LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Gendarmerie (Page 9 of 14)

Enquête pour « Recherche des causes de la mort »

Après la mort de la comédienne Marie-France Pisier, dont le corps a été retrouvé à 4 heures du matin dans la piscine de sa résidence, dans le Var, le procureur et les médias ont fortement insisté sur l’aspect non-criminel de l’enquête de police. Il s’agit de rechercher les causes de la mort, sans plus, a-t-on répété à l’envi.

marie-france-pisier.1303721616.jpgEt de s’interroger : La  procédure est-elle la même pour une célébrité ou pour un SDF découvert gélé sous ses cartons ?

La réponse se trouve dans le Code de procédure pénale – qui, lui, ne tient pas compte de la personnalité de la victime.

Peu importe que la raison de la mort paraisse évidente (noyade, pendaison, blessure par balle, etc.), ce qui interpelle, ce sont les circonstances qui ont conduit au décès. S’il subsiste la moindre interrogation, l’enquêteur doit faire son métier : enquêter. S’agit-il d’un suicide ? d’un accident ? d’un crime maquillé en suicide… En revanche, un décès violent sur la voie publique qui ne présenterait aucune difficulté particulière (comme le SDF), entrerait, lui, dans le champ d’une procédure civile.

Depuis la loi de mai 2009, qui vise à la simplification et la clarification du droit, le texte prévoit que l’OPJ peut faire usage des articles 56 à 62 du Code de procédure pénale, c’est-à-dire la procédure dite de flagrance, mais, c’est là la différence, non pas à son initiative, uniquement sur instructions du procureur de la République. L’enquêteur possède donc les mêmes prérogatives qu’en enquête criminelle : auditions, confrontations, perquisitions, saisies, réquisitions (par exemple, aux opérateurs téléphoniques), etc., sans pouvoir toutefois utiliser la contrainte de la garde à vue.

L’une des différences tient à l’autopsie, qui du coup devient quasi obligatoire… C’est quand même le meilleur moyen d’identifier les causes de la mort. Ce n’était pas le cas par le passé. C’est ainsi que dans l’affaire Boulin, dans un premier temps, à la demande de la famille, il n’y a pas eu d’autopsie mais seulement un examen clinique du corps. Il en a été différemment, si j’ai bonne mémoire,  pour Claude François, qui est mort électrocuté dans sa salle de bains.

À noter que cette procédure a été étendue aux blessures graves, dans l’hypothèse où la victime ne peut pas s’expliquer. Comme ce serait le cas pour une personne sérieusement blessée par balle à son domicile, l’arme à portée de la main.

Si aucun élément nouveau n’intervient dans les premiers jours de l’enquête sur la recherche des causes de la mort, le procureur peut alors décider de classer le dossier ou de poursuivre les investigations en enquête préliminaire. Toujours sans possibilité de garde à vue – puisqu’à ce stade, il n’existe pas d’infraction.

Si une infraction est découverte, sans parler de crime, par exemple non-assistance à personne en danger ou le cas  particulier du suicide assisté, l’OPJ devra prendre soin d’ouvrir une enquête préliminaire distincte.

Avant la loi de 2009, les pouvoirs de l’OPJ se limitaient, en théorie, à l’article 74 : constatations et réquisitions. Dans la pratique, il poussait souvent plus loin, cherchant à cerner l’environnement de la personne décédée (était-elle suicidaire ? Avait-elle des problèmes particuliers ? ). Et tentait également de recueillir des témoignages. Mais pas question par exemple de faire une perquisition ou de fouiller une voiture. Quant à l’autopsie, c’était selon.

Lorsqu’il n’y a aucune trace de violence, c’est souvent le médecin qui mettra en branle l’enquête pour mort suspecte, simplement en émettant des réserves sur le certificat de décès, ce qui aura pour conséquence d’interdire la délivrance du permis d’inhumer par le maire.

Aujourd’hui, entre une enquête pour recherche des causes de la mort et une enquête en crime flagrant, en dehors de la garde à vue, il n’existe quasiment aucune différence. Sauf que dans un cas, on cherche un suspect, et dans l’autre, il s’agit de déterminer s’il y a eu ou non une infraction criminelle.

L’histoire sans fin de la garde à vue

Après un premier élan positif, les avocats traînent à présent des pieds. Ils ont un peu l’impression d’un marché de dupes. Et là, je ne parle pas de leurs honoraires, puisqu’il s’agit, à lire certains commentaires du billet précédent, d’un sujet chaud, mais de leurs prérogatives durant la garde à vue.

Ils en veulent plus : parler librement avec leur client, poser des questions à l’issue des auditions, participer aux perquisitions… Mais ils souhaitent surtout accéder à l’intégralité de la procédure.

petite-fille-menottes-copie.1303208256.jpgEn deux mots, ils veulent avoir en main suffisamment d’éléments pour représenter leur client, et non pas servir d’alibi à une réforme en mi-teinte.

Pas question pour autant de bloquer le système, mais plutôt, suggère le bâtonnier de Paris, de faire des remarques écrites. Jointes au dossier, elles pourront ensuite être soumises au juge qui (sous-entendu) pourra vérifier la conformité de la procédure avec l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Ce qui risque de gonfler sérieusement les contentieux. D’autant qu’à ce jour, il n’a rien été prévu pour les procédures déjà effectuées. En effet, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a déclaré nulles « sans délai » les gardes à vue effectuées sans l’assistance effective d’un avocat, mais elle ne s’est pas penchée sur le passé…

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que la plus haute juridiction française a été saisie de faits précis. En l’occurrence, quatre étrangers placés en garde à vue, puis en rétention, pour séjour irrégulier. Alors que la Cour d’appel de Lyon avait jugé la procédure régulière, celle de Rennes l’avait au contraire invalidée.

Dans sa décision du 15 avril, la Cour de cassation s’est prononcée sur deux questions :

–      Les dispositions régissant la garde à vue sont-elles conformes à la Convention européenne ;

–      et sinon, l’effet doit-il être immédiat ou différé dans le temps.

À la première question, réponse claire : Pour que le droit à un procès équitable soit respecté, « il faut, en règle générale, que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires ».

Et dans la foulée, elle a répondu à la seconde en optant pour une application immédiate, dans la mesure où les « États adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont tenues de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation ». (À noter, pour répondre à certaines questions, que ce ne sont pas les policiers qui doivent respecter les décisions européennes, mais les États.)

Une décision conforme à celle du Conseil constitutionnel qui, lui, avait cependant estimé que « l’inconstitutionnalité » ne prendrait effet qu’au 1er juillet 2011.

D’où cette application en catastrophe.

Quel manque de clairvoyance dans les hautes sphères de l’État ! Et alors qu’on a l’impression que rien n’est réglé, les parlementaires se tete-dans-le-sable_christianaubry.1303208797.pngpenchent déjà sur une nouvelle réforme : la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs.

Parfois, on a envie de faire « pause ». Quant à moi, je me demande si la seule réforme qui vaille la peine ne serait pas celle de cette Constitution archaïque qui fait de la France un pays de moins en moins républicain et de plus en plus ridicule.

Garde à vue : le pataquès !

shadok-escalier_castaliefr.1303022469.jpgD’après ce qu’on raconte, ces premières heures de la nouvelle garde à vue se sont plutôt bien déroulées. Et la hotline de la préfecture de police n’a même pas tiédi. Il faut dire que policiers, gendarmes et avocats ont fait au mieux  pour s’adapter à la loi pondue en catastrophe par nos parlementaires – sauf que cette loi ne sera applicable qu’au 1er juin, comme l’indique l’article 26.

Nous sommes donc dans la situation paradoxale suivante : D’un côté, une loi qui n’est pas applicable avant plusieurs semaines, et de l’autre, une décision de la Cour de cassation qui prescrit une application immédiate.

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Autrement dit, pour faire simple, les gardes à vue actuellement effectuées sont soit illégales, soit illégales. Alors qu’avant, elles étaient seulement illégales.

C’est le bâtonnier des Deux-Sèvres qui a levé le lièvre. Il estime, avec juste raison, que l’on ne peut pas « laisser au pouvoir judiciaire le soin de détricoter ce que le pouvoir législatif a tricoté, c’est un non-sens ».

Alors, il faut s’interroger : les OPJ sont-ils tenus d’appliquer les nouvelles normes ? Après tout, ce bras de fer entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif ne les concerne pas. Leur bible, à eux, c’est le Code de procédure pénale. Point barre.

Bon, on peut toujours se dire qu’aucun gardé à vue n’ira déposer une plainte ! Quoique… Supposons un suspect qui passe des aveux sur les conseils de son avocat et qui décide par la suite de nier les faits… Un autre avocat ne pourra-t-il pas faire annuler lesdits aveux sous prétexte qu’ils ont été obtenus en présence d’un confrère à lui, alors que la loi n’était pas encore applicable ?

Je sais, c’est un peu tordu…

Enfin, pour l’instant, les avocats ont d’autres soucis : Ils font leurs comptes.

Et le compte n’y est pas !

À ce jour, ils percevaient une indemnité de 61 euros H.T. pour une vacation de 30 minutes, soit 122 euros de l’heure. On leur propose aujourd’hui 300 euros pour les premières vingt-quatre heures et 150 euros de plus en cas de prolongation de la garde à vue.

Or les calculs du ministère de la justice sont basés sur une présence effective de trois heures durant la première période de garde à vue. À l’ancien tarif, ils devraient donc toucher 366 euros. Ce qu’ils réclament.

D’après les projections du gouvernement, lors d’une permanence de 24 heures, les avocats traiteront en moyenne trois affaires, soit 900 euros H.T (voir encadré).

Juste pour se fixer les idées, car aucune comparaison n’est évidemment possible (les avocats ont des charges), durant ces mêmes 24 heures, le policier gagnera à peu près 9 fois moins.

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Et le Conseil national des barreaux (CNB) appelle à une journée de mobilisation le mercredi 4 mai « pour que l’intervention de l’avocat en garde à vue fasse l’objet d’une prise en charge assurant l’effectivité des droits nouveaux ouverts à nos concitoyens ».

Mais qui va payer ?

Le budget consacré à l’intervention de l’avocat est évalué à 100 millions d’euros. Et comme les caisses de l’État n’ont jamais été aussi vides, il faut bien prendre l’argent quelque part. Qu’à cela ne tienne, une loi prochaine devrait décider que tous les justiciables engageant une action en justice en matière civile et administrative seront tenus d’acquitter une taxe. On parle de 30 euros – Une sorte de droit d’entrée.

Quand même, payer pour obtenir justice, cela laisse perplexe…

Supposons que cette manifestation du 4 mai se transforme en une grève générale. Plus d’avocats nulle part en France pour assister les gardés à vue. Au bout de deux heures de vaine attente, comme le prévoit la loi, les OPJ vont donc enregistrer la déposition de leur client. Sauf que, et c’est l’incipit même de la nouvelle loi, « En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faite sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui. »

Il serait donc possible d’enregistrer les déclarations d’un suspect, tout en refusant ses aveux !

Il n’est pas concevable, bien sûr, de laisser la machine judiciaire se bloquer par la seule volonté d’un corps de métier. Il faudrait donc dans ce cas envisager soit que les avocats n’aient pas le droit de grève, cshadoks.1303023072.gifomme les policiers, soit qu’ils puissent faire l’objet d’une réquisition, comme les médecins. Pour les médecins, ce n’est pas un bon exemple. Ceux-ci s’y refusent et ça n’a jamais vraiment marché.

Fisc : des policiers qui n’en sont pas

Ils disposent des mêmes pouvoirs que les officiers de police judiciaire : garde à vue, perquisitions, saisies, réquisitions, écoutes téléphoniques, etc., et pourtant ce ne sont ni des policiers ni des gendarmes, mais des agents du fisc. Ce sont les nouveaux officiers fiscaux judiciaires (OFJ). Leur mission : la lutte contre les fraudes fiscales, et notamment contre ces assemblages tortueux qui mènent tout droit au paradis… fiscal.

police-fiscale.jpgCes fonctionnaires du fisc ont reçu une formation de trois mois à l’École nationale supérieure des officiers de police de Cannes-Écluse. Trois mois !…  Cela peut paraître bien court, alors que l’instruction des élèves officiers s’étale sur 18 mois. Et pour mémoire, par le passé, il fallait compter cinq ans de pratique avant de recevoir l’habilitation d’OPJ.

Afin de se donner les moyens de poursuivre les délinquants qui s’en prennent au portefeuille de l’État, en novembre dernier, la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) a vu le jour. Il s’agit d’un service de police judiciaire dans lequel sont regroupés officiers et agents de PJ, et les tout nouveaux OFJ. C’était une aspiration de l’ancien ministre du budget, M. Éric Woerth, mais, si j’ai bien compris, à l’époque, il voyait plutôt là un moyen d’éloigner les policiers des enquêtes fiscales. Peut-être pour avoir la mainmise sur un outil redoutable…

Depuis, les affaires sont passées…

Tout cela s’accompagne d’un changement de la procédure judiciaire applicable aux enquêtes fiscales. Cette procédure est à deux niveaux. Une saisine en amont sur la base de simples présomptions et, en aval, des investigations menées sous l’autorité du procureur ou du juge d’instruction. Or, il est dit dans la circulaire du ministère de la justice que cette nouvelle brigade n’a pas « la possibilité de réaliser des enquêtes d’initiative ; elle ne pourra procéder qu’aux enquêtes qui lui seront confiées par les magistrats, dans le cadre des procédures d’enquête préliminaire ou d’information judiciaire… » Une vue de l’esprit, d’autant que cette même circulaire précise que la mission de base est de rechercher et constater les infractions. D’ailleurs, un haut fonctionnaire de Bercy, cité par Le Figaro, déclare que « cette redoutable brigade » pourrait déclencher ses investigations « à partir de présomptions et sans contrôle fiscal préalable. »

Alors, quel avantage par rapport aux services existant aujourd’hui ? La justification tient dans « la plus-value que constitue pour les magistrats la compétence d’enquêteurs spécialisés disposant d’une compétence nationale et d’une expérience… » Ce qui n’est pas vraiment gentil pour les policiers spécialisés dans ce domaine au sein de la préfecture de police et de la direction centrale de la PJ, auxquels du reste sont intégrés plus de 80 inspecteurs des impôts. Ni pour les autres fonctionnaires du fisc ou des douanes qui se démènent au sein de services spécialisés, tellement nombreux, qu’il serait bien fastidieux de les énumérer ici.

Les deux précédents ministres de l’Intérieur avaient d’ailleurs freiné des quatre fers, conscients que la création d’un service de police judiciaire auprès de Bercy serait plutôt mal interprétée. Finalement, comme c’est souvent le cas ces temps-ci, on fait quand même mais on fait a minima : cette brigade a finalement été rattachée à la direction centrale de la police judiciaire.

Toutefois, cette démarche de nos dirigeants laisse un sentiment de malaise. Sous prétexte de pourchasser les milliardaires qui cachent une partie de leur fortune sous des cieux plus cléments (Tiens, qu’est donc devenue l’Île de Liliane Bettencourt ?), on peut se demander si l’objectif n’est pas de s’attaquer aux citoyens plus modestes, vous et moi.

Quoi de plus normal, me direz-vous ! Rien ! Mais ne risque-t-on pas demain de voir des gros bras fiscalistes harnachés comme les gens du RAID, flic_lessor.jpgenfoncer notre porte sous prétexte qu’on a un peu triché sur les frais de déplacements lors de sa déclaration d’impôts !

Une police fiscale répressive…

Garde à vue : course contre la montre

Il ne reste qu’un petit mois aux parlementaires pour accoucher de la loi qui va réformer la garde à vue – et sérieusement tournebouler le traintrain des policiers et des gendarmes. En effet, le projet qui est actuellement discuté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, prévoit, en son article 18, que la loi devra entrer en vigueur « le premier jour du deuxième mois suivant la publication au Journal officiel et au plus tard le 1er juillet 2011 ».

extrait-alice-au-pays-des-merveilles.1301823002.gifJe vais vous faire une confidence : le texte est tellement embrouillé, que même ça, j’ai du mal à imprimer. Le premier jour du deuxième mois…

Conclusion : il reste trois semaines avant le vote définitif. La difficulté majeure, on l’a bien compris, c’est la présence de l’avocat. Pour l’instant, certains tentent de faire entrer de force une sorte d’audition libre qui pourrait être effectuée sans sa présence, et sans contrainte d’aucune sorte – sauf celle d’être placé en garde à vue en cas de refus. Cette mesure, envisagée un temps, puis repoussée par les deux assemblées, refait surface dans l’article 11 bis qui rappelle que l’OPJ n’est pas obligé d’utiliser la garde à vue, même si les conditions sont réunies. Mesure qui ne semble pourtant pas en phase avec les exigences de la Cour européenne des droits de l’homme. C’est du moins l’avis de Jean-Jacques Urvoas, le Monsieur sécurité du PS. Pragmatique, il propose donc que la personne qui accepterait une audition libre « dispose d’un statut protecteur minimum », comme la possibilité de téléphoner à son avocat.

Mouais, sauf que pour l’enquêteur, il n’y a pas trop d’alternatives, puisque l’article préliminaire de la réforme prévoit grosso modo que les déclarations hors la présence de l’avocat ne servent pas à grand-chose. Si une personne veut avouer son crime, l’OPJ devra impérativement suspendre l’audition, placer le suspect en garde à vue, et reprendre l’audition après l’arrivée de l’avocat. Bon, on en était où ? Vous disiez que vous aviez tué…

D’autres amendements sont moins réalistes, comme celui qui conteste aux procureurs le droit d’accorder une prolongation, puisque la Cour européenne ne reconnaît pas le statut de magistrat à ces… magistrats. Ou encore cet autre pour qui la présentation au procureur ne peut pas être effectuée par des moyens audiovisuels, mais uniquement en face-à-face. Ou celui qui veut modifier le Code de la santé publique pour les personnes en état d’ivresse dans un lieu public. Plutôt que de les enfermer en cellule de dégrisement, il suffirait de les confier à l’un de leurs proches ou à une association habilitée.

Cela part d’un bon sentiment, mais on imagine la scène… Dans un petit commissariat aux effectifs ergépépépisés, le chef de poste bataille au téléphone pour dénicher à trois heures du mat’ la bonne âme susceptible de prendre en charge le soulard qui pour l’heure est en train de foutre le bordel dans sa boutique !

Il reste trois mois avant que cette mesure n’entre en application. Trois mois pour former les OPJ et les APJ, changer les formulaires, les procès-verbaux, les logiciels, organiser des services, prévoir les locaux pour accueillir les avocats, les médecins… Sans parler de l’organisation des services, police, gendarmerie, justice… Quant au Conseil national des Barreaux, il doit compter ses troupes – et ses sous. Car l’addition passe malbatonnier-brigitte-marsigny_-cnb.1301823128.JPG. Garde des sceaux cherche budget désespérément. Si le chiffre de 122 € semble faire l’unanimité, on s’interroge : s’agit-il d’une indemnité horaire ou du montant de la vacation, quelle que soit sa durée.

En septembre 2009, le président de la République se réjouissait des propositions du comité Léger sur la réforme de la procédure pénale, et notamment de la suppression du juge d’instruction. Alors que l’urgence, on le savait déjà, était de réformer la garde à vue. Que de temps perdu ! Que d’imprévoyance !

Et le plus amusant, si l’on peut dire, c’est que la Cour de cassation, « dont beaucoup de membres sont aujourd’hui entrés dans une forme de rébellion » nous dit Le Figaro, pourrait prendre une décision à la mi-avril, qui risquerait d’accélérer encore plus le mouvement.

Mi-avril, c’est à peu près la période où devraient commencer les premiers tests sur le terrain.

Il y a biendepute-philippe-houillon_cnb.1301823267.JPG longtemps, un technocrate avait pondu une circulaire enjoignant aux policiers en civil de ne plus griller les feux rouges. Je me souviens de ce dialogue radio, qu’on se racontait entre nous :

–      Broussard : Vous en êtes où de la filoche ?

–      Le chef de groupe, depuis sa voiture : Euh !… On les a perdus patron ! Le feu est passé au rouge, alors, on a été obligé de s’arrêter…

Cette réforme est nécessaire. Mais elle a été si mal préparée, si mal expliquée, qu’elle est mal reçue par les policiers et les gendarmes. Et si demain, dans une sorte de grève du zèle, le nombre de gardes à vue augmentait ?

Quelle pagaille !

La police des aliénés

Les policiers sont parfois appelés pour maîtriser un individu qui a visiblement perdu la raison. C’est une opération délicate, l’une des rares, d’ailleurs, où l’utilisation du Taser peut se justifier. Mais une fois cette mission menée à bien, les questions surgissent. Que faut-il faire de l’individu arrêté ? Garde à vue ? Procédure ? Ou au contraire, la mission de police administrative doit-elle prendre le pas sur la mission de police judiciaire…

asterix_uderzo.1300884803.gifHier, l’assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi sur les soins psychiatriques. Cette réforme, voulue par le Président à la suite d’un meurtre commis par un schizophrène en cavale, est fortement contestée dans le monde médical et même chez les magistrats. Certains parlent d’une dérive sécuritaire, tandis que d’autres, plus terre-à-terre, notent qu’il s’agit d’un artifice pour masquer « la misère » des services psychiatriques (deux fois moins de lits qu’il y a vingt ans).

Mais le projet de loi prévoit également d’apporter des modifications à l’hospitalisation d’office – autrement dit l’internement sans consentement.  On parle de 70 000 personnes retenues ainsi contre leur gré. Dans le même temps, dans un avis publié au JO du 20 mars , Jean-Marie Delarue, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, tire la sonnette d’alarme. Il s’inquiète de l’accroissement préoccupant dans les hôpitaux de personnes dont la maladie n’exige plus qu’elles soient privées de liberté. Et il dénonce aussi (et surtout) les modalités de l’internement d’office lorsque la décision est prise par les préfets.

Quelles sont aujourd’hui les conditions requises pour procéder à un internement d’office ? Tout est dans le Code de la santé publique, lequel a fait l’objet d’un sérieux relookage dans les années 2000 (art. L3212 et suivants).

Le plus fréquemment, il s’agit d’une décision qui fait suite à la demande d’un tiers, souvent un parent. Cette demande doit être manuscrite et signée par la personne qui la formule. Elle est accompagnée de deux certificats médicaux datant de moins de quinze jours.

Dans les autres cas, lorsqu’il s’agit de malades dangereux ou susceptibles de troubler gravement l’ordre public (environ 15 000 par an), c’est le préfet (à Paris, le préfet de police) qui prononce un arrêté pour décider de l’hospitalisation d’office. Et, le directeur de l’établissement doit lui transmettre dans les 24 heures un certificat médical établi par le psychiatre maison. Tous ces mouvements, (entrée, sortie, etc.) sont inscrits sur un registre (que certains nomment « fichier des fous »). Le préfet a ensuite trois jours pour transmettre les informations concernant sa décision au procureur de la République. Au bout de deux semaines, le psychiatre doit établir un nouveau certificat médical pour faire le point sur l’évolution de la maladie. Au vu de ce document, l’hospitalisation peut être maintenue pour une durée d’un mois, renouvelable ad vitam aeternam selon les mêmes modalités. Pour ressortir, le patient doit obtenir le feu vert du psychiatre et une décision positive du préfet. Avec le principe de précaution, c’est pas gagné…

C’est donc dans ce genre de situation que le policier ou le gendarme intervient, puisque le comportement dangereux se manifeste le plus souvent dans un endroit public. Il s’agit donc bien d’un acte de police administrative effectué sous l’autorité du préfet.

Sauf à Paris, où le commissaire de police possède, en cas d’urgence, le même pouvoir qu’un maire. C’est-à-dire celui de faire procéder à l’internement d’office, à charge d’en référer au préfet de police dans les 24 heures. Pouvoir personnel du commissaire d’arrondissement, dont se fait l’écho le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans un rapport où il accable la séculaire « infirmerie psychiatrique de la préfecture de police ». Et de s’interroger pour savoir si cette organisation parisienne « qui tire son origine de la compétence donnée au préfet de police en 1800 » présente des garanties suffisantes…

Depuis la nuit des temps, le sort des malades souffrant de troubles mentaux a toujours été lié au sort de ceux qui peuvent être victimes de leur comportement. Avec des controverses sans fin. Et le plus souvent, à défaut de pouvoir les soigner, on a choisi de les écarter de la société. Ce qui a conduit parfois, sous prétexte de bienséance, à des internements arbitraires. Car, dans les faits, on donne au médecin et au préfet le pouvoir du juge : priver quelqu’un de sa liberté.

Il n’y a pas de solution miracle, mais en liant le juge et le médecin, on pourrait peut-être se rapprocher du « moins mal ». En tout cas, le renforcement des pouvoirs du préfet pour placer ou maintenir quelqu’un dans un milieu fermé peut difficilement passer la porte d’une démocratie. Dans ce domaine, le représentant de l’État n’est légitime que pour gérer l’urgence. Ensuite, il doit passer la main.

Sécurité : le vent de Grenoble mollit

Il s’agissait d’un message symbolique adressé aux forces de l’ordre : celui qui s’en prend à vous, n’est pas digne d’être français.  C’était, l’on s’en souvient, l’un des points phares du fameux discours de Grenoble, fin juillet 2010, après les scènes de violences survenues dans la ville, au cours desquelles les fonctionnaires de police avaient essuyé des tirs à balles réelles. «La nationalité française se mérite. Il faut pouvoir s’en montrer digne. Quand on tire sur un agent chargé des forces de l’ordre, on n’est plus digne d’être Français », avait dit Nicolas Sarkozy, avant de s’en prendre aux Roms.

assurancetourix.1299658875.gifIl s’agissait de déchoir de leur nationalité les Français depuis moins de dix ans qui se seraient rendus coupables d’un crime à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique. Un rendez-vous pour dans 30 ans, puisque dans le même discours, il était également question de l’instauration d’une peine incompressible de 30 ans « pour les assassins de policiers ou de gendarmes ».

Un discours qui a fait le lit de Marine Le Pen.

« Je prends mes responsabilités », avait-il martelé. A priori, les députés de sa majorité aussi, puisqu’il semble bien que cette loi vienne d’être rangée aux oubliettes.

Pour celui qui se veut le « parrain » des policiers, c’est un échec. Non pas que ceux-ci aient été fous friands de cette vengeance de l’au-delà, mais lorsque l’on joue avec les grands principes, il faut s’y accrocher. Et quelque part, ils sentent bien que le vent politique est en train de changer. Les promesses ont fait long feu. Il est d’ailleurs de plus en plus vraisemblable que les élections de l’année prochaine ne se joueront pas sur la peur de son voisin, mais plutôt sur la peur du chômage. Et lorsqu’il s’agit d’économie, il est plus difficile de dire n’importe quoi. Comment faire oublier, par exemple, que le gaz a augmenté de 20 % en un an et que prix du carburant à la pompe atteint des records ?

Heureusement, il n’y a pas que des mauvaises nouvelles. Ainsi, GDF Suez a dégagé un bénéfice de 4.61 milliards d’euros en 2010, tandis que la Société Générale se contentait de 3.9 petits milliards, ce qui représente quand même 6 fois son bénéfice annuel de l’année capture2.1299658963.JPGprécédente. Quant à Total, c’est l’une des entreprises françaises les plus prospères, avec 10.3 milliards de bénéfices.

Des discordances qui font mal.

Ce blog n’est pas politique, mais on ne peut être qu’effaré devant la myopie de nos décideurs. On se souvient de cet entretien télévisé où le Président réglait les problèmes de quatre sous de Paul ou de Jacques, je ne sais plus, alors que de l’autre côté de la Méditerranée la révolution était en marche. C’était surréaliste. Il manquait juste le chêne. Et aujourd’hui, le débat sur les religions…

Les défis du nouveau ministre de l’Intérieur

Les policiers, au cours de leur carrière, voient défiler environ une vingtaine de ministres. Certains ont laissé leur marque, en raison de leur personnalité, comme Pasqua et Defferre, d’autres ont marqué par leur compétence, comme Joxe – que la plupart des anciens s’accordent à reconnaître comme le meilleur de ces dernières décennies.  Eh bien sûr, il y a eu Nicolas Sarkozy ! Mais c’est un cas à part dans la galerie de portraits. Alors qu’il était place Beauvau, il se voyait déjà rue du faubourg Saint-Honoré ; et aujourd’hui, on a l’impression qu’il regrette de l’avoir quittée.

grille-dentree-du-ministere-de-linterieur.jpgCe n’est donc pas sans une certaine curiosité que l’on va assister à la mise en jambes de Claude Guéant, que personne, j’en suis sûr, n’osera appeler Monsieur Claude, même si dans l’auguste maison on adore gratifier les patrons de gentils surnoms. Si sa feuille de route consiste à rétablir un sentiment de sécurité dans la population et la confiance des policiers et des gendarmes, il a du pain sur la planche.

Je suis de ceux qui pensent, quelles que soient les statistiques de M. Bauer, que l’insécurité en France n’est ni meilleure ni pire que par le passé. Mais sans doute dans une société plus douillette est-elle moins bien acceptée… Et sans se montrer partisan, on peut dire que c’est là aussi le résultat de ce qu’il faut bien appeler la politique de l’angoisse. En surchargeant les événements au fil de l’actualité, on a fait naître dans toutes les couches de la société une peur pathologique, pour mieux pouvoir sans doute nous rassurer, nous pouponner. Mais comme les résultats ne sont pas au rendez-vous, le manège a échoué. Et l’on approche aujourd’hui de l’effet boomerang.

D’où un certain affolement.

Si le nouveau ministre de l’Intérieur veut rétablir « l’impression » de sécurité, je crois que c’est trop tard, ou du moins qu’il n’en aura pas le temps avant les Présidentielles.

Il faut donc souhaiter qu’il ne vienne à personne l’idée de pratiquer la politique de la terre brûlée… Aggraver la situation pour mieux se rendre indispensable.  Un machiavélisme qui serait indigne et qu’aucun homme politique, j’en suis persuadé, n’oserait utiliser.

D’autant que dans les prochaines années, l’insécurité ne pourra aller que croissante, de façon naturelle, si j’ose dire, en raison de l’appauvrissement des plus pauvres et de l’enrichissement des plus riches. Une société de plus en plus déséquilibrée, entre les gens de biens et les gens de rien. D’autant que l’inflation, qui arrive à grands pas, va faire mauvais ménage avec un chômage pérenne. Une situation qui risque fort d’appauvrir les classes moyennes : stagnation des salaires, voire diminution, tandis que les dépenses incompressibles (énergie, assurances, impôts…) augmentent avec une régularité inquiétante.

La deuxième mission du nouveau ministre de l’Intérieur sera sans doute de rétablir un climat de confiance avec les policiers et les gendarmes.

Là non plus, ce n’est pas gagné !

Les policiers, pressurés par une hiérarchie qui n’ose plus servir de tampon, sont bien souvent désorientés. Des instructions louvoyantes, des règles qui changent sans arrêt, une justice qui ne semble pas en phase, la politisation de certains syndicats, des avancements ou des mutations à relent politique…, autant d’éléments qui les empêchent de se donner à fond. Au point que certains se demandent s’il ne faut pas attendre le contrordre avant d’exécuter un ordre. À force de tout chambouler au moindre fait divers, on n’avance pas.  levee-de-chaussures_site-aufaitmaroc.jpgOn piétine. Avec cette pénible impression d’être devenus les jouets des grands de notre petit monde.

Quant aux gendarmes, si par la force des choses leur colère est silencieuse, elle n’en est pas moins omniprésente.

Pour regagner la confiance des troupes, je crois qu’une prime ne sera pas suffisante. Malgré la diminution des effectifs, ce n’est même pas une question de moyens ou d’argent. Il faut simplement redonner aux policiers et aux gendarmes la fierté de leur métier. Et pour cela, ils ont besoin d’une feuille de route claire et précise – et qu’on leur fasse confiance. Ils seront d’un coup plus efficaces et plus appréciés de la population.

En tout cas, malgré la réforme de l’État, la fameuse RGPP, je crois que les Français ne sont pas mûres pour accepter ce qui hélas est en marche : la privatisation de la sécurité. Un créneau sur lequel lorgnent de plus en plus de grands noms du CAC 40.

Armes (factices) à double tranchant

La course-poursuite, près de Lyon, s’est terminée par la mort d’un jeune homme de vingt ans. Lorsqu’il a brandi un pistolet, les CRS ne pouvaient évidemment pas deviner qu’il s’agissait d’une arme factice. Ils ont tiré. À tort ou à raison, c’est un autre débat. Mais si ce jeune homme n’était pas mort, comment aurait-il été jugé ?

lucky-luke.1298720329.jpegCette affaire, après plusieurs autres, remet sur le devant de la scène le problème des armes factices. Faut-il légiférer sur la question ?

L’ennui d’une réglementation sur les armes, qu’elles soient authentiques ou non, c’est qu’elle ne vise que les honnêtes gens. Alors que pour les vrais voyous, il n’a jamais été aussi facile de s’approvisionner en armes et munitions de tous calibres, en raison notamment d’un trafic de fourmis entre la France et certains pays des Balkans.

Il reste les autres. Ceux qui ne sont pas placé suffisamment haut dans la hiérarchie du crime pour envisager de posséder un vrai calibre. C’est souvent le cas des plus jeunes. Ils doivent savoir que le droit ne fait pas de différence entre un vol commis avec une arme réelle ou factice (20 ans de réclusion criminelle). Même si la sentence est modulée en raison de l’absence de dangerosité.

Je me souviens d’une affaire pour laquelle j’avais été appelé à témoigner en Cour d’assises. L’avocat de l’accusé m’avait demandé si la carabine avec laquelle son client nous avait menacés, mes collègues et moi, avait le cran de sûreté verrouillé ou non. J’avais été incapable de répondre. Dans le feu de l’action, je n’avais pas noté ce détail. « Vous lui avez fait gagner cinq ans », m’avait-il soufflé après le verdict.

Mais qu’entend-on par armes factices ?

En première approche, on pense aux jouets en plastique de nos rejetons, mais en fait, il s’agit fréquemment de répliques d’armes réelles, propulsant de petites billes en rafale ou au coup par coup. Elles peuvent être mécaniques (à ressort), parfois électriques, mais le plus souvent, elles fonctionnent à l’air comprimé (avec réarmement) ou à l’aide de petites recharges de gaz. D’où le nom de airsoft gun. On dit que ces copies ont vu le jour au Japon, où une réglementation très stricte sur la détention d’armes avait été imposée par les Américains, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. À l’origine, elles sont destinées aux collectionneurs ou aux tireurs sur cible. Mais aujourd’hui, de plus en plus, on les utilise dans des jeux de rôle, lors de scénarios basés sur des opérations militaires ou des opérations de police. Et, écolo oblige, les billes sont devenues biodégradables.

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En France, la vente de ces fac-similés, est réglementée. Lorsque l’énergie à la bouche du canon est comprise entre 0.08  joule et 2 joules, elles sont notamment interdites aux mineurs. En deçà, elles sont en vente libre (même aux mineurs), et au-delà, elles entrent dans la 7° catégorie du décret de 1995 (armes non soumises à déclaration).

À noter qu’une circulaire de 1998, donne instruction aux préfets d’interdire le port et le transport d’objets ayant l’apparence d’une arme à feu aux abords des établissements scolaires.

Lors du débat sur la nouvelle législation sur les armes, les parlementaires se sont penchés sur la question. Certains ont rappelé, à juste raison me semble-t-il, que l’on ne pouvait mettre dans le même panier des objets destinés à tuer et des objets ludiques. Et que les armes factices devaient faire l’objet d’un autre débat.

Mais la question se pose de savoir s’il faut les prohiber totalement. Ce qui a été fait en Grande-Bretagne, où, pourtant, le nombre d’agressions commises avec de telles armes n’a pas baissé. Il a même légèrement progressé.

Il semble donc que l’on se tourne plutôt vers une réglementation visant à sanctionner le transport non justifié de ces imitations. Comme c’est le cas pour les tireurs sportifs, qui ne peuvent transporter leurs armes (réelles) que de leur domicile au stand de tir, et encore doivent-elles être provisoirement neutralisées.

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Cela dit, on peut s’interroger : ne faudrait-il pas retoucher le Code pénal pour minimiser les menaces avec une arme fictive, donc non dangereuse, sauf pour le délinquant lui-même, comme le montre l’affaire de Lyon ? Passer de l’infraction criminelle au délit, plutôt que de correctionnaliser. Un bonus, quoi !

Sale temps pour les orpailleurs de Guyane

Dans l’Hexagone, les gendarmes veillent sur les câbles de cuivre de la SNCF, mais, à des milliers de kilomètres, en Guyane, leur mission est tout autre : Ils pourchassent les chercheurs d’or. Ils sont environ 250 – et 750 militaires – à patrouiller sur un territoire rempli d’embûches. Le plan Harpie bat son plein. Ou plus exactement Harpie 2, car, après les opérations Anaconda et Harpie 1, l’année dernière, le président de la République a relancé la mobilisation contre l’orpaillage clandestin.  Et cette fois avec de grands moyens. La mission n’est pas sans danger : un soldat y a déjà laissé la vie (voir le blog secretdefense). Dans une vidéo, sur le site de la gendarmerie, on peut se faire une idée de leur job. Rien à voir avec des contrôles de vitesse sur l’autoroute… Les pieds dans les charentaises, on peut rêver d’aventures… Mais là, ce n’est pas du cinoche. Il ne s’agit pas de surprendre un cowboy solitaire accroupi près d’un fleuve, en train de tamiser du sable, mais de dénicher les puits et les galeries creusés par des colonies de clandestins à la recherche des précieuses pépites.

Il faut reconnaître qu’avec la montée fulgurante du cours de métal jaune, malgré les risques, le jeu en vaut la chandelle.

Vous me direz, achercheur-dor_image-clipart.jpgprès tout, ils ne volent personne. Mauvaise pioche. Cela ne se passe plus ainsi dans un monde qui se veut policé. D’autant que l’or fait partie des richesses naturelles de la Guyane. C’est même son premier produit d’exportation. Autour de 2 à 3 tonnes par an. Et ils sont environ 65 opérateurs à se partager le pactole, en exploitant une centaine de sites autorisés. Alors que, d’après les chiffres de 2006, retenus par une commission d’enquête du Sénat, il y aurait environ 350 sites d’orpaillage illégal, employant entre 5 000 et 10 000 personnes. Ce qui représenterait, selon les estimations de la gendarmerie nationale, 10 tonnes d’or natif par an.

Mais le problème majeur est environnemental. Essentiellement en raison de l’utilisation du mercure pour réaliser l’amalgame de l’or, procédé interdit depuis 2006. Avec  des rejets conséquents de ce métal liquide dans les eaux des fleuves. 13 tonnes par an. Et une déforestation sauvage estimée à 500 hectares par an. Les conséquences sont terribles sur la vie des habitants des rives*. Et tout ce petit monde underground génère évidemment une délinquance associée, comme la prostitution, le blanchiment d’argent et les règlements de comptes.

Une loi de 2009 a renforcé les moyens juridiques pour lutter contre l’orpaillage illégal, en donnant, par exemple, la possibilité de faire démarrer la garde à vue non pas au moment de l’arrestation, comme c’est la règle, mais lors de l’arrivée dans les locaux où celle-ci doit se dérouler. Avec un délai qui ne peut excéder vingt heures (art. 141-4 du Code minier).

Pas facile d’être un État de droit dans ces contrées.

Cependant, dans la région, les garimpeiros ne sont pas les seuls soucis des policiers et des gendarmes. Ce territoire, grand comme le Portugal, possède le niveau de vie le plus élevé du continent sud-américain.  Un attrait pour les habitants, bien plus pauvres, des pays d’alentour. Et notamment le Brésil. 60% des étrangers mis en cause dans des crimes ou des délits sont des Brésiliens. Et cela pourrait encore s’aggraver après la mise en service du pont routier sur le fleuve Oyapock, lequel va bientôt relier la Guyane à l’État de l’Amapá. Raison pour laquelle un centre de coopération policière (CCP) entre les deux pays devrait bientôt voir le jour. Cette cellule aura compétence pour tous les problèmes liés à la sécurité (sauf le terrorisme), et notamment la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants et l’immigration irrégulière. Ce CCP sera, me semble-t-il, la première coopération transfrontière hors de l’espace Schengen. Avec toutefois une présence française bien modeste : 3 gendarmes et 1 policier.

D’après un article un rien alarmiste du Figaro, pour une population d’environ 230 000 habitants, la Guyane arrive juste derrière la Seine-Saint-Denis (six fois plus peuplée) en matière de délinquance. Mais surtout, il s’agit d’une délinquance souvent violente. Il faut dire que les armes sont partout. Elles proviennent en grande partie du voisin brésilien, le plus important fabricant d’armes de l’Amérique du Sud. Pour le procureur de Cayenne, cité dans cet article, la situation est critique. «  Les magistrats ne veulent plus venir en Guyane, effrayés par la quantité de travail que nous avons, mais aussi parce qu’ils ont peur de se faire attaquer au coin de la rue ». Quant au chef de la BAC, qui a exercé vingt ans en métropole, il soupire : « La différence, c’est qu’ici, tu peux perdre la vie pour 3 euros ».

Rien à voir pourtant avec un pays voisin, et presque homonymique : le Guyana, (l’ancienne Guyane britannique ) où le risque est omniprésent ; ni même avec le Venezuela, qui vient de publier des chiffres alarmants. Mais le taux de criminalité en Guyane est néanmoins deux fois supérieur carte-amerique-latine_site-americas-copie.1298197234.JPGà celui de la métropole. Et il est certain que sans l’arrivée d’effectifs supplémentaires, gendarmes et policiers, les choses ne vont pas s’arranger, car outre une immigration clandestine exponentielle, la Guyane est le département français où le taux de natalité est le plus élevé.

40% des homicides commis sur l’ensemble de la planète ont lieu en Amérique Latine, où, parallèlement au crime organisé, au narcotrafic et au blanchiment d’argent, la délinquance de rue connaît un accroissement qui va de pair avec la pauvreté. Entre ces deux extrêmes, on peut presque parler de l’émergence d’une criminalité moyenne, centrée notamment sur le trafic d’armes, le trafic de personnes et le trafic sexuel. Une activité criminelle qui deviendrait… coutumière.

Avec un contre-coup : l’utilisation de plus en plus fréquente des forces armées pour effectuer des opérations de police. Un véritable risque pour ce monde en recherche d’équilibre.

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* Dans un autre ordre d’idées, des travaux sont en cours en vue d’effectuer des forages pétroliers au large de la Guyane, et cela, malgré les risques écologiques et l’appel à la prudence de la Commission européenne. Plus de détails sur Blada.com. Ou comment l’on passe du métal jaune à l’or noir…
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