Le procureur de Paris vient d’ouvrir une information judiciaire contre X pour violation du secret de l’instruction dans l’enquête mettant en cause Nicolas Sarkozy. Il aura donc fallu que l’une des nombreuses fuites concerne le barreau de Paris pour que la justice s’intéresse enfin aux manquements répétitifs à l’un des éléments clés de l’instruction judiciaire : le secret.
C’est un article du Monde citant un mail du bâtonnier Pierre-olivier Sur qui a fait déborder le vase. Du coup, le X est facilement identifiable. Au point que le directeur du journal qui abrite ce blog a pris la plume dans le numéro de dimanche dernier estimant que cette enquête « vise purement et simplement à identifier les sources du Monde. Ou à les intimider ». Il rappelle d’ailleurs que les journalistes ne sont pas astreints au secret de l’instruction.
Pas plus que vous et moi. Le secret de l’instruction et de l’enquête ne s’impose qu’aux personnes qui concourent à la procédure : magistrats, greffiers, policiers, gendarmes, experts, interprètes… Et, depuis peu, aux personnes mises en cause. Quant aux avocats, ils sont tenus de respecter des règles déontologiques très strictes et ils ne peuvent écorner le secret de l’instruction que dans l’exercice des droits de la défense.
Cependant, par le biais du recel ou de la complicité, les foudres de la loi peuvent toucher n’importe qui. Au premier chef le journaliste. Le simple fait pour lui de divulguer une information provenant de l’instruction constitue le premier élément de recel. Pour que l’infraction soit constituée, l’enquêteur doit cependant établir que cette information émane d’une personne qui concourt à la procédure, et non d’un intermédiaire (crim. 6 mars 2012). À la différence du collier de perles qui passe d’une main à l’autre, pour ce délit, le recel en cascade n’existe pas. Aucune investigation ne sera effectuée en partant du journaliste ou de l’organe de presse, mais l’auteur de la fuite pourra être recherché par tout autre moyen, notamment une enquête interne.
Donc, secret des sources ou pas, lorsqu’il publie son info toute chaude sortie du dossier d’un juge, le journaliste prend le risque d’être poursuivi pour recel de violation du secret de l’instruction. Du moins en attendant cette nouvelle loi promise par Madame Taubira il y a maintenant… C’était fin 2012, je crois. Pour faire simple, les journalistes voudraient bénéficier d’une sorte d’immunité. Pourtant, comme dirait l’avocat du diable, la prise de risques ennoblit le métier…
Mais il est clair que le secret de l’instruction est en dissonance avec la liberté d’information => qui est toutefois limitée par la présomption d’innocence => qui justifie le secret de l’instruction. On tourne en rond. Nombreux sont ceux qui pensent que cette notion de secret n’est plus synchrone avec notre époque et qu’elle devrait être supprimée. Le débat n’est pas nouveau…
Le principe avait été aboli après la Révolution, mais il a été rétabli par le code d’instruction criminelle de 1808 : la phase d’enquête est secrète, la phase de jugement est publique. Une application stricte aboutit à une enquête inquisitoriale et dévastatrice pour les libertés fondamentales. Pourtant, le fondement subsiste, même si on ne parle plus de jugement, mais de procès. Et en français juridique, le procès démarre avec la saisine de la justice.
Il existe donc une enquête de police qui est secrète pour tout le monde et une enquête de justice qui ouvre (timidement) le droit à un débat contradictoire et qui doit rester secrète aux seuls yeux du public.
C’est la théorie. Car dans la pratique, une enquête reste secrète jusqu’au moment où une personne dénommée est mise en cause officiellement. Le juge d’instruction ou le procureur de la République, dans le cadre d’une enquête préliminaire, a donc la possibilité de choisir l’instant où il va « casser » son dossier. Ni trop tôt pour ne pas louper l’affaire ni trop tard pour ne pas retarder l’exercice des droits de la défense. Un magistrat qui tarderait trop, alors qu’il existe une suspicion sérieuse contre une personne, commettrait sans aucun doute un acte illégitime.
Cette possibilité de faire traîner les choses ne plaît d’ailleurs pas trop à la Cour de Strasbourg, très à cheval sur la notion « d’égalité des armes ». D’autant qu’elle considère que le droit à un procès équitable s’applique tout au long de la chaîne pénale, enquête de police comprise.
Notre procédure pénale devra donc encore évoluer. Pour l’instant, le système est basé sur la confiance, partant du principe que les magistrats et les enquêteurs répondent à des nécessités d’ordre public et qu’ils agissent à bon escient. L’harmonie est délicate. Elle ne tient compte ni de la nature humaine ni de la défiance paranoïaque qui gagne la société.
Le secret de justice est donc un mal nécessaire. Lors de l’enquête initiale, il permet de rechercher des preuves et lorsque des personnes sont mises en cause, il garantit le respect de la présomption d’innocence. On peut certes l’assouplir, le limiter, prévoir des exceptions, mais sauf à changer les règles en profondeur, sa suppression n’est pas pour demain.
En tout cas, tant qu’il existe, il doit être respecté. Et personnellement, j’ai du mal à comprendre pourquoi le procureur a attendu la plainte d’une personnalité du monde judiciaire pour poursuivre une infraction qui crevait les yeux.
Mais je dois faire partie des paranos.
Article intéressant, mais malheureusement cela reste, comme tout ce qui a trait avec la justice dans ce pays, de la poudre aux yeux, du spectacle, de beaux textes avec bien peu de valeur.
En effet, couramment, et cela est un simple exemple, les procureurs organisent eux-mêmes des fuites aux profits des journalistes, sans que bien sûr aucun de ces fonctionnaires ne soient poursuvis, et cela au détriement de la défense
La justice dans ce pays est très malheureusement un petit monde de l’entre-soi ou beaucoup de choses théoriquement illégales sont permises.
Et après , nous donnons des leçons à la Russie, au Venezuela, et j’en passe !
Pathétique pays !
cela apporte un peu d’eau à ce moulin
http://www.koztoujours.fr/sil-est-un-citoyen-comme-un-autre
Le bâtonnier dépose plainte. Fort bien. Dans cette affaire, les révélations qui ont fait réagir ont permis à tout un chacun d’apprendre, en prenant connaissance du contenu des écoutes, qu’il y a bien eu des manœuvres caractérisant le trafic d’influence et la corruption. D’où le courroux et la rage des mis en cause qui espéraient – qui espèrent toujours – faire annuler la procédure en contestant le contenu desdites écoutes et leur légalité. Ainsi donc, si le secret de l’instruction avait été scrupuleusement respecté, Nicolas Sarkozy et ses « informateurs » auraient été injustement accusés… Si la procédure est annulée un jour, Nicolas Sarkozy pourrait être juridiquement irréprochable mais il restera toujours, aux yeux des lecteurs du journal poursuivi, auteur des faits lui ayant été reprochés. Et ce, grâce à la liberté d’informer. Faut-il donc que certains, bien au courant de la procédure, aient voulu anticiper les choses… »Petits pois », greffiers, parquetiers ? Je n’ose penser aux policiers qui idolâtrent l’ex.
Bonjour Monsieur ledoux;
Etes vous ironique? Les policiers idolâtrent ils l’ex?
Je n’en sais sincèrement rien. Je sais que, en simplifiant le dépôt de plaintes (la Police Nationale peut les enregistrer n’importe où, ce qui est cohérent avec son attribut de « national » et la mobilité croissante des gens), Nicolas Bismuth a aussi simplifié la vie des usagers (quel contraste avec Manuel Iznogoud, qui n’a rien fait pour les usagers quand il squattait la place Beau Veau).
Mais, une fois dépassé son seuil d’incompétence, NS a-t-il réellement suscité de tels sentiments d’adoration chez les policiers?
le secret en matière d’enquête n’est absolument pas un mal nécessaire !! la présomption d’innocence reste l’un des fondement de la justice moderne.. (droit de l’homme)…
normalement la justice « avant que le tribunal ne ce réunisse ne devrait connaitre que des témoins et rien d’autre et surtout pas d’accusé… après tout, ce n’est que la thèse principale du ministère publique… et le publique voyant trop souvent un coupable dans tout accusé, il serait nécessaire que le vocable « etre appellé » à témoigné remplace la mise en accusation (qui est un acte ont le sait d’anciens régime du à la procédure inquisitoriale)
le pire est sans doute que cette procédure, tend a éliminer les autres pistes, pour ne se concentrer que sur une, la principale et avec elle son auteur… si celui-ci est finalement reconnu innocent, les autres témoins possiblement « coupable » ne seront pas inquiété sauf revirement du ministère publique…
un vrai procès ressemble un peu a la démonstration d’un hercule poiraut, déambulant entre les convives d’un salon par trop british.. a la fin de l’envoi le juge « touche » en posant le constat de culpabilité, avant, et en une saine mise en scène, l’innocence de tous reste possible ainsi que leur culpabilité…
voilà a quoi ressemble un procès équitable, ou la présomption d’innocence est respecté.. pas un journaliste pour accuser qui que ce fut, ou pour faire ces choux gras en abusant du conditionnel et de forme subjonctive…
rien que des témoins… jusqu’à condamnation…
le secret de l’instruction protège les personnes des erreurs de la justice, cela évite que celle-ci ait a réparer son manque de clairvoyance en atteignant à l’honneur, en créant un préjudice (qu’elle ne reconnait jamais d’ailleurs), celui d’avoir été sorti de son train-train pour se retrouver quasi nu sur la place publique(la fameuse exposition) au bon jugement de la populace qui ne s’embarrasse pas de circonlocution et d’effet de manche pour bien faire valoir son droit de tomates et de pilori…
car l’exposition au pilori de la presse, n’est-elle pas un reste d’ancien régime, l’on donne au peuple un « futur » peut-être coupable pour qu’elle le foule au pied et lapide a veux-tu en voilà…
que reste-t-il des accusé d’outreau, et de nombreux autres cloué au pilori médiatique… des etre bafoué pour que la presse soit dans l’action, le moment, et fasse le scoop.. un déni de justice en-soi…
la justice ne serait-elle pas mieux a se faire entièrement secrète comme pour les droits de l’enfance… avec droit de publication suite à une condamnation et rien avant, ou pendant … cela nous éviterais les manipulations de celle-ci en matière politique récurente n’ayant d’autre fonction que d’atteindre à l’honneur si la personne au final se trouve avoir eu à faire à un procureur ou un juge ayant seulement eut l’occasion d’enqueter à charge… (laissant à la défense le reste , et en plus sans pouvoir d’enquète)
Ah, le secret de l’instruction, ces documents sortis des cabinets de juges d’instruction qui portaient meme leur numéro de fax ( si, si, c’est authentique), ces « sources proches de l’enquete », tout cela et plus encore.
Bon, ca fait bien longtemps que c’est « une fiction polie » comme disent les américains mais, en l’état, c’est ce qui devrait etre.
Maintenant, que les journalistes veuillent ne pas etre accusés de recel, ca peut se comprendre. Et puis, ca fait vendre.
D’un autre coté, nos politiques qui jouent a omo lave plus blanc, je vais rester poli et dire que c’est amusant.
La réponse est non. Justice et médias qui ne sont pas indépendants. Cela s’arrête la.
« au cas où le droit l’emporterait » … je croyait « bêtement » que tout ce qui concourait à faire la lumière éclairant Dame Justice devait être mis en oeuvre … Bin non ! y’ en a qui préfère se voiler la face, et pour cause ! un voile, des oeillères, des non-dits : CHUT, secret défense, secret de l’instruction, secret du confessionnal, j’en passe et des meilleurs.
« tout ce qui concourait à faire la lumière éclairant Dame Justice devait être mis en oeuvre » => Bien sûr que non ! Il y a toujours des limites, le premier étant le respect de la personne ! Le principe est que la personne est considérée innocente, jusqu’a ce qu’on juge du contraire. Si la personne est vraiment innocente, il est important de ne pas salir sa réputation, non ?
Bonjour,
Puisque vous citer un arrêt, je pense qu’il serait utile d’en citer deux :
– celui de la Cour de Cassation du 28 avril 2011 (qui concernait grosso modo la même situation) : http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000024332333&fastReqId=251930002&fastPos=14
– Un arrêt de la CEDH du 1er juillet dernier qui concerne les rapports entre secret de l’instruction et liberté d’expression http://hudoc.echr.coe.int/webservices/content/pdf/003-4809171-5861697 (le lien téléchargera l’arrêt et l’ouvrira normalement dans un second onglet).
Ces deux décisions me paraissent constituer le bon corpus pour réfléchir sereinement et poser les distinctions et nuances à faire pour se prononcer sur le sens du secret de l’instruction, mais également sur le sens du droit à l’information.
Enfin! Ce secret est bafoué notamment par Le Monde. Il est utile de rappeler qu’il est utile (i) à la bonne marche de la justice (ii) au respect de la vie privée (iii) au respect de la présomption d’innocence.
Ces principes doivent être mis en balance avec la liberté d’expression.
Si la justice suit son cours sans être entravée, ll n’y a aucune raison que les pv se retrouvent dans les colonnes de notre quotidien
Ils laissent pourtant entrevoir les effets d’une justice toujours soumise aux pouvoirs réels/constitués, donc contraire aux principes démocratiques qui fondent notre communauté nationale.
Mettant en évidence de tels manquements, leur publication serait donc un acte de service public si l’on élargit la notion au delà du strict juridique pour s’étendre au politique, et à la préservation des fondements démocratiques.
Après, qu’une majorité de ces manquements relève du people et d’une presse qui n’a plus les moyens d’être de qualité ou avec des agendas politiciens, cela est un autre débat.
Sauf que c’est plus compliqué que ça. Notre république est basé sur trois piliers : la justice, l’information et le législatif. Ces trois piliers devraient être indépendant et ne subir de pression des un et des autres… sauf qu’en pratique c’est une vaste blague, mais le fait d’avoir ces trois piliers permet d’éviter les abus. Je m’explique, croire qu’aucun politicien essaye d’influer sur l’un (information) ou l’autre (justice) est totalement naïf. Si un politicien met la « pression » sur un juge pour éviter de répondre de ses crimes et délits, alors le fait de faire fuiter des informations sur des indices graves et concordant permet de desserrer l’étau et d’éviter l’enterrement en première classe du dossier. Par exemple : prenons la fuite des écoutes entre Sarko, Herzog et Azibert, s’il n’y avait pas eu la fuite de ces écoutes, penseriez vous que les agendas soient toujours aux mains des juges. Il y a eu un coup de projecteur médiatique sur des magouilles, ils ont dû arrêter leur trafic d’influence (même principe que d’éclairer les recoins d’une rue cela nuit au trafic …). Bref tout ça pour dire que concernant des personnes publiques (ayant bcp plus de pouvoir sur la justice et les médias que n’importe quel quidam), il est impératif que les fuites soient protégées, car elle garantisse un semblant d’indépendance de la jsutice vis à vis du politique
Je pense effectivement que le système classique de protection et de secret fonctionne très bien dans le cas d’un quidam lambda, parfait inconnu que l’on cherche à protéger.
Néanmoins je trouve que dans le cas d’une personne « publique » (notamment des politiciens), il est important de diffuser l’information pour éviter :
– le fait que la personne mise en cause puisse, seule, présenter sa version des faits durant tout le temps du secret, et ainsi modeler l’opinion bien avant la tenue même du procès.
– des pressions sur l’appareil policier ou judiciaire.
Et puis bon, on vote pour ces gens là! On est bien en droit d’attendre la plus totale transparence, même sur des affaires « en cours ».
Je me risque à faire un parallèle hasardeux, mais dans le cadre du droit à l’image, il me semble qu’un individu lambda peut bloquer la diffusion de son image, tandis qu’un politicien ou une star assume le fait que des images/photos de lui seront publiées, car leur métier est public… (Enfin… il me semble…)