Chaque année, environ 500 000 objets ou éléments sont placés sous main de justice. Du plus microscopique, comme des cellules ADN, au plus imposant, comme des voitures ou des immeubles. Certains n’ont aucune valeur tandis que d’autres attisent les convoitises. Le stock imposant de cocaïne qui a mystérieusement été dérobé dans les locaux du 36 a marqué les esprits. Mais pour une affaire retentissante, combien d’objets ont pu disparaître de ces capharnaüms que sont les salles de scellés ! Larcins qui restent d’ailleurs le plus souvent ignorés.
Au-delà de ces problèmes de sécurité, une gestion scrupuleuse des scellés judiciaires est fondamentale. Elle conditionne en grande partie la qualité même de la justice. Surtout depuis les avancées de la police scientifique. Et cela tout au long de l’enquête pénale, de la découverte de l’objet à saisir à son éventuelle destruction, à l’issue du procès. La toute récente affaire des disparues de la gare de Perpignan en est une bonne démonstration. Il était inenvisageable il y a 17 ans d’analyser l’ADN de « contact », ce qui, à l’époque, n’a pas empêché les enquêteurs de prendre toutes les précautions dans la saisie matérielle des vêtements et des chaussures de la victime, Mokhtaria Chaïb, âgée de 19 ans, afin de se donner la possibilité d’analyses futures, voire futuristes. Que n’en a-t-il été de même dans l’affaire du petit Grégory ! Car, si une partie des traces laissées sur les vêtements de l’enfant ont pu disparaître en raison d’un séjour dans l’eau de la Vologne, ce sont surtout les manipulations successives qui ont contaminé les scellés en superposant sur ceux-ci plusieurs couches d’ADN parasite. Mais c’était il y a 30 ans !
Le Code de procédure pénale est peu disert sur la constitution des scellés (art. 56, 56-1, 100-4, 706-52 et 706-100). Ce sont pourtant, souvent, les seules preuves matérielles de l’infraction. Traditionnellement, la pratique policière en distinguait trois sortes :
– Les scellés couverts qui s’appliquent aux objets de faibles volumes. Ils peuvent être placés dans une enveloppe, une boîte, un sac, etc., que l’on ferme de manière définitive. Pour y avoir accès, il faut briser le scellé. Le Code parle le plus souvent de « scellés fermés ».
– Les scellés découverts : Lorsque le volume des objets à saisir est trop important, ou lorsqu’ils sont trop lourds ou qu’ils ne peuvent être clos de par leur configuration, l’OPJ se contente d’y fixer une fiche de scellé. S’ils ne peuvent pas être bougés, ils sont parfois confiés à un tiers qui devient gardien dudit scellé. C’est le cas typique d’une voiture saisie et remisée chez un garagiste.
– Les scellés ouverts : Ils concernent tous les objets saisis qui doivent pouvoir être consultés durant l’information judiciaire. Il en est ainsi des documents, carnets, livres de comptabilité, photos, etc.
Il faut aujourd’hui y ajouter les scellés immatériels qui sont à ce jour uniquement numériques (on n’a pas encore réussi à saisir la pensée des gens).
C’est d’ailleurs en numérisant au maximum les pièces sous main de justice que Madame Taubira compte régler en partie la gestion des scellés. La plate-forme nationale des interceptions judiciaires, qui vient d’être mise en œuvre, en est un bel exemple : les OPJ pourront saisir les données personnelles enregistrées à distance, directement sur la plate-forme par un scellé virtuel. La preuve sera donc conservée sur le disque dur de la machine même si la preuve de l’existence de la preuve figurera toujours sur un procès-verbal. Et, en cas de besoin, la délivrance d’un support matériel de ces enregistrements pourra être demandée au greffier auprès de la délégation aux interceptions judiciaires.
En vue d’une loi qui devrait bientôt voir le jour, les services du ministère de la justice s’attachent d’ailleurs à déterminer les autres éléments qui pourraient ainsi être dématérialisés. Est-il par exemple nécessaire de conserver un produit stupéfiant ou la seule formulation chimique de sa composition est-elle suffisante ? La photo d’un objet encombrant peut-elle remplacer cet objet ? Autant de questions auxquelles il est bien difficile de répondre. Il ne faudrait pas que dans une trentaine d’années un blogueur quelconque ne fustige l’imprévoyance de la justice et de ses enquêteurs !
Si l’inventaire des scellés anciens reste problématique, des mesures ont été prises pour gérer au mieux les nouvelles pièces, notamment grâce à l’application informatique Cassiopée, qui comporte un module dédié. Celui-ci doit assurer la traçabilité des objets placés sous main de justice en enregistrant les entrées au greffe et les sorties. Cependant, tous les scellés n’atterrissent pas dans les greffes, même s’ils n’ont pas vocation à rester dans les locaux des enquêteurs. Ceux qui sont potentiellement dangereux sont détruits, les prélèvements biologiques sont centralisés dans un service placé sous la responsabilité de la gendarmerie (SCPPB : service central de préservation des prélèvements biologiques), les avoirs et les biens immobiliers ou mobiliers sont remis à l’agence de recouvrement (l’AGRASC : agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués) et les objets encombrants sont placés sous la garde d’un dépositaire. Lequel est rétribué sur les frais de justice. Ce qui explique les revirements récents autour de la saisie des véhicules automobiles. Pour l’AGRASC, dont le but avoué est de gagner de l’argent, la gestion d’un parc auto n’est pas rentable. Les voitures saisies sont donc mises en fourrière, ce qui grève sérieusement les frais de justice. Du coup, les procureurs ont demandé aux OPJ de ne plus saisir systématiquement les véhicules des délinquants potentiels mais de solliciter préalablement l’accord d’un magistrat. Ce qui brouille sérieusement le message sécuritaire et fait râler dans les commissariats.
Mais les procureurs ont dû râler à leur tour en prenant connaissance de cet arrêt du Conseil constitutionnel (n° 2014-390-QPC du 11/4/14) qui leur interdit de détruire un bien qualifié par la loi de dangereux ou nuisible, ou dont la détention est illicite. En effet, en se référant à la Déclaration des droits de l’homme de 1789, les Sages ont estimé que le propriétaire du bien, ou le mis en cause dans l’enquête, devait être préalablement informé de façon à pouvoir exercer un recours et demander éventuellement la restitution dudit bien. Bon, c’est pas si grave, on va changer la loi ! Et, en attendant, il suffit d’aller tirer la sonnette chez le juge des libertés et de la détention. Mais quand même, demander à un trafiquant de drogue l’autorisation de détruire son stock, c’est cool, non ! En poussant la mauvaise foi jusqu’au bout, on pourrait imaginer que les narcotrafiquants qui se sont fait voler « leur » coke à la brigade des stups de Paris décident de déposer plainte…
Autrefois, le délai de conservation des scellés était de 3 ans après une décision de justice définitive ou un classement sans suite. Une période jugée trop longue pour les finances publiques. Depuis une quinzaine d’années le délai est passé à 6 mois. Une fois ce temps écoulé, les objets saisis dont la restitution n’a pas été demandée deviennent la propriété de l’État. Il peut les conserver, les vendre ou les détruire. Toutefois, dans certains cas, pour les affaires dites sensibles, ils sont conservés, « hors la loi ».
Curieusement, la gestion des scellés immatériels de la plate-forme d’interception judiciaire échappe au droit commun puisque le décret du 9 octobre 2014 prévoit qu’ils sont conservés jusqu’à l’expiration du délai de prescription de l’action publique ou, pour certains, jusqu’à la clôture des investigations. A mon avis, là, il y a un loup.
Lorsque d’autres scellés seront numérisés, il est probable que les délais de sauvegarde seront allongés. En attendant, la loi nouvelle actuellement dans les cartons de la garde des Sceaux doit régler en urgence le sort des scellés « en vrai ». L’objectif est double : diminuer les coûts (autour de 20 millions par an) et rendre la justice plus efficace. Ce n’est pas gagné, car même si l’on veut une justice 3.0, par définition, une preuve matérielle se doit d’être palpable.
On comprend bien que si les scellés sont détruits 6 mois après le verdict, il devient difficile d’obtenir la révision d’un procès en se basant sur les avancées scientifiques. Tel condamné qui clame son innocence ne pourra pas profiter d’une nouvelle technique ADN ! Raison pour laquelle dans la loi du 20 juin 2014 qui a réformé les procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive, la règle a été changée. Dorénavant, en matière criminelle, le procureur de la République doit aviser le condamné de son intention de détruire ou de remettre à d’autres les objets saisis. L’intéressé dispose d’un délai de 2 mois pour éventuellement faire part de son opposition. Dans ce cas, sauf recours du procureur, les scellés seront conservés durant 5 ans. Une période renouvelable dans les mêmes formes.
Bizarrement, ce droit n’est pas accordé aux victimes ou à leurs proches lorsqu’une affaire criminelle n’a pas été résolue, ou s’il subsiste un doute. Cette loi récente ne changerait donc rien si la justice se trouvait devant une nouvelle affaire Boulin.
bonjour, qui paye voiture scelle au garage non proprietaire merci
On en apprend des choses, merci pour cet article!
bonjour, avec les avancées scientifiques, technologiques, la préservation des scellés ne devraient pas être un problème…sauf que l’argent est le nerf de l’institution judiciaire et que tout à un coût; le budget de la justice alloué n’est pas à la hauteur des besoins essentiels pour éviter certains dérapages et le personnel judiciaire fait avec les moyens du bord! Il y a, aussi, l’incompétence ou l’incurie de certains qui par légèretés professionnelles, par certitudes mal placées, par indigence d’esprit, par lâcheté de ne pas reconnaître ses erreurs,ont empêché la manifestation de la vérité par la destruction des scellés, notamment, l’affaire Leprince qui est emblèmatique où le fameux Procureur Thin a ordonné l’anéantissement de ceux-ci tout en ayant connaissance d’éléments nouveaux ! Après une instruction indigente à tous niveaux de la juge Brunetière, qui baffouent la mémoire des victimes massacrées en envoyant un bouc-émissaire à perpète en taule, en laissant des inhumains libres depuis plus de 20 ans !!!
Vivement que les delais de conservation des scellés s’allongent. Mais est-ce que ça suffirait pour stopper les ripoux?
Bon, d’accord elle a des problèmes avec les scellés. Mais reconnaissons lui son indéniable capacité à gérer le secret de l’instruction, au grand bénéfice des commanditaires.
Si la Justice renonçait à poursuivre tous ceux qui se défendent contre les voyous au motif que ces derniers ont vu leur droits bafoués par la défense de la victime, toujours superbement ignorée, elle aurait plus de moyens
Pseudo : PEPPONE !!
La Belgique connaît les mêmes problèmes. Incompétence ? Incurie ? La Justice n’est pas rentable ?!!
En s’inspirant d’un sage chinois, on pourrait dire : « Quand au sommet d’un Etat, règnent la corruption, l’incompétence, l’incurie, l’immoralité, l’incivilité; pourquoi voudriez-vous que le petit peuple soit vertueux ? »
Il avait bien raison ce sage
Rencontre-t-on ce problème partout en France ou bien ne concerne-t-il que certaines villes ?
Beaucoup de drogue disparait lors des saisies faites par la police et surtout la douane ,ceci avant qu’elle soit officiellement pesée.Qui s’en plaindrait ?