Cette année 2014 est celle des commémorations. Les principaux chefs d’État ont rendu hommage à ces hommes qui ont mis leur sécurité entre parenthèses au nom de la liberté. Aujourd’hui, on nous soutient que nous devons mettre nos libertés entre parenthèses au nom de la sécurité.
Nous vivons une époque troublante. Un monde paradoxal où la France est hélas dans le groupe de tête. Avec un chef qui marche à tâtons, sauf lorsqu’il s’agit de faire la guerre, et une gauche qui ravale les idées qu’elle a si longtemps défendues. Même là où on l’attendait le moins. Ainsi, pour faire passer cette nouvelle loi liberticide destinée à lutter contre le terrorisme, on manipule nos peurs. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, soutient que la menace d’attentat est d’autant plus dangereuse qu’elle est diffuse ; tandis que le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, va plus loin en affirmant que « nous sommes au bout du fusil ». Quant au député Jean-Jacques Urvoas, qui chaque mois qui passe doit manger son chapeau, il nous explique le revirement de son parti en affirmant avoir « accès à des informations que nous n’avions pas dans l’opposition ». Quelles informations ? Nous ne sommes pas habilités à les connaître. Dans notre société, il y a les sachants et les autres. Nous.
Mais si ces informations proviennent des services secrets, il devrait se méfier. Par définition, les espions, comme les contre-espions, sont des manipulateurs. Ce sont des dragons à deux têtes. Et aucun gouvernement ne peut être certain de les contrôler.
Donc, pour la première fois en temps de paix, une loi peut interdire à des Français qui n’ont rien à se reprocher (si ce n’est de mauvaises intentions) de quitter le territoire. Une sorte d’assignation à résidence préventive. Et s’ils passent outre à cette interdiction administrative, ils deviennent des délinquants.
On peut se dire après tout que cette loi ne concerne que quelques centaines de candidats au djihad, sauf qu’il faut se donner les moyens de la loi. Outre les outils de contrôle existant déjà, deux nouveaux dispositifs sont en cours de développement : le système européen de traitement des données d’enregistrement et de réservation (SETRADER) et le système « API-PNR France ». Le premier a été créé par un arrêté du 13 avril 2013 et le second est issu de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013.
Le SETRADER permet de recueillir et de traiter les données d’enregistrement (API) des passagers aériens en provenance ou à destination d’une liste d’États hors Union européenne. Ces informations sont recoupées avec celles du fichier des personnes recherchées (FPR) et du système d’information Schengen (SIS).
L’API-PNR France permet de recueillir les informations personnelles sur les passagers des compagnies aériennes (PNR). Il concerne toutes les destinations sauf celles qui sont limitées à l’Hexagone.
Il faut ajouter à ces outils différents fichiers nationaux, européens, et même internationaux via Interpol. Il s’agit donc d’un contrôle général de la population française afin de déterminer par une analyse sérielle les personnes à risques qui doivent faire l’objet d’une surveillance plus poussée.
Cette loi offre bien d‘autres moyens de surveillance, notamment la possibilité de « fouiller » les ordinateurs à distance, mais le pompon est évidemment la création d’un « délit d’entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». Il s’agit en fait de poursuivre en justice une personne isolée qui n’a commis aucun crime ni délit mais qui est susceptible de le faire. Comme dit un magistrat spécialisé, il est trop difficile de retenir l’association de malfaiteurs lorsqu’un individu agit tout seul. Tiens donc ! Mais comme il n’y a ni crime ni délit, selon une technique maintenant rodée, ont créé une infraction virtuelle afin d’éviter une infraction réelle. Les juristes appellent ça une infraction obstacle.
Résumons-nous. Pour lutter contre une menace potentielle, depuis deux ans, la France mène la guerre dans deux pays et bientôt trois, et nos libertés sont de plus en plus maltraitées. Au point que l’on ressent parfois une volonté de mettre le peuple sous tutelle. Et comme certains magistrats se font tirer l’oreille, la tendance mode est de tout centraliser à Paris et de s’affranchir le plus possible du monde judiciaire. On renforce donc à tout-va le rôle de l’administration, de la police administrative et de la justice administrative.
Si l’on veut bien admettre que notre avenir politique n’est pas… rose, il y a quand même de quoi s’inquiéter, non !
« Quelle France voulons-nous pour nos enfants ? » a tonné hier Manuel Valls dans son discours à l’Assemblée nationale. La question est plutôt de savoir comment ils vont évoluer dans une société de surveillance où tout le monde doit se méfier de tout le monde. Dans quelle parano vont-ils grandir ?
Là, j’ai comme un coup de blues. Je vais vous faire une confidence, des fois, je suis content d’être vieux.
Mouais, je ne partage en rien le souci qu’évoquez en lui accordant une importance qu’il n’a pas.
La plupart de nos contemporains passent leur temps à étaler leur vie sur FaceMachin et autre ToEatTruc – vie dépourvue du moindre intérêt d’ailleurs – et vous voudriez nous faire croire que la vie privée perdrait de son caractère sacrée que d’être scrutée plus qu’elle ne se donne déjà à voir seule..?
La Ponnne Plague.
On peut douter de l’efficacité de certaines mesures que citez comme être sûr de l’ultime absence de gravité à celles-là.
La France ne fait pas « la guerre dans deux trois pays » comme l’écrivez bien vite.
Faire la guerre signifie agir contre un peuple entier qu’on attaque au nom de son propre pays et surtout contre ses représentants.
Le Mali (entier) comme nombre d’habitants de l’Irak (et son gouvernement) ou de la Syrie (et indirectement son gouvernement, bien qu’il sache ce qu’on pense de lui), sont éminemment heureux que certains viennent mouiller la chemise ou vrombir du réacteur dans la lutte contre l’islamisme qui menaçait de les submerger contre leur gré.
Cela ne transparait en rien dans vos propos.
Fait pour le moins étonnant.
La France comme ses voisines occidentales, n’est pas la Russie, encore moins la Syrie ou l’Arabie Saoudite*.
AO
* C’est là, Mec
» … des fois, je suis content d’être vieux. » Moi aussi (j’ai à peu près le même âge) quand je suis en France. Mais je regrette de ne pas être jeune quand je suis en Chine, ma résidence habituelle. Un pays où les choses sont en train d’aller mieux (avec beaucoup de marge vers le mieux) et où les citoyens ont envie d’y participer, alors qu’en France tout le monde est tellement persuadé que tout va aller plus mal, que ça va devenir vrai. Et notre gouvernement est à l’image de ceux qui l’ont élu (en principe, j’aime voter pour des gens plus malins que moi, j’en manque en ce moment).
A part ça, il n’y a que les Français qui ne croient plus à la France.
En Histoire, on apprend que quand on empile les lois sur le même sujet, c’est la preuve que ces lois ne marchent pas. C’est un mal très français, ça de croire qu’on résout les problèmes en faisant une nouvelle loi, pas plus appliquée que les précédentes. Il n’y a qu’à comparer notre code du travail à celui de nos voisins, voire dans l’absolu : on est à 10000 articles, contre 600 en 1973. Si seulement les salaires, les conditions de travail, la rentabilité et le nombre d’emploi avaient enflé dans les mêmes proportions, on serait de loin la première puissance économique au monde et on pourrait passer à la semaine des 25 heures.
On crée de nouveaux « outils », mais comme on ne met pas les moyens, ou pas les moyens où il faut, ça ne marche pas. On peut bien voter toutes les lois que l’on veut, les services secrets n’ont pas la possibilité de surveiller physiquement tous les candidats potentiels au djihad, à la réalisation du grand soir et autres âneries. Manque de personnel. J’ai eu un professeur, ancien officier de gendarmerie, qui disait que, dans l’absolu, on pouvait percer n’importe quel système informatique. Mais que si on ne gardait pas la possibilité d’une intervention physique, on ne pouvait pas savoir ce qu’il y avait dans le carnet en papier du terroriste. Qu’on pouvait bien mettre toutes les caméras de vidéosurveillance qu’on voulait, on n’empêcherait pas un meurtre s’il n’y avait qu’un policier derrière ses écrans. Et que certains services secrets avaient eu des ennuis le jour où certains ennemis étaient revenus au méthodes pré-Guerre Froide avec des poubelles comme boîtes aux lettres et des pigeons voyageurs pour envoyer des messages dans d’obscurs dialectes pachtounes.
Moralité : on arrêtera le gars assez con pour ne pas déclarer toutes les heures de sa femme de ménage et si plusieurs gars décident de se mettre vraiment au djihad tous seuls derrière leur écran, il y en a un ou deux qui arriveront à acheter une cocote-minute, une arme ou de l’engrais en contrebande et à tuer quelques innocents. Quant à d’éventuels « résistants », c’est la théorie de l’épée et du bouclier, toute arme peut-être utilisée par tout le monde, et au final ce sont les hommes qui comptent. Lors de la rafle du Vel d’Hiv, il y a eu des policiers et des gendarmes, certains pétainistes, qui ont téléphoné pour dire aux gens de filer vite fait. Jusque dans l’entourage proche des nazis, des gens ont agi pour sauver des vies.
Bon, si malgré toutes les mesures prises ces dernières années les islamistes doivent frapper aux portes des gendarmeries pour se faire arrêter, reconnaissons qu’il nous reste encore un peu de marge pour rigoler.
Excellent !
AOhOhAh
C’est ce que les politologues appellent des « législations de panique ». Tout le monde est content, car les gouvernants font des choses pour « terroriser les terroristes » qui nous menacent tous. On va pas se laisser faire, hein ! Donc, on calme les esprits un temps ébranlés… Et puis, les dispositifs liberticides s’empilent les uns les autres, car personne n’a de mémoire… Ceux qui ont un peu plus de bouteille ont le blues…, et seraient presque heureux d’être vieux… Il faut dire que les djeunes d’aujourd’hui ne s’inquiètent guère des menaces sur leurs libertés et celles qui pèsent sur leurs enfants. Ils ne se sont jamais tellement battus pour elles d’ailleurs. Ils sont rassurés et protégés et pour l’essentiel, et puis, sont pas des djihadistes, hein. L’essentiel est que les polices veillent sur la France et les Français, on va quand même pas aller en plus s’occuper des modalités, hein : on a bien d’autres soucis, hein, hein ?
Même s’il n’y a pas d’erreur sur le parcours d’un avion, les mesures basées sur les enregistrements des passagers de compagnies aériennes peuvent être inefficaces (encore une gesticulation de Manuel NanoSarko) : il y a une autoroute jusqu’à la frontière bulgare, rendant le trajet terrestre assez confortable; ensuite, la Bulgarie et la Turquie ont un réseau routier (un trajet Paris -Ankara- Est de la Turquie prend 3 jours par voie routière, et c’est connu de pas mal de Turcs/Kurdes souhaitant rentrer chez eux à Noêl avec beaucoup de cadeaux pour leur petite famille). Ensuite, la frontière entre la Turquie et la Syrie n’est pas minée (sinon, quelques centaines de milliers de réfugiés, dont certains sont de pôvres chrétiens, auraient sauté .. de joie)
Il y a quand même quelque chose qui me tracasse :
on veut empêcher des jeunes gens, ayant manifestement une vocation à l’extorsion, au viol et au meurtre , de quitter la France pour aller dans un pays où ils risquent leurs vies…
(en cas de défaite du Califat, la grande majorité de ses troupes, des Iraqiens, armés par S. Hussein , ayant perdu leur emploi grâce à Bremer , et s’étant reconvertis dans le racket, trouvera peut être une protection familiale/clanique -et alors là, pour aller les retrouver dans des villes populeuses, c’est la quasi certitude de crimes de guerre (en politiquement correct : « dommages collatéraux ») -; cette protection manquera manifestement aux recrues occidentales; en cas de victoire : ces brillants jeunes gens resteront sur place)
Il se peut que contrarier une telle vocation provoque des frustrations chez ces jeunes gens prometteurs, et aussi chez leurs voisins…
La troisième guerre dont la France se mêle semble mal embrayée. Sur la gigantesque coalition, trois (3) pays annoncent vouloir envoyer des soldats, un seul (la France) a parlé d’armée de terre. À tel point que le gouvernement US doit maintenant charger le chef d’État-major de mettre les pieds dans le plat puisque Obama ne veut pas changer d’avis si ouvertement.
Pour l’instant, l’EI est un petit adversaire avec peut-être 40000 combattants armés légèrement, mais…
– Une intervention étrangère peut en faire un grand adversaire
– L’aviation ne peut combattre une guérilla
– Les méthodes de l’EI s’adapteront à l’intervention. Compter sur la coopération de l’ennemi serait imprudent.
Une fois commencée, la guerre a sa propre logique, et celle-ci commence de façon très obscure.
– L’armée de Bagdad semble très faible, qui perdait à 10 contre 1 contre l’EI. Elle devrait gagner grâce aux avions et aux bons conseils ?
– Les Peshmergas, oui… Mais au Kurdistan. Et pour l’instant, personne n’a officialisé l’indépendance. Et s’ils veulent un bout de la Syrie ? Et si la Turquie se méfiait ?
– L’opposition syrienne aussi a déjà perdu face à l’EI et n’est pas nombreuse. Eux aussi, les avions et les conseils doivent les faire gagner ?
– Assad n’est pas inclus dans le plan. Si d’aventure l’EI disparaissait, Assad boufferait l’opposition affaiblie.
Le gouvernement voulait le cacher, mais Nemmouche est passé par la France avant l’attentat de Bruxelles.
S’il n’y avait pas de gens comme lui comme prétexte aux lois aberrantes, il faudrait les inventer.
Comment une loi de plus aurait-elle permis de le stopper ? Quelqu’un imagine-t-il que les barbouzes l’auraient mieux repéré que Mohamed Merah ? Ils sont trop occupés à fliquer les honnêtes citoyens.
Quand j’ai déplacé mon pognon d’une banque française à une autre, un « inconnu » m’a attendu sur le trottoir pour me dire « on sait où est ton argent ». Ils ne peuvent pas être partout à la fois… Avec un milliard d’euros par an et des milliers de fonctionnaires, leur infériorité numérique appert face à Merah.
Quand le régime de Sarko a modifié la loi sur l’enfermement psychiatrique, j’ai dit qu’il l’utiliserait contre les gêneurs, ce qui s’est fait.
Je vous dis maintenant que cette loi servira à retenir en France ceux qu’on veut garder, par exemple les inventeurs.
La disproportion entre le danger – peut-être un attentat de temps à autre, éventuellement lié à la guerre en Syrie, et que cette loi n’empêcherait probablement pas – et la perte certaine de notre liberté de mouvement et notre intimité est monstrueuse.
Cela révèle que le législateur a de toutes autres intentions et a saisi un prétexte.
Pouvoir quitter le pays est une liberté fondamentale. Je n’imagine pas qu’un administratif, plutôt que les juges du siège, puisse l’interdire, et sur des présomptions. Qu’en diront le Conseil constitutionnel et la Cour européenne de justice ?
ce qui laisse de l’espoir pour l’avenir c’est que dans les pires situations il a toujours eu des résistants.
Possible, mais les resistants pouvaient se deplacer et communiquer discretement. Echapper a la surveillance de l’etat/occupant de nos jours est beaucoup plus difficile. Le Hamas montre que c’est possible, mais le desespoir qui leur sert de recruteur et motivation n’est pas exactement au niveau de « j’aime pas la loi qui tape sur Abdul »
si on continue sur notre lancée : manque de matières premières et d’énergie déjà en vue, écarts de richesse et pauvreté qui s’accroissent, hold-up financier sur les biens vitaux finalisé, démocraties en carton : le désespoir sera au rendez-vous, les outils de contrôle des populations aussi.
Ce qui est très curieux c’est que tous ces mécanismes créent une sorte de panique générale quand on les rattache à un futur de big data – ou traitement massif de données-. J’ai commis plusieurs billets sur ce paradoxe qui n’en finit pas de m’étonner. Tout ce que l’on voit s’installer en matière de fichage et de surveillance depuis plusieurs « décennies » fait très peur à tout le monde quand on le promet … pour le futur!
Simple faute ou mot oublié: ont créé une infraction virtuelle afin d’éviter la commission
Réponse :
C’est du jargon mais vous avez raison, c’est une faute – corrigée. Merci !