LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Sécurité (Page 5 of 8)

Entrez ailleurs… pour trouver le cadeau que l’on ne revend pas

La campagne de communication démarrée le mois dernier pour inciter les gens à pousser la porte d’une librairie est pour le moins équivoque. Du genre, allez voir ailleurs… Heureusement, cela n’a pas dissuadé notre Président, à la veille de Noël, de faire ses emplettes à l’Écume des Pages, lieu chébran parisien de la littérature de Saint-Germain-des-Prés. Et même si l’établissement n’a pas souhaité s’étendre sur les livres qu’il a achetés, il y a fort à parier que les deux bestsellers du moment n’étaient pas dans son panier.

Entrez ailleuursSur ce blog, moins introverti que le grand homme, je vais de ce pas vous donner un aperçu de ma rencontre avec trois auteurs…

L’autre jour, Claude Cancès, ancien directeur du 36, me traîne à la FNAC pour m’offrir son dernier ouvrage, La brigade Mondaine, aux éditions Pygmalion. Manque de chance, il n’y est pas. La jolie libraire est désolée. Tous deux parlent littérature (je tiens la bougie), et, avant de se séparer, elle lui demande de lui dédicacer l’un de ses anciens livres. Je raconte l’anecdote car ce sont ces petites choses de la vie qui font qu’un libraire n’est pas un commerçant comme un autre. Continue reading

Sivens : l’État est-il responsable ?

L’enquête de l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) n’a relevé aucune faute professionnelle de la part des gendarmes mobiles dans l’action de maintien de l’ordre qui a conduit à la mort de Rémi Fraisse, dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014.

Le maréchal des logis-chef J., qui a lancé la grenade mortelle, a utilisé une arme autorisée par les règlements pour accomplir un acte autorisé par la loi.

Mais alors, personne ne serait responsable de la mort de ce jeune homme !

Pas si vite. Cette enquête permet juste de soutenir qu’aucun gendarme présent sur le terrain n’a commis une faute professionnelle. Il appartient maintenant aux juges de déterminer s’il peut y avoir une ou plusieurs personnes responsables tant sur le plan pénal que civil, voire si la responsabilité de l’État peut être engagée. Car le maintien de l’ordre relève exclusivement du ministre de l’Intérieur (art. D. 211-10 du CSI), donc de son représentant au plan du département, le préfet. Continue reading

Quinzième loi antiterroriste

Cette année 2014 est celle des commémorations. Les principaux chefs d’État ont rendu hommage à ces hommes qui ont mis leur sécurité entre parenthèses au nom de la liberté. Aujourd’hui, on nous soutient que nous devons mettre nos libertés entre parenthèses au nom de la sécurité.

Capture

Commémoration du débarquement, 6 juin 2014 (capture d’écran, cliquer sur l’image pour voir la vidéo)

Nous vivons une époque troublante. Un monde paradoxal où la France est hélas dans le groupe de tête. Avec un chef qui marche à tâtons, sauf lorsqu’il s’agit de faire la guerre, et une gauche qui ravale les idées qu’elle a si longtemps défendues. Même là où on l’attendait le moins. Ainsi, pour faire passer cette nouvelle loi liberticide destinée à lutter contre le terrorisme, on manipule nos peurs. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, soutient que la menace d’attentat est d’autant plus dangereuse qu’elle est diffuse ; tandis que le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, va plus loin en affirmant que « nous sommes au bout du fusil ». Quant au député Jean-Jacques Urvoas, qui chaque mois qui passe doit manger son chapeau, il nous explique le revirement de son parti en affirmant avoir « accès à des informations que nous n’avions pas dans l’opposition ». Quelles informations ? Nous ne sommes pas habilités à les connaître. Dans notre société, il y a les sachants et les autres. Nous. Continue reading

Des agents paramilitaires pour affronter les pirates de la mer

Nos parlementaires viennent d’adopter une loi autorisant la mise en place d’une force armée privée à bord des navires de commerce. La France, deuxième puissance maritime mondiale (presque à jeu égal avec les États-Unis) est pourtant l’un des derniers pays d’Europe à franchir ce cap. Il n’a pas dû être facile pour nos autorités de déléguer ainsi au « privé » le devoir régalien d’assurer la protection des personnes et des biens. Mais dans une société où les comptables sont rois, l’enjeu était trop gros : un préjudice évalué entre 7 et 12 milliards d’euros. D’autant que certains armateurs français louchaient vers les pays où il existe déjà des sociétés militaires privées, envisageant même de changer de pavillon.

CaptureLa loi a mis près de deux ans à sortir du chapeau. Elle est compliquée, contraignante et un rien timorée, au point de se demander si les entreprises françaises qui vont se lancer dans l’aventure parviendront à rester concurrentielles ? Il faut l’espérer, car c’est un marché en pleine expansion. Continue reading

Le maire, 1er flic de sa ville ?

Si l’insécurité n’est pas le débat majeur des élections municipales, à quelques jours du scrutin, il n’est peut-être pas inutile de revenir sur les pouvoirs de police du maire et de sa police municipale. Alors que Manuel Valls revendique le titre de premier flic de France, le maire peut-il dire de même dans les limites de sa commune ?

Et le souhaite-t-il ?

Yosemite SamLe maire, officier de police judiciaire – En tant qu’officier de police judiciaire, le maire peut recevoir les plaintes et les dénonciations, constater des faits par procès-verbal, arrêter des suspects lors d’un flagrant délit, les placer en garde à vue, faire des perquisitions, des saisies… Mais il doit également en informer le procureur de la République, lequel va probablement le sermonner et lui conseiller gentiment de passer à la main à des professionnels.

Car si le maire et ses adjoints sont OPJ de droit (art. 16-1 du CPP), c’est une qualité tombée en désuétude. Cette prérogative originale et révolutionnaire ne fait plus recette. Et peu de maires la revendiquent. Pourtant, si l’on remonte le temps… Continue reading

A-t-on le droit d’avoir un couteau dans la poche ?

Dans le temps, on disait qu’il était possible d’avoir un couteau sur soi à condition que la lame ne dépasse pas la largeur de la paume. Un moyen simpliste de faire la distinction entre celui qui portait un Opinel pour saucissonner et celui qui, la main dans la poche, ruminait de sombres intentions. Nous n’en sommes plus là.

Rahan, fils des âges farouches

On sait bien qu’il est impossible aujourd’hui de grimper dans un avion avec une lime à ongles dans son sac, mais on sait moins que le simple couteau de poche peut être considéré comme une arme blanche classée dans la catégorie D Continue reading

Les policiers sont-ils les enfants gâtés de la fonction publique ?

Cela semble l’avis de la Cour des comptes. Dans un récent rapport, elle souligne que malgré la perte de quelques milliers d’emplois, les dépenses concernant les rémunérations des policiers ont augmenté de 10.5 % en cinq ans (2006-2011). Alors que dans le même temps, l’augmentation n’était que de 5.1 % dans la gendarmerie et de 4.2 % pour l’ensemble de la fonction publique.

Mais il faut se méfier des chiffres…

Prenons l’exemple d’un capitaine de police avec 20 ans d’ancienneté. Il perçoit un salaire brut mensuel d’environ 2700 €. Si on ajoute les primes (résidence, sujétion, postes difficiles, commandement, etc.) son traitement tourne autour de 3200 €. En sécurité publique, il peut avoir la responsabilité d’une centaine de gradés et gardiens. Cette rémunération est-elle en rapport avec de telles responsabilités ? Je ne le crois pas. Un commissaire qui remplirait les mêmes fonctions coûterait nettement plus cher. Sans parler du privé. Il est vrai que tous les policiers ne sont pas dans cette situation. Certains cocoonent derrière un bureau, les pieds dans un tiroir…

Alors, où est passée cette augmentation de la masse salariale ? La réforme dite des « corps et carrières », entamée en 2004, a notablement faussé la donne en instituant un flux par le haut, qui en a favorisé certains, tandis que d’autres restaient sur le carreau. Je ne sais pas si les officiers de police en devenant cadre A ont fait une bonne affaire, mais ce que je sais, c’est que pas mal aujourd’hui déchantent et fustigent les syndicats qui les ont entraînés dans cette galère. À court terme, ils ont raison. Cette réforme sera sans doute profitable à la génération suivante. Car évidemment, à l’horizon de quelques années (l’horizon des gens qui nous gouvernent se limite à cinq ans), c’est l’employeur qui est gagnant.

Après cette réforme, la police est devenue l’armée mexicaine. Il y avait des chefs partout. Sauf sur le terrain, comme l’a démontré le scandale de la BAC de Marseille. Le nombre des brigadiers a été multiplié par 2.4, tandis que l’effectif des brigadiers-chefs faisait un bond de 84 %. Dans le même temps, les officiers prenaient la mesure de leur nouvelle fonction d’encadrement. Puis, pour rétablir l’équilibre, on a fermé la porte. En une demi-douzaine d’années, le corps des officiers a fondu de 25 %. Le nombre de lieutenants a diminué de 64 %. Or ces lieutenants, que l’on recrute toujours au compte-gouttes, sont l’encadrement de demain. Quant aux commissaires, leur nombre a baissé de 7 %. Ils étaient 1 740 à la fin 2011.

Pour continuer à faire tourner la machine à moindre coût, on s’est mis à recruter des ADS (adjoints de sécurité). Ils sont payés au niveau du SMIC et ils sont plus malléables que leurs ainés. Si j’avais un conseil à donner à un jeune qui n’a pas de diplôme, il y a là une formidable opportunité de faire carrière dans la police. C’est dans ces moments de mutation qu’il faut saisir la balle au bond. L’embauche des personnels administratifs a également augmenté, notamment pour la police scientifique, qui a le vent en poupe (+73 %). Ce qui laisse augurer de la police de demain.

À son arrivée, Manuel Valls a annoncé la fin des suppressions de postes, ce qui veut dire une reprise (probablement timide) du recrutement. Ce qui ne fait pas l’affaire de la Cour des comptes. Du coup, elle préconise une pause salariale, « notamment par la limitation étroite des nouvelles mesures catégorielles et l’encadrement plus rigoureux des mesures d’avancement et de promotion ». Une mauvaise nouvelle pour ceux qui espèrent un avancement : on entrouvre la porte extérieure et l’on cadenasse à l’intérieur.

Ce chambardement des services ne s’est pas fait sans mal. Et cela a entraîné un afflux d’heures supplémentaires récupérables. Il y en aurait 19 millions dans la nature. Une petite bombe à retardement. L’équivalent de 12 000 à 13 000 emplois à temps plein sur une année. Pour les fonctionnaires qui ne peuvent récupérer ces heures, il existe de fait une sorte de compte épargne-temps qui permet d’anticiper le départ en retraite. D’après la Cour de comptes, certains, notamment en PJ, pourraient ainsi partir 18 mois avant l’âge… Cela me paraît beaucoup, mais même s’il s’agit de 3 ou 4 mois, c’est au détriment du service, car durant cette période, ils ne peuvent pas être remplacés.

Comme pour tous les fonctionnaires, les primes disparaissent à l’âge de la retraite. Notre capitaine du début touchera donc environ 2000 € par mois. Et il n’aura pas vraiment le temps de bénéficier de la retraite additionnelle de la fonction publique, la RAFP, mise en place en 2005 (dont la gestion a d’ailleurs été épinglée par la Cour des Comptes) qui devrait capitaliser une somme de 75 milliards, mais d’ici 2050.

L’analyse de la Cour des comptes nous montre que cette réforme des corps (comme d’ailleurs le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur) a été mal préparée. Elle a un petit relent démagogique. Elle a coûté un fric fou et on a fait croire aux policiers à un effet d’aubaine. Dans les faits, pas mal sont restés à la traîne, notamment ceux qui n’étaient pas dans la fourchette haute de leur grade. Ces inégalités ont plombé l’ambiance, ce qui explique en partie la morosité qui pèse sur certains services. C’est peut-être l’une des raisons qui pourrait conduire à une nouvelle réforme, le « corps et carrières II ». L’idée est dans l’air. Et les oreilles des commissaires doivent siffler, car cette fois, on pourrait s’acheminer vers deux corps de police : les sous-officiers et les officiers. À défaut d’une parité dans les rémunérations entre gendarmes et policiers, on aurait au moins la parité des corps. – En attendant la prochaine réforme.

Manuel Valls, de l’Intérieur

Il est sur tous les fronts. Certains le considèrent comme « l’effaceur », celui qui va faire oublier la gauche bisounours ; tandis que d’autres n’apprécient guère ses postures sarkoziennes. Dans la maison poulaga, il a été accueilli avec circonspection. Au début, on en a même souri, lorsqu’il est apparu dans son joli costume blanc. Il avait l’air tellement jeune qu’il a fallu cliquer sur Wikipédia pour s’apercevoir qu’il atteignait la cinquantaine.

C’était un moment important. Si les fonctionnaires ont l’habitude de voir tourner les ministres, les changements de majorité sont plus rares dans une carrière. Et dans la police cela se traduit souvent par un virage à 180°. Aussi, Place Beauvau, radio-gouttière allait bon train : bouleversements, chasse aux sorcières… Non, rien ! Quelques mutations de personnages politiquement trop voyants. Et même le staff réuni autour de lui n’était pas un réel indicateur de la politique du nouveau ministre. Des gens rassurants, plutôt proches de la retraite.

Lorsqu’il est arrivé, Manuel Valls avait dans sa musette les zones de sécurité prioritaires – l’un des 60 engagements du candidat Hollande. Une mesure « de bureau » qu’au moins une demi-douzaine de ministres ont dû vouloir mettre en place avant lui. Des noms différents, mais le même objectif : concentrer davantage de moyens dans des zones fortement criminogènes. Ça n’a jamais fonctionné. Mais dans la police l’obsolescence n’existe pas. Comme l’ampoule centenaire de Livermore, les idées – même mauvaises – ne s’éteignent jamais. On se souvient peut-être que sous le gouvernement Bérégovoy (Mitterrand II), Bernard Tapie avait été nommé ministre de la Ville pour s’occuper des « quartiers difficiles ». Il y a 20 ans. Alors aujourd’hui, en pleine période de disette… Mais mercredi dernier, devant les grands chefs de la police et de la gendarmerie, notre ministre a déjà pris ses distances : Les ZSP « ne sauraient résumer la politique de sécurité que j’entends mettre en œuvre », a-t-il déclaré.

On l’attendait au tournant sur le récépissé lors des contrôles d’identité : une mesure d’application difficile qui agace fortement les policiers. En fait, ce récépissé ne figure pas dans les propositions écrites présidentielles. On en avait juste parlé pour éviter les contrôles au faciès – qui eux y figurent. Ce maudit mot dit, mais non écrit, est devenu le marqueur de l’autorité du nouveau ministre. Il s’est laissé convaincre assez facilement de l’infaisabilité de la chose, et il a planté là le Premier ministre qui, lui, en avait fait une mesure symbolique.

Couac !

Bon, on peut dire que la diplomatie n’est pas la qualité première de M. Valls. On l’a bien vu en mai dernier, lors de la passation de pouvoirs entre l’ancien et le nouveau. On aurait pu envisager, par exemple, la délivrance d’un récépissé pour les contrôles d’identité approfondis… Et tout le monde aurait été content. Mais en jouant cette carte, il a passé l’épreuve « d’admissibilité » et, l’air de rien, Manuel Valls est devenu le premier flic de France. Pour l’instant, il est adopté. « On dirait du Sarko première période », comme l’écrit le journaliste du Monde Laurent Borredon, qui rapporte les propos d’un haut responsable de la police. Pour mémoire, l’état de grâce de Nicolas Sarkozy, en dehors de ses aficionados, n’a pas duré longtemps…

Il faut dire que le nouveau locataire de Beauvau est porté par les circonstances. Les événements d’Amiens et de Marseille – et leur médiatisation – ont fait grimper l’insécurité de plusieurs crans dans l’échelle des préoccupations des Français. +12 points depuis les élections présidentielles, d’après un sondage publié sur Atlantico.

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En fait les premières décisions prises à chaud concernent Marseille. Et là, Manuel Valls a montré son tempérament. À la différence de ses prédécesseurs qui ont surtout brassé du vent, en nommant un préfet de police placé directement sous ses ordres, il se campe au premier rang. Un énarque dirait sans doute que c’est une erreur de commandement, qu’il faut toujours mettre des fusibles entre la décision et l’application, mais, dans la police et la gendarmerie, on aime bien les gens qui prennent leurs patins.

N’empêche que l’idée d’installer un chef de la police et de la gendarmerie dans le département des Bouches-du-Rhône en laisse plus d’un sceptique. Cela nécessite de chambouler complètement la pyramide de la hiérarchie. Autrement dit, il faut revoir l’organisation des différentes directions, et notamment celle de la PJ. Au passage, Christiane Taubira peut-elle accepter qu’une autorité administrative glisse son nez dans les procédures judiciaires, comme cela peut se passer à Paris ? Même si l’ancien préfet de police s’en défendait. Dans son livre (11 propositions chocs pour rétablir la sécurité, aux éditions Fayard) le député Jean-Jacques Urvoas, l’un des aspirants au fauteuil, envisageait de donner au maire de Paris les mêmes pouvoirs de police que les autres maires. La police parisienne, disait-il « doit être placée sous le commandement d’un directeur régional soumis au préfet territorialement compétent, comme dans le reste du pays, et ce dernier doit redevenir le principal interlocuteur des élus. » Pourtant, on dit que c’est lui qui a soufflé cette idée d’un préfet de police marseillais copié-collé sur celui de Paris. « En créant le concept de métropole et de patron unique, on met de la cohésion dans une cité où il y a beaucoup trop de mouvements », dit-il dans Le Télégramme. Comme quoi il faut savoir s’adapter aux circonstances… Mais il est probable que le préfet de police de Marseille n’aura jamais les prérogatives de celui de la capitale.

Il est bien trop tôt pour comparer Manuel Valls à ses prédécesseurs, ni même à Nicolas Sarkozy. Je crois d’ailleurs que c’est son contraire. Alors que ce dernier était impulsif, parfois malavisé dans ses décisions, mais capable d’en changer, M. Valls semble se montrer à l’écoute. Mais il sera probablement inflexible une fois la décision prise.

On l’imagine proche de ses troupes mais en même temps sans concession. Son refus de participer au « gouvernement d’ouverture » de Nicolas Sarkozy situe bien le personnage. Certains policiers, notamment ceux qui ont manifesté contre la décision d’un juge lors de la campagne présidentielle, ont dû avoir les oreilles qui sifflent en entendant la petite phrase prononcée vendredi dernier devant la garde des Sceaux : « Je ne tolérerai pas les mises en cause des décisions de justice ».  Une menace à peine subliminale.

Dans les rangs de la police, le laxisme de ces derniers temps n’est donc plus de mise. Du coup, on entend moins les râleurs. Sinon, pour l’instant, peu de changements. Ah si, à Paris, il y a eu un arrivage de biscuits pour les gardés à vue

Après l’affaire Neyret, comment gérer les indics ?

Plusieurs grosses pointures de la police sont venues soutenir Michel Neyret devant le conseil de discipline. Il serait un peu léger de n’y voir que du copinage. Car les ennuis judiciaires et administratifs de ce grand professionnel de la lutte contre le banditisme vont plus loin que son cas personnel et risquent de modifier en profondeur le fonctionnement même de la police judiciaire.

Bien sûr, on peut estimer que les méthodes anciennes ont vécu. Mais dans ce cas, par quoi les remplace-t-on ? Les techniques et la science ? La police technique et scientifique prend effectivement de plus en plus d’importance dans les enquêtes, au point parfois de juguler les enquêteurs. La découverte de cette petite fille prostrée sous deux cadavres, dans la BMW découverte criblée de balles, près du lac d’Annecy, en est la démonstration par l’absurde. On gèle une scène de crime – donc l’enquête – en attendant l’arrivée des techniciens. Durant huit heures ! Et si l’enfant avait été blessée ? Cela fait penser à cette mauvaise blague d’école (de police) : Que devez-vous faire en premier en présence d’un pendu ?… Couper la corde, au cas où il ne serait pas mort. On peut d’ailleurs s’étonner que les gendarmes aient fait venir leurs propres techniciens de l’Institut de recherche criminelle, basé dans la banlieue parisienne, alors que le siège de la Sous-direction des services techniques et scientifiques de la police nationale se trouve en périphérie de Lyon. Alors, police-gendarmerie, même rivalité que par le passé… On murmure d’ailleurs Place Beauvau que les deux services pourraient être regroupés au sein d’une nouvelle direction autonome. Cette « autonomie » fait bondir la PJ. La police technique et scientifique doit rester un outil à la disposition des enquêteurs, a rappelé non sans raison l’un de ses patrons.

Personne ne nie l’avancée considérable que représentent la science et les techniques modernes dans la recherche de preuves et d’indices, mais c’est toujours après le crime ou le délit. Or en matière de lutte contre le banditisme, pour être efficace, il faut intervenir en amont.

La police ADN ne marche pas à Marseille.

Bien sûr, on peut planter des écoutes sur les téléphones portables, glisser des balises sous les voitures des suspects, pressurer les dizaines de fichiers, ou pianoter frénétiquement sur les claviers d’ordinateurs, mais… où est le contact humain ?

Autrefois, il y avait autant de règlements de comptes que maintenant et la plupart des enquêtes, comme aujourd’hui, n’aboutissaient pas – mais on savait. On savait pourquoi et par qui. On maîtrisait la structure des bandes et il était même possible de prévoir le nom des prochaines victimes. À défaut de pouvoir empêcher ou réprimer un flingage, on en comprenait les raisons. Cette connaissance du milieu n’existe plus. Or, si l’on veut mettre un frein aux agissements de ces bandes qui gangrènent la région marseillaise, la police a besoin de tuyaux – donc d’indics. Depuis toujours, le système fonctionne ainsi. Même si les flics savent qu’ils jouent avec le feu.

Mais comment « noyauter » ces bandes qui vivent plus ou moins en autarcie ? Eh bien, comme il est impossible d’entrer par la porte, il faut passer par la fenêtre. Car ces jeunots du banditisme ont vieilli. Et peu à peu, ils sont en train de devenir des grands – avec tout ce que cela comporte. Et notamment le désir d’élargir leur environnement, voire de s’en éloigner, afin de mieux profiter de leur bien si mal acquis. Et pour cela, ils ont besoin de complices, des individus tout aussi douteux, mais moins dangereux et surtout beaucoup moins méfiants. Des escrocs, des faiseurs, des enjoliveurs, comme on les appelle (comme ceux que fréquentait Michel Neyret) qui vivent en périphérie du banditisme et qui, pour les enquêteurs, présentent l’avantage d’être visibles. C’est par eux que l’on peut avancer et cerner une équipe de truands. Ensuite, c’est du travail de PJ, presque la routine : surveillances et procédure. Il n’est même pas nécessaire de les prendre la main dans le sac. L’époque du flag est révolue et le code pénal est suffisamment riche pour bâtir un dossier béton pour association de malfaiteurs en emboîtant entre eux des faits qui, à l’unité, ne pèseraient pas lourd devant un juge.

Donc, si l’on veut lutter contre ce néo-banditisme, pas besoin de nouvelles lois, pas besoin de CRS ni de militaires, il faut des moyens de surveillance, de bons procéduriers et… des indics. Pas de ceux que l’on enregistre à la direction centrale et que l’on rétribue avec une poignée de figues (contre reçu, s’il vous plaît). Non, des gens qui sont presque des amis, ou qui peuvent le devenir, et auxquels il n’est pas interdit de rendre de petits services.

Cela nécessite de faire confiance aux policiers. La confiance ! Encore un mot « à l’ancienne ».

 

 

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