Des policiers, une minorité, mais qui ont accès aux médias, réclament une sorte de blanc-seing pénal qui s’appliquerait automatiquement aux forces de sécurité lorsque l’un de leurs membres enlève une vie dans l’exercice de ses fonctions. Cette revendication n’est pas nouvelle, mais lorsqu’elle émane d’un syndicat, elle est pure démagogie.
Comment en effet imaginer qu’un homme puisse être abattu sans qu’il y ait une enquête, ne serait-ce que pour démontrer que les violences mortelles étaient légitimes et nécessaires !
Si cette enquête est indispensable, une autre paraît beaucoup moins évidente : l’enquête contre le mort.
Or, c’est quasi systématique, lorsqu’un homme est tué au cours d’une opération de police, parallèlement à l’enquête de l’Inspection générale, le parquet ordonne une seconde enquête dirigée contre la personne décédée.
Les exemples foisonnent :
- – Dans un article récent (le policier devrait passer devant la cour d’assises dans les mois qui viennent), Mediapart, a rappelé une affaire vieille de dix ans dans laquelle un brigadier-chef de la BAC de POITIERS a tué d’une balle dans le ventre Olivier Massonnaud, un homme de 38 ans. Immédiatement après les faits, le procureur ouvre une enquête pour les violences que le mort aurait exercées contre les agents de la force publique.
- – Le 3 décembre 2015, Babacar Guèye, un jeune homme de 27 ans, armé d’un couteau, mais visiblement en état de démence, est abattu par la BAC de RENNES. Parallèlement à l’enquête de l’IGPN, la PJ est chargée d’une enquête sur le mort pour tentative de meurtre sur les policiers qui l’ont tué.
- – Le 7 janvier 2016, dans le VAL-D’OISE, un ancien militaire de 32 ans, Mehdi FARGHDANI, est abattu de six balles de 9 mm, alors que dans un état second, coincé dans un studio, il menaçait 6 policiers de la BAC de CERGY, avec un couteau de cuisine vraisemblablement sans lame : la PJ est saisie pour tentative de meurtre sur des fonctionnaires de police.
Et bien d’autres encore. Donc, dans ces conditions, la mort d’un homme entraîne deux enquêtes :
L’enquête sur l’action des forces de l’ordre – A quelques mois des élections présidentielles, le 28 février 2017, pour satisfaire les extrêmes, une loi a été adoptée visant à l’irresponsabilité pénale des forces de l’ordre lorsqu’elles sont confrontées à certaines situations. Cette loi est trompeuse, car elle suggère que les policiers, les gendarmes et les douaniers peuvent faire usage de leur arme en s’affranchissant des règles de la légitime défense. L’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure énonce cinq cas particuliers. Par exemple, il serait possible de tirer sur un fuyard après, non pas un tir de sommation, mais seulement deux sommations faites à haute voix – sauf qu’il est précisé en incipit de cet article que l’usage de l’arme n’est possible « qu’en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée ».
Comment justifier de ces impératifs lorsque l’on tire dans le dos d’un homme qui s’enfuit ?
En fait, cette loi dans le sens du poil, enfonce le clou : elle ne fait que confirmer la nécessité d’une enquête judiciaire lorsqu’un policier commet un tir mortel. La circulaire d’application du ministère de la Justice, ne dit pas autre chose : ces causes nouvelles d’irresponsabilités pénales au profit des forces de l’ordre sont applicables « lorsque les conditions restrictives de l’usage des armes qu’elles permettent sont réunies ».
Dans une interview accordée à l’ESSOR de la gendarmerie nationale, Laurent-Franck Lienard, avocat au barreau de Paris, qui s’est spécialisé dans la défense des policiers, le confirme : « La présomption de légitime défense est une absurdité, car elle n’est pas irréfragable : on peut toujours apporter la preuve contraire. Pour qu’il y ait légitime défense, il faut une décision judiciaire par un juge d’instruction qui constate ce cas de légitime défense. »
Donc, sauf situation exceptionnelle, lorsqu’à la suite d’une opération de police il y a mort d’homme, une enquête DOIT être ouverte, généralement pour « violences volontaires par une personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Une infraction punissable de 20 ans de réclusion criminelle. Toutefois, au fil des étapes judiciaires, le dossier est souvent correctionnalisé et devient un « homicide involontaire », pour une peine maximale de 3 ans d’emprisonnement.
L’enquête contre la victime – Dans la mesure où victime a agi seule, rien ne justifie cette enquête. Aussi, avant de prendre une telle initiative, les autorités judiciaires devraient répondre à cette interrogation : un mort peut-il être poursuivi en justice ?
À l’évidence, la réponse est non, puisque selon l’article 6 du code de procédure pénale, la mort du suspect éteint l’action publique. Et le décès, avant tout jugement sur le fond, de l’auteur présumé d’un crime ou d’un délit, retire même au juge pénal toute compétence pour statuer sur l’action civile.
Autrement dit, le parquet ouvre une enquête tout en sachant qu’elle devra être classée sans suite.
Étonnante démarche ! Sauf à admettre qu’il s’agit là d’une manœuvre dilatoire dont le but essentiel consiste à criminaliser le défunt pour justifier les violences mortelles des forces de l’ordre. Et cela sans aucun égard pour sa famille.
Ce n’est pas glorieux !
C’est ainsi, en application de cette règle non écrite, que sitôt après le drame, sur le terrain, des policiers ou des gendarmes vont enquêter simultanément sur les mêmes faits ; mais pour les uns, le mort est le suspect, tandis que pour les autres, il est la victime. Il faut avouer qu’on ne peut guère faire mieux pour s’emmêler les crayons, au point qu’ils ont souvent bien du mal à s’y retrouver : qui doit faire les constatations, qui doit saisir ce couteau, qui doit faire les perquisitions… Quant aux témoins, à leur grande surprise, ils devront déposer deux fois.
Cette confusion est incompréhensible pour les proches du défunt. Elle est à la base du peu de crédit dont bénéficie la justice dans ce genre d’affaires. Et à dire vrai, je trouve que le procédé manque de hauteur, dans la mesure où l’on s’en prend à un mort, c’est-à-dire à une personne qui ne peut ni s’expliquer, ni se défendre, ni faire appel à un avocat.
De plus, cette enquête redondante est mal ressentie. Elle donne l’impression d’une inégalité face à la justice. C’est comme si on jetait un voile sur des faits qui devraient au contraire faire l’objet de la plus grande transparence, afin de ne pas saper la confiance que la population doit avoir dans sa police.
Vu la systématicité de cette procédure, on peut se demander si cette « technique » ne fait pas l’objet d’instructions générales de la Chancellerie, de celles qui s’imposent aux magistrats du « parquet à la française ».
« C’est comme si on jetait un voile sur des faits qui devraient au contraire faire l’objet de la plus grande transparence, afin de ne pas saper la confiance que la population doit avoir dans sa police. »
Dans ce cas de figure, je suis plutôt d’accord avec vous; mais il est des cas de figure où un peu d’opacité s’avère nécessaire.
« Comment justifier de ces impératifs lorsque l’on tire dans le dos d’un homme qui s’enfuit ? »
Plein de cas sont possibles.
Et le passé récent montre qu’ils ne sont pas fantaisistes.
On peut, par exemple, justifier ces impératifs en tirant dans le dos d’un homme armé d’un fusil d’assault qui, après avoir abattu des dizaines de personnes dans une salle de concert, confronté aux forces de l’ordre, prend la fuite, toujours armé, avec l’intention qu’on lui sait de continuer le massacre un peu plus loin.
De même, on peut tirer sur un individu que l’on sait dangereux alors qu’il s’enfuit porteur de grenades qu’il menace de jeter sur des passants.
De fait, on peut réaliser un acte de défense légitime, en particulier d’autrui, en tirant dans le dos de quelqu’un.
« Dans la mesure où victime a agi seule, rien ne justifie cette enquête. Aussi, avant de prendre une telle initiative, les autorités judiciaires devraient répondre à cette interrogation : un mort peut-il être poursuivi en justice ?
[…]
Autrement dit, le parquet ouvre une enquête tout en sachant qu’elle devra être classée sans suite. »
Etonnant propos de la part d’un ancien policier : vous partez du postulat d’une absence de complicités ou de fautes pénales. Et vous décidez donc qu’aucune enquête n’est ici pertinente.
Un peu rapide, non ?
Une enquête sur le(s) crime(s) commis par la personne tuée (que vous choisissez de nommer « la victime » – choix discutable s’agissant également d’un auteur) peut mettre en lueur des complicités et des fautes variées.
« C’est ainsi, en application de cette règle non écrite, que sitôt après le drame, sur le terrain, des policiers ou des gendarmes vont enquêter simultanément sur les mêmes faits ; mais pour les uns, le mort est le suspect, tandis que pour les autres, il est la victime. Il faut avouer qu’on ne peut guère faire mieux pour s’emmêler les crayons, au point qu’ils ont souvent bien du mal à s’y retrouver : qui doit faire les constatations, qui doit saisir ce couteau, qui doit faire les perquisitions… Quant aux témoins, à leur grande surprise, ils devront déposer deux fois.
Cette confusion est incompréhensible pour les proches du défunt. »
D’autant plus lorsque l’enquête sur celui que vous nommez victime met en lueur des responsabilités ou carences provenant de ces proches.
Le père de Mohammed Merah est un exemple pertinent à ce sujet.
… « Vu la systématicité de cette procédure, on peut se demander si cette « technique » ne fait pas l’objet d’instructions générales de la Chancellerie, de celles qui s’imposent aux magistrats du « parquet à la française »….
et si c’est ça, on peut se demander quel intérêt relève de ces instructions, sinon peut-être celui de justifier d’une force pas toujours appropriée.
enfin, moi, je dis ça…
…après 50 jours de repos, je pense qu’il y a encore des choses à dire que les dérives des questions policières en 2018, par ex. sur les stat. de l’IGPN désormais publiques en matière d’homicides liés à des actes policiers.
Imposture ou progrès dans la transparence ?
A vos marques, prêt ? Partez !
Aux frontières montagneuses entre la Turquie et l’Iraq + l’Iran, la contrebande est une source de revenus appréciable pour la jeunesse d’un pays enclavé et sous occupation militaire.
Les procureurs turcs sont soumis à de fortes pressions (certains ont été condamnés pour avoir enquêté sur des livraisons humanitaires -hors contrebande traditionnelle- d’obus à Al Qaeda par les services militaires turcs; aussi leur arrive-t-il de faire du zèle.
ainsi, 4 mules ont elles été saisies par un procureur, emprisonnées, puis libérées -avec toute la paperasserie nécessaire à leur élargissement= par un procureur intègre, mais tâtillon (sinon, il aurait gardé ce qui représente une petite fortune et un outil de travail pour un paysan/contrebandier)
La source ets Fredericke Geerdinke (demander à twitter … et à wikipedia), qui a une indéniable expertise en ce qui concerne la contrebande et le système « judiciaire » du Bakur occuppé.
Cela situe les procureurs français (qu’ils agissent sur instruction gouvernementale ou pour préserver des relations de travail avec les plus corporatistes des policiers) bien en deça de leurs homologues turcs.
Que des forces de l’ordre, en uniforme (donc identifiables) fassent usage de leur arme contre quelqu’un qui les menace ne me choque pas.
Il faut faire passer dans l’opinion publique et dans celle des malfaiteurs que résister indûment à des sommations comporte bien le risque d’être abattu.
C’est ce qui se passe dans de nombreux pays ; ceci étant, qu’une enquête soit menée par des spécialistes hors circuit police et gendarmes serait de nature à rassurer la population
La police française n’a jamais été vraiment inquiétée sur ses exactions pendant la dernière guerre, sa collaboration à l’occupation nazie, ce qui a laissé perdurer un esprit d’impunité dont on a vu en particulier un effet jamais « audité » lors des ratonnades de 1962 sous la responsabilité du sinistre Papon… D’autres « affaires » viennent régulièrement jeter une lumière crue sur des pratiques condamnables et jamais condamnées, lumière vite éteinte, comme par exemple ces choquantes manifestations de protestation avec ses moyens propres (voitures, sirènes, uniformes etc.pendant les heures de service) pour influencer le tribunal de Bobigny qui jugeait des policiers ripoux qui avaient falsifié des rapports pour couvrir leurs exactions à l’égard d’un innocent.
Il serait temps que le ménage soit fait pour éliminer son mauvais esprit et restaurer l’indispensable confiance qu’elle doit recevoir durablement de la population sans laquelle elle ne peut rien faire de bon.
Vous faites l’hypothèse que la formation professionnelle ou les suintements des murs permettent de faire perdurer, au delà des générations, les mêmes défauts que ceux de 1940 et 1962 (alors que la police a les défauts de -la partie conservatrice ?- de sa génération).
Cet excès et cette simplification (je ne nie en aucune façon le corporatisme des policiers, mais je ne peux pas le mettre sur le même plan que des méfaits de collaboration ou de ratonnades massives) nuisent à votre cause.
Tant que des policiers seront contrôlés par des membres de leur corporation, il subsistera une suspicion dans l’opinion publique et une surenchère corporatiste.
Une analogie avec les médecins n’est pas valable : en cas de mort d’homme par faute médicale, la justice est saisie et on a droit à une enquête hors corporation .
Par ailleurs, les procureurs ont l’habitude de travailler avec des policiers, et , pour pouvoir travailler avec eux, ils peuvent se sentir obligés d’anticiper/flatter des réflexes corporatistes et n’ont pas besoin de directives gouvernementales pour ce faire.
C’est la qualification de légitime défense appliquée au cas particulier de la police, elle doit être utilisée en cas de nécessité absolue (c’est à dire si l’on est directement menacé à très court terme), et proportionnée à la menace. Ce qui exclut de tirer mortellement dans le dos sur un malfrat qui s’enfuit, même après sommation (il a aussi des jambes sur lesquelles tirer, ce malfrat…). Si la nécessité n’est pas absolue et la réponse non proportionnée, il n’y a pas de légitime défense invocable par le tireur. La « solution » d’une enquête posthume vouée au classement puisque diligentée contre un mort qui ne peut être jugé, pour argumenter l’exécution du malfrat, parait, comme vous l’écrivez, relever de la méthode. Vous avez du mérite, étant de la maison, de l’avoir soulevé.
>Ce qui exclut de tirer mortellement dans le dos sur un malfrat qui s’enfuit, même après sommation (il a aussi des jambes sur lesquelles tirer, ce malfrat…).
Oui oui tous tireurs d’élites….
Et les victimes que fera ce malfrat parce qu’un policier aura pas tiré, ça par contre on s’en fout…
qu’elle victime ?
l’usage de la légitime défense par les forces de l’ordre, ou du droit au secours d’autrui, est à la charge entière du citoyen qui se rend de soi-même « coupable » par résistance…
le terme coupable dicté dans les droit de l’homme à l’article 7 n’a pas été choisi au hasard… se rendre coupable, c’est volontairement non se poser comme victime, mais uniquement l’agresseur… autant sauter du quatrième étage tout seul et se dire victime de la rembarde de sécurité…
l’on vous suivra sans conteste sur l’excès manifeste de l’absence de coup de semonce, avant de faire feu… le coupable doit-être prévenu de sa situation et du risque qu’il prend à se maintenir dans la « résistance » aux force de l’ordre…
ensuite la double enquête… est-elle nécessaire ? hormis pour justifier des l’excès et de la résistance du « coupable »… Dura Lex Sed Lex(Ulpien https://fr.wikipedia.org/wiki/Ulpien)…
on ne le répétera jamais assez, et en particulier l’art 7 des droits de l’homme qui protège et régule beaucoup, mais ne se montre nullement « Naïf » sur la nature de l’Homme non plus…
injuste ? peut-être en l’absence d’enquête à posteriori, mais juste par le fait… car les faits doivent, vu leur gravité, comme vous l’avancez, pleinement se justifier
>Et cela sans aucun égard pour sa famille.
L’égard de la famille des victimes ça compte pas visiblement hein…
La police française est globalement l’une des plus handicapée au monde par les textes…Chacun son point de vue
Les bavures , certes inévitables et dramatiques ne sont pas sur la même échelle que pour certains pays comme les Usa