LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Pic et pioche autour de la garde à vue

Depuis que la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) a mis les pieds dans le plat, déclarant grosso modo que la présence de l’avocat est nécessaire dès la rédaction du premier procès-verbal sérieux, chacun s’en donne à cœur sept-nains_tititendresse_centerblog.jpgjoie dans les récriminations et les jérémiades. Par ordre d’entrée en scène, on a eu les avocats, les syndicats de police, le Premier ministre, la Garde des sceaux (mais du bout des lèvres), et aujourd’hui ce sont les magistrats.

Pour éviter, dans plusieurs affaires, que leur procédure ne soit retoquée par la CEDH, les juges d’instruction du tribunal de Bobigny enjoignent les policiers de faire venir l’avocat des suspects dès le début de la garde à vue.

Aussi sec, les policiers refusent. Ils s’arc-boutent, brandissent le Code de procédure pénale, et refusent tout net d’appliquer ces instructions.

Même sans être versé dans les coups tordus, on comprend bien que ces magistrats n’ont pas agi sans arrière-pensée, et que les policiers, en revanche, semblent avoir foncé tête baissée.

À moins qu’ils n’aient sauté sur l’occasion pour engager un bras de fer avec les juges. Car les heurts ne sont pas rares entre ces derniers et les commissaires de la PP. Comment pourrait-il en être autrement entre des juges qui sont censés être indépendants et une police très centralisée et sous la houlette d’un préfet !

Mais dans cette histoire, qui a raison ?

En 1996, lorsque le directeur de la PJ parisienne, le commissaire Olivier Foll, avait refusé son assistance au juge Eric Halphen pour effectuer une perquisition au domicile des époux Tibéri, il avait été muté à l’Inspection des services, le cimetière des éléphants, comme on l’appelle – qui, vu le nombre de directeurs qui y pantouflaient, n’avait jamais autant mérité son nom que dans ces années-là. Pour se défendre, Foll avait argumenté que le juge ne lui avait pas adressé de réquisition écrite et ne l’avait même pas informé du lieu de la perquisition. L’affaire était allée jusqu’en cassation, et la Cour lui avait donné tort, confirmant la décision antérieure : le commissaire Foll s’était rendu coupable d’un manquement grave à sa fonction.

Une décision compréhensible, car, comme le rappellent les magistrats de Bobigny, les policiers, en tant qu’officiers de police judiciaire, sont placés sous leur autorité directe, et ils ne peuvent recevoir leurs ordres de personne d’autre. Ils sont donc tenus de répondre à leurs diligences.

Mais cette fois, les policiers sont sûrs de leur fait. Ils se reportent à la loi, et refusent d’exécuter des flic_grognon_lessor.jpginstructions qui n’existent pas aujourd’hui dans le Code de procédure pénale. La secrétaire générale du Syndicat des commissaires allant même jusqu’à déclarer que les juges veulent les pousser à la faute et qu’il n’y a pas lieu d’obéir à un ordre illégal. Un vieux principe militaire, rarement appliqué, je dois le dire, au sein de la Grande maison. Ainsi, lorsqu’un Pichon dénonce l’illégalité du fichier STIC, il se retrouve mis en examen et aucun syndicat n’accepte de prendre sa défense.

Pour en revenir à cette fronde qui s’est déroulée il y a quelques jours en Seine-Saint-Denis, pas facile de savoir qui est dans le vrai.

Les juges s’inquiètent à juste titre, car de nombreuses procédures risquent d’être entachées de nullité, au moins partiellement, du fait de la décision de la CEDH, laquelle déclare la garde à vue à la française contraire à la Convention des droits de l’homme. Mais à l’identique, un OPJ qui convierait un avocat hors des créneaux prévus par le Code de procédure pénale* (30 mn dans les 24 premières heures de GAV), ne commettrait-il pas un acte irrégulier et sans doute fautif ? Autre motif de nullité…

Alors ?

En fait, aujourd’hui, les OPJ sont tenus d’agir en conformité avec le Code français et en contradiction avec le droit européen. Situation pour le moins inconfortable, même si la majorité du corps préfère fermer les yeux tant peu de policiers sont disposés à modifier leurs méthodes de travail, et à accepter la présence de l’avocat durant la garde à vue. C’est un peu la politique de l’autruche. Et pour des poulets… Il va bien falloir s’en sortir et avoir le courage de légiférer. Comment un pays qui se targue (à l’excès ?) du principe de précaution pourrait-il accepter que par négligence ou faiblesse des criminels voient demain leur condamnation annulée !? Et je ne suis pas sûr que ce changement puisse attendre la réforme annoncée de la procédure pénale…

Le rapport du Comité de réflexion sur la justice pénale, remis au président de la République en septembre 2009, ne règle d’ailleurs pas vraiment le problème. Il suggère en effet le maintien d’un entretien d’une demi-heure avec l’avocat dès le début de la garde à vue, puis un nouvel entretien au bout de douze heures, avec cette fois un accès aux procès-verbaux d’audition, et enfin la présence de l’avocat en cas de renouvellement.

La CEDH y trouvera-t-elle son compte ? Pas sûr, car ce qu’elle exige, c’est la présence de l’avocat dès l’audition d’un suspect.

En revanche, messieurs les magistrats, ce comité met un point bouc-emissaire_ougen__umourcom.jpgfinal à votre tutelle sur les policiers. Car il annonce carrément la couleur : « Le système actuel qui prévoit que la police judiciaire est exercée sous la direction du procureur de la république, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l’instruction est satisfaisant. Il a toutefois été jugé qu’il serait opportun que la loi précise que les officiers de police judiciaire agissent toujours sous le contrôle de leurs chefs hiérarchiques ».

Enfin, pour les juges d’instruction, ça n’a pas grande importance, puisqu’ils auront disparu.

* Voir les différents billets dans la catégorie garde à vue.
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Les risques liés aux scanners corporels a été lu 37.373 fois en 3 jours et a suscité 74 commentaires – et quelques mails désagréables dans lesquels on me reproche mon incompétence, avec des réflexions du genre « de quoi qui se mêle ! » Mais je persiste et signe. C’est visiblement un sujet qui fâche, mais entre nous, j’adore ça.

33 Comments

  1. Péhène

    A lire aujourd’hui dans le journal Le Monde :

    « Le nombre de gardes à vue en France est largement sous-estimé. Aux 580 108 officiellement comptabilisées en 2009, il faut en effet ajouter toutes celles intervenues dans le cadre de délits routiers et qui sont exclues des statistiques policières : 250 000 mesures, comme l’affirme le journaliste Mathieu Aron (…) qui lance la polémique ? 150 000, selon les estimations du contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue ? Le chiffre des GAV reste tabou. « Nous sommes en train de les recompter », affirme au « Monde », Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale, qui admet l’existence de cette lacune »

    Et le journaliste du Monde de mettre l’accent sur l’augmentation très significative des gardes à vue depuis 2001 :
    « Depuis 2001, le nombre officiel de ces GAV a progressé de 72 %, passant de 336 718 à 580 108 en 2009. Mathieu Aron y ajoute 37 500 dans les DOM-TOM qui ne sont pas non plus comptabilisées dans les statistiques nationales. Soit un total de près de 900 000 GAV ! »

    De quoi relancer le débat sur la nécessité de certaines gardes à vue. Rappelons en effet que seules les « nécessités de l’enquête » peuvent justifier un placement en garde à vue (voir l’article 63 du Code de Procédure Pénale).

  2. Péhène

    Près de 200 commentaires sur l’affaire de la course-poursuite de Woippy, encore plus sur la question de savoir si, du coup, les flics sont des cow-boys, et à peine une trentaine (dont huit de votre serviteur) sur la garde à vue. Finalement, je me dis que cette mesure privative de liberté, pourtant si décriée dans les médias et qui semble vivre un tournant en ce moment, n’intéresse pas vraiment les justiciables que nous sommes. A se demander si une réforme est vraiment nécessaire !

  3. Péhène

    « Taux d’élucidation inchangé : 15%, malgré une hausse de 29% des cas. Misère… »
    Vous vous méprenez, le taux d’élucidation aurait connu une hausse de 29% (ce qui accréditerait la thèse d’une police plus efficace car, à nombre de faits délictueux égal, elle aurait retrouvé, par rapport à il y a 5 ans, plus d’auteurs, 30% de plus). Mais il ne faut pas se réjouir trop vite car, comme je le soulignais, le taux d’élucidation reste, malgré cette augmentation, faible (15% seulement selon ce que j’ai trouvé sur le net, ce chiffre ne concernerait cependant que les vols, à vérifier donc sachant que ce taux fluctue énormément selon les infractions concernées).
    Certaines sources indiqueraient un taux général (une moyenne donc) d’élucidation avoisinant en réalité les 34%, bien mieux donc que ce que j’ai indiqué dans mon message précédent. Mea culpa. Il n’en reste pas moins que, grossièrement, deux tiers des crimes et délits perpétrés en France restent totalement impunis car non élucidés.

  4. Clafoutis

    @Péhène
    Donc :
    1°)
    – GAV + 35% (580.000 – soit près de 1% de la population hors bébés et enfants – contre 430.000, soit 150.000 GAV supplémentaires)
    – poursuites judiciaires +22% (soit xxx : nombre inconnu de moi, contre xxx/1,22)
    – GAV « inutiles » : tout dépend du taux de poursuites judiciaires par rapport au GAV ? Si le taux poursuite/GAV est élevé (mettons 80%) alors les GAV « inutiles » évoluent de façon explosive : près du double.
    Si au contraire le taux poursuite/GAV est modéré (mettons 20%) l’évolution reste forte +37%.
    Pourquoi cette hausse des GAV « inutiles » : conséquence de la politique du chiffre me dites-vous. Et je pense pouvoir être d’accord.
    Dommage que la politique du chiffre conduise à zzz GAV « inutiles » supplémentaires (je sais : toutes les GAV qui ne donnent pas lieu à poursuites ne sont pas forcément inutiles : cela peut réfréner l’appétit des voleurs de pommes ; mais les autres, ceux qui crient « …je te vois! », ou qui manifestent leur désaccord avec une interpellation trop musclée, ou au faciès, ou qui manifestent tout court – au fait, tout ça vaut la prison, avec un quantum suffisant pour justifier la GAV ?).

    2°)
    Taux d’élucidation inchangé : 15%, malgré une hausse de 29% des cas. Misère…

    3°) 63.000 prisonniers – stable (soit 0,1% de la population).
    Et pourtant plus de personne poursuivies.
    Faut-il davantage de prisons ?
    Non, tant qu’elles seront les fameuses prisons *** que nous connaissons. Au fait, que fait le ministère du Tourisme ? Il devrait être plus rigoureux sur l’attribution des *, me semble-t-il.
    Qu’a fait la Justice ? Je ne sais pas. On peut imaginer :
    . plus de sursis (pas assez de places, et « prisons = HEC » pour « hautes études de criminalité », dans le cadre de la formation continue en alternance, avec de vrais pro pour vous guider)
    . peines alternatives : pourquoi pas
    . poursuites insuffisamment justifiées (si on fait beaucoup plus de GAV, à effectifs policiers stables ou en baisse, les enquêtes doivent en subir les conséquences).
    Ces trois hypothèses sont vraisemblables.
    Il y en a peut-être d’autres.
    Quels sont les chiffres respectifs ?

    Ce qui est clair, c’est que la politique du chiffre conduit à une augmentation anormale des GAV « inutiles ». Pourquoi la Police s’y prête-t-elle ? La peur du gendarme ? Un comble !!

    Mais j’y pense : toutes ces questions ne se seraient pas posées si l’évolution des GAV avait été suivie benoîtement par celle des incarcérations !

    De la distorsion naît, sinon la lumière, du moins la question. Sans laquelle il n’y a pas de réponse !

    A vous lire éventuellement une dernière fois, après j’arrête (je n’ai pas dit : « je vous arrête »). Rendez-vous (je n’ai pas dit « haut les mains ») au prochain blog (je n’ai pas dit « au prochain bloc »).

  5. Péhène

    Clafoutis, je vous soumets aujourd’hui quelques chiffres. Leur analyse vous permettra peut-être de me rejoindre sur le sujet qui nous anime.

    Comme tout le monde le sait maintenant (on ne compte plus les articles et débats là-dessus), le nombre des gardes à vue a augmenté, en 5 ans (entre 2003 et 2008), d’environ 35% (près de 580.000 gardes à vue en 2008, comme en 2009 d’ailleurs). Dans le même temps, le nombre des personnes poursuivies (donc de celles qui ont dû répondre de leurs actes dans un tribunal) a augmenté d’environ 22%. Quant aux faits élucidés (c’est à dire les crimes et délits dont les auteurs ont été retrouvés par les forces de l’ordre), ils ont connu une hausse de près de 29% (malgré cela le pourcentage des faits élucidés reste très faible, à savoir environ 15%, ce qui veut dire que près de 85% des crimes et délits commis dans notre pays restent impunis).

    Ainsi, la lecture de ces chiffres pourrait laisser croire (n’est-ce pas Clafoutis ?) que le nombre de détenus a été soumis à une réelle augmentation, peut-être pas proportionnelle mais conséquente. En effet, comme il y a eu plus d’auteurs interpellés, plus de gardes à vue, plus de personnes traduites devant la Justice, il serait logique qu’il y ait plus de détenus (surtout si l’on suit votre théorie de la « corrélation »). Et pourtant, ce n’est absolument pas le cas. Le nombre des détenus en France est quasiment le même en 2008 qu’en 2004 (environ 63.600). Que faut-il donc en déduire ? Que les flics ont placés d’innombrables innocents en cellule de garde à vue ? Que la justice ne fait plus son boulot ? Ou plus logiquement que la surpopulation carcérale a atteint un tel niveau qu’il devient difficile pour les juges de prononcer et de faire exécuter des peines de prison ferme ? Quel que soit le nombre des gardes à vue, il est devenu impossible de mettre plus de personnes sous les verrous. Impossible. La France est mise à l’index depuis longtemps sur ses conditions d’incarcération. Elle ne peut pas aller plus loin (quoique la très grande majorité des autres pays fait pire) dans le non-respect des droits individuels en prison.

  6. christian

    Tout cela se rejoint, y compris la comparaison avec les pays étrangers : la garde à vue, c’est grave, les statistiques actuelles le font oublier !

    C’est justifié quand l’enjeu est important (risque de prison). Mais pas comme commodité de procédure, intimidation d’un citoyen au verbe vif, voire statistique. S’il y en avait moins, elles seraient moins discutées je pense, leurs conditions poseraient moins problème .. et les policiers auraient un emploi du temps moins encombré.

  7. Clafoutis

    @Péhène
    Je persiste : si pas GAV, peu de risques de finir en prison ; si GAV, la prison augmente ses chances.
    Si le nombre de prisonniers augmente fortement, il est probable que celui des GAV ne s’est pas effondré.
    Les deux séries ne sont pas étrangères l’une à l’autre. Non seulement les deux événements sont reliés, mais il est logique qu’ils soient corrélés (il y a co-relation).
    Ce qui n’implique pas que la « loi » mathématique qui les lie soit simple ; et encore moins qu’il y ait proportionnalité entre les deux ! On peut même imaginer des cas de figure où l’une des variables augmente pendant que l’autre baisse.
    Simplement plus les deux évolutions sont différentes, plus on doit chercher une explication.
    Ce que j’ai fait ; et vous – spécialiste – avez conforté mon sentiment quant aux causes de cette bizarrerie logique.
    Merci donc.

  8. Péhène

    Vous voulez savoir le pourquoi du comment ? En fait, un jour, selon moi (c’est donc ma perception très personnelle des choses que je vais vous donner), un penseur, comme il doit en exister un nombre certain dans les hautes sphères de notre administration, a considéré que le nombre de garde à vue avait toutes les qualités requises pour devenir un important indicateur d’activité des services de police. En gros, plus il y a de gardes à vue, plus vous travaillez. Et donc plus vous travaillez, plus vous méritez de moyens (humains et matériels), mais certainement pas une petite enveloppe garnie à la fin du mois ! Si vous voulez plus d’hommes et de voitures, montrez nous que vous en avez vraiment besoin, que vous avez du boulot ! Et puis, en tant que chef de service, si vous allez dans le sens du vent, c’est certainement mieux que si vous ramez à contrecourant. Bref, la politique du chiffre, c’est qu’il faut faire de la garde à vue, de l’interpellation et encore de la garde à vue, avec comme objectif suprême et extatique : un fait, une interpellation, une garde à vue.

    Vous me demandez aussi pourquoi de fervents défenseurs des libertés individuelles exigeraient que les personnes interpellées soient placées en garde à vue. Et bien simplement parce que seul le régime de la garde à vue permet à l’infortuné délinquant de bénéficier des droits afférents à cette mesure (médecin, avocat, avis famille).
    Des avocats ont donc considéré que seul le placement de leurs clients sous ce régime (pourtant a priori sévère) leur permettait de pénétrer dans les locaux de police (avec tout ce que cela implique). Ils ont tellement envie d’entrer dans les commissariats que maintenant ils exigent même, en brandissant la Convention européenne des droits de l’homme, d’y rester des journées entières !

    Bon, à part ça, vous persistez à croire qu’il y une corrélation entre le nombre des gardes à vue et celui des personnes en détention. Je ne sais pas trop comment arriver à vous faire comprendre le contraire. Mais surtout, je dis cela car j’ai lu cet argument stupide à une époque, ce n’est pas parce que vous avez été placé en garde à vue et que finalement vous ne finissez pas derrière les barreaux ou que même vous n’êtes pas condamné par la Justice, que la garde à vue que vous avez subie était illégale.
    Cordialement.

  9. Clafoutis

    @Péhène :
    On y est presque :
    1°) »il ne faut pas faire de parallèle entre le nombre de gardes à vue et celui des écrous. »
    Mais si !
    Sinon on occulte le phénomène !
    C’est bien parce qu’il n’y a pas parallélisme des évolutions (alors qu’intuitivement il devrait y en avoir un – même très approximatif) que l’on se dit que quelque chose de bizarre se passe.
    Et en effet :
    2°) »La politique dite du chiffre est la principale responsable de l’augmentation du nombre de ces gardes à vue. Des voleurs de pomme, il n’y en a en effet pas vraiment plus aujourd’hui qu’il y a quatre ans. »
    On est d’accord.
    3°) Mais pourquoi (et pour quoi) cette « politique du chiffre » ?
    Vous répondez :
    « Simplement, une certaine idéologie, développée aussi bien par la hiérarchie policière que paradoxalement par certains défenseurs des droits individuels (conceptions très différentes pour chacun mais aboutissant au même résultat), a conduit à des placements plus fréquents de ces mêmes voleurs de pomme. »
    On a le « pourquoi », on reste sur sa faim pour le « pour quoi ».
    Au passage, je ne comprends pas que « certains défenseurs des droits individuels » incitent à la GAV.
    Enfin je n’ai pas dit que chaque policier touchait une prime de x,xx € pour chaque GAV.
    Mais le nombre de GAV nourrit aussi bien les statistiques que le dossier de chaque policier. Non ?
    Et chaque policier souhaite avoir un dossier aussi bon que possible. Normal.
    Ce n’est donc pas assimilable à « un fantasme développé dernièrement pour laisser croire au citoyen lambda que les policiers ont un intéressement sur les résultats de leur service ».
    Je crois que nous sommes d’accord.

  10. Péhène

    Cher Clafoutis, je suis vraiment navré mais je croyais vraiment avoir essayé d’expliquer pourquoi il ne faut pas faire de parallèle entre le nombre de gardes à vue et celui des écrous.
    Si vous avez tout compris, vous auriez dû trouver la réponse à votre question.
    La politique dite du chiffre est la principale responsable de l’augmentation du nombre de ces gardes à vue. Des voleurs de pomme, il n’y en a en effet pas vraiment plus aujourd’hui qu’il y a quatre ans. Simplement, une certaine idéologie, développée aussi bien par la hiérarchie policière que paradoxalement par certains défenseurs des droits individuels (conceptions très différentes pour chacun mais aboutissant au même résultat), a conduit à des placements plus fréquents de ces mêmes voleurs de pomme. Mais la politique pénale, quant à elle, n’a pas beaucoup changé et n’a donc pas eu pour conséquence l’augmentation simultanée et proportionnelle des poursuites engagées contre ces derniers. Peu de voleurs de pomme seront finalement traduits en chambre correctionnelle, et encore moins finiront, fort heureusement, en prison (notamment parce qu’il est tout bonnement impossible matériellement de mettre tous les délinquants derrière les verrous).
    Mais cela n’enlève rien au fait que le vol de pomme est punissable d’une peine d’emprisonnement de 3 ans et de 45.000 € d’amende. Le placement en garde à vue dans le cadre d’un tel méfait est donc tout à fait légal. Mais toutes les gardes à vue prises pour ces faits (mineurs) étaient-elles bien indispensables ? Pas sûr en effet.
    Pour finir, je maintiens que cette politique du chiffre ne nourrit pas les policiers, uniquement les statistiques. C’est un fantasme développé dernièrement pour laisser croire au citoyen lambda que les policiers ont un intéressement sur les résultats de leur service. Le haute hiérarchie peut-être, le flic de base sûrement pas. Mais si vous êtes persuadé(e) du contraire…

  11. Clafoutis

    @Péhène
    – « la politique du chiffre nourrit les statistiques, pas les policiers ». Bravo, j’apprécie !
    Néanmoins,un policier qui n’atteindrait pas les objectifs qu’on lui fixe serait « moins bien » vu par sa hiérarchie, non ? Et cela pourrait avoir des conséquences sur ses « états de frais » (ça existe encore ?), sur son avancement, sa mutation, etc.
    Donc c’est par un raccourci facile mais pas inexact que j’ai écrit que les policiers étaient nourris désormais par les chiffres.
    – « Donc, non, s’il vous plaît, pas de raccourcis démagos et à côté de la plaque ». C’est pas gentil !
    Et sans doute inexact.
    D’accord pour reconnaître que le nombre de GAV évolue librement par rapport au cours de la banane en Australie.
    Mais on ne peut pas déconnecter l’évolution du nombre de GAV et le nombre d’emprisonnement – sauf à faire l’une des deux hypothèses que je formulais.
    Autre façon d’aborder le problème : le nombre des voleurs de pommes justiciables de la prison a-t-il augmenté à ce point ?
    Ou bien les policiers ont-ils soudain décidé de se montrer plus rigoureux envers les voleurs de pommes, même s’ils savent que cela sera sans conséquence (en général) sur les peines d’emprisonnement réelles ? Pourquoi cette évolution explosive (terme volontairement ambigu)?
    – « il faudrait construire des dizaines d’établissements pénitentiaires ». Juste pour rire :
    j’admire beaucoup un certain secrétaire d’état à la construction pénitentiaire qui, il y a quelques années, a mis tout en œuvre pour tester par lui-même (manque de confiance dans les autres ?) de l’intérieur les fruits de son activité. Le sort lui fut contraire : il n’a pu le faire. Quel dommage.

    Pour finir, merci de cette leçon : j’ai tout compris. Mais il manque la réponse à la question.

  12. Péhène

    Erratum : il faut lire « je n’aborde pas la récidive et « autres » complications ». Merci.

  13. Péhène

    Cher Clafoutis, il faut simplement distinguer trois notions très différentes : la peine encourue, la peine prononcée et la peine exécutée. En effet, si tous les voleurs se retrouvaient en prison, les employés du BTP rouleraient tous en luxueuses berlines (non pas, attention, que ces employés soient des voleurs, ne méprenez pas mes écrits, mais parce qu’il faudrait construire des dizaines d’établissements pénitentiaires).

    Prenons l’exemple d’un voleur de pomme. Une pomme, ce n’est vraiment pas grand chose. De plus le malheureux délinquant est dans la misère et a du mal à subvenir à ses besoins les plus élémentaires (notamment se nourrir). Et bien son geste est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende (article 311-3 du Code Pénal). Puni dans le sens punissable.
    Et ça c’est la peine encourue. Ce pauvre Monsieur peut donc, au regard de notre législation, se retrouver en garde à vue pour ce méfait (« mineur », vous en conviendrez).
    Il peut ensuite passer devant un juge qui choisira de le condamner à une peine de prison allant de quelques jours à 3 ans (je n’aborde pas la récidive et aux complications). Prison ferme ou avec sursis (dans ce dernier cas, il est sûr de ne pas passer par la case prison). Le magistrat peut aussi décider une relaxe (pas de condamnation).
    Et ça c’est la peine prononcée, déjà bien différente de la peine encourue, vous l’imaginez bien.
    Bon, mais finalement le TGI de Pétahouchnok étant très sévère, le malheureux nécessiteux est condamné à 6 mois fermes. Pas de chance. Mais c’est là qu’intervient le juge d’application des peines. Et ce dernier a l’obligation de trouver une solution pour que le condamné n’aille pas derrière les barreaux. En effet il faut savoir qu’en France, en gros, si votre condamnation est inférieure ou égale à un an ferme vous n’êtes pas écroué (les prisons sont déjà surpeuplées). Et ça c’est la peine exécutée, différente, comme vous l’avez remarqué, de la peine prononcée, et encore plus de la peine encourue.
    Bon, bref, tout ça pour vous faire comprendre, cher Clafoutis, mais vous le saviez certainement, qu’il n’y a pas vraiment de lien entre le nombre de personnes passées par la garde à vue et celui des personnes enfermées derrière les barreaux… et que c’est tout à fait normal !
    Dernier argument, s’il en fallait, certains délinquants peuvent très bien avoir été entendus par la police librement, avoir été ensuite convoqués par la Justice, condamnés par elle puis incarcérés… sans même passer par une cellule de garde à vue.
    Donc, non, s’il vous plaît, pas de raccourcis démagos et à côté de la plaque.

    Enfin, la politique du chiffre nourrit les statistiques, pas les policiers.
    Bien à vous.

  14. Clafoutis

    @Péhène.
    Si je vous comprends bien, il y aurait eu en France en 2009 plus de 550 000 infractions méritant la prison.
    Combien de cas instruits, jugés, condamnés à de la prison dans la même période ?
    Si l’écart est important, deux hypothèses :
    – le laxisme de la Justice est patent (et révoltant)
    – la « politique du chiffre » conduit les policiers (volens, nolens, faut bien bouffer, et ils n’y sont pour rien – ou si peu) à mettre en GAV n’importe qui pour n’importe quoi. C’est également révoltant.
    Quelle est votre hypothèse ?

  15. Péhène

    @ Markus qui nous a retranscrit l' »analyse » du Sénat, cette dernière mettant notamment en évidence le point suivant : « possibilité de placer une personne en garde à vue pour une infraction mineure » (sous entendant que contrairement à la plupart des pays européens, la France n’exige pas que l’infraction concernée soit punie d’une peine d’emprisonnement)
    Cela aurait pu être vrai mais ce n’est pas le cas (ce qui me permet d’émettre, au passage, des doutes sur le sérieux de cette étude sénatoriale).
    En effet si l’article 63 du Code de Procédure Pénale indique que « l’officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l’enquête, placer en garde à vue toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction » (sans autre précision, donc à priori toutes les infractions, même les plus insignifiantes), l’article 67 de ce même Code précise que « les dispositions des articles 54 à 66 sont applicables, au cas de délit flagrant, dans tous les cas où la loi prévoit une peine d’emprisonnement ». Il est bien indiqué « une peine d’emprisonnement » !
    Vous me rétorquerez qu’il est précisé « au cas de délit flagrant ». Certes. Mais il est enseigné dans toutes les écoles de Police, et c’est ancré dans l’esprit de tous les policiers (et je crois de tous les autres acteurs du système judiciaire), que cette exigence est étendue aux autres cadres d’enquête (préliminaire et information judiciaire, on voit mal d’ailleurs la saisie d’un juge d’instruction sur des faits même pas punis d’une peine de prison).
    Non, affirmer comme cela qu’en France, singulièrement, il est possible de placer une personne en garde à vue pour une infraction mineure (à savoir encourant une peine mineure, une contravention par exemple), ce n’est pas très sérieux.
    Ceci dit beaucoup de personnes estiment que des gardes à vue sont prises pour des infractions qu’elles considèrent comme mineures. Je les comprends, mais cela prouve simplement qu’elles ne maîtrisent pas vraiment leur Code Pénal, ce petit catalogue des agissements interdits en société.

  16. Markus

    Garde à vue / Législation comparée : Allemagne, Angleterre et pays de Galles, Belgique, Danemark, Espagne, Italie et France
    Sénat – 05/01/2010 19:09:53
    La présente étude est consacrée à l’étude des dispositions régissant la garde à vue dans six pays étrangers : l’Allemagne, l’Angleterre et le pays de Galles, la Belgique, le Danemark, l’Espagne et l’Italie.
    L’analyse comparative montre notamment que :
    – la plupart des textes étrangers subordonnent le placement en garde à vue à l’existence d’une infraction d’une certaine gravité ;
    – dans tous les pays sauf en Belgique, les personnes placées en garde à vue peuvent bénéficier de l’assistance effective d’un avocat dès qu’elles sont privées de liberté ;
    – la durée de la garde à vue est strictement limitée par la constitution en Allemagne, en Belgique, en Espagne et en Italie, tandis qu’elle est fixée par une loi autorisant des prolongations en Angleterre et au pays de Galles ainsi qu’au Danemark ;
    – en Angleterre et au pays de Galles ainsi qu’en Espagne, l’allégation de terrorisme justifie la mise en oeuvre de dispositions particulières, en particulier en ce qui concerne la durée.
    En Allemagne, en Angleterre et au pays de Galles, au Danemark, en Espagne et en Italie, les personnes placées en garde à vue peuvent bénéficier de l’assistance effective d’un avocat dès qu’elles sont privées de liberté.

    L’analyse des dispositions étrangères met en évidence trois singularités de la législation française : la possibilité de placer une personne en garde à vue pour une infraction mineure, l’absence de dispositions constitutionnelles sur la garde à vue et le caractère limité de l’intervention de l’avocat pendant la garde à vue.

    Ce n’est pas de moi j’ai juste procédé à un copier-coller, mais c’est significatif du problème. Ne jamais perdre de vue qu’il y a des victimes et des auteurs présumés. Dans tous les cas nous ne sommes que des citoyens, des hommes.

  17. Péhène

    Erratum : remplacer le mot « coûtaient » par « s’élevait à ». Merci.

  18. Péhène

    Christophe a raison de souligner l’aspect matériel du problème, tout du moins celui relatif au coût de cette présence constante de l’avocat (mais également celui relatif au fait que les policiers risquent d’être dépendants de l’emploi du temps de ces mêmes avocats, ce qui serait totalement inadmissible).
    L’aspect financier donc. Je n’ai aujourd’hui aucune idée de la facture réglée par l’Etat pour le déplacement d’un avocat commis d’office, mais j’avais entendu dire il y a quelques années que le coût du déplacement d’un avocat et de l’entretien qu’il consacrait à son client coûtaient environ 800 francs (soit environ 120 €). Ce montant est peut-être erroné. Et la défense des libertés individuelles n’a vraisemblablement pas de prix. Mais tout de même, j’aimerais bien savoir quelle enveloppe est prévue pour pouvoir financer une telle mesure.
    Mais au delà de l’aspect financier, on peut se demander si les différents barreaux de France seront capables de fournir assez d’avocats pour rester des heures entières dans les locaux de police. Et comme je l’avais indiqué sur ce site, je pense que l’Etat se trouve là devant une obligation de résultat et non de moyen. Le gardé à vue qui a exigé la présence d’un conseil à ses côtés doit nécessairement voir cette exigence satisfaite, à défaut de quoi les auditions seraient logiquement frappées de nullité.

  19. christophe

    @ janssen j-j

    Vous l’aurez compris, je ne suis pas d’accord avec cette réforme qui va nous amener l’avocat lors des auditions, et encore moins avec l’accès au dossier.
    Mais, vous l’avez dit, nous sommes un des seuls pays à ne pas l’autoriser. Donc, à vous lire, parce que les autres le font, il faut que nous le fassions! Ce n’est pas ma vision, mais soit, cela sera fait.
    Là où vont mes critiques, c’est que l’on veut faire des réformes, mais sans jamais s’en donner les moyens. Je puis vous dire qu’en pratique, nous aurons les pires difficultés dans nos dossiers. Parce que nous avons toujours le temps qui tourne. Déjà qu’il est très « limite » dans certaines procédures. Mais là, cela sera encore une perte de temps supplémentaire, puisqu’il faudra attendre ces messieurs les conseils! Autre question que je me pose: qui paiera cette réforme? qui dit avocat présent dit « paiement des heures passées en audition ». Et pour tous ceux qui veulent un avocat commis d’office, payé par l’Etat, qui va payer ces avocats? D’où va-t-on sortir l’argent, puisque, encore une fois, nous sommes dans une politique de rigueur, dans les administrations!
    On nous réduit les parcs auto, le matériel, on veut mettre en commun les photocopieurs pour remplacer les imprimantes…. mais par contre, le voyou (j’insiste), lui, on lui en donne encore plus! Cherchez l’erreur! Et la victime! Elle n’a pas droit à un avocat lors de son dépôt de plainte et/ou lors des confrontations? Pourquoi pas, après tout, si on pousse le bouchon !

  20. RP

    On en revient encore et toujours aux différences « philosophiques » entre la procédure pénale inquisitoire (pratiquée en France) et la procédure pénale accusatoire (pratiquée notamment dans les pays anglo-saxons et dont les membres de la CEDH sont majoritairement imprégnés).
    La question n’est pas de savoir laquelle des deux approches est la meilleure.
    Si le peuple français, à travers ses représentants, souhaite massivement passer à l’accusatoire… et bien, faisons-le. Aucun policier, gendarme, magistrat, avocat ou citoyen républicain et démocrate ne s’y opposera. Cela ne se fera, bien évidemment pas, le 01.01.2012, puisqu’on ne peut pas gérer un tel bouleversement en moins de deux ans.
    Que va t’il donc se passer ? Et bien, comme d’habitude chez nous, une « mesurette » facilement applicable au cours de laquelle on va saupoudrer de l’accusatoire dans notre système.
    Cf : le sketch de Murielle ROBIN : « Je vous coupe les cheveux Mme Musquin ? Oui ? mais on conserve tout de même toute la longueur ! ».
    Pour vulgariser et faire simple :
    – dans un système inquisitoire, la procédure pénale est écrite. Elle est dirigée par le Procureur de la République et, sous son autorité, des enquêteurs rassemblent des preuves et recherchent les auteurs. Si l’infraction est insuffisamment caractérisée ou si aucun élément à charge n’a été relevé au cours de l’enquête, une personne soupçonnée est remise en liberté sans passer par la case tribunal. C’est la fameuse « enquête à charge et à décharge », objet de tous les fantasmes actuellement. Comme tout est écrit, c’est une procédure longue et fastidieuse, soumise à de nombreux vices de forme.
    – dans un système accusatoire, la procédure pénale est orale. Deux camps s’affrontent et proposent chacun une version des faits à un tribunal qui tranchera. Ministère public et police du côté de l’accusation (lesquels entités n’ont aucun lien de subordination) , avocat et enquêteur privé du côté de la défense. Dans ce système, il suffit d’un faisceau de présomptions pour être mis en accusation, il faut alors se défendre (contre-enquête, contre-interrogatoire, contre-expertise, etc…).

    Ce que redoutent les OPJ de Police et de Gendarmerie, dans la réforme qui s’annonce, c’est un alourdissement conséquent de la charge de travail, dans un délai toujours plus court et des exigences de résultats toujours plus grandes. En clair, être obligés de s’aligner en finale du 100 m contre le jamaïcain Bolt avec une enclume de 100 kg sous le bras et un impératif : gagner.
    Ce qui devrait prévaloir avant toute réforme, c’est la recherche d’un équilibre. C’est permettre à un OPJ moyen, dans un commissariat moyen, d’être en capacité de traduire en Justice, l’assassin de Mr X, le violeur de Mme Y ou le cambrioleur de Mlle Z. C’est permettre à un Procureur moyen de diriger l’enquête et de défendre les intérêts de la Société. C’est permettre à un Juge moyen, dans son TGI moyen, d’entrer en voie de condamnation.
    Car, après tout, Mr X, Mme Y ou Mlle Z…c’est nous !

    Si, on veut passer à l’accusatoire, qu’on le fasse vraiment, sinon, pour paraphraser Christophe et Marc, j’ai bien peur que : « Pendant que la tanière du chat est en travaux, les souris ne dansent. »

  21. Péhène

    « Mais dans cette histoire, qui a raison ? »

    [Pour y répondre, inutile tout d’abord d’évoquer l’affaire Foll qui n’a que très peu de rapport avec ce qui se passe actuellement entre le Sdpj 93 et certains magistrats balbyniens. Nous nous plaçons en effet sur un tout autre registre.]

    Certains ont répondu clairement à votre question (des juristes pour la plupart) en invoquant notamment l’article 55 de notre Constitution (« Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. »), considérant ainsi que la Convention Européenne des droits de l’homme est supérieure (et son interprétation faite par la Cour Européenne des même droits) aux dispositions actuelles du Code de Procédure Pénale. Certains, emportés dans leur liesse, ont même estimé que les policiers de Seine Saint Denis avaient, de par leur désobéissance aux injonctions des magistrats instructeurs, violé la Loi, bafoué la Constitution et piétiné la Souveraineté du peuple français !
    Cette agressivité ciblée est, selon moi, d’autant plus difficile à comprendre que, tous les jours depuis que la Cour européenne a rendu ses arrêts estimant que la présence d’un avocat est indispensable au cours de la garde à vue, la quasi-totalité des juges d’instruction, parquetiers, juges du siège et autres membres éminents du monde judiciaire, continue de respecter ces mêmes règles en vigueur.
    Il n’y a de plus pas de raison pour que le régime que la gardé à vue subira (en l’espèce il s’agissait de trafic de stupéfiants, d’où un entretien avec l’avocat différé à la 72ème heure) dépende de l’humeur du magistrat (ou du policier) en charge du dossier, de la météo ou de je ne sais quoi. Il est selon moi important que les règles de procédure (qui sont la meilleure garantie contre l’arbitraire et les atteintes aux libertés individuelles) restent uniformes sur l’ensemble du territoire national. Aux pouvoirs publics (je me tourne vers les ministères de la justice et de l’intérieur) de prendre le plus rapidement possible les mesures qui s’imposent pour prendre en compte les récentes décisions des juges de Strasbourg. Ceci dit, en attendant que le législateur ne se prononce sur cette réforme déjà bien engagée, le gouvernement actuel a publiquement indiqué qu’il considérait que ces récentes décisions n’avaient pas pour conséquence l‘illégalité de la procédure pénale française. D’ailleurs, on peut remarquer que depuis que cette Cour existe (soit un demi-siècle) et que notre procédure ne prévoit pas d’avocat au cours de la garde à vue (soit depuis toujours), cette même Cour n’a jamais condamné la France. Personne n’avait donc soulevé cette « violation » alors qu’elle apparaît aujourd’hui, tout d’un coup, tellement évidente au plus grand nombre ! Où les avocats avaient-ils donc l’esprit pour ne pas avoir saisi la juridiction européenne sur cette question ?

  22. janssen j-j

    @christophe “les voyous ont de beaux jours devant eux”.

    @bouloutin “La délinquance ne s’arrête pas durant les travaux.”

    Aux deux derniers intervenants qui ont des arguments et des points de vue estimables (du moins l’avant dernier qui dit : « C’est ainsi, et nous, policiers, devons nous y faire, tant bien que mal »), on ne voit pas nécessairement le rapport de l’argumentation avec la chute.
    Pourquoi, face à l’enjeu de la nécessaire normalisation institutionnelle du rééquilibrage du flic vs citoyen (et non pas du flic vs voyou) au sujet de la GAV, faudrait-il toujours menacer les réformistes de ce prétendu « péril des voyous » ? Nos flics auraient-ils peur de sortir d’une exception de la situation française au regard du reste des procédures en usage dans le monde dit démocratique ? Serait-ce par hasard que le « péril des voyous » y serait moins grave ailleurs ?
    Et si tel est le cas, autrement dit que le péril serait plus grave en France, ne conviendrait-il pas alors de commencer par nous demander si nous n’y sommes peut-être pas un peu pour quelque chose, nous les flics et les parquets, avec notre CPP d’un autre âge ?… Parce que, question efficacité et protection des libertés des citoyens, on fait vraiment tache en Europe…

  23. Marc Louboutin

    Avis à la clientèle :
    « La délinquance ne s’arrête pas durant les travaux. »
    😉

  24. christophe

    le tout est de savoir, en fait, si une jurisrpudence de la CEDH a vocation à être exécutoire en France. En fonction de cette réponse, les magistrats ou les policiers auront raison. Mais, il me semble que la Cour de Cassation d’a pas encore tranchée sur le sujet.
    Sur le fond du problème, j’ai l’impression que l’on peut en parler tant qu’on veut, même si j’imagine que le sujet fera encore couler beaucoup d’encre. Les avocats vont avoir ce qu’ils demandent depuis plusieurs années; ils seront présents lors des auditions. C’est ainsi, et nous, policiers, devons nous y faire, tant bien que mal.
    Pour autant, ce n’est pas parce que je m’y résout, que j’y consens. On fera le bilan quelques mois plus tard, chiffres à l’appui, puisque l’on ne sait plus fait que ca, regarder les chiffres.
    Je me permet juste une remarque, lorsque j’entend un avocat demander à ce que la loi l’autorise, en plus d’être présent, à pouvoir faire des demandes d’actes pendant la garde à vue. Moi, je dis, dans ce cas, la garde à vue passe de 24 heures à 96 dès le début. Une partie du problème réside dans cet état de fait: le temps. Déjà qu’il n’est pas évident à gèrer, pendant une garde à vue! mais là, ce sera catastrophique. Encore une fois, on va pondre une loi sans donner les moyens d’arriver à quelque chose qui soit positif. Alors, si en plus, il nous faudra courir après toutes les demandes d’acte de l’avocat… on ne fera plus rien. Tout simplement parce que cela sera matériellement impossible. N’oublions pas que la police est également dans une période de RGPP, où l’on supprime les effectifs.
    D’autant que, comme à l’habitude, le judiciaire ne prime pas forcément dans les dotations d’effectifs!
    je vous le prédis, l’avenir du judiciaire, en France, est noir.
    Ca fait longtemps qu’on le dit, mais, c’est tous les jours un peu plus vrai « les voyous ont de beaux jours devant eux ».

    http://quotidiendepj.unblog.fr/

  25. Dolf

    Article 55 de la constitution: Depuis l’arrêt Jacques Vabre de la Cour de Cassation en 1975, la norme nationale (en l’espèce les dispositions du CPP relatives à la garde à vue) incompatible avec une norme internationale (en l’espèce l’article 6 de la Convention EDH, relatif au droit à un procès équitable, tel qu’interprété par la Cour EDH)doit être écarté.

  26. Père Lucien, jésuite

    Je suis surpris que vous soyez surpris, Arnaud. Avez-vous déjà vu une « administration policière » ou « judiciaire » communiquer -comme vous dites- sur un support qu’elles ne contrôlent pas, ce qui est tout à l’honneur de G. Moréas, faut-il le préciser ?

  27. Arnaud

    Ce qui me surprend à chaque fois quand la « Police » ou la « Magistrature » s’explique c’est que ce ne sont pas les autorités administratives mais les représentants syndicaux qui communiquent.
    L’Administration a totalement abandonné la partie communication et comme la nature a horreur du vide, les syndicats prennent la parole.
    Quelle credibilité peut accorder à des individus ayant un parti pris qui frise(pour rester dans l’euphemisme) la mauvaise foi à chaque intervention? Le jour où un représentant syndical sera objectif devant un journaliste, je me fais moine. J’ai donc le temps avant de m’offrir une soutane.
    En clair, il est effectivement temps que le législateur légifère 🙂 afin de clarifier tout ce mic-mac.
    En attendant, on tentera de trouver des points de vue objectifs au petit bonheur la chance…

  28. anonyme

    Combien de temps va t il falloir attendre avant l’application de ce jugement européen qui semble normal et juste.

  29. christian

    C’est sûr que pour les leçons à donner aux autres, on peut repasser. Heureusement il y a l’Europe .. c-a-d les copains qui nous regardent (c’est symétrique au demeurant).
    En somme la procédure actuelle est légale, mais la loi est mal foutue et les procédures (légales donc) peuvent être annulées.. – je pense qu’il faudra bien venir à de meilleures pratiques, le plus tot sera le mieux. Les « clients sérieux » savent déja bien se défendre, ce sera un progrès pour les autres. Le reste est corporatisme et routine.

  30. JA

    Pour l’instant donc, les policiers ont raison puisqu’ils s’appuient sur des écrits.

    Quand la désinformation atteint des sommets, l’A. Jullot est toujours là pour y aller de sa plume. Comme le disait Drieu la Rochelle, « les maquereaux sont de vieux bébés ».
    Ainsi donc, maintenant les juges (du parquet ou du siège ?) s’appuieraient sur le savoir juridique de papier des flics français pour connaître la vérité du CPP ou d ela CEDH !… Décidément,ON peut raconter vraiment n’importe quoi dans la blogosphère pour se rendre intéressant !…

  31. AJ

    Après la guerre des polices, on plonge maintenant dans celle entre les magistrats (juges) et les policiers.

    Pour l’instant donc, les policiers ont raison puisqu’ils s’appuient sur des écrits.

    Qui va alors faire voter cette loi ? La garde des sceaux ???? non, Sarkozy, ancien premier flic de France a décidé: les policiers sont vainqueurs.

    http://wp.me/pERCo-xw

  32. martinaf

    Ayant le loisir d’aller observer ce semestre ce qui se passe en comparution immédiate à Bobigny, je peux me faire l’écho d’une partie prenante dans cette affaire, qui, s’ils ne se sont pas exprimés publiquement en corps constitué, n’en sont pas moins essentiels. C’est souvent qu’on voit un avocat de permanence demander au tribunal la nullité car p.e. c’est sans l’avocat dont seule la messagerie a été jointe par le prévenu,qu’il a été « entendu ». Autre cas de figure encore plus fréquent: le prévenu comprend assez le français pour se débrouiller et les policiers chargés de l’enquête ont négligé ou pas jugé utile de faire venir un interprète.Le tribunal, agacé de cette entrave à l’exercice de la justice, ne l’a jamais accordée jusqu’à présent (septembre à janvier), et se réserve d’emblée la liberté de juger sur les autres pièces non entachées de nullité. Le procureur se dresse aussitôt pour poser des remarques de procédure. Les policiers de l’escorte se montrent étonnés et même choqués (attention aux débats,mimiques)qu’on mette en cause leurs collègues. Et cela paraît un sorte de baroud d’honneur de la part des avocats assez mordants pour se lancer dans ce combat. Mais il n’est nécessaire d’espérer pour entreprendre…Et il y a vraiment un problème. Le comble: un homme dont le délai de préventive est bientôt écoulé pour des délais dus à des vices de procédure (le tribunal n’a pas voulu courir de risque de la nullité), dont l’avocat choisi se désiste en début d’audience, que la permanence ne veut pas prendre en charge (« dossier trop lourd, trop d’alias »), jugé en dernier – personne dans la salle que la famille, ceux du moins que la police n’a pas fait évacuer pour bavardages intempestifs: des mendiants rom. Abattu, il n’aura pas le cran de demander un délai pour se faire assister malgré les réactions (ignorées)de la famille et le temps de réflexion accordé par le tribunal avant de prendre en compte sa réponse (question réitérée avec long silence intercalaire). Sa seule défense: « je n’ai que ce moyen pour faire vivre ma famille ». Résultat: plusieurs années de prison – sèches – pour escroquerie et évasion.

  33. janssen j-j

    Mme Feucher Sylvie doit démontrer qu’elle est plus couillue que tous les anciens patrons du Chtroumpf réunis en cette période préélectorale à 37,2°, d’où sa propension à faire semblant de monter une mayo qui ne peut que retomber à plat, une fois l’opération d’accouchement terminée. Son combat actuel pour une bonne interprétation de la GAV « à la frenchie » n’est qu’une sympathique gesticulation d’intox. Elle sait comme vous et moi que, JI ou pas JI, la droite la plus réactionnaire actuellement au pouvoir ira dans le sens de son syndicat, un lobby qui entend conforter toujours plus les liens de collusion entre parquet et patrons flics, aussi « folls » soient-ils. Les avocats n’auront qu’à bien se tenir. L’usage obscène de la GAV employée à tort et à travers chez nous autres, les donneurs de leçons au monde (et aux pires dictatures qui entendent bien disposer de polices dument détentrices des moyens de pression sur des suspects à leur convenance), restera l’arme symbolique de négociation favorite de la paix sociale entre notre Etat sarkozyste et son actuel bras armé feuchérien ou chtroumpférien. Le XXIIe siècle (les calendes grecques ?) restera bel et bien l’horizon de la remise à plat de notre procédure inquisitoire au profit d’une procédure accusatoire où « citoyen policier » et « commissaire citoyen » seront à égalité devant un juge arbitre enfin totalement indépendant des autres pouvoirs.
    En attendant, Mame Sylvie peut dormir tranquille, c’est pas la CEDH qui viendra perturber sa réélection !…

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