LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Justice (Page 18 of 25)

Écoutes et espionnage

La plainte déposée par Le Monde pour violation du secret des sources incite à faire le point sur les  « interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications ». Les zozors, comme on disait dans le temps ! Depuis les fameuses « bretelles » que jadis de mystérieux noctambules des PTTtelephone_site_design-technology.JPG plaçaient sur les câbles des centraux téléphoniques, l’eau a coulé sous les ponts. Aujourd’hui, on obtient tout d’un clic de souris. Et l’écoute d’une conversation téléphonique a souvent moins d’importance que les informations que l’on peut glaner en périphérie : identifications, points de chute, relations, géolocalisation, etc.

Pour 2008, le budget de la justice consacré à ces écoutes était d’environ 33.2 M€ (pour faire un parallèle, celui des analyses génétiques était de 17.5 M€). Soit environ 12% des frais de la justice pénale. Une manne qui alimente les opérateurs et certaines officines habilitées. Un marché juteux. Mais qui devrait bientôt prendre fin avec la mise en service de « la plate-forme nationale des interceptions judiciaires ». Celle-ci permettra aux OPJ et aux agents de la douane judiciaire de surveiller, depuis leur poste de travail, et en temps réel, l’ensemble des communications électroniques (téléphonie fixe et mobile, fax, flux internet, et probablement les images).

Elle devrait voir le jour en 2012, malgré l’avis défavorable de certains conseillers de l’Intérieur. Comme Alain Bauer, qui parle d’une usine à gaz (cité par Sophie Coignard, Le Point). Aujourd’hui, seule fonctionne une mini plate-forme dite STIJ (système de transmission des interceptions judiciaires). Elle permet aux OPJ, depuis leur bureau, de lire les SMS et de prendre connaissance de certaines données connexes (date, heure, numéro, etc.).

Le secret de l’instruction sera paraît-il garanti, pourtant, certains juges sont dubitatifs. Auraient-ils peur que de grandes oreilles indiscrètes se glissent dans leurs dossiers ?

Rappelons que dans le cadre d’une information judiciaire, c’est le juge d’instruction qui accorde l’autorisation de placer une écoute, sous forme d’une commission rogatoire, dite « technique », pour une durée de quatre mois renouvelables. Ensuite, c’est  l’officier de police judiciaire qui gère. Sauf découverte d’une affaire incidente, seuls les éléments qui concernent l’enquête sont retranscrits.

En enquête de flagrance ou en enquête préliminaire, c’est le juge des libertés et de la détention qui donne son feu vert, sur requête du procureur de la République. La durée est de quinze jours renouvelables (délai à vérifier dans Loppsi 2).

Au ministère de l’Intérieur, on n’est pas en reste. Depuis 2007, il existe aussi une plate-forme d’interception (une usine à gaz ?) destinée à prévenir tout acte de terrorisme (loi du 3 janvier 2006). Elle était à l’époque gérée par l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste, mais je dois avouer qu’aujourd’hui, je ne sais pas trop comment elle fonctionne.

Les écoutes administratives de sécurité partent tout azimut, mais sont fortement encadrées : demande écrite du ministre de tutelle du service qui sollicite l’écoute et décision écrite et motivée du Premier ministre ou de l’une des deux personnes spécialement déléguées par lui. L’autorisation est accordée pour quatre mois et les enregistrements doivent être détruits dans les dix jours. Une commission a été créée pour veiller au respect des dispositions légales.  Elle est destinataire de la demande  et peut émettre un avis défavorable. Elle a également le pouvoir de contrôler toute interception pour en vérifier la légalité.

Ces écoutes, dites administratives, sont secrètes, et leur divulgation tombe sous le coup de la loi. Elles ne peuvent être utilisées dans une procédure judiciaire, raison pour laquelle on trouve parfois cette formule laconique en préliminaire d’une enquête : Selon un informateur anonyme…

Cette réglementation sur les interceptions télécoms est-elle respectée ? Ce n’est pas à moi de le dire, mais il semble bien qu’il y ait des ratés. Ainsi, dans l’affaire de Tarnac, la Cour d’appel doit très prochainement se prononcer sur la légalité des interceptions effectuées sur le réseau internet de l’épicerie de la commune, où certains des suspects travaillaient, car l’écoute a été effectuée sans l’autorisation du juge des libertés et de la détention, alors que les policiers agissaient en enquête préliminaire.

De même pour un système de vidéosurveillance mis en place au domicile parisien de Julien Coupat. D’après Me Thierry Lévy et Jérémie Assous, seul un juge d’instruction aurait pu décider de cette surveillance technique. Or il n’a été saisi que trois mois plus tard.

Dans l’affaire du Monde, après s’être emberlificoté dans des réponses vaseuses, le patron de la DCRI a sorti de sa manche l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 (JO du 13), lequel vise la surveillance et le contrôle des communications radioélectriques. Une mission séculaire de la DST et de la DGSE qui n’a rien à voir avec les téléphones portables. Donc, mauvaise pioche, car il n’a réussi, semble-t-il, qu’à dévoiler une ficelle de la maison. D’ailleurs, aussitôt dit, Le Canard a mis ses pieds palmés dans la mare : les policiers utilisent ce procédé pour requérir les opérateurs télécoms « hors de tout contrôle », écrit en résumé l’hebdomadaire.

Le titre de ce billet est celui d’un livre que j’avais publié en 1990, et qui avait eu un certain retentissement dans les médias (et qui m’avait valu quelques désagréments). J’y dénonçais l’absence d’encadrement juridique des écoutes. Certains députés de l’opposition (la majorité actuelle) s’en étaient d’ailleurs inspirés pour exiger une loi. Celle justement de 1991.

Sous le pont Mirabeau coule la Seine…

Ce livre est obsolète, c’est un peu comme si l’on comparaît le Minitel à un iPad, mais je ne peux m’empêcher de citer un extrait du « bêtisier des écoutes » :

1970 – René Pleven, garde des Sceaux : « … L’écoute téléphonique ne doit être utilisée que pour protéger la sécurité de l’État ou l’intérêt public… Actuellement, la véritable garantie réside dans la conscience des ministres qui disposent en pratique du moyen de recevoir des écoutes… »
1973 – Albin Chalandon, futur ministre de la justice : « … Inadmissible (que les écoutes) soient utilisées comme cela en France, pour espionner systématiquement ceux qui sont d’une façon ou d’une autre mêlés à la vie publique, amis ou ennemis du pouvoir. »
1974 – Valéry Giscard d’Estaing, nouveau président de la République : « Il faut supprimer les écoutes… si elles existent. »
1974 – Raymond Marcellin, ancien ministre de l’Intérieur : « Les écoutes sont une corvée nécessaire que le gouvernement va essayer de refiler aux magistrats. »
1977 – Michel Poniatowski, ministre de l’Intérieur : « … Il n’y a plus d’écoutes d’hommes politiques, de journalistes et de syndicalistes. Les seules écoutes sont celles relevant de la criminalité, et particulièrement des affaires de drogue… »
1981 – Gaston Defferre, ministre de l’Intérieur : « Il faut en finir pour toujours avec les écoutes. »
1982 – Pierre Mauroy, Premier ministre : « … C’est un hommage au gouvernement d’avoir supprimé les écoutes téléphoniques… »
1986 – Jacques Chirac, Premier ministre, s’engage à : « … Limiter les écoutes téléphoniques à celles qui sont décidées par l’autorité judiciaire ou exigées par la sécurité de l’Etat. »le-flic-solitaire_dessin-de-savaro_collection-personnelle.1285401743.jpg
1986 – Jacques Toubon, député, à l’Assemblée nationale : « … Quand j’entends ricaner sur les bancs socialistes lorsque le Premier ministre annonce que nous allons supprimer l’essentiel des écoutes téléphoniques […] Nous voulons faire ce que vous n’avez pas fait. Le courage que vous n’avez pas eu, nous l’aurons. »

2010 – Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur : Le gouvernenent ne pratique « aucune écoute téléphonique illégale ».

… Les jours s’en vont, je demeure.

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La DCRI en question a été lu 10 197 fois et a suscité 32 commentaires.

Réflexions après l’acquittement du gendarme de Draguignan

« Ce qui me paraît malsain, c’est qu’on autorise les gendarmes à faire usage de leurs armes, et qu’ensuite on leur reproche. On met les gendarmes dans des situations impossibles. Si on ne veut plus que les gendarmes fassent usage de leur arme, il faut avoir le courage politique de modifier le cadre légal et d’aligner leur statut sur celui des policiers. »

Après ces propos, lors de son réquisitoire devant la Cour d’assises, l’avocat général Philippe Guémas a estimé que le maréchal de logis-chef Christophe Monchal avait agi dans « le cadre légal » et « conformément à ce qu’on lui a enseigné ».

Ce qui n’est pas l’avis de son confrère, le procureur Christian Girard, qui estime, lui, que le gendarme ne se trouvait pas dans « la situation d’absolue nécessité d’ouvrir le feu ».

Le jury a tranché, mais les interrogations demeurent.
En 2009, lors du débat qui a précédé le vote de la loi qui redéfinit le statut de la gendarmerie nationale, les élus se sont penchés sur le « droit exorbitant d’usage des armes des gendarmes par rapport aux policiers » : Fallait-il maintenir cette particularité, la supprimer, ou au contraire l’étendre à l’ensemble des forces de l’ordre ? Finalement, les choses sont restées en l’état. Dans l’utilisation des armes, c’est donc toujours l’article L-2338-3 du Code de la défense qui s’applique aux gendarmes, et le Code pénal aux policiers. Cette prérogative militaire a d’ailleurs été jugée conforme à l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, sous réserve, a dit la Cour de cassation, que l’usage de la force soit absolument nécessaire au regard des circonstances. À noter que cet article prévoit plusieurs hypothèses, dont « l’évasion d’une personne régulièrement détenue ».

Le problème n’a d’ailleurs pas échappé au député Franck Marlin puisqu’il a posé la question au ministre de l’Intérieur – mais dans l’autre sens – en lui demandant s’il entendait aligner l’emploi des armes dans la police sur celui de la gendarmerie.

C’était au mois d’août 2009. La réponse a un peu traîné. Elle date du 13 juillet 2010. Brice Hortefeux rappelle à « l’honorable parlementaire » les cas où les gendarmes peuvent déployer la force armée :

1° Lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ou lorsqu’ils sont menacés par des individus armés ;
2° Lorsqu’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu’elle ne puisse être vaincue que par la force des armes ;
3° Lorsque les personnes invitées à s’arrêter par des appels répétés de « Halte Gendarmerie » faits à haute voix cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et ne peuvent être contraintes de s’arrêter que par l’usage des armes ;
4° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt.

Il justifie la différence entre les deux corps par les risques que feraient encourir l’usage des armes en zone police, c’est-à-dire en milieu urbain, et également par le statut militaire de la gendarmerie nationale et la nature des missions susceptibles de lui être confiées. Toutefois, il ajoute qu’un décret est à l’étude pour uniformiser les conditions d’emploi des armes dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre, mettant au diapason policiers et gendarmes ; et même les forces armées.

Qu’entend-on par maintien de l’ordre ? Réprimer une manif ? On n’ose imaginer une troupe hétérogène composée de policiers, de gendarmes et de soldats ouvrant le feu place de la République !

Soyons sérieux. Le jugement de Draguignan pose une autre question : la place de la victime dans un procès d’assises.

En effet, la loi du 15 juin 2000 a donné à l’accusé le droit de faire appel d’une décision de condamnation. Puis une nouvelle loi, du 4 mars 2002, a autorisé le procureur général à faire appel d’une décision d’acquittement. En vertu du principe de « l’égalité des armes ». Mais dans un cas comme celui-ci, où l’accusé a agi au nom de la société et où le procureur (qui représente la société) n’a demandé aucune peine contre lui, que peut-il se passer – alors que la victime ne peut faire appel que de ses intérêts civils ?

Ce gouvernement se vante de protéger les victimes, mais quid quand la victime est un gitan multirécidiviste ?

Décidément, dans ce procès, atypique, on a l’impression qu’il y a rupture d’équilibre.

Le gendarme est donc blanchi, mais au plus profond de lui, il doit bien savoir qu’il n’y a aucune gloire à vider la moitié de son chargeur sur un homme qui s’enfuit…

Comme il n’y avait aucune gloire pour l’antigang à fusiller Mesrine au volant de sa voiture, et encore moins à se réjouir de sa mort. Même s’il s’agissait de la pire des crapules.

Dans ma carrière, j’ai vu parfois des policiers se vanter d’avoir « flingué un truand ». Je me souviens d’une affaire de prise d’otages ou la BRI de Paris et l’Office du banditisme se disputaient la mort de deux braqueurs. Il a fallu attendre l’autopsie pour les départager. Parfois, je me demande comment ils vieillissent, ces flics d’un autre âge… Comment on vieillit.

Dans une étude qui date d’une douzaine d’années, le capitaine de police Frédérick Bertaux, auteur d’un mémoire universitaire de criminologie sur le stress et l’usage des armes dans la police, écrit : « Tuer ou blesser quelqu’un est ce qui peut arriver de pire à un policier ». Je dirais que policier ou pas, cela ne change rien. Tuer un homme est la pire des choses, du moins pour un homme normal. Et cela laisse des traces. Même les soldats sont parfois victimes de ce syndrome, comme un flash-back qui revient par intermittence, avec des interrogations sur une décision prise à chaud, en un trait de temps. Et cela, que le tir soit légitime ou pas.

Alors, Christophe Monchal pourra-t-il oublier ?

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Saint-Aignan : le tir du gendarme en question a été lu 28.374 fois et a suscité 181 commentaires.

Uriage : la justice à la peine

À la suite de la décision du juge des libertés et de la détention (JLD) de placer le suspect du braquage du casino d’Uriage sous contrôle judiciaire, et de le laisser libre, le ministre de l’Intérieur a fait part de son indignation. tableau-de-rene-magritte.jpgQuant au procureur général de Grenoble, il a estimé que cette libération était « absolument inacceptable ». Alors que dans le même temps, son vice-procureur (et aussi secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats) s’indignait, lui,  «  des déclarations outrancières » du ministre et de certains syndicats de police qui remettent en cause le travail des magistrats.

Alors évidemment, on s’interroge ! Et l’on se dit qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas : comment un ministre et le plus haut magistrat de la région peuvent-ils critiquer de la sorte la décision d’un juge ?

Et comment un juge peut-il prendre une telle décision, en apparence incompréhensible ?

Pour tenter d’y voir clair, il faut d’abord garder ses distances avec la manipulation sécuritaire actuelle et oublier les propos extrémistes de certains policiers, dont le seul but est, à l’évidence, de faire monter la mayonnaise.

La détention provisoire, qui s’appelait « préventive » avant 1970, est la décision la plus grave que peut prendre un magistrat : priver un homme ou une femme de sa liberté avant de savoir s’il est coupable ou innocent. Raison pour laquelle le juge des libertés et de la détention est choisi parmi les magistrats du siège les plus expérimentés. Mais c’est une tâche qu’il accomplit en général en sus de son travail quotidien. Sauf dans les tribunaux « riches », comme à Nanterre, où le nouveau président, Jean-Michel Hayat, a décidé (Le Monde du 4 septembre 2010) que les JLD « seraient déchargés de toutes autres tâches » Et dieu sait s’il connaît l’importance de la détention provisoire, lui qui, en 1988, alors qu’il était juge d’instruction dans ce même tribunal, a envoyé le commissaire Yves Jobic en prison sur l’intime conviction qu’il alimentait « avec l’argent de la prostitution, les finances d’un parti d’opposition (c’est-à-dire de droite) ». Sauf que tout était bidon et que Jobic a été jugé et déclaré innocent. La cour de cassation a même estimé qu’il avait été victime d’une incarcération abusive.

Comme quoi la détention provisoire peut aussi s’appliquer à un flic !

D’après l’article 137 du Code de procédure pénale, la détention provisoire doit revêtir un caractère « exceptionnel ». Et dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau, il est écrit : « Le drame d’Outreau, chacun le reconnaît, c’est le scandale de la détention provisoire ».

C’est le juge d’instruction qui saisit le JLD. Toutefois, dans certains cas, et pour des raisons de sûreté, le procureur peut le faire si le juge ne suit pas ses réquisitions.

Lorsqu’il prend une décision, le JLD doit avoir en tête deux préceptes :
•    L’article 66 de notre Constitution, qui énonce que l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle ;
•    L’article 9 de la Déclaration de 1789 qui garantit la présomption d’innocence.

Il se reporte ensuite à l’article 144 du Code de procédure pénale qui égrène les différents cas où la détention est possible.

Sa marge de manœuvre est donc strictement limitée. Et comme il peut se tromper, il est possible de faire appel de sa décision. A noter qu’il existe une procédure, dite de référé-détention, mais qui, bizarrement, ne s’applique que pour contester la remise en liberté d’une personne déjà placée en détention provisoire.

Aussi, lorsque le syndicat de police Synergie accuse le JLD de Grenoble de « forfaiture », c’est-à-dire dans ce cas du refus d’appliquer la loi, ses représentants montrent leur méconnaissance du Code de procédure pénale (qu’ils devraient pourtant connaître sur le bout des doigts) et des textes fondateurs de notre société.

A moins qu’ils ne fassent semblant…

Car il est facile de faire croire au plus grand nombre que la justice est laxiste et laisse en liberté des individus dangereux, alors que les policiers prennent tous les risques pour les arrêter… Mais ne peut-on pas aller un peu plus loin et dépasser cette approche qui frise le populisme?

Si les enquêteurs de la police judiciaire n’avaient pas sur le dos une hiérarchie affolée par un préfet-flic et un ministre en ébullition, n’auraient-ils pas agi différemment? Peut-être, à la place d’opérations poudre-aux-yeux auraient-ils pris le temps de « saucissonner » leur suspect dans une procédure béton?

Mais comment tout bien faire quand il faut tout faire vite-vite-vite…

Et naturellement, en se basant alors lapin-pays-des-merveilles.gifsur un dossier solide, la justice aurait pris le relais. Un travail d’équipe, intelligent, construit, dans le but unique de servir au mieux la justice de son pays.

Aujourd’hui, à l’évidence, on cherche à casser l’outil. À tous les échelons de la société on cache ses propres insuffisances en détournant l’attention sur d’autres. Séparer pour mieux régner, semble être la nouvelle devise de notre République. À tel point qu’il y a quelques jours, un syndicat de commissaires de police a appelé à boycotter la rentrée judiciaire de crainte que certains magistrats n’en profitent pour « stigmatiser notre action »

Je deviens parano ou l’on est en pleine paranoïa ?

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Policiers et gendarmes fusionnent hors des frontières a été lu 1 600 fois et a suscité 9 commentaires.

Les nouveaux pouvoirs des huissiers

Les détectives privés voient d’un sale œil les nouveaux moyens d’investigation que la loi devrait bientôt donner aux huissiers de justice. En gros, toutes les administrations, nationales ou locales, ainsi que les plaque huissier-de-justice_site_lyon-entreprises.1282892151.jpgentreprises contrôlées ou concédées par l’État, les régions, les départements et les communes, auront l’obligation de leur fournir les renseignements qu’ils sollicitent. Il s’agit le plus souvent d’informations concernant l’identité, la situation de famille, l’employeur, les débiteurs, le patrimoine immobilier, etc.

À ce jour, par exemple, même s’ils ont accès au FICOBA (fichier national des comptes bancaires et assimilés), ils doivent se rapprocher du procureur de la République pour obtenir des informations bancaires. Ce ne sera plus le cas. Les banquiers devront répondre aux demandes des huissiers sans pouvoir leur opposer le secret professionnel. Il est vrai qu’il y a tellement de gens qui ont accès à nos comptes, qu’on peut se demander s’il existe encore un secret bancaire…

Idem pour la poste, les impôts, la caisse d’assurance-maladie, les caisses de retraite, etc.

Il est certain qu’avec ces nouvelles mesures, les huissiers vont gagner en efficacité et en rapidité. Et surtout y gagner tout court. Cela va sans doute dans le sens d’un désengagement de l’État dans les procédures civiles…

Dans la foulée, il est même question de leur donner un pouvoir encore plus exorbitant, un pouvoir que même les officiers de police judiciaire ne possèdent pas (sauf exceptions) : la force probante de leurs constatations. Il s’agit d’ailleurs d’une décision annoncée par Mme Alliot-Marie dans un discours du mois de décembre 2009.

Cela signifie qu’il deviendra quasi impossible de contester un constat d’huissier, que ce soit pour un litige privé (divorce, garde des enfants, bail locatif…), professionnel (absence injustifiée, contrôle des déplacements, des frais…) ou commercial (marchandise non conforme, concurrence déloyale…).

Ce constat, qui est déjà une arme redoutable dans une procédure, va donc devenir une arme fatale.

Pour cela, il faut modifier le statut de l’huissier de justice, qui date de 1945. Mais cette perspective doit gêner certains élus aux entournures, car le texte a été modifié, supprimé, rajouté… Aux dernières nouvelles, il est maintenu.

Que se passera-t-il si l’huissier a commis une erreur ? Comment la victime de cette erreur pourra-t-elle justifier de sa bonne foi ? La responsabilité de l’huissier sera-t-elle engagée ?

Plein de questions sans réponse.

On les bichonne nos huissiers. Ainsi, ils se plaignent de rencontrer de plus en plus de difficultés pour pénétrer dans un immeuble : plus de concierges, digicode électronique, etc. Eh bien, le législateur écrit sans sourciller que le propriétaire ou le syndic doit leur permettre d’accéder aux parties communes. Et, incapable d’expliquer comment faire, il botte en touche : « Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. »

En attendant, les détectives privés s’interrogent sur leur avenir. « Je suis outré, m’a dit l’un d’entre eux. Cette corporation (des huissiers) ne pense qu’à faire des actes. Ils profitent d’un système inique… D’autant que c’est la porte ouverte à tous les abus… » detective_site_privedetective.jpg

Il faut dire que pour les cabinets qui se sont spécialisés dans la recherche des débiteurs, c’est un véritable coup bas. Du jour au lendemain, ils vont perdre toute leur clientèle. En effet, pourquoi s’adresser à des enquêteurs privés qui obtiennent des renseignements par la bande, alors que les huissiers pourront agir officiellement – et en plus, aux frais du débiteur ?

Et l’on peut penser que les sociétés de recouvrement vont également souffrir de cette concurrence. C’est pourtant dans ce domaine que les huissiers sont le plus critiqués, car, profitant de leur statut d’officier ministériel, ils ont souvent tendance à mélanger leur action publique et leur activité commerciale.

Pour faire simple, il faut se rappeler que si l’huissier de justice dispose de certains pouvoirs lorsqu’il agit en vertu d’un titre exécutoire délivré par un juge, ou dans certains domaines précis, comme les chèques impayés, dans les autres cas, il fait du bizness. C’est d’ailleurs une profession libérale classée dans le haut de la grille des rémunérations.
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Les deux billets sur les Verts et la sécurité ont été lus 25 450 fois et ont suscité 130 réactions. Des réflexions souvent pertinentes. J’espère que le « ministre de l’Intérieur Vert » en tiendra compte, en 2012.smiley.png

Les Verts et la police (2)

Ce débat des Verts sur la sécurité méritait mieux qu’un billet écrit sur la tablette d’un TGV, entre  Nantes et Paris. J’ai donc tenté de déchiffrer mes notes, non pas pour faire une synthèse, ce qui serait présomptueux, mais juste pour donner un petit coup de projecteur sur ce qui m’a semblé le plus important. Il ne s’agit donc pas d’un compte-rendu fidèle, mais d’un choix, forcément subjectif.bonhomme-vert-berlin-ampelmann_pause-blogstopcom.1282550589.jpg

Un peu de mansuétude, s’il vous plaît, ce n’est pas mon métier. Je ne suis pas journaliste.

On souhaite, m’avait expliqué grosso modo Pierre Januel, le responsable de la Commission justice des Verts, réfléchir à la mise en œuvre d’une politique de sécurité en phase avec nos valeurs.

Je crois qu’à travers ce débat, il y a déjà matière à réflexion…

jacques-de-maillard_photo-perso.1282550194.jpgJacques de Maillard* note l’épuisement du système français, ce qui entraîne une sorte de course en avant. D’un côté les violences et les outrages contre les policiers sont en augmentation constante, de l’autre, pour faire face, on renforce l’armement et les moyens de protection. Un cercle vicieux.  Sur ce point, je le rejoins : la police se coupe de plus en plus de la population.

Pour lui, il faudrait reconsidérer le métier de policier dans sa culture, son organisation… Et réformer le système de recrutement national, qui aboutit à voir des fonctionnaires parfois parachutés dans une région ou une ville qu’ils ne connaissent pas, et qui n’ont qu’une envie : retourner chez eux.

Sur la police de proximité, il note que l’échec antérieur – relatif – est le résultat d’un manque de préparation et de réflexion. Les résultats de la polprox sont encourageants dans plusieurs pays proches de nous, et il ne voit pas pourquoi cela ne fonctionnerait pas en France.

Il s’insurge également contre les indicateurs actuellement utilisés pour évaluer la police : ils sont limités, d’une fiabilité douteuse, et surtout, internes. Il leur manque un élément essentiel : la perception du public.

Enfin, dit-il, le discours guerrier du Président et du Gouvernement se situe dans « une logique de non-dit : la crainte du renouvellement des événements de 2005 ».

Et il conclut en regrettant que l’action de la police ne soit pas incluse dans une véritable réflexion globale.
Je suis là aussi d’accord avec lui : cette politique du coup pour coup, que j’appelle un politique de récré, n’est pas à la hauteur des enjeux d’une société.

michel-marcus_photo-ffsu.jpgMais qui dit sécurité, ne dit pas seulement police ou gendarmerie, mais également justice, reprend Michel Marcus*. La justice a peu à peu été transformée en « appareil policier ». Il est vrai que le parquet n’a jamais été aussi proche de la police. Et il opte pour la création d’un « procureur général » qui aurait autorité sur toutes les personnes qui sont habilitées de par la loi à relever une infraction pénale. Autrement dit à coller le moindre P-V. Et ce haut magistrat ne serait pas sous la coupe du garde des Sceaux, mais n’aurait de comptes à rendre qu’au Parlement. Pour moi, c’est une idée révolutionnaire : la justice proche des élus, donc proche du peuple.

Pour Michel Marcus, il faut commencer par définir la criminalité et la délinquance, et ne pas tout mettre dans le même panier. Sécurité humaine (citant Corinne Lepage), sécurité de l’environnement…, jusqu’à la délinquance financière (applaudissements dans la salle). Comme il a été rapporté dans le billet précédent, il place la médiation au cœur des conflits (se parler plutôt que de se battre) et il souhaiterait que la prévention soit inscrite dans la Constitution, au même titre que le principe de précaution. Rappelant au passage qu’en Allemagne, le rôle premier de la police est de faire de la prévention, et non de la répression.

Il note la montée en puissance des polices municipales et attire l’attention des maires sur les nouvelles compétences qu’ils pourraient récupérer du jour au lendemain, par  la simple volonté du législateur (en donnant de nouveaux pouvoirs à la police municipale, on donne de nouvelles responsabilités aux maires dans un domaine qui n’est pas le leur : le pénal). Il pense également qu’il faut se pencher sur la sécurité privée, dont le champ s’élargit chaque jour.

En conclusion il rappelle qu’en matière de lutte contre l’insécurité, la France a des résultats plutôt moyens au niveau européen. Il souhaite, comme Jacques de Maillard, que la population soit associée à l’évaluation de la police, via par exemple des associations, comme en Grande-Bretagne, et que les enquêtes sur les bavures policières soient publiques.

emilie-therouin_photo-perso.jpgQuant à Emilie Thérouin*, femme de terrain à Amiens, elle est passionnée et intarissable sur le sujet. Et elle sait mettre en harmonie théorie et pratique. A son avis, la police municipale ne doit pas empiéter sur le domaine de la police nationale, mais avoir une action complémentaire, plus proche des gens. « Police nationale et police municipale sont liées par un contrat aux compétences strictement définies, où la police municipale se tourne clairement vers la relation avec le citoyen. »

C’est la médiation au quotidien. Sur son blog, j’ai noté cette phrase qui m’a bien plu : « Il est urgent de redéfinir le rôle et la place de la police dans une politique de sécurité, dans la société, dans la cité.  Dépourvue de doctrine d’emploi, la police a plus que jamais besoin d’une vision… »

Pas mieux !

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* La présentation des personnes citées a été faite dans le billet précédent : Et si le ministre de l’Intérieur était Vert, qui a été lu 17 724 fois et a reçu 41 commentaires.

Et si le ministre de l'Intérieur était Vert…

Ç’aurait pu être un débat surréaliste, cette idée des écolos de plancher sur le thème de la sécurité. Un rien deuxième degré. Et pourtant, non, c’était sérieux, et les gens étaient nombreux dans ce petit amphi de la fac de droit de Nantes. 

bonhomme-vert-berlin-ampelmann_pause-blogstopcom.jpgOn sentait bien qu’il s’agissait d’une approche. Un peu de curiosité sans doute. Déjà que les Verts sont un peu entortillés pour savoir jusqu’où ils peuvent ne pas être de gauche, on pouvait se demander comment ils allaient aborder ce sujet de société.

Je figurais parmi les invités, mais comme je ne peux pas me citer, on va oublier. Disons que j’ai parlé avec mon cœur du désamour de la police.

Jacques de Maillard, enseignant-chercheur en science politique à l’IEP de Grenoble, a dressé un tableau de la police française, pointant certains dysfonctionnements. Son exposé mettait en exergue le conservatisme d’une maison qui n’arrive pas à se remettre en cause. C’est du moins l’impression que j’ai ressentie en l’écoutant. Si l’on compare avec l’évolution récente de la police britannique (l’un de ses thèmes de réflexion) on se dit, pour utiliser un vocabulaire à la mode, qu’on est en retard d’une guerre.

Michel Marcus, qui est magistrat, et délégué général du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU), estime qu’un ministre de l’Intérieur « vert » (mais je pense que ce n’est pas une question de couleur) doit d’abord définir la criminalité et la délinquance. Et se poser la question qui dérange : pourquoi la politique de la ville est un échec depuis trente ans ? Parmi ses propositions (nombreuses) j’en ai noté une, facile à mettre en œuvre : placer la médiation au cœur de notre système, comme le fait la commune de Pierrefitte-sur-Seine. C’est vraiment une idée maîtresse. Car, c’est un paradoxe de notre société, on dépense un fric fou pour communiquer et ce qui manque le plus à notre vie sociale, c’est justement la communication. Ce qu’on pourrait appeler le syndrome de dièse. Vous savez, appuyez sur étoile, sur dièse…

Avec Emilie Thérouin, on passe de la théorie à la pratique. Adjointe au maire d’Amiens, cette écolo est chargée de la « sécurité et de la prévention des risques urbains ». Une ville d’environ 150 000 habitants qui dispose d’une police municipale conséquente. Et pour elle, il y a complémentarité avec la police nationale. Elle souhaite, si j’ai bien compris, que les élus locaux renforcent leurs relations avec les policiers et les gendarmes et qu’ils ne se réfugient plus derrière l’aspect faussement régalien de la sécurité publique. Elle argumente également pour l’élaboration d’une « doctrine écolo de la sécurité ».

Il paraît qu’à Amiens, le vélo est de mise pour les policiers municipaux, je me demande si en 2012, l’antigang fera ses filoches en voitures électriques… 180px-smileysvg.1282493190.png

police-municipale-a-velo_blog_emilie-therouin.1282473277.JPGIl semble que de leur côté, les socialistes travaillent également à un projet sur les problèmes de sécurité. Le sujet n’est donc plus l’apanage du président de la République. Mais entre nous, si la campagne pour les prochaines Présidentielles tourne autour de ce thème, on va s’emmerder.

Ne faudrait-il pas élever un petit peu le débat : jusqu’où veut-on aller dans l’effritement des libertés individuelles pour se sentir en sécurité ?

Pour plus de détails, on peut lire sur ce blog Les Verts et la police. (Le vélo a été volé sur le blog d’Emilie Thérouin.)

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Votre webcam vous surveille a été lu 65 087 fois et a suscité 132 commentaires. Moi, je ne ferai pas de commentaire. Depuis que ce blog existe, j’ai noté deux sujet qui déclenchent des réactions frénétiques : la période de l’Occupation et l’informatique. Donc, deux sujets de réflexion…

Encore faut-il prouver la légitime défense…

L’incompréhension prime à la suite de l’incarcération de ce septuagénaire qui a blessé deux jeunes filles avec son fusil de chasse. Une pétition circule parmi les habitants de Nissan-Lez-Enserune pour soutenir « Papy René », comme l’appellent les internautes.

code-penal_francesoir.jpgLe procureur de la République estime que la légitime défense n’est pas certaine, alors que le citoyen répond : Si des cambrioleurs pénètrent chez moi, j’ai le droit de les tuer.

Et l’air de rien, on soulève un débat vieux comme le droit pénal.

S’il est assez simple de comprendre la légitime défense des personnes (proportionnée à l’attaque, actuelle, etc.), on a plus de mal à assimiler les subtilités qui s’appliquent à la défense des biens. Il faut dire que souvent les deux se combinent : le cambrioleur surpris en flagrant délit ne va-t-il pas devenir violent pour protéger sa fuite ?

Même le législateur, en 1986, s’est montré perplexe.

Lorsque le gouvernement a voulu fondre la légitime défense des personnes avec celle des biens, les députés s’y sont opposés, de crainte des excès qui auraient pu résulter d’une telle loi. En revanche, les sénateurs y étaient favorables. Résultat : un texte de compromis, avec des critères spécifiques à la légitime défense des biens.

Tout d’abord, il doit s’agir de repousser un crime ou un délit flagrant – ce qui exclut les contraventions. Si un type file un coup de pied dans la portière de votre voiture, vous n’êtes pas autorisé à lui péter le nez.

Ensuite, le but est de mettre fin à l’infraction (le plus souvent un vol). Une fois celle-ci terminée, la défense n’est plus légitime. Autrement dit, on ne tire pas sur un cambrioleur qui s’enfuit, ou qui se rend. Enfin, l’article 122-6 du Code pénal parle d’une riposte « strictement nécessaire ». Pour les juges, cela signifie qu’il doit y avoir des sommations, ou pour le moins une sérieuse mise en garde, avant, par exemple, d’utiliser une arme. Et si malgré tout, le voleur refuse de se rendre ou de s’enfuir, alors l’usage de la violence est « autorisé ». Il faut dire que devant un gaillard qui fait front, on a vite fait de passer de la défense de ses biens à celle de sa peau…

C’est en application de ce « principe d’avertissement » que les pièges à feu ne peuvent se justifier que si des pancartes bien lisibles signalent leur présence. C’est un peu le panonceau « Attention chien méchant » de nos villas de banlieue.

De plus, les moyens utilisés doivent être proportionnés à la gravité des faits. Une notion plutôt subjective. Là où un homme dans la force de l’âge peut se contenter d’un bâton, un vieillard devra prendre un fusil… Mais parmi toutes ces subtilités juridiques, il y a une certitude : un homicide volontaire ne peut jamais être considéré comme un acte de défense d’un bien. Quelle que soit la valeur du bien. « Le gardien du Louvres qui tuerait un individu pour l’empêcher de détruire la Joconde ne pourrait donc pas être déclaré irresponsable sur le fondement de l’article 122-5.»*
Autrement dit, s’il y a mort d’homme, celle-ci ne doit pas être voulue, mais la conséquence inattendue d’une accumulation de circonstances. Cette règle interdit de facto l’usage de pièges qui seraient destinés à tuer et non à blesser.

Enfin, sauf dans l’un des deux cas de présomption (intrusion de nuit dans un lieu habité ; vols ou pillages exécutés avec violences), il appartient à la personne poursuivie de démontrer qu’elle a agi en état de légitime défense…

Mais de toute façon, il y aura une enquête.

Il faut noter combien le rôle du policier ou du gendarme est important dans ce type d’affaire. Les constatations sont capitales. Le procès-verbal doit mentionner chaque détail (description des lieux, éclairage, emplacement des protagonistes, endroit où se trouvait l’arme, etc.). Et, lorsque c’est possible, rien ne vaut une reconstitution dans les heures qui suivent.

La plupart du temps, l’opinion publique a du mal à admettre l’enquête, la garde à vue, la mise en examen… Et dans le cas présent la mise en détention. Comme dit le maire de Nissan-Lez-Enserune, on pourrait se contenter d’un contrôle judiciaire…

Dans un sens, il a raison. Mais, outre la crainte d’un trouble de l’ordre public, en laissant René Galinier rentrer chez lui, ne risquait-on pas de donner l’impression que chacun a le droit de se faire justice ?

flic_indecis_lesso.jpgC’est le cauchemar du législateur, ce qui explique sa grande prudence. La crainte que certains ne confondent légitime défense et « permis de tuer ».

*Droit pénal général, de Frédéric Desportes et Francis Le Gunehec, éditions Economica.

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L’autopsie, « dans le respect dû au mort » a été lu 12 313 fois et a suscité 18 commentaires.

L’autopsie, « dans le respect dû au mort »

Formule traditionnelle utilisée dans les réquisitions judiciaires, le respect dû au mort n’est pourtant pas un impératif du Code de procédure pénale. Rien n’est prévu. Aucun article n’encadre l’autopsie. Une loi pourrait prochainement modifier les choses.

chirurgien_blog-ecole-normale-de-filles-doran-volet.pgL’autopsie est systématique en cas de mort criminelle ou suspecte. Mais elle est souvent demandée par le procureur pour rechercher si les causes du décès peuvent avoir un lien avec une maladie, une opération chirurgicale, un accident, etc.

Il s’agit, pour les députés, de réglementer l’acte, la procédure…, mais aussi de renforcer les droits de la famille. Notamment « l’obligation de la restitution du corps dans des conditions préservant le respect dû au cadavre et la dignité des proches du défunt ». Comme c’est le cas pour les autopsies d’ordre médical.

Cela ne veut pas dire qu’aujourd’hui, on fait n’importe quoi. L’homme de l’art ne se livre pas sur un mort à des pratiques de potaches, de celles qu’on imagine dans les facultés de médecine… Et même si parfois quelques plaisanteries fusent, c’est pour mieux faire retomber la pression, tant l’atmosphère d’une autopsie est accablante. Je n’ai jamais sondé l’âme d’un légiste, mais peu de policiers restent insensibles devant ce corps nu, qu’on ausculte de l’intérieur. Et la Brasserie de l’Aubrac, située en face du quai de la Rapée, a vu plus d’une fois, au petit matin, deux ou trois individus pâlichons pousser la porte du bistroquet et, sans un mot, s’enfiler un verre de rhum.

Pourtant, par le passé, il y a eu de sérieux dysfonctionnements. Des boulettes, comme dans l’affaire Markovic, où la première autopsie n’avait pas révélé la balle, dans la tête de la victime. Mais aussi des erreurs psychologiques, lorsque les traces de l’intervention sont trop visibles, au point qu’il est bien difficile de présenter le corps à la famille. Je me souviens d’un homme que les parents ont refusé d’identifier, tant il était méconnaissable. Des années plus tard, ils étaient venus me trouver pour savoir s’ils pouvaient faire procéder à une exhumation en vue d’un test ADN. « Vous comprenez, on veut être sûrs », m’avaient-ils dit.

C’est un cas extrême. Mais il faut reconnaître que les enquêteurs, les légistes et les magistrats, obnubilés par la recherche de la vérité, se montrent parfois d’une insensibilité choquante.

On peut toutefois se demander si cette modification du Code de procédure pénale n’arrive pas un peu tard… N’est-on pas à la veille d’une nouvelle technique : l’autopsie virtuelle, ou « virtopsie ».

« C’est à mes yeux la révolution médico-légale du début du XXI° siècle », nous dit le docteur Bernard Marc, dans son livre Profession : médecin légiste, aux éditions Demos (que j’ai eu le plaisir de préfacer). Il s’agit profession-medecin-legiste.jpgd’un procédé qui permet de découper le cadavre en rondelles – sans le toucher. Avec l’énorme avantage de pouvoir se repasser l’enregistrement autant de fois que nécessaire, sans limitation dans le temps. Il est probable que dans les années à venir, cette technique remplacera un bon nombre d’autopsies traditionnelles.

Cette loi, visant à l’encadrement des autopsies judiciaires, donnera également aux proches la possibilité de réclamer le corps au bout d’un mois. Ce qui évitera des situations invraisemblables, comme la triste histoire de cette petite fille de quatre ans, citée dans Le Monde, dont les parents ont dû attendre plus de six mois avant de pouvoir l’enterrer.

Si nos parlementaires veulent ajouter un zeste d’humanité dans l’exercice de la justice, on ne peut que les encourager. C’est une démarche suffisamment inhabituelle pour mériter un petit coup de chapeau.

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Réforme de la GAV : une chance pour les policiers a été lu 22 012 fois et a suscité 79 commentaires. Certains lecteurs ont soulevé le problème de la retenue douanière, qui est de 24 heures comme la GAV, et 48 heures avec l’accord du procureur. On doit forcément aller vers une procédure à l’identique (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui), sinon, cela voudrait dire que les histoires de gros sous sont plus importantes que tout le reste. Ce qu’on ne peut croire…

Réforme de la GAV : une chance pour les policiers

« Le lobby flicophobe vient de trouver un nouvel allié ! » annonce dans un tract récent Synergie-Officiers. De qui s’agit-il ? De son concurrent (majoritaire), l’UNSA/SNOP, dont le représentant a osé affirmer dans Le Monde que homme-menotte_photo-pero.jpgl’explosion des GAV était une conséquence de la « politique du chiffre ». Et, dans ce brûlot, Synergie fustige « ces pleureuses insincères, qui discréditent (par intérêt ?) toute une profession pour mieux hurler à l’unisson avec les éternels contempteurs de la Maison Police. »

Texto !

Il y a eu la guerre des gangs, la guerre des polices, et aujourd’hui c’est la guerre des syndicats de police.

Bien sûr, chacun a le droit de s’exprimer. Oui, mais lorsqu’on relève dans cette tirade des termes comme « lâcheté atavique » ou « hiérarchie génétiquement couarde », on est en droit d’être inquiet. Car ce sont des officiers de police qui parlent à d’autres officiers de police.

Pourquoi une telle violence verbale ? Uniquement pour défendre la garde à vue ?

extrait-tract-synergie-officiers.JPG

Si c’est le cas, on s’interroge : Pourquoi les policiers défendent-ils avec autant d’acharnement la garde à vue ?

Je crois que la réponse se trouve dans une succession d’erreurs, tant de la part de la hiérarchie que de la magistrature. On leur a fait croire que la GAV était un pouvoir qui leur appartenait. Qu’ils avaient le droit de priver quelqu’un de sa liberté sans avoir à se justifier.

Pourtant, on comprend bien qu’il s’agit là d’une décision grave, qui devrait être mûrement réfléchie et réservée aux cas extrêmes – surtout dans les conditions matérielles que l’on connaît. Alors qu’aujourd’hui, c’est la routine : on met en garde à vue et l’on réfléchit après.

Donc, en censurant la GAV, ces policiers ont l’impression d’un désaveu, on jette le doute sur leur probité. C’est un peu comme si on les désarmait de crainte qu’ils ne se montrent dangereux.

Pourtant, cette mesure ne se justifie que pour la raison simple qu’on n’a trouvé à ce jour aucune autre pratique pour assurer une enquête de police judiciaire. C’est donc un pis aller.

C’est le gouvernement de Vichy qui a réglementé la GAV. Sous couvert d’empêcher les évasions, il a organisé la privation de liberté, avec fouilles à corps, cellules aménagés, etc. À la Libération, malgré les réserves formulées par les commissaires de police et même par le ministre de l’Intérieur, cette mesure a perduré.

La GAV, telle qu’on la pratique aujourd’hui, a été officialisée par le Code de procédure pénale, en 1958. Et depuis, contrairement à ce que l’on pense, son évolution a toujours été dans le sens d’une augmentation des droits de la personne (formalisme procédural, information d’un proche, médecin, avocat…). Droits qui n’ont aucun rapport avec l’enquête et qui découlent uniquement de la privation de liberté.

Alors, pourquoi, en quelques années, est-elle devenue… insupportable ?

Ce n’est pas la mesure qui est en cause, mais la manière dont elle est appliquée.

Les policiers qui rouscaillent après le Conseil constitutionnel ne voient pas plus loin que le bout de leurs menottes. Ils vivent dans le passé. Cette réforme qui doit intervenir est au contraire l’événement que peut permettre de dépoussiérer la procédure et de faire évoluer leur métier. Le principe de base du judo : si tu me pousses, je te tire. Au lieu de balancer des injures, ils devraient faire jaillir des idées, des propositions. Si l’avocat participe à la GAV, par exemple, plutôt que d’en faire un ennemi, pourquoi ne pas en faire une sorte de collaborateur ? Ne pourrait-il pas rédiger lui-même les actes qui visent à la protection des droits de la personne et des droits de la défense ? flics_blog-jipad.jpgPrévenir un proche, chercher un médecin, trouver les médicaments, autant de démarches qu’il pourrait prendre à sa charge. Après tout, le gardé à vue est son client, non ! Et le secret de l’enquête ? diront certains. Tout comme le policier, l’avocat est tenu au secret professionnel. De plus, de par sa présence, il va « cautionner » les actes, les auditions, les aveux qui, du coup, prendront un caractère quasi irréfragable (en droit privé, le contreseing de l’avocat fait l’objet d’un projet de loi).
Il deviendrait alors possible de simplifier le formalisme procédural, et se contenter d’enregistrements sonores ou vidéos. Moins de papiers à rédiger, donc, plus de temps pour les investigations. Donc, des enquêteurs moins statiques, plus efficaces.

Autrement dit, si demain l’avocat est présent lors de la GAV, il faut le responsabiliser – et le faire travailler.

Mais toucher uniquement à la GAV serait une erreur. Il est nécessaire d’aller plus loin, d’en profiter pour revoir les procédures de l’enquête préliminaire et de flagrant délit. Et alors, les officiers de police judiciaire ne pouvant plus être soupçonnés d’en abuser, sans doute pourront-ils  se voir octroyer plus de prérogatives, plus de responsabilités, plus de pouvoirs, comme cela se passe dans d’autres pays.

(Le dessin provient du blog de Jipad.)
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Le crime de sang, ce truc d’un autre âge a été lu 22 865 fois et a suscité 113 commentaires. D’autres, outranciers, ont été supprimés. Et pour répondre à je ne sais plus qui, je n’ai jamais eu le plaisir de travailler aux archives, ni de conduire la voiture du directeur.

Liliane et les quarante voleurs

L’année dernière, Tracfin a reçu 18 104 informations, dont 17 310  « déclarations de soupçon » transmises par les établissements financiers. Y avait-il dans le nombre une note concernant les liasses fernandel-dans-ali-baba-et-les-40-voleurs.jpgde billets retirées chaque semaine du compte bancaire de Mme Bettencourt ?

Si ce n’est pas le cas, son banquier devrait se faire taper sur les doigts, car il a l’obligation de déclarer les déplacements d’argent liquide (de mémoire, à partir de 8.000€).

Mais si c’est le cas…

Pour comprendre le processus, il suffit de se souvenir des mésaventures de Julien Dray. La banque attire l’attention de Tracfin sur des mouvements de fonds suspects. Rien à voir avec Bettencourt. Le député socialiste ne joue pas dans la cour des grands : seulement 300 000 euros étalés sur trois ans.

Après une enquête poussée, la cellule antiblanchiment pond un rapport de 37 pages (qu’on retrouve dans la presse) qui est transmis au procureur de la République. Lequel, derechef, ouvre une enquête préliminaire.

Il semble que l’interprétation du droit soit différente dans l’affaire Bettencourt. Si l’on comprend bien, le procureur de Nanterre était au courant de possibles fraudes fiscales de la milliardaire (avait-il été informé par Tracfin ?), et il n’a pas ouvert d’enquête, se contentant d’en aviser le fisc. Le parquet ne pouvant, d’après ses dires, « décider seul de se saisir d’un fait de fraude fiscale ».

Puis, finalement, on apprend par le JDD, qu’il vient de transmettre « une analyse juridique » à son supérieur hiérarchique, le procureur général de Versailles. Autrement dit, on attend à présent le feu vert de la chancellerie.

Et un petit mot de MAM ?

Je ne sais pas vous, mais moi, je m’y perds un peu. La fraude fiscale est un délit puni de cinq ans de prison. Et le procureur ne serait pas compétent pour engager des poursuites ? Oui, oui, me dit-on, il faut que l’administration fiscale dépose plainte. Mais ici, s’agit-il vraiment de fraude fiscale ? Ne peut-on pas imaginer qu’il se cache autre chose derrière ces mouvements considérables d’argent liquide ? Un autre délit, peut-être.

Ah, les arcanes de la justice…

50 000 € d’argent de poche par semaine ! Pour nous, 50 000 €, c’est un, deux, trois… cinq ans de salaire ou de retraite… Forcément, on s’indigne, et l’on s’interroge : Que pouvait bien faire Liliane Bettencourt de ces espèces sonnantes et trébuchantes ?

Des emplettes ? Impossible au-delà de 3000 € en espèces.

Arroser les partis politiques ? Interdiction de dons en espèces supérieurs à 150 €.

Alors ? Alors, il nous vient un doute. Et si cette vieille dame n’avait jamais vu la couleur de ces billets ? Et si elle était entourée d’une bande d’aigrefins en train de consciencieusement  piller sa fortune ?

Et si la fifille n’avait pas tout à fait tort ?

vautour_lucky-luke.1278235337.jpgIl y a comme un parfum nauséabond autour de l’héritage de l’Oréal. Les milliards de Bettencourt, c’est un peu la caverne d’Ali Baba, il ne reste plus qu’à identifier les quarante voleurs.

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En raison de problèmes techniques récurrents, impossible de donner des chiffres sur le dernier billet.
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