que je viens de m’offrir : un 4×4 de huit ans d’âge, embarrassant, polluant, et pour tout dire anachronique.

« Euh !… »

La voiture est immatriculée en 27, je me trouve dans le 95, j’habite le 78 et je suis né dans le 92. « On peut s’en passer ? » que je lui demande, naïvement. « Non, c’est obligatoire, mais vous pouvez choisir le département que vous voulez ». Là-dessus, il m’offre un café et nous discutons un bout, lui et moi, pour finalement tomber d’accord et se dire qu’on a quand même de la chance de vivre à une époque où l’on peut choisir quelque chose d’obligatoire…

Et tandis qu’il posait les plaques, je me livrais à une sorte d’introspection. Je suis né en France, d’un père grec et d’une mère « de l’Assistance », comme on disait à l’époque. Je ne sais pas où ils se sont connus, tous les deux, mais je penche pour un quai de gare. Ils ne tenaient pas en place. Nous passions notre temps à déménager. On se serait cru en cavale. Je dois être l’un des rares mômes à avoir fréquenté une bonne douzaine d’écoles différentes entre la maternelle et le certif.

Ce qui n’a d’ailleurs eu aucune incidence sur mes études, puisque une fois pour toutes j’avais décidé de ne rien faire.

Mon père  a été naturalisé français après la guerre, mais pas pour faits d’armes. Lorsqu’il a voulu s’engager, pour défendre le pays qui l’avait accueilli, on l’a collé dans un camp. Je crois qu’on appelait ça un « centre de rassemblement pour étrangers ». Il paraît qu’il y avait des gens de toutes les nationalités. Certes, ce n’était pas Auschwitz, mais c’était dur, d’après ce qu’il nous a raconté. Surtout le froid. Quand il a commencé à cracher le sang, on l’a libéré. Pour ne pas contaminer les autres, je suppose. Donc, la France, non pas reconnaissante, mais peut-être repentante, a décidé de naturaliser ces étrangers qu’elle avait collés dans des camps.

Et bien plus tard, alors qu’il n’était plus de ce monde, le père, son histoire m’est revenue en pleine bobine, lorsque j’ai demandé une nouvelle carte d’identité. À la mairie, on m’a dit « Ah, vous êtes né d’un père étranger ! Il faut prouver que vous avez opté pour la nationalité française avant votre majorité ». Ou le contraire, je ne me rappelle plus.

C’est alors que j’ai eu un premier doute.

Avant, la question ne m’avait même pas effleuré. J’étais fonctionnaire, flic depuis pas mal d’années. Jeunot, on m’avait envoyé visiter le Maghreb et, en cherchant bien au fond d’un tiroir, je devais même pouvoir retrouver quelques breloques de ces aventures passées.

Mais est-ce que j’étais vraiment Français ?

Et aujourd’hui, devant ce garagiste à l’accent venu d’ailleurs, la question m’est revenue différemment : Français, oui, mais de quelle région ?

Aucun parent en Bretagne, en Corse ou je ne sais où. Pas de maison familiale au grenier croulant de souvenirs sous les toiles d’araignées, pas  le moindre lopin de terre auquel me raccrocher.

Un rien désorienté, j’ai repris le volant de mon 4×4 d’un autre âge muni de ses plaques toutes neuves – et estampillées 973.

Depuis que j’ai lu Papillon, j’ai toujours eu envie de visiter la Guyane.

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Un commandant de police se lance en politique a été lu 11.424 fois en 3 jours et a suscité 39 commentaires avec des avis divergents. Certains pensent qu’un policier peut être candidat à une élection, d’autres non. Il semble que l’on puisse interpréter le code électoral de différentes manières… Quant à savoir ce qu’il en est pour le secrétaire général d’un syndicat, là, il faudrait plutôt demander l’avis des adhérents.
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Remerciements à mon voisin de blog Hervé Baudry pour ce dessin.

Un commandant de police se lance en politique

Un commandant de police en exercice, qui plus est secrétaire général d’un important syndicat, se présente aux élections régionales comme tête d’une liste UMP en Seine-Saint-Denis. Et (presque) tout le monde trouve ça normal ! Fichtre !

bisounours_en_guerre_aufeminiinblog.jpgJeudi dernier, le lendemain matin des élections professionnelles où le syndicat de police Synergie Officiers a obtenu 44% des suffrages (dix points derrière le Syndicat national des officiers de police), son secrétaire général, Bruno Beschizza, distribuait des tracts sur la voie publique sous le patronage de Mme Valérie Pécresse (source AFP).

J’espère qu’il n’avait pas mis son brassard police…

Et l’on apprenait peu après que ce policier figurerait en position éligible sur l’une des listes du 9-3 pour les Régionales de mars prochain.

En découvrant ça, un autre commandant de police a sauté au plafond : Philippe Pichon. Souvenez-vous de cet officier qui s’est fait plus ou moins remercier de la police (l’affaire est en cours) pour avoir voulu dénoncer les irrégularités du fichier STIC !

Dans une réflexion intitulée Devoir de réserve : une obligation professionnelle à géométrie variable, il écrit : « Traditionnellement la période de la campagne électorale, au sens large du terme, qui précède chaque scrutin, entraîne pour tous les fonctionnaires une stricte obligation de réserve – et peut-être plus encore pour les policiers, garant de l’État de droit. »

« Ce devoir de réserve qui consiste en une modération de l’expression des opinions de toute nature concerne tout mode d’expression oral ou écrit, mais aussi tout acte matériel traduisant explicitement ou implicitement et de façon excessive une opinion. Il s’impose tant dans l’exercice des fonctions que hors service. »

Et il rappelle que le port d’un badge politique, la distribution au public d’écrits à des fins de propagande politique, comme la participation à une réunion politique publique, « sont constitutifs de graves manquements professionnels susceptibles d’entraîner une sanction disciplinaire de l’ordre de la révocation ».

Quelle haute autorité a donc affranchi Bruno Beschizza de son obligation de réserve ? bruno-beschizza_publications-justice.jpg

Au printemps 2007, lorsqu’il a sorti un livre sur la police (Journal d’un flic, éditions Flammarion), Pichon a été sévèrement tancé par sa hiérarchie qui lui reprochait un grave manquement à son devoir de réserve – juste pour un livre. Alors, deux poids deux mesures… et trois casquettes ?

Finalement, peu importe le droit. Par son grade et ses responsabilités syndicales, M. Beschizza est emblématique. Aussi, en étalant publiquement son appartenance à la majorité présidentielle, il me semble qu’il rompt le principe de neutralité politique des policiers, et il porte ainsi préjudice à l’ensemble du corps.

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Tirez pas sur le dabiste  a été lu 981 fois en 3 jours et a suscité 4 commentaires.

Scènes de maltraitance ordinaire

Les commissariats, les administrations, les hôpitaux…, autant d’endroits où la dignité humaine tient de moins en moins de place. On ne se respecte plus. Cela va des brutalités aux gestes ou aux paroles déplacées, ou simplement à un manque d’égards. Les incidents se multiplient, parfois des petitstrucs-en-vrac-par-gotlib.jpg riens, une impolitesse, un manquement à la décence, tous ces micro-événements qu’on croise au hasard de notre quotidien. S’agit-il d’abus de pouvoir de la part de personnes qui à un moment de leur vie professionnelle ont le pas sur notre vie tout court ?

Dans son édition d’hier, Le Monde relate l’expérience d’Isabelle D. Cette femme de 60 ans qui, pour avoir commis une infraction au code de la route, a été contrôlée à 0.93 g. d’alcool dans le sang. À 0.50 g., c’était une contravention. Mais là, c’est un délit, et elle risque deux ans de prison. Est-elle une criminelle pour autant ? Et pourtant, on lui fait le grand jeu : menottes, garde à vue, photos anthropométriques, empreintes, et je suppose ADN. « Vous retirez votre soutien-gorge… ». Ce policier aurait-il supporté que l’un de ses collègues se comporte de cette manière vis-à-vis de sa mère ? Non, il était là, avec son petit pouvoir, sûr de lui, sûr d’appliquer la loi, le règlement, les consignes, les ordres, ou je ne sais quoi. S’est-il demandé si dans ce cas une « palpation administrative de sécurité » n’était pas suffisante ? Ou si les menottes étaient vraiment indispensables ? Alors que rien n’oblige un OPJ à mettre une personne en garde à vue et que la fouille à corps est assimilée à une perquisition ou réservée à des individus dangereux.

Il y a quelques mois, à Toulouse, les policiers municipaux interpellent un homme de 77 ans qui contestait un P-V pour un stationnement interdit. Sans doute le bonhomme s’est-il énervé… Il est plaqué contre le capot de sa voiture, menotté dans le dos, et embarqué vers le commissariat de la police… nationale. De quel droit ? De celui du plus fort ? Le maire a-t-il sanctionné ses policiers ? A-t-il pris la peine de leur expliquer qu’ils n’étaient pas chargés d’une mission contre la population mais pour la population ?

L’autre jour, je me trouvais devant un guichet où l’on accueille des étrangers, dans une sous-préfecture de la banlieue parisienne (inutile de donner le nom, pas de délation) et j’ai été choqué par la brutalité des propos tenus par la préposée. L’homme qui lui faisait face avait du mal à comprendre ce qu’on lui voulait, quel document il manquait dans son dossier. Son français était hésitant, mais il était poli, presque révérentiel devant cette personne qui détenait la clé de sa vie. Il se maîtrisait sous l’agression verbale de son interlocutrice. Et l’autre crachait son venin, prenant sa collègue à témoin, laquelle opinait du chef d’un air entendu. Une femme ordinaire pourtant, comme vous et moi (enfin, si j’étais une femme). Le soir, elle devait s’occuper de ses enfants, les aider à faire leurs devoirs, cuisiner la popote, câliner son mari… Et là, devant ce grand gaillard, elle faisait étalage de son pouvoir, comme un mauvais juge devant un suspect.

Et je ne parle pas des contrôles suspicieux dans les aéroports, des scanners corporels qui bientôt vont nous déshabiller, ni même du comportement parfois agressif ou impoli de certains vigiles.

À croire que la maltraitance ordinaire est devenue institutionnelle.

Dans les hôpitaux, ce n’est pas mieux. Pour le compte de la Haute autorité de santé, Claire Compagnon et Véronique Ghadi ont réalisé une étude basée sur des témoignages. C’est parfois scandaleux, souvent choquant, mais jamais drôle. Au hasard : « On lui a fait faire le tour du service à poil, disent les parents d’un adolescent hospitalisé, avec les chaussons et juste la petite blouse de bloc, il ne tenait pas debout, il fallait deux infirmières pour le soutenir… » Ou ce chirurgien qui pénètre dans la chambre d’un malade alors que celui-ci est aux toilettes : « Pouvez-vous sortir ? demande l’homme. Cela me gêne. » – « Non ! Moi, ça ne me gêne pas », répond le médecin. Ou cette femme qui demande en vain qu’on l’aide pour aller aux toilettes et qui se fait ensuite copieusement « engueuler » pour avoir déféqué dans les draps. Ou cette gamine qu’on laisse nue sur un brancard, dans un couloir de service, pendant dix minutes… Dans ce rapport, les exemples s’accumulent.

Cette étude met en exergue l’aspect multiforme de cette maltraitance de tous les jours, telle qu’on la subit (ou la diffuse) au quotidien  : atteintes aux droit, déni d’humanité, manque d’écoute, imposition rigide des règles… Tous ces actes sont de la maltraitance ordinaire, que l’on appelle ainsi  « parce qu’elle n’est pas hors du commun et que le risque le plus important de maltraitance réside dans sa banalisation, son invisibilité et donc son acceptation passive ».

Son acceptation passive.

Et les auteurs de cette enquête suggèrent de faire entrer la « bientraitance » dans la procédure de certification des hôpitaux.

schtroumpf-reveur_e-monsitecom-gif.1264760796.gif« Je ne peux plus regarder un policier en face. J’ai peur », avoue Isabelle dans Le Monde. On peut rêver d’une police qui ne fait pas peur, mais qui rassure, et d’un ministre de l’Intérieur qui remplacerait les statistiques  et la « bâtonnite » par une certification des commissariats.
Après tout, la police n’est-elle pas aussi un service public !

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Les zigzags du droit a été lu 1.374 fois en 3 jours et a suscité 20 commentaires.

Les zigzags du droit

Grossière erreur dans l’affaire des 123 émigrants qui ont débarqué en Corse, ont dit les juges, en annulant la procédure. «  Je veux essayer de clarifier les compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire… », a déclaré le ministre de l’Immigration. Tandis que sur TF1, zigzag_madamebidule.pngle président de la République faisait porter le chapeau au procureur de la République, lequel aurait refusé de les placer en garde à vue.

Il y a quelques mois, à Montreuil, un homme a perdu l’usage d’un œil après avoir reçu une balle de Flash-Ball, lors de la dispersion d’un attroupement. Mission de police judiciaire ou mission de police administrative ?

Dans le domaine judiciaire, il y a une dizaine de jours, les juges d’instruction de Bobigny ont demandé aux policiers que les personnes interpellées bénéficient d’un avocat durant la garde à vue, conformément à la décision de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce qu’ils ont refusé.

Et la Cour de cassation doit se prononcer sur la légalité de la garde à vue à la française.

Pas une loi ces temps-ci qui ne soit examinée à la loupe par le Conseil constitutionnel, décortiquée, et parfois retoquée. Il faut dire que son président, Jean-Louis Debré, lui, il connaît le droit, puisque c’est un ancien juge.

Ce qui n’est peut-être pas vrai pour tout le monde. Nul n’est censé ignorer la loi, nous dit-on. Je suppose que cet adage concerne aussi ceux qui la font…

Allez, nous ne sommes pas dupes. À l’approche de la réforme pénale, on se dit qu’il y a un combat d’arrière-garde de la part de certains juges… N’empêche qu’on a une drôle d’impression, celle d’un cafouillage législatif. Si l’on veut appliquer les textes à la lettre, ça coince. Vous savez, c’est un peu comme au volant, celui qui respecte une limitation de vitesse à 30 Km/h se fait aussitôt doubler par des automobilistes furibards, l’index vrillé sur la tempe.

Dans cette « histoire corse », la seule chose évidente, c’est le ridicule de la situation. Au moins, ce ridicule va-t-il profiter à 123 personnes… Entendons-nous bien, devant calimero_kamizole-blog-lemonde.jpgle problème de ces clandestins, je suis comme beaucoup, partagé entre un souci humanitaire et la raison, laquelle nous dit qu’on ne peut accueillir toute la misère du monde. Mais allez M’sieur le Président, pour cette fois, un bon geste…

Enfin, je dis ça… c’est sans doute pas très objectif. Je suis né en banlieue parisienne et je me souviens combien j’ouvrais de grands yeux ahuris lorsque mon père parlait une langue que je ne comprenais pas. Et  que ses copains lui tapaient dans le dos en l’appelant « Papadiamantopoulos ».

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Les policiers ne sont pas des cow-boys a été lu 17.374 fois en 3 jours et a suscité 210 commentaires.

« Les policiers ne sont pas des cow-boys… »

« Ce sont des gens qui font respecter la loi pour la protection de tout le monde. » Ce n’est pas moi qui parle mais l’ancienne ministre de l’Intérieur, MAM en personne. Jean-Jacques Bourdin lui demandait pourquoi la police ne poursuivait pas les quads et les scooters (lien fourni par Bibi dans son commentaire du 22 janvier 2010 à 17:15). C’était sur RMC, en novembre 2008.

« Les policiers (…) ne courent pas derrière car il existe un risque d’accident avec un risque de morts. Non seulement pour ceux [qui sont] en cause mais aussi pour les passants, comme cela s’est déjà produit à plusieurs reprises. Mais en revanche (…), on identifie les responsables et ils sont ensuite interpellés et déférés à la justice pour être sanctionnés. »

Aussi, lorsque je lis certaines réactions au billet1 concernant les courses-poursuites, j’ose espérer qu’ils ne viennent ni de policiers ni de gendarmes.

Si la parole d’un ministre ne suffit pas, voici la position de la Cour de cassation, suite à un accident qui a causé la mort d’un gendarme, dans un arrêt rendu le 23 mars 2004 (Recueil Dalloz 2004 p.2755) :

« … déclare coupable d’homicide involontaire un gendarme qui, en adaptant sa conduite automobile à celle particulièrement dangereuse de la conductrice en fuite, franchissant lui-même la ligne médiane continue et roulant à contresens de la circulation avant de percuter un arbre, ce qui causa la mort du gendarme passager et lui occasionna des blessures graves, a pris un risque disproportionné à l’obligation de mettre un terme aux infractions constatées, en commettant des actes manifestement illégaux, qui ne peuvent être justifiés ni par la loi ni par le commandement de l’autorité légitime. »

Cela dit, sans porter de jugement sur le drame de Woippy2, on est en droit de s’interroger : est-il raisonnable, pour un simple contrôle routier, de lancer un 4X4, sirène hurlante, derrière un scooter, à 1h20 du matin, en plein centre d’une petite commune de 14 000 habitants ? Et sans chercher à donner la moindre leçon à quiconque, n’est-il pas normal de tenter d’en tirer un enseignement…

Sur les 255 commentaires de ce billet, la plupart me reprochent de critiquer l’action des policiers, avec des réflexions du genre : « Si les flics ne pourchassent pas les voyous, à quoi servent-ils ? » C’est réducteur. Pourtant, en général, la lecture des commentaires est enrichissante. Une réflexion collective.

Bon, cette fois, c’était moyen comme enrichissement. Mais comme disait un ami comédien : « À force de recevoir des insultes, j’ai fini par aimer ça. »

Le policier ou le gendarme est tourné vers l’action. C’est souvent pour cette raison qu’il a choisi ce métier. Et il n’est pas toujours facile de se refreiner dans l’action.

Je me souviens d’une époque, lointaine, où je me prenais pour un cow-boy. Comme ce  jour-là…

Nous avions un tuyau béton au groupe de répression du banditisme que je dirigeais : une belle équipe de braqueurs qui devait taper tel jour à telle heure, dans une grande banque de la banlieue parisienne. Un flag comme ça, tous les flics en rêvent ! Je réunis toute l’équipe. On dresse un plan de bataille, on se prépare, on fourbit les armes…

Le chef de service est arrivé – et il a dit non. Pas question. Trop de risques. Et j’ai été contraint d’appeler le commissariat du coin pour qu’il laisse un car de police toute la journée, stationné devant la banque. Pas de braquage, pas de braqueurs. Longtemps, je lui en ai voulu.

Mais il y a des choses que l’on comprend mieux les rides venant. Et notamment qu’aucune affaire de police ne vaut la vie d’un homme. Qu’il s’agisse d’un voyou, d’un flic et surtout d’un passant innocent. Car ce mort, c’est comme un fantôme qui vous suit partout.

Les policiers travaillent le plus souvent en groupe, mais lorsqu’il y a un pépin, il n’y a plus de groupe. Chacun se retrouve face à sa propre responsabilité, qu’elle soit administrative, pénale ou… morale.

Quand on exerce un métier à risque, il faut apprendre à gérer les risques.

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1)  La police peut-elle se lancer dans une course-poursuite ? Ce billet a été lu 28.246 fois en 2 jours.
2)  Un article intéressant de Laurent Opsomer, Woippy : une ville difficile, sur le blog du journaliste Philippe Madelin.
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20 places gratuites

Le Monde organise cinq débats sur le fonctionnement de la justice, au siège du journal, 80 bd. Auguste Blanqui, Paris XIII°. De 18 à 20 heures, les
– Mercredi 27 janvier : « La garde à vue, cette exception français », avec le vice-bâtonnier de Paris, Jean-Yves Leborgne, l’avocate Françoise Cotta et le commissaire de police Richard Srecki, chef de la Sûreté départementale du Val-de-Marne.
– Lundi 1er février : « Faut-il supprimer le juge d’instruction ? », avec le juge Renaud Van Ruymbeke et l’avocat Eric Dupont-Moretti.
– Lundi 8 février : « Le procureur est-il un magistrat comme les autres ? » avec le procureur de la République de Marseille, Jacques Dalles, et l’avocat général près la cour d’appel de Paris, Jean-Paul Jean.
– Lundi 15 février : « Juré d’assises, dernier devoir citoyen », avec Alain Verleene et Dominique Coujard, tous deux anciens présidents de la Cour d’assises à Paris, ainsi que plusieurs jurés qui ont siégé avec eux.
– Lundi 22 février : « De la pègre à l’élite, les nouveaux avocats du pouvoir », avec les avocats Pierre Haïk, Thierry Herzog, Olivier Metzner et Hervé Temime.
D’autres renseignements sur le blog de Pascale Robert-Diard, Chroniques judiciaires. Le droit d’entrée est de 15 €. Pour obtenir une place gratuite, il suffit d’appeler, le lundi 25 janvier, à partir de 10 heures, au 01 57 28 24 40, en se recommandant du blog « Chroniques judiciaires », ou du blog « Police et cétéra ».

La police peut-elle se lancer dans une course-poursuite ?

Il était environ 1h30, dans la nuit de mardi à mercredi, lorsque les policiers voient débouler devant eux un scooter dont les feux sont éteints qui circule à vitesse excessive. Trois jeunes gens sont grimpés dessus.

Gyrophare, deux-tons. Mais le echarpe-maire_emblemes-de-france_redessine-par-pascal-vagnat.gifscooter ne s’arrête pas. Les policiers entament alors ce que le procureur appellera « un suivi », autrement dit, une course-poursuite. Un peu plus loin, c’est le drame. L’engin dérape dans un virage. L’un des jeunes est tué sur le coup et les deux autres sont dans un état très grave. Ils n’avaient pas de casque, et il semblerait que le deux-roues ait été volé.

Les trois policiers municipaux de Woippy, près de Metz, ont été placés en garde à vue, et dans la soirée, après une marche silencieuse à l’endroit où a eu lieu le drame, des incidents ont éclaté. Plusieurs véhicules ont été incendiés.

Pour le député-maire, les policiers de sa commune ont « respecté les consignes qui leur avaient été données pour ce type d’intervention ». Et pour leur syndicat (SNPM-CFTC), ils « ont agi avec un professionnalisme et un sang-froid exemplaire ». Son représentant rappelle au passage qu’une circulaire du ministre de l’Intérieur du mois d’octobre 2009, demandait de renforcer les contrôles routiers les nuits et les week-ends.

Il s’agit là d’un tableau sommaire de la situation à l’origine de cette tragédie. Non par esprit polémique, mais pour tenter de répondre à une sempiternelle question que se posent policiers et gendarmes : faut-il se lancer à la poursuite d’un véhicule dont le conducteur a commis une infraction ? La réponse est nette. C’est non. Trop de risques. Aux Etats-Unis, on n’a pas ce genre d’interrogation, mais en France, les consignes sont d’éviter les courses-poursuites, les conséquences pouvant être disproportionnées par rapport à l’infraction commise. Un vieux principe, que l’on doit encore (je l’espère) enseigner dans les écoles de police : le trouble causé par une intervention sur la voie publique ne doit pas être supérieur au trouble qu’il est supposé faire cesser.

Quant aux « municipaux » de Woippy, je ne sais pas quelle mission leur avait confié le maire, mais comme leurs collègues de la « nationale », ils doivent éviter les courses-poursuites. Plus peut-être, car leurs attributions de police judiciaire sont moins évidentes. Il faut reconnaître qu’ils sont dans une situation assez biscornue : ils dépendent à la fois du maire*, du procureur de la République, via les officiers de police judiciaire du commissariat ou de la brigade de gendarmerie, et du ministre de l’intérieur, représenté par le préfet. On leur a donné une tenue et des véhicules qui les apparentent à la police nationale, mais leurs possibilités d’intervention sont strictement limitées à des tâches secondaires.

Pourtant, en quelques dizaines d’années, les policiers municipaux ont pris une place signifiante dans de nombreuses communes, et l’on peut se demander spolice-municipale_N-D-de-bondeville.jpg‘ils sont bien utilisés. Ne serait-il pas temps de répartir les tâches ?  En leur confiant par exemple la mission de police-secours. Aujourd’hui, ils sont encore dans une situation provisoire, mais il est clair que leur statut un jour ou l’autre va évoluer. Peut-être ira-t-on comme aux Pays-Bas, jusqu’à les intégrer à la police nationale…

Ce qui finalement serait un moyen habile de diminuer les charges financières du ministère de l’Intérieur. On raconte en effet que les caisses de la place Beauvau sont tellement vides, qu’il aurait fallu « taper » dans le portefeuille de la gendarmerie pour boucler l’année.

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* Le maire est officier de police judiciaire de par sa fonction. Un héritage du passé. Sur son blog, un officier de gendarmerie, Cédric Renaud, a écrit une petite fiction juridique dans laquelle son héros, pris le nez dans l’éthylotest, se retrouve d’abord en cellule de dégrisement, puis en garde à vue, sur décision du maire de sa commune.
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Pic et pioche autour de la garde à vue a été lu 1.442 fois en 4 jours et a suscité 22 commentaires.

Pic et pioche autour de la garde à vue

Depuis que la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) a mis les pieds dans le plat, déclarant grosso modo que la présence de l’avocat est nécessaire dès la rédaction du premier procès-verbal sérieux, chacun s’en donne à cœur sept-nains_tititendresse_centerblog.jpgjoie dans les récriminations et les jérémiades. Par ordre d’entrée en scène, on a eu les avocats, les syndicats de police, le Premier ministre, la Garde des sceaux (mais du bout des lèvres), et aujourd’hui ce sont les magistrats.

Pour éviter, dans plusieurs affaires, que leur procédure ne soit retoquée par la CEDH, les juges d’instruction du tribunal de Bobigny enjoignent les policiers de faire venir l’avocat des suspects dès le début de la garde à vue.

Aussi sec, les policiers refusent. Ils s’arc-boutent, brandissent le Code de procédure pénale, et refusent tout net d’appliquer ces instructions.

Même sans être versé dans les coups tordus, on comprend bien que ces magistrats n’ont pas agi sans arrière-pensée, et que les policiers, en revanche, semblent avoir foncé tête baissée.

À moins qu’ils n’aient sauté sur l’occasion pour engager un bras de fer avec les juges. Car les heurts ne sont pas rares entre ces derniers et les commissaires de la PP. Comment pourrait-il en être autrement entre des juges qui sont censés être indépendants et une police très centralisée et sous la houlette d’un préfet !

Mais dans cette histoire, qui a raison ?

En 1996, lorsque le directeur de la PJ parisienne, le commissaire Olivier Foll, avait refusé son assistance au juge Eric Halphen pour effectuer une perquisition au domicile des époux Tibéri, il avait été muté à l’Inspection des services, le cimetière des éléphants, comme on l’appelle – qui, vu le nombre de directeurs qui y pantouflaient, n’avait jamais autant mérité son nom que dans ces années-là. Pour se défendre, Foll avait argumenté que le juge ne lui avait pas adressé de réquisition écrite et ne l’avait même pas informé du lieu de la perquisition. L’affaire était allée jusqu’en cassation, et la Cour lui avait donné tort, confirmant la décision antérieure : le commissaire Foll s’était rendu coupable d’un manquement grave à sa fonction.

Une décision compréhensible, car, comme le rappellent les magistrats de Bobigny, les policiers, en tant qu’officiers de police judiciaire, sont placés sous leur autorité directe, et ils ne peuvent recevoir leurs ordres de personne d’autre. Ils sont donc tenus de répondre à leurs diligences.

Mais cette fois, les policiers sont sûrs de leur fait. Ils se reportent à la loi, et refusent d’exécuter des flic_grognon_lessor.jpginstructions qui n’existent pas aujourd’hui dans le Code de procédure pénale. La secrétaire générale du Syndicat des commissaires allant même jusqu’à déclarer que les juges veulent les pousser à la faute et qu’il n’y a pas lieu d’obéir à un ordre illégal. Un vieux principe militaire, rarement appliqué, je dois le dire, au sein de la Grande maison. Ainsi, lorsqu’un Pichon dénonce l’illégalité du fichier STIC, il se retrouve mis en examen et aucun syndicat n’accepte de prendre sa défense.

Pour en revenir à cette fronde qui s’est déroulée il y a quelques jours en Seine-Saint-Denis, pas facile de savoir qui est dans le vrai.

Les juges s’inquiètent à juste titre, car de nombreuses procédures risquent d’être entachées de nullité, au moins partiellement, du fait de la décision de la CEDH, laquelle déclare la garde à vue à la française contraire à la Convention des droits de l’homme. Mais à l’identique, un OPJ qui convierait un avocat hors des créneaux prévus par le Code de procédure pénale* (30 mn dans les 24 premières heures de GAV), ne commettrait-il pas un acte irrégulier et sans doute fautif ? Autre motif de nullité…

Alors ?

En fait, aujourd’hui, les OPJ sont tenus d’agir en conformité avec le Code français et en contradiction avec le droit européen. Situation pour le moins inconfortable, même si la majorité du corps préfère fermer les yeux tant peu de policiers sont disposés à modifier leurs méthodes de travail, et à accepter la présence de l’avocat durant la garde à vue. C’est un peu la politique de l’autruche. Et pour des poulets… Il va bien falloir s’en sortir et avoir le courage de légiférer. Comment un pays qui se targue (à l’excès ?) du principe de précaution pourrait-il accepter que par négligence ou faiblesse des criminels voient demain leur condamnation annulée !? Et je ne suis pas sûr que ce changement puisse attendre la réforme annoncée de la procédure pénale…

Le rapport du Comité de réflexion sur la justice pénale, remis au président de la République en septembre 2009, ne règle d’ailleurs pas vraiment le problème. Il suggère en effet le maintien d’un entretien d’une demi-heure avec l’avocat dès le début de la garde à vue, puis un nouvel entretien au bout de douze heures, avec cette fois un accès aux procès-verbaux d’audition, et enfin la présence de l’avocat en cas de renouvellement.

La CEDH y trouvera-t-elle son compte ? Pas sûr, car ce qu’elle exige, c’est la présence de l’avocat dès l’audition d’un suspect.

En revanche, messieurs les magistrats, ce comité met un point bouc-emissaire_ougen__umourcom.jpgfinal à votre tutelle sur les policiers. Car il annonce carrément la couleur : « Le système actuel qui prévoit que la police judiciaire est exercée sous la direction du procureur de la république, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l’instruction est satisfaisant. Il a toutefois été jugé qu’il serait opportun que la loi précise que les officiers de police judiciaire agissent toujours sous le contrôle de leurs chefs hiérarchiques ».

Enfin, pour les juges d’instruction, ça n’a pas grande importance, puisqu’ils auront disparu.

* Voir les différents billets dans la catégorie garde à vue.
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Les risques liés aux scanners corporels a été lu 37.373 fois en 3 jours et a suscité 74 commentaires – et quelques mails désagréables dans lesquels on me reproche mon incompétence, avec des réflexions du genre « de quoi qui se mêle ! » Mais je persiste et signe. C’est visiblement un sujet qui fâche, mais entre nous, j’adore ça.

Les risques liés aux scanners corporels

Fi du principe de précaution appliqué avec tant de rigueur pour traiter le risque grippal, c’est dit c’est fait : la France aura bientôt son premier body scan. Quelle promptitude dans la réaction ! Pas étonnant : l’affaire body-scan_eternal-health.jpgétait dans les tuyaux de longue date. Dès 2008, la CNIL1 et l’APAVE2 avaient donné leur accord (un peu vite peut-être) à des essais qui devaient avoir lieu à Nice (voir en bas de page le rectificatif de l’APAVE).  « Airport premier », comme il a été baptisé là-bas. Mais devant les réactions des personnels et des élus locaux, la mise en fonction a été retardée.

J’espère qu’on ne l’a pas démonté…

Cet appareil de radiologie permet de visualiser en trois dimensions le corps nu des passagers. Mais pas question de voyeurisme : les parties génitales seront floutées, nous assure-t-on. Si son efficacité est quasi totale pour déceler le moindre objet, qu’il soit métallique ou non, certains s’interrogent : le scanner aurait-il pu détecter la poudre explosive collée sur la jambe du terroriste nigérian du vol 253 de la compagnie Northwest Airline ? Rien n’est moins sûr.

En dehors de leur utilité (et de leur coût), l’installation de ces engins pose deux questions fondamentales qui touchent à leur innocuité et à la confidentialité des données.

Les commerciaux qui vantentscanner-a-laeroport-de-nice_nice-matin.jpg les mérites de ce produit affirment que « l’absence d’impact sur la santé des passagers a été évaluée et confirmée par un organisme indépendant » (l’APAVE ?). Mais, dans Le Quotidien du médecin, le professeur  Patrick Gourmelon, directeur de la radioprotection de l’homme à l’IRSNsouligne qu’il existe une différence entre les doses affichées par les fabricants*, qui sont des doses globales, et celles qui sont reçues par un organe spécifique – ici la peau. Ce sont ces dernières qui doivent être retenues. « On peut en effet enregistrer des doses globales extrêmement faibles alors que la dose pour un organe peut atteindre un niveau notable, dit-il. Se pose alors un risque de cancérisation des cellules, notamment chez des personnes à risques comme les femmes enceintes en début de maternité, ou les enfants ».

Selon un article du Figaro du 17 décembre 2009, une étude américaine de l’Institut national du cancer tire d’ailleurs la sonnette d’alarme sur l’usage intensif des scanners médicaux. Ils pourraient conduire à 29.000 cas supplémentaires de cancer par an. Une véritable épidémie. Ainsi, sur 270 femmes de 40 ans qui sont soumises à un scanner des artères coronaires, l’une d’elles serait quasi certaine de développer une tumeur. Des chiffres inquiétants.

Les partisans des body scans  vous diront que cela n’a rien à voir. Sans doute, mais malgré tout, l’appareil (d’origine américaine) qui va être installé prochainement à Roissy est bel et bien un scanner d’imageries. Il émet des ondes millimétriques, soit une fréquence comprise entre 24 et 30 gigahertz, avec une puissance suffisante pour traverser des vêtements. Et pour nous qui avons connu la fameuse frontière infranchissable du nuage de Tchernobyl, on a beau nous raconter que les rayons s’arrêteront à fleur de peau, on ne peut s’empêcher d’être dubitatifs.

Mais se pose également la question de la confidentialité. Car dans un premier temps, il n’était pas prévu d’enregistrer les images scannées. Elles devaient rester anonymes. Aujourd’hui, on entend un autre son de cloche. On nous parle d’une destruction au bout de quelques heures, ce qui signifie entre parenthèses que ces images ne seront plus anonymes, mais accolées au passeport des voyageurs.

Et dans un troisième temps ?

Ne se dirige-t-on pas vers un nouveau fichier ? Notre carcasse en 3-D, une sorte d’hologramme, sera-t-elle archivée, mélangée à notre Adn, à nos empreintes, à notre voix, à notre iris, et j’en oublie forcément, pour obtenir enfin la traçabilité de l’homme !

Si vous prenez l’avion, surtout pour les Etats-Unis, vos bagages à main iront dans la soute, et tous les objets que vous garderez avec vous (téléphone, ordinateur, livres…) seront glissés sous des sacs en plastique transparents. Une fois à bord, vous devrez vous tenir à carreau. La moindre attitude suspecte, comme le fait d’aller trop souvent aux toilettes, risque de vous faire cataloguer comme un individu potentiellement dangereux. Et de toute manière, une heure avant l’atterrissage, il faudra vous retenir, car interdiction de bouger de son siège.

Il y a des gens qui acceptent ça. D’autres pas. De plus en plus si l’on en croit les chiffres : en décembre 2009, Air France-KLM a enregistré la 12e baisse consécutive de son trafic passagers. C’est à cause de la crise nous dit-on. Tiens, je croyais qu’elle était finie !

visage-de-la-peur_elfarwest.gifL’année dernière, le Comité d’éthique4 s’est penché sur les problèmes liés à la biométrie, s’inquiétant de cette volonté de ficher l’homme sous toutes les coutures, et soulignant le risque d’ainsi le réduire « à une accumulation de données et de critères cartographiques » .  Avec cette phrase que je cite de mémoire : « Cette tentative de réduction biométrique ne capturera jamais l’essence de la personne humaine » .

C’est joliment dit. Mais pour l’installation des scanners corporels, le Comité d’éthique n’a pas été consulté.

On ne peut quand même pas demander l’avis de tout le monde.

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Rectificatif à la demande de l’APAVE :

« APAVE n’a aucunement donné son accord pour la commercialisation du système. Nous avons donné notre accord pour effectuer des mesures in situ concernant l’exposition des personnes scannées et du personnel au poste de travail suivant la réglementation en vigueur comme il nous l’a été demandé. Nous n’avons pas autorité à autoriser ou interdire quelque produit commercialisé que ce soit.

« Cela évidemment ne concerne ni l’aspect médical, ni la question des doses sur un organe spécifique, ni la question de l’éthique du système.
Il s’agit juste de vérifier si les rayonnements émis sont en deçà de la réglementation pour les personnes à proximité du système.
»

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* Il est fait référence aux appareils actuellement en place aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, et non à celui qui sera installé à Roissy.

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(1) Commission nationale de l’informatique et des libertés – (2) Association des propriétaires d’appareils à vapeur et électrique – (3) Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – (4) Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
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I protect you a été lu 4.527 fois en 4 jours et a suscité 24 commentaires.
A noter un  débat passionné qui est apparu dans les commentaires du billet concernant l’affaire du petit Grégory Je dois avouer que j’ai du mal à suivre.

I protect you !

Que nous arrive-t-il ? Sommes-nous réellement menacés de toute part ou simplement victimes (consentantes) de la paranoïa de ceux qui dirigent le monde ? Ainsi, aux obama-triste_lemonde.jpgEtats-Unis, alors que le taux de chômage atteint 10 % de la population active (le chiffre réel serait de 17.3 %) et que près de 3.5 millions d’enfants survivent grâce aux bons alimentaires, le président Obama a pris une décision forte :  lutter contre l’insécurité.

Une recette qui fait tache d’huile.

En France, alors que depuis des années nos hôpitaux réclament des IRM, on va de toute urgence installer des centres de radiographie dans les aéroports. Aucun danger pour la pudeur, nous assure-t-on, car les organes génitaux seront floutés. Aucun danger pour la santé non plus, car les ondes millimétriques, déclare l’un des responsables du projet, sont moins dangereuses que celles des téléphones portables. Et comme on nous rabâche que les téléphones portables ne sont pas dangereux…

Et de nouvelles lois sont dans les tuyaux. Avez-vous remarqué les circonvolutions autour de nos ordinateurs ? Tel député envisage froidement de nationaliser le réseau Internet pour nous protéger d’éventuelles cyber-attaques. « Si on ne veut pas que ces hackers parviennent à prendre le contrôle de centrales nucléaires ou à paralyser le système aérien, l’État doit être en mesure d’avoir la maîtrise du réseau en cas de problème », affirme-t-il.  Et de citer la Chine en exemple. Tel autre veut taxer Google, qui nous pique une part du marché publicitaire sans reverser le moindre picaillon dans les caisses de l’Etat. D’autant, renchérit le premier, sans même un sourire, que « Google permet de suivre les faits et gestes des internautes ».  Ce même député a probablement voté la loi qui donne mission à des agents privés de scanner la Toile (sans floutage) pour protéger nos artistes des dangereux pirates du Net. Et pour mieux faire passer la pilule auprès des jeunes, on va les encarter, comme on le faisait antan de ces dames qui déambulaient sur les trottoirs parisiens.

Longtemps la gauche s’est battue pour une police régalienne, refusant de créer des polices municipales, stigmatisant le maire de Levallois, alors qu’aujourd’hui, toutes les communes, l’une après l’autre, se dotent d’une police municipale et de caméras de vidéosurveillance. Et, à défaut, les maires les moins fortunés font même appel (en toute illégalité) à des entreprises privées pour assurer des patrouilles dans les rues de leur ville.

Le moindre fait-divers est mis en scène, et l’on agite sous nos yeux une sorte de shaker dans lequel se mélangent terrorisme, banditisme, trafic de drogue, etc., à la criminalité de tous les jours. Celle que l’on connaît depuis la nuit des temps, et qui, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, n’est ni pire ni moindre que par le passé.

Il faut se souvenir qu’il y a un siècle des brigands de grands chemins parcouraient le pays en semant la terreur : les Travailleurs de nuit, les Apaches, les Chauffeurs de la Drôme, qui ont sur la conscience l’assassinat de dizaines de personnes âgées. Ou encore la Caravane à pébourricot.jpgpère, une centaine de coupe-jarrets itinérants qui ont traversé la France en la pillant, de la Touraine à la Charente.

La sécurité absolue est un mythe. Comme disait Tournier, les pires combats se livrent entre les arbres, dans nos forêts. Que font les écolos ? Je ne comprends pas la raison pour laquelle la sécurité est devenue un tel enjeu ! Sommes-nous demandeurs, ou au contraire victimes d’un pilonnage ? Ou s’agit-il, comme pour la grippe A, de nous faire peur… pour mieux nous protéger d’un danger surévalué ?

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Un détective épinglé par la Commission de déontologie a été lu 2.047 fois en 3 jours et a suscité 17 commentaires.

Un détective privé épinglé par la Commission de déontologie

On se souvient de ce massacre à Thorigné-sur-Dué, une petite ville de la Sarthe. En 1994, une famille entière, dont deux enfants en bas âge, sauvagement assassinée à l’aide d’une « feuille de boucher ». Un crime horrible, une policier-et-son-double.gifenquête sur les chapeaux de roues et les aveux de Dany Leprince, proche parent des victimes, à la quarante-deuxième heure de sa garde à vue. Très vite, celui-ci revient pourtant sur ses déclarations et clame son innocence. En 1997, il est condamné à la prison à vie, assortie d’une peine de sûreté de 22 ans. À cette époque, impossible de faire appel de la décision d’une Cour d’assises, donc, pour la justice, l’affaire est close.

En 2002, l’association Action-Justice, s’empare du dossier et tente de sensibiliser l’opinion publique à ce qu’elle considère comme une erreur judiciaire. Un détective privé, que nous appellerons M., est alors mandaté pour effectuer une contre-enquête : 18.000 € d’honoraires pour quatre pages de rapport sans réel intérêt. Les choses tournent alors au vinaigre entre la famille du condamné et l’enquêteur – un désaccord qui aboutit à une plainte contre ce dernier pour abus de confiance. En retour, celui-ci publie sur son site Internet des pièces du dossier pénal qui lui avait été confié. Et en 2008, alors que la Commission de révision des condamnations pénales instruit cette affaire afin de déterminer s’il existe ou non un fait nouveau susceptible de relancer l’action de la justice, il écrit, sur son site et sur son blog, que l’apparition d’un témoin nouveau n’est qu’une supercherie destinée à justifier la thèse de l’erreur judiciaire. Affirmant que « personne ne se trouvait dans le grenier de la maison le soir où furent perpétrés les crimes », alors que ceux qui se battent pour la révision du procès ont axé en grande partie leur action sur cet événement inconnu lors de l’enquête.

C’est du moins la position de la CNDS dans son avis du 21 septembre 2009.

Celle-ci, saisie par un député, commence par « affirmer sans réserve toute sa compétence en ce qui concerne la déontologie professionnelle des agents de recherches privées ». En effet, estime-t-elle, depuis une loi de 1983, modifiée en 2003, cette profession concourt à la sécurité générale au même titre que les entreprises de gardiennage, de surveillance et de transports de fonds.

Elle relève que la publication de ces informations sur Internet, « constitue une violation flagrante de l’obligation de loyauté à laquelle est tenu tout enquêteur à l’égard de son mandant ». Et elle rappelle que le secret professionnel constitue « le socle même de la déontologie des enquêteurs privés ». Elle va même plus loin, en assimilant le détective privé à un acteur des droits de la défense, au même titre que l’avocat.

C’est la première fois que la CNDS se penche sur la déontologie des détectives privés. Désormais, lit-on, dans La Gazette des enquêteurs, « les détectives et enquêteurs privés, les enquêteurs d’assurances et, d’une façon générale toutes les professions effectuant des recherches privées (y compris l’intelligence économique et les sociétés de recherches de débiteurs) pourront faire l’objet de contrôle par la CNDS et par son futur remplaçant, le « Défenseur des Droits » qui devrait reprendre ses attributions ».

Christian Borniche*, qui dirige le cabinet créé par son père il y a plus d’un demi-siècle, semble très satisfait de cette décision. Depuis des années, en effet, il bataille dans cette direction. Il est d’ailleurs à l’origine du diplôme d’État créé le 21 juin 2006 par le ministre de l’Éducation nationale. Car, dit-il, le secret professionnel est à la base des relations qui existent entre un enquêteur privé et son client. Pour lui, le secret s’oppose même aux commissaires de police ou aux officiers de gendarmerie chargés de surveiller les agences de recherches privées pour le compte des préfets.

« Toute violation du secret professionnel par un enquêteur privé, rappelle-t-il sur le site du Centre d’information sur les détectives, constituerait un délit passible des peines (1 an de prison et 15.000€ d’amende) visées à l’article 226-13 du code pénal ou 226-17 du même code (300.000€ d’amende et 5 ans de prison) en cas de transmission, sur Internet, d’informations nominatives confidentielles sans borniche-pere-et-fils.jpgprendre les précautions nécessaires pour empêcher qu’elles ne soient interceptées par des tiers non autorisés ».

Même s’il est possible de le trouver sur Internet, le rapport de la CNDS n’a pas été rendu public. Il a été transmis au ministre de l’Intérieur, au procureur de la République et aux préfets concernés.

Quant au détective M., sur son blog, il se défend comme un beau diable, prenant le contre-pied des affirmations de la CNDS.

Mais celle-ci ne se prononce pas sur le fond, mais sur la forme. Pourrait-on imaginer un policier ou un juge qui pour justifier son enquête en publierait des extraits ? En tout cas, il sera intéressant de connaître les suites de cette affaire, tant sur le plan administratif que judiciaire.

Entre nous, il est quand même surprenant  que les manquements supposés d’un détective privé aboutissent aujourd’hui à renforcer le statut d’une profession en quête, depuis des dizaines d’années, d’une certaine forme de reconnaissance.

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* Christian Borniche est président de l’Union des enquêteurs de droit privé et chargé d’enseignement à l’Université Panthéon-Assas, Paris II.
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Les vigiles ont-ils le droit d’arrestation ? a été lu 43.406 fois en 5 jours et a suscité 156 commentaires.
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