LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Justice (Page 9 of 25)

Le droit des victimes : de la compassion à la justice réparatrice

Dans le procès Xynthia, la condamnation de René Marratier, l’ancien maire de La Faute-sur-Mer, à quatre ans de prison ferme a surpris nombre de personnes et a fait réagir au quart de tour la journaliste du Monde Pascale Robert-Diard. Dans l’hebdomadaire de notre journal favori, malgré les caractères ridiculement petits qui sont une invitation à ne regarder que les pubs, chacun a pu apprécier l’envolée littéraire qui s’éloigne de la chronique judiciaire pour interpeller son lecteur. Même si l’image du Christ crucifié qui illustre l’article frise le mauvais goût et aboutit d’ailleurs à desservir les propos, puisqu’en théologie, la victime est offerte pour le salut de l’homme. À moins que la croix de Tau ne soit comme un message subliminal, mais alors, là, je n’ai pas imprimé.

Extrait du magazine du Monde

Extrait du magazine du Monde

Pour ceux qui n’ont pas lu l’article, la journaliste égratigne (à la hache de guerre) une justice qui s’éloigne du droit pour tomber dans le compassionnel, transformant le tribunal en « une sorte de Mireille Dumas judiciaire ». Continue reading

La justice ne parvient plus à gérer les scellés judiciaires

Chaque année, environ 500 000 objets ou éléments sont placés sous main de justice. Du plus microscopique, comme des cellules ADN, au plus imposant, comme des voitures ou des immeubles. Certains n’ont aucune valeur tandis que d’autres attisent les convoitises. Le stock imposant de cocaïne qui a mystérieusement été dérobé dans les locaux du 36 a marqué les esprits. Mais pour une affaire retentissante, combien d’objets ont pu disparaître de ces capharnaüms que sont les salles de scellés ! Larcins qui restent d’ailleurs le plus souvent ignorés.

Au-delà de ces problèmes de sécurité, une gestion scrupuleuse des scellés judiciaires est fondamentale. Elle conditionne en grande partie la qualité même de la justice. Surtout depuis les avancées de la police scientifique. Et cela tout au long de l’enquête pénale, de la découverte de l’objet à saisir à son éventuelle destruction, à l’issue du procès. La toute récente affaire des disparues de la gare de Perpignan en est une bonne démonstration. Il était inenvisageable il y a 17 ans d’analyser l’ADN de « contact », ce qui, à l’époque, n’a pas empêché les enquêteurs de prendre toutes les précautions dans la saisie matérielle des vêtements et des chaussures de la victime, Mokhtaria Chaïb, âgée de 19 ans, afin de se donner la possibilité d’analyses futures, voire futuristes. Que n’en a-t-il été de même dans l’affaire du petit Grégory ! Car, si une partie des traces laissées sur les vêtements de l’enfant ont pu disparaître en raison d’un séjour dans l’eau de la Vologne, ce sont surtout les manipulations successives qui ont contaminé les scellés en superposant sur ceux-ci plusieurs couches d’ADN parasite. Mais c’était il y a 30 ans ! Continue reading

Pourquoi on a besoin de la Cour européenne des droits de l’homme

Lorsque Manuel Valls fait des déclarations qui vont à l’encontre d’une récente décision de la CEDH sur les enfants nés d’une mère porteuse, on s’interroge ; lorsque Jean-Yves Le Drian récuse l’idée que les militaires et les gendarmes puissent se syndiquer ou lorsque Bernard Cazeneuve soutient le bien-fondé d’une loi antiterroriste qui tripatouille la Convention européenne, on s’inquiète ; mais lorsque David Cameron affirme qu’il veut sortir le Royaume-Uni de la justice européenne, on comprend tout : l’Europe dérange.

La communication anti-européenne a pris son envol. L’Europe, bouc émissaire idéal ! Et, au vu des récentes déclarations de Nicolas Sarkozy et de Marine Le Pen sur l’espace Schengen, il n’est pas exclu qu’elle ne devienne un argument électoral fort lors des Présidentielles de 2017.

La CEDH

Palais des droits de l’homme à Strasbourg (site CEDH)

Or, si l’on peut s’interroger sur le poids de l’Euro ou celui d’une fiscalité disparate dans nos misères de tous les jours, les attaques contre la cour de Strasbourg sont beaucoup moins lisibles. Elle n’est que l’outil qui permet de faire respecter les droits fondamentaux reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme. Elle donne aux Européens la possibilité de faire condamner leur pays si ces droits ont été violés. C’est la seule arme légale pour freiner la tendance actuelle à piétiner les droits de l’homme. C’est un symbole, celui des valeurs partagées par 800 millions de personnes au sein de la grande Europe. Juste l’idée d’une zone de paix et de liberté. Continue reading

Autopsie : les droits de la famille

Aux États-Unis, la famille de Michael Brown, ce jeune homme tué par un policier à Ferguson, a demandé et obtenu le droit de faire effectuer une autopsie « privée » par un médecin légiste « indépendant ». Cette démarche montre la méfiance de la population vis-à-vis des autorités judiciaires dès que la police est mise en cause dans une enquête. Et cela ne vaut pas que pour les Américains. Mais en France, une telle démarche de la famille n’est pas envisageable. Ainsi, pour découvrir les raisons médicales de la mort du jeune Abdelrazak, mystérieusement décédé dans une colonie de vacances de l’Ariège, le mois dernier, si les parents ont demandé une nouvelle autopsie, c’est le procureur de la République qui l’a ordonnée et qui l’a confiée à l’Institut médico-légal de Toulouse.

En effet, dans une enquête judiciaire, seul un magistrat peut ordonner l’autopsie d’un corps en se référant à l’article 60 du code de procédure pénale ou, pour cet enfant, à l’article 74 (recherche des causes de la mort). La famille est avisée de cette décision, mais elle ne peut pas s’y opposer et les résultats sont soumis au secret de l’enquête, ou de l’instruction si une information judiciaire a été ouverte. Si au contraire c’est la famille du défunt qui demande l’autopsie, ou une contre-autopsie, le juge peut parfaitement la refuser, à condition toutefois de motiver sa décision. Continue reading

Esquisse d’un portrait-robot à l’ADN

Les traces biologiques laissées par un violeur sont systématiquement comparées à celles qui sont conservées dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) – c’est même dans ce but que cette base de données a été créée, il y a une quinzaine d’années. Mais si cette recherche se révèle négative, peut-on aller plus loin et utiliser le code génétique de l’agresseur pour tracer de lui une sorte de portrait-robot ? A priori, la réponse est non, puisque la loi sur la bioéthique punit le fait de procéder à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne à des fins autres que médicales ou scientifiques, sans avoir recueilli préalablement son consentement.

Capture adnCe n’est pas l’avis de la Cour de cassation. Dans une décision récente (Crim. 25 juin 2014), elle a fait fi de cette interdiction estimant que sur le fondement de l’article 81 du code de procédure pénale, le juge était en droit d’ordonner l’analyse de traces biologiques pour en extraire les caractères morphologiques apparents de l’auteur inconnu d’un crime. Il s’agissait en l’occurrence des prélèvements effectués sur deux victimes d’un viol. Les hauts magistrats ont rejeté le pourvoi en arguant que le matériel biologique nécessaire à cette recherche s’étant « naturellement détaché du corps humain » ni la loi pénale ni la loi civile sur le respect du corps humain n’avait été violée. Continue reading

Le secret de l’instruction a-t-il encore un sens ?

Le procureur de Paris vient d’ouvrir une information judiciaire contre X pour violation du secret de l’instruction dans l’enquête mettant en cause Nicolas Sarkozy. Il aura donc fallu que l’une des nombreuses fuites concerne le barreau de Paris pour que la justice s’intéresse enfin aux manquements répétitifs à l’un des éléments clés de l’instruction judiciaire : le secret.

C’est un article du Monde citant un mail du bâtonnier Pierre-olivier Sur qui a fait déborder le vase. Du coup, le X est facilement identifiable. Au point que le directeur du journal qui abrite ce blog a pris la plume dans le numéro de dimanche dernier estimant que cette enquête « vise purement et simplement à identifier les sources du Monde. Ou à les intimider ». Il rappelle d’ailleurs que les journalistes ne sont pas astreints au secret de l’instruction.

Pas plus que vous et moi. Le secret de l’instruction et de l’enquête ne s’impose qu’aux personnes qui concourent à la procédure : magistrats, greffiers, policiers, gendarmes, experts, interprètes… Continue reading

Tarnac : la filoche s’effiloche

Rarement une simple filature aura fait couler autant d’encre. Ou du moins le procès-verbal qui la retrace, le fameux P-V 104, qui est paraît-il bourré d’invraisemblances. D’après la presse, et notamment les journalistes du Monde et de Mediapart, qui visiblement connaissent le dossier Tarnac sur le bout des doigts, l’élément fort réside dans le compte-rendu des surveillances effectuées sur Julien Coupat et son amie Yildune Lévy. Les policiers ont noté que le véhicule à bord duquel ils se trouvaient a stationné un quart d’heure dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008 à proximité de la ligne TGV où, au petit jour, il a été découvert un crochet métallique posé sur la ligne caténaire.

Sans remettre en cause le travail des journalistes, notamment l’épluchage des procès-verbaux effectué par Laurent Borredon sur son blog, plus d’un policier a dû sourire en lisant les analyses et les reconstitutions d’une filature qui a duré une vingtaine d’heures. Continue reading

Indices graves ET/OU concordants

On a beaucoup lu et entendu qu’il existait contre Nicolas Sarkozy des indices graves ET concordants suffisants pour justifier sa mise en examen. Pourtant, la formule n’est pas exacte. En fait, le code de procédure pénale (art. 80-1) se contente « d’indices graves OU concordants rendant vraisemblable » que le suspect ait pu participer, comme auteur ou complice, aux faits dont le juge d’instruction est saisi. À notre époque binaire, cette conjonction de coordination (mais ou et donc or ni car) est pour le moins dérangeante.

Avec l'aimable autorisation de Jean-Michel Sicot

Avec l’aimable autorisation de Jean-Michel Sicot

Les choses étaient différentes par le passé. L’évolution n’est pas inintéressante. Ainsi, à une époque où les juges étaient moins surchargés et plus à même d’instruire à charge et à décharge, de simples indices étaient suffisants pour justifier une mise en examen. Une notion assez subjective. Puis, vers la fin des années 80 (époque où les policiers disparaissent des médias), les juges n’hésitent plus à mettre les mains dans le cambouis. Ils deviennent de véritables enquêteurs, perdant sans doute un peu de leur objectivité au fur à mesure que se renforce leur instinct de chasseur.

La loi du 15 juin 2000 a donc tenté de limiter les mises en examen au profit du statut de témoin assisté. Elle a cherché à durcir les conditions nécessaires. Lors des travaux préparatoires de ce texte, il était question d’utiliser une formule retenant « des indices précis, graves ou concordants » Continue reading

Aide juridictionnelle : l’amertume des avocats

Il y a une certaine ambiguïté dans l’action revendicative des avocats. Lorsqu’ils dénoncent le désengagement de l’État dans l’aide juridictionnelle, on ne peut qu’applaudir. La cause est noble. La société a le devoir d’assister les plus pauvres, victimes ou justiciables, afin qu’ils soient représentés devant la justice. Mais en même temps, les avocats ne font-ils pas preuve d’un corporatisme excessif, encaissant les contrecoups d’une profession qui a du mal à se remettre en cause ?

Photo perso

©GM

C’est sans doute ce qui explique en partie la position délicate de Christiane Taubira lors de la conférence des bâtonniers qui s’est tenue vendredi dernier. D’après les observateurs, elle était droit dans ses bottes, comme à son habitude. Mais on la sentait tendue, sur la défensive, et sans doute contrainte de soutenir une position qui n’est pas la sienne. Elle s’en est tirée par une pirouette : « J’accepte de descendre devant vous dans un silence lourd, qui pèse… ». Puis elle a cité René Char avant de sortir, comme une tombée de rideau, dans un silence tout aussi hostile.

Il faut donc en déduire que le projet du gouvernement de taxer les cabinets d’avocats est toujours d’actualité. Continue reading

La justice européenne cherche à s’imposer

Alors que la coopération européenne bat son plein dans la police, le système judiciaire est à la traîne. Il faut dire que si les États soutiennent haut et fort la lutte transfrontière contre la criminalité et le terrorisme, bien peu sont prêts à abandonner leur souveraineté, notamment en ce qui concerne le déclenchement de l’action publique, autrement dit, l’initiative des poursuites. Raison pour laquelle le traité de Lisbonne, applicable depuis fin 2009, apporte des garanties aux États membres lorsque certaines mesures risquent de mettre en cause leur justice pénale, comme la définition des infractions, le barème des sanctions ou la création d’un parquet européen. Le garde-fou consiste en une clause dite « frein-accélérateur » que les États membres peuvent évoquer pour bloquer une décision ou au contraire demander un renforcement de la coopération.

Eurojust_LogoLe traité de Lisbonne pose le principe d’un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect des droits fondamentaux et des différents systèmes et traditions juridiques de chaque pays de l’Union. Il définit une coopération accrue en matière de justice civile et pénale par le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions – ce qui implique le rapprochement des législations nationales et l’application de règles minimales communes. Continue reading

« Older posts Newer posts »

© 2025 POLICEtcetera

Theme by Anders NorenUp ↑