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LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

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Financement du terrorisme : une mère peut-elle être condamnée ?

Nathalie Haddadi est accusée de financement du terrorisme. Elle aurait donné de l’argent à son fils pour l’aider à quitter la France et rejoindre une zone de conflit syro-irakienne.

Abbes s’est radicalisé dans les prisons françaises avant de rejoindre la Syrie au terme d’un itinéraire en zigzag. L’année dernière, il aurait trouvé la mort dans une opération djihadiste. Sa mère est en attente d’une décision de justice.

Lors d’un procès animé, qui s’est terminé le 6 septembre à quatre heures du matin, le procureur a requis contre elle une peine de dix-huit mois, d’un an pour son fils cadet, Tarik, qui aurait transféré l’argent à son grand frère grâce au concours d’un ami de celui-ci, un certain Souliman, contre lequel il a été requis trois ans d’emprisonnement.

La loi – Cette affaire ne peut pas ne pas intriguer. La loi pour lutter contre le financement du terrorisme a-t-elle été prise contre des parents ou pour poursuivre de grands financiers du terrorisme, comme le géant cimentier Lafarge, fortement soupçonné d’avoir négocié des laissez-passer avec les autorités auto-déclarées de Daech !

La réponse est en partie dans l’origine de cette loi. Continue reading

Police, douane, gendarmerie… la drogue les rend fous

Les tribulations des agents en charge de la lutte contre les narcotrafiquants ne cessent de nous étonner. Vu de l’extérieur, on a l’impression qu’ils se livrent à une course au trésor dans laquelle les coups de Jarnac sont comme des pratiques rituelles. Mais il semble bien que la récente mise en examen de l’ancien patron de l’office des stups, François Thierry, va apporter un coup de projecteur sur les méthodes utilisées, tant par les enquêteurs que par la justice, et peut-être même un coup d’arrêt.

Sans remonter à la création de l’OCRTIS (office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants), le plus ancien office après celui de la fausse monnaie (OCRFM), les turpitudes actuelles qui font l’actualité démarrent bien loin de chez nous, en Républicaine dominicaine, lors de cette fameuse nuit du 19 au 20 mars 2013, au moment où un avion privé appartenant à la SA Alain Afflelou, le Falcon F-GXMC, est stoppé in extremis sur le tarmac de l’aéroport de Punta Cana.

Dans le même temps, en France, gendarmes et douaniers du Var peaufinent un plan d’intervention. Des mois de surveillance pour ce moment tant attendu : l’arrestation en flag d’une équipe de la « french cocaïne ». Dans quelques heures, lorsque le Falcon va atterrir sur la piste de l’Aéroport international du Golfe de Saint-Tropez, tout sera plié. Continue reading

Affaire Grégory : une mère de famille devant le tribunal pour enfants

Finalement, Murielle Bolle est sortie de prison. Les arguments de Jean-Jacques Bosc, le procureur général de Dijon, qui avait demandé son maintien en détention « pour les nécessités de l’enquête et l’efficacité des actes à venir », n’ont pas été convaincants.

Cette requête était assez incompréhensible dans la mesure où les contraintes du contrôle judiciaire sont justement faites pour éviter ce genre de situations. Trop souvent, la justice ferme les yeux sur l’article 137 du code de procédure pénale qui rappelle que si une personne mise en examen et présumée innocente peut être mise en détention, ce n’est qu’à titre exceptionnel. La pratique montre qu’on est loin du compte. Mais dans le cas présent, il est quand même difficile de penser que les suspects vont détruire des preuves d’une affaire passée au tamis depuis plus de trente ans, ou qu’elles vont soudain se rendre coupables d’une « concertation frauduleuse », comme il est dit à l’article 147 du code de procédure pénale.

On a l’impression que les mesures d’isolement imposées aux trois personnes actuellement mises en examen sont plutôt destinées à les éloigner de la curiosité des médias.  Chat échaudé…

Il faut bien reconnaître que l’on voit rarement autant de précautions pour préserver le secret de l’instruction… Mais si l’on veut se faire une idée de la tournure prise par l’enquête, il faut comparer la qualification retenue par la justice. On est passé de l’assassinat (meurtre avec préméditation) à enlèvement suivi de mort. Une infraction tout aussi grave puisque la victime est un enfant : réclusion criminelle à perpétuité.

Quelques années plus tôt, avant 1981, c’était l’article 355 du code pénal qui aurait été applicable. Il se terminait ainsi : « L’enlèvement emportera la peine de mort s’il a été suivi de la mort du mineur. » Continue reading

Dans l’affaire Grégory, avec le temps le piège des faux souvenirs

Si l’enquête sur l’assassinat de Grégory Villemin s’arrêtait aujourd’hui, elle serait prescrite en 2037. Et tout nouvel acte durant ce délai, même émanant de la partie civile, c’est-à-dire de la famille de la petite victime, ferait courir un nouveau délai de prescription d’une durée de vingt ans.

C’est ce qu’il ressort de la nouvelle loi sur la prescription pénale du 27 février 2017. Auparavant, le délai de prescription en matière criminelle était de dix ans, mais dans les faits, cela ne change pas grand-chose, car certains dossiers semblent ne jamais se prescrire, comme la mort du ministre Robert Boulin (1979) ou l’attentat antisémite de la rue des Rosiers (1982).

Mais l’affaire Grégory est d’une autre dimension. Je le dis avec respect pour la famille, mais pour les gendarmes comme pour les magistrats, c’est devenu un challenge. C’est plus avec un esprit de revanche que de justice, comme le dit le juge Lambert dans sa lettre posthume, que ceux qui ont failli il y a trente ans, ou plutôt leurs successeurs, ont rouvert le dossier.

On nous a dit alors qu’un mystérieux logiciel avait analysé des milliers de procès-verbaux Continue reading

Le droit au silence : parlons-en !

Lors du dernier rebondissement de l’enquête sur l’assassinat du petit Grégory, le procureur général de Dijon a déclaré que les époux Jacob, l’oncle et la tante de l’enfant, avaient fait usage de leur « droit au silence ». Une expression reprise par la presse, le plus souvent sans plus d’explication, ce qui a amené nombre de gens à se demander comment cela était possible.

D’après un dessin de Gotlib dans « Trucs-en-vrac »

Autrement dit, dans une affaire aussi grave, comment admettre que des suspects, placés en garde à vue, refusent de répondre aux enquêteurs ! Une question que l’on s’était déjà posée face au mutisme de Salah Abdeslam, actuellement en détention provisoire dans le cadre de l’information judiciaire sur les attentats du 13 novembre 2015.

Il est vrai que l’on peut tout aussi bien inverser ce type d’interrogation : comment obliger quelqu’un à parler ?

En France, si la torture n’est plus de mise, du moins depuis la fin du conflit algérien, le code de procédure pénale ne reconnaît le droit au silence que depuis la loi du 15 juin 2000, une réforme capitale portée par Élisabeth Guigou, alors garde des Sceaux, qui renforce la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes. Même si à l’époque les mauvaises langues ont parlé d’une loi rose bonbon, la première femme à avoir été nommée à la tête d’un ministère régalien a ainsi marqué son passage. En effet, qu’on le veuille ou non, cette loi du gouvernement Jospin a été un pas vers une justice plus respectueuse de l’être humain, auteur ou victime.

Inutile de dire que les syndicats de police sont partis vent debout contre cette réforme. Comment obtenir des aveux d’un suspect si on doit lui dire qu’il a « le droit de ne pas répondre aux questions » ont-ils fait valoir ! Continue reading

L’amère patrie des droits de l’homme

À peine élu, en descendant les Champs-Élysées en command-car, Emmanuel Macron s’est présenté comme un chef de guerre. Dans son premier gouvernement, le ministère de la Défense a d’ailleurs repris l’appellation belliqueuse des années 1950 : ministère des Armées. En annonçant la création d’une task force à sa main et le vote d’une loi mettant notre pays en état d’urgence permanent, il semble assimiler la lutte antiterroriste à un conflit militaire, et il en fait son pré carré. Ignorant le Premier ministre, il se place ainsi comme le chef, non pas des armées, mais de la sécurité nationale.

La task-force – Emmanuel Macron en avait parlé durant la campagne électorale, et, sous l’émotion de l’attentat de Manchester, il a accéléré l’installation d’une force d’intervention placée directement sous ses ordres.

Dans la bouche de notre jeune président polyglotte, c’est une « task force ». Mais, quel que soit le nom qu’on lui donne, il est quand même étonnant de voir que l’on nous sort sans arrêt de vieilles recettes comme s’il s’agissait de nouveautés !

En 1982, après l’attentat de la rue des Rosiers, dans l’une de ses volte-face dont il avait le secret, François Mitterrand décide qu’il faut désormais traquer le terrorisme partout où il se terre, « en remontant jusqu’à la racine du mal ». Il endosse pour l’occasion l’uniforme de chef de guerre : la lutte contre ce fléau devient son domaine réservé. Et il dégaine son arme secrète : « la mission de coordination, d’information et d’action contre le terrorisme », ce qui aurait dû donner la MCIACT, ou un truc comme ça. Pour tout le monde ce sera la « cellule élyséenne ».

Alors que la peinture est à peine sèche dans le bureau de son chef Continue reading

Présidentielles : faut-il flasher les terroristes ?

Vingt-quatre heures après le premier tour des élections présidentielles, la Commission européenne a enregistré une demande de la France de toute première importance : interdire aux « applications smartphone, GPS, sites internet et réseaux sociaux » de signaler aux automobilistes les contrôles de police dans certaines zones dites sensibles, « notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée ».

Si l’utilisation de ces applications (et même leur détention) est interdite depuis un décret Fillon de 2012, cette fois, il s’agit de sanctionner les fournisseurs de ces moyens de signalisation, et comme les mauvais coucheurs pourraient considérer qu’il s’agit là d’une atteinte à la liberté d’expression, le gouvernement a sorti l’arme absolue : la lutte contre le terrorisme.

En conformité avec la procédure européenne, ce décret sera applicable après une période de statu quo de trois mois, sauf si la Commission ou un ou plusieurs États membres émettent des réserves.

Que vive l’Europe !

Existe-t-il un seul exemple qu’un terroriste se soit servi de Waze ou de TomTom pour déjouer les filatures des superhéros de la lutte antiterroriste !

Nous avons là l’exemple parfait d’un nouveau moyen de gouverner, basé sur la peur et destiné à nous faire avaler toutes les couleuvres : le « subterfuge terroriste ».

Un trompe-l’œil largement utilisé ces dernières années Continue reading

Polar au Bastion

Le déménagement est en cours. Peu à peu, les services de la PJ parisienne vont rejoindre les locaux tout neufs du quartier des Batignolles. Tous grades confondus, bien des policiers y vont à reculons, même si les patrons doivent faire bonne figure. À terme, ce sont plus de 1500 fonctionnaires qui vont se retrouver sur ce site. Il s’agit, d’après l’administration, de maintenir une proximité entre les services de police judiciaire et ceux de la justice – du moins lorsque le futur tribunal de grande instance sera terminé. L’année prochaine. Si tout va bien. Cette raison avancée paraît un peu paradoxale, alors que les moyens de communication actuels permettent mieux que jamais de compenser l’éloignement et que le télétravail commence à gagner certaines administrations, même l’Intérieur…

Il faut surtout y voir, me semble-t-il, une volonté de concentration qui va au-delà d’un simple souci d’efficacité… Et pourtant, on ne peut pas dire que le transfert à Nanterre des services actifs de la DCPJ, tout comme le blockhaus de la DGSI, à Levallois, soient des réussites !

Mais la police, plus que jamais, est devenue une police d’État, qui s’éloigne de la population, et chacun sait que la préfecture de police de Paris, est un État dans l’État. Il est où le temps où certains élus socialistes (pas de nom, on ne tire pas sur une ambulance) voulaient mettre à bas la citadelle !

La PJ parisienne va-t-elle retrouver son âme après ce déménagement ? Peut-être, dans quelques années, ou plutôt quelques décennies. Continue reading

Le dernier tour de piste de Carlos

Ces jours-ci, Ilitch Ramirez Sanchez cabotine devant la presse alors qu’il est jugé pour un attentat à la grenade qui a fait deux morts et 34 blessés. Malgré les rides et son visage rondouillard, le bonhomme n’a pas changé : il n’a jamais eu aucun respect pour la vie humaine. Celui qui a terrorisé la France, il y a de cela plusieurs dizaines d’années, ressemble aujourd’hui à un clown qui ne fait rire personne.

Le personnage est apparu au grand jour en 1975, après avoir tué froidement trois hommes, dont deux policiers, et en avoir blessé gravement un autre.

C’était le vendredi 27 juin 1975. Au 13 de la rue des Saussaies, le siège de la DST, l’ambiance est décontractée. Certains se préparent à partir en vacances, d’autres, en week-end. Il y a même un pot pour fêter l’événement et pour marquer le départ à la retraite d’un fonctionnaire de la division B2, celle en charge du terrorisme international. Mais dans la cour, dans les locaux de garde à vue, il y a un certain Michel Wahab Moukharbal, dit Chiquitin, un Libanais de 25 ans que la division de surveillance avait pris en filature depuis sa descente d’avion, à Orly, deux semaines plus tôt.

Une filature qui les avait conduits dans une rue étroite derrière la Sorbonne. Devant l’immeuble du n° 9 de la rue Toullier. Là, un homme attendait. Contact. C’est Carlos – mais personne ne le connaît.

C’est ainsi que cette adresse a été enregistrée par les enquêteurs de la DST Continue reading

Immunités : pour qui pour quoi pourquoi ?

Dans un monde où l’actualité est de plus en plus judiciaire, pas facile de nos jours d’être journaliste ! On a vu récemment les difficultés de la presse à expliquer les subtilités de la nouvelle loi sur la prescription pénale (sur ce blog : La patate cachée derrière l’infraction cachée), tandis qu’aujourd’hui il est question de « l’immunité » parlementaire de François Fillon et de Marine Le Pen.

L’immunité est une cause d’irresponsabilité pénale attachée le plus souvent à la qualité de l’auteur des faits répréhensibles. Elle empêche les poursuites judiciaires sans supprimer l’infraction, ce qui (sauf exceptions) laisse les complices ou coauteurs punissables et ne ferme pas la porte à un procès civil. De fait, l’immunité permet à une personne de commettre un crime ou un délit sans aucun risque. Cette mansuétude est justifiée par l’exigence de la protection d’intérêts considérés comme supérieurs à la justice du tout-venant. Des intérêts qui peuvent être politiques, judiciaires, diplomatiques ou familiaux.  Et dans ce dernier cas, l’immunité nous concerne tous. Continue reading

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