Il est sur tous les fronts. Certains le considèrent comme « l’effaceur », celui qui va faire oublier la gauche bisounours ; tandis que d’autres n’apprécient guère ses postures sarkoziennes. Dans la maison poulaga, il a été accueilli avec circonspection. Au début, on en a même souri, lorsqu’il est apparu dans son joli costume blanc. Il avait l’air tellement jeune qu’il a fallu cliquer sur Wikipédia pour s’apercevoir qu’il atteignait la cinquantaine.
C’était un moment important. Si les fonctionnaires ont l’habitude de voir tourner les ministres, les changements de majorité sont plus rares dans une carrière. Et dans la police cela se traduit souvent par un virage à 180°. Aussi, Place Beauvau, radio-gouttière allait bon train : bouleversements, chasse aux sorcières… Non, rien ! Quelques mutations de personnages politiquement trop voyants. Et même le staff réuni autour de lui n’était pas un réel indicateur de la politique du nouveau ministre. Des gens rassurants, plutôt proches de la retraite.
Lorsqu’il est arrivé, Manuel Valls avait dans sa musette les zones de sécurité prioritaires – l’un des 60 engagements du candidat Hollande. Une mesure « de bureau » qu’au moins une demi-douzaine de ministres ont dû vouloir mettre en place avant lui. Des noms différents, mais le même objectif : concentrer davantage de moyens dans des zones fortement criminogènes. Ça n’a jamais fonctionné. Mais dans la police l’obsolescence n’existe pas. Comme l’ampoule centenaire de Livermore, les idées – même mauvaises – ne s’éteignent jamais. On se souvient peut-être que sous le gouvernement Bérégovoy (Mitterrand II), Bernard Tapie avait été nommé ministre de la Ville pour s’occuper des « quartiers difficiles ». Il y a 20 ans. Alors aujourd’hui, en pleine période de disette… Mais mercredi dernier, devant les grands chefs de la police et de la gendarmerie, notre ministre a déjà pris ses distances : Les ZSP « ne sauraient résumer la politique de sécurité que j’entends mettre en œuvre », a-t-il déclaré.
On l’attendait au tournant sur le récépissé lors des contrôles d’identité : une mesure d’application difficile qui agace fortement les policiers. En fait, ce récépissé ne figure pas dans les propositions écrites présidentielles. On en avait juste parlé pour éviter les contrôles au faciès – qui eux y figurent. Ce maudit mot dit, mais non écrit, est devenu le marqueur de l’autorité du nouveau ministre. Il s’est laissé convaincre assez facilement de l’infaisabilité de la chose, et il a planté là le Premier ministre qui, lui, en avait fait une mesure symbolique.
Couac !
Bon, on peut dire que la diplomatie n’est pas la qualité première de M. Valls. On l’a bien vu en mai dernier, lors de la passation de pouvoirs entre l’ancien et le nouveau. On aurait pu envisager, par exemple, la délivrance d’un récépissé pour les contrôles d’identité approfondis… Et tout le monde aurait été content. Mais en jouant cette carte, il a passé l’épreuve « d’admissibilité » et, l’air de rien, Manuel Valls est devenu le premier flic de France. Pour l’instant, il est adopté. « On dirait du Sarko première période », comme l’écrit le journaliste du Monde Laurent Borredon, qui rapporte les propos d’un haut responsable de la police. Pour mémoire, l’état de grâce de Nicolas Sarkozy, en dehors de ses aficionados, n’a pas duré longtemps…
Il faut dire que le nouveau locataire de Beauvau est porté par les circonstances. Les événements d’Amiens et de Marseille – et leur médiatisation – ont fait grimper l’insécurité de plusieurs crans dans l’échelle des préoccupations des Français. +12 points depuis les élections présidentielles, d’après un sondage publié sur Atlantico.
En fait les premières décisions prises à chaud concernent Marseille. Et là, Manuel Valls a montré son tempérament. À la différence de ses prédécesseurs qui ont surtout brassé du vent, en nommant un préfet de police placé directement sous ses ordres, il se campe au premier rang. Un énarque dirait sans doute que c’est une erreur de commandement, qu’il faut toujours mettre des fusibles entre la décision et l’application, mais, dans la police et la gendarmerie, on aime bien les gens qui prennent leurs patins.
N’empêche que l’idée d’installer un chef de la police et de la gendarmerie dans le département des Bouches-du-Rhône en laisse plus d’un sceptique. Cela nécessite de chambouler complètement la pyramide de la hiérarchie. Autrement dit, il faut revoir l’organisation des différentes directions, et notamment celle de la PJ. Au passage, Christiane Taubira peut-elle accepter qu’une autorité administrative glisse son nez dans les procédures judiciaires, comme cela peut se passer à Paris ? Même si l’ancien préfet de police s’en défendait. Dans son livre (11 propositions chocs pour rétablir la sécurité, aux éditions Fayard) le député Jean-Jacques Urvoas, l’un des aspirants au fauteuil, envisageait de donner au maire de Paris les mêmes pouvoirs de police que les autres maires. La police parisienne, disait-il « doit être placée sous le commandement d’un directeur régional soumis au préfet territorialement compétent, comme dans le reste du pays, et ce dernier doit redevenir le principal interlocuteur des élus. » Pourtant, on dit que c’est lui qui a soufflé cette idée d’un préfet de police marseillais copié-collé sur celui de Paris. « En créant le concept de métropole et de patron unique, on met de la cohésion dans une cité où il y a beaucoup trop de mouvements », dit-il dans Le Télégramme. Comme quoi il faut savoir s’adapter aux circonstances… Mais il est probable que le préfet de police de Marseille n’aura jamais les prérogatives de celui de la capitale.
Il est bien trop tôt pour comparer Manuel Valls à ses prédécesseurs, ni même à Nicolas Sarkozy. Je crois d’ailleurs que c’est son contraire. Alors que ce dernier était impulsif, parfois malavisé dans ses décisions, mais capable d’en changer, M. Valls semble se montrer à l’écoute. Mais il sera probablement inflexible une fois la décision prise.
On l’imagine proche de ses troupes mais en même temps sans concession. Son refus de participer au « gouvernement d’ouverture » de Nicolas Sarkozy situe bien le personnage. Certains policiers, notamment ceux qui ont manifesté contre la décision d’un juge lors de la campagne présidentielle, ont dû avoir les oreilles qui sifflent en entendant la petite phrase prononcée vendredi dernier devant la garde des Sceaux : « Je ne tolérerai pas les mises en cause des décisions de justice ». Une menace à peine subliminale.
Dans les rangs de la police, le laxisme de ces derniers temps n’est donc plus de mise. Du coup, on entend moins les râleurs. Sinon, pour l’instant, peu de changements. Ah si, à Paris, il y a eu un arrivage de biscuits pour les gardés à vue…
@ Causes of seizures : Yes, indeed. And, in french, what do you mean ?
Ah je suis contente !! il y a des biscuits désormais pendant les gardes à vue.. ouf…
C’est vrai que l’insécurité augment et qu’il faut un ministère de l’intérieur plutôt actif que passif. Je préfère qu’ils se préoccupent des criminels et cambrioleurs plutôt que des petits excès de vitesse.
J’aimerais envoyer un courrier à M. Moreas à propos de mon livre sur l’histoire des gardiens de la paix, et la fonction « écrivez-moi » semble déficiente. Peut-il me donner son adresse électronique.
Désolé pour ce message personnel, mais comme je suis professeur d’histoire contemporaine à l’université du Havre j’aurais pu aussi commenter le commentaire « il est vrai que les normands sont souvent avares »…
– Petit problème en effet. Je tente d’y remédier. GM
« Des noms différents, mais le même objectif : concentrer davantage de moyens dans des zones fortement criminogènes. Ça n’a jamais fonctionné. Mais dans la police l’obsolescence n’existe pas. »
Peut-être car, dans ce domaine comme dans bien d’autres, les politiques passent mais les (hauts-)fonctionnaires restent?
Alors ils poussent les idées foireuses, déjà essayées ou non, à la faveur d’une alternance… avec l’espoir qu’elles soient enfin acceptées par un nouveau « patron » plus influencable que les anciens?
Le gros précédent dont chacun peut désormais constater les effets, en passant à côté des nombreuses gagneuses automatiques de l’état, c’était la loi Gayssot: Depuis des années des fonctionnaires des transports poussaient à étendre l’exception de présomption de culpabilité du titulaire d’une carte grise, en vigueur pour la répression au stationnement (par définition, aucun conducteur n’étant présent… y’avait pas le choix!), aux infractions à la vitesse/feux… Pour lesquelles un conducteur est pourtant au volant!
Jusqu’a ce ministre dénué de tout esprit critique (pas bien vu en ex-URSS!) qui s’est laissé avoir, jusqu’à friser l’anticonstitutionnalité, aucun ministre n’avait accepté pareille dérive totalement injustifiée sur le fond de l’exception pré-existante.
Quelques années après, le ministère de la culture a même réussi à faire passer le petit frère de la mesure (hadopi, remplacer titulaire de « la CG » par de « l’abonnement internet », le parallèle est évident), là encore à la faveur d’une ministre pas fut-fut: Christine Albanel.
Le fait que Valls cède à ce type de mesure, en prime déjà essayée, ne me parait pas très prometteur.
Quand on voit l’amateurisme dont fait preuve ce gvt sur d’autres sujets fondamentaux (dont l’energie: Dire que fermer Fesseinheim avait été accordé par Hollande en échange d’une bonne volonté des écolos pour voter les modifs de traité europpéen, n-ième tentative d’enrayer la crise! Quel camouflet!!!), cela fait peur: Voter des bonus aux (mauvaises et inefficaces) bagnoles hybrides qui vont profiter à Toyota, en prétendant aider Renault/Peugeot… Quelle bêtise: Tout cela pur subventionner une arnaque… à ses propres malus CO2! En effet, ces véhicules sont envoyés aux cycles UTAC pile pleine… quand sur route c’est le moteur thermique qui assurera l’essentiel de la recharge, avec les pertes de conversion/stockage et le handicap du poids de la double motorisation/batterie inutile de dire qu’on sera en pratique loin des promesses!!!
Se laisser avoir sur tous ces sujets, c’est quand même préoccupant. Et pourtant, j’ai voté pour eux… ou plutôt, contre Sarkozy et sa clique UMP, que je ne peux plus voir en peinture.
Parfois je m’étonne encore de ce que je lis dans les blogs: il paraîtrait selon certains qu’il y aurait des préfets anti-sémites. Pourriez-vous me dire votre opinion au sujet de ceux qui ont manifesté à Paris au sujet de ce stupide film et qui ont crié, entre autres, « mort aux juifs »! Sont-ils anti-sémites? Merci pour votre réponse.
François le français ?
Quand on me soumet un sondage, et que je vois la mention prioritaire (« Qui doit être considéré avant autre chose. ») je ne mets qu’une seule réponse au maximum, les autres réponses étant naturellement exclusives.
Or , le sondage cité dans l’article semble avoir été fait sur des personnes souffrant pour le moins de dédoublement de la personnalité, la somme des réponses prioritaires dépassant les 300%
J’ai cru Valls quand, au début de son mandat de Ministre, il a soutenu des prescriptions non pas « contre » mais pour les valeurs de la république (la laïcité comme liberté de culte, en particulier). Aujourd’hui, je ne le crois plus. Parce que, certes, les personnes sont restées en place, mais elles le sont quoiqu’elles aient été : policiers violents, prefet antisémite. Par contre, les agressions faites à la police sont à la « Une ».
Demain, je ne doute pas qu’il excusera même les policiers d’avoir été tels, les prefets de faire un tel usage de leur statut. Si changement il y a, c’est parce que les « évènements » comme l’écrit Moréas, l’y obligent. Au bout du compte, ceux qui font la loi, ce sont les assassins. Certes, on retorquera qu’il lui faut un minimum l’adhésion des fonctionnaires qui dépendent de son ministère. Je réponds qu’il a, d’une façon qui ne peut qu’être suspecte, grand besoin de séduire en faisant l’usage qui l’arrange et les compromis dont il a besoin des lois et des valeurs de la république.
@Pas tranquille : j’habite à Rouen et j’ai très très peur parce que je viens d’apprendre par Paris Normandie que le 26, pour accueillir Montebourg à l’intersyndicale, ce ne sera pas cette fois ci l’Archevêque de Rouen, mais 3 Ministres : Fourneyron, Fabius et Cuvilliers. Et figurez vous qu’ils parlent de « désengorger ». Hier, ils m’avaient envoyé l’hygiène chez moi pour dératiser… C’est terrible la Normandie !
C’est amusant, Manuel Valls a été un des participants du Bilderberg de Chantilly, en Virginie (USA) en 2008 (http://www.binjamin.info/article-20415951.html). Cette participation ne PEUT PAS paraître dans l’article attribué à Valls dans Wikipédia, par exemple, comme si cette participation était une honte pour le participant.
Même s’ il ne les fait pas, » Voulez-vous » vallser » grand-père , tout comme au bon vieux temps de Nicolas, il n’ a pas le choix !!!!
Donc, pas de changement maintenant, heureusement…
Valls, un mec qui en a et qui les montre pour se faire respecter. J’aime
N’hésitez pas avec le vocabulaire sexiste, vous progresserez. Vous progresserez aussi sans doute dans vos allégéances en invitant les gens à casser des murs, à visser des plaques, à vider des seaux avec des mots comme « C’est des juifs ». Ce travail du vocabulaire, si vous habitez en Seine Maritime, vous garantira peut-être une carrière au PS : c’est ainsi !
Je n’ai pas heureusement pas encore vu de pogromes en Seine-Maritime, mais à vous lire c’est la « Nuit de Cristal » tous les soirs.
Connaissant assez bien Rouen, je n’ai pas souvenir de déchainements antisémites et je n’ai jamais entendu les représentants PS encourager de tels actes. J’ajoute que dans le quartier du Palais de Justice se trouve la Rue aux Juifs, l’une des plus anciennes de la ville. Elle date du Moyen-Age, époque à laquelle la communauté juive rouennaise vivait déjà dans le centre-ville, ce qui en fait l’une des plus anciennes de France.
Alors merci de porter plainte si ce que vous racontez est vrai, ou alors arretez de diffamer sur le supposé antisémitisme dans cette région.
Mefiez vous quand même : les autorités ecclesiastiques, au millénaire dernier, ont bien brûlé une sainte à Rouen. Peut être ont elles gardé des critères très stricts de non combustion.
Par delà les « biscuits » , on va essayer d’élever un peu les commentaires:la Gauche, le PS a depuis toujours et je sais de quoi je parle ,un problème avec la sécurité, l’ordre public etc…/c’est récurrent et elle ne s’en cache pas :M.Valls a été l’objet de toutes les critiques aux Journées Parlemantaires PS à Dijon…Sauf que dans la réalité , les Maires , Conseillers généraux , Conseillers Régionaux de GAUCHE vivent le problème de la sécurité et »du bien vivre ensemble » au quotidien et là leurs prises de position rejoignent celles de Valls : l’ordre républicain n’appartient pas à la Droite et c’est bien qu’il ait pu le rappeler..D’ailleurs Hollande se satisfait de ses prestations et il est sait que dans ce domaine et en période de crise d’aucuns ont tout perdu par leur manque de rigueur…Ainsi va la vie ….en démocratie !
A Dijon ? Monsieur Repsanem (je ne suis plus sûre de l’orthographe de son nom : le sénateur-maire PS de Dijon) y est peut-être pour quelque chose.
En Seine Maritime, la sécurité est très virile, mais elle est un peu antisémite et lâche : dans la politique boulangerie, les gens savent se plaindre et il est vrai comme la légende le dit que les normands sont souvent avares. Alors, quand le travail est un peu difficile, ils brisent avec ces mots là : « C’est des juifs ». Les élu-e-s semblent se soutenir de ça. C’est triste. Mais c’est comme ça.
Ou ça en Seine-Maritime? Au Havre, a Rouen, à Allouville-Bellefosse, dans tout le département? En attendant de demander l’asile politique au département de la Somme, merci d’apporter des précisions car les accusations que vous portez, car elles sont assez sérieuses pour etre étayées.
« Il est vrai que les normands sont souvent avares »: belle démonstration d’ethnologie façon brève de comptoir, ça vole très, très haut. La encore, merci de m’expliquer d’ou viennent ces conclusions, histoire de rire un peu.
« la gauche bisounours » ?! ? On se demande qui informe la police …
En Ariège, le conseil général socialiste supprime le RSA à des centaines de personnes, et le revendique
http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=6332
Heu… pour les biscuits… C’est parce qu’ils ont sommé l’OPJ de les rendre et de ne plus mettre en garde à vue ce qui sous la droite était encore un délit ?
Et voila que j’apprends que ce n’est plus Sarkozy au ministère de l’interieur…
Merci Mr Moreas.