Lors du dernier rebondissement de l’enquête sur l’assassinat du petit Grégory, le procureur général de Dijon a déclaré que les époux Jacob, l’oncle et la tante de l’enfant, avaient fait usage de leur « droit au silence ». Une expression reprise par la presse, le plus souvent sans plus d’explication, ce qui a amené nombre de gens à se demander comment cela était possible.
Autrement dit, dans une affaire aussi grave, comment admettre que des suspects, placés en garde à vue, refusent de répondre aux enquêteurs ! Une question que l’on s’était déjà posée face au mutisme de Salah Abdeslam, actuellement en détention provisoire dans le cadre de l’information judiciaire sur les attentats du 13 novembre 2015.
Il est vrai que l’on peut tout aussi bien inverser ce type d’interrogation : comment obliger quelqu’un à parler ?
En France, si la torture n’est plus de mise, du moins depuis la fin du conflit algérien, le code de procédure pénale ne reconnaît le droit au silence que depuis la loi du 15 juin 2000, une réforme capitale portée par Élisabeth Guigou, alors garde des Sceaux, qui renforce la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes. Même si à l’époque les mauvaises langues ont parlé d’une loi rose bonbon, la première femme à avoir été nommée à la tête d’un ministère régalien a ainsi marqué son passage. En effet, qu’on le veuille ou non, cette loi du gouvernement Jospin a été un pas vers une justice plus respectueuse de l’être humain, auteur ou victime.
Inutile de dire que les syndicats de police sont partis vent debout contre cette réforme. Comment obtenir des aveux d’un suspect si on doit lui dire qu’il a « le droit de ne pas répondre aux questions » ont-ils fait valoir ! Dans de telles conditions, l’amorce même d’un dialogue est quasi impossible… Il en suivit une reculade du gouvernement, du moins sur le plan sémantique. Désormais, il suffira d’informer la personne en garde à vue qu’elle a le choix entre parler ou se taire.
Puis Chirac est réélu. C’est la fin de la cohabitation. La dernière. Jean-Pierre Raffarin est nommé Premier ministre et la loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003 supprime le droit au silence.
Une décision charlatane puisque ce droit est acquis et reconnu par la Convention européenne, comme le soulignera le Conseil constitutionnel quelques années plus tard.
Le droit au silence sera donc réinscrit dans le code de procédure pénale par la loi du 14 avril 2011 qui réforme en profondeur la garde à vue.
Puis, par transposition d’une directive européenne, la loi du 27 mai 2014 va étendre ce principe à l’ensemble de la procédure pénale : devant un enquêteur, un magistrat ou un tribunal, toute personne soupçonnée d’un crime ou d’un délit « a le droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire ».
Le droit au silence est donc un choix entre ces trois possibilités.
Pour la Cour européenne des droits de l’homme, ce principe va de pair avec celui de ne pas contribuer à sa propre incrimination, deux mesures qui sont au cœur du procès équitable tel qu’il est défini par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Et qui vont au cœur de toute personne qui se réclame d’une justice sereine et… juste.
Mais, pour les enquêteurs, qu’ils soient policiers ou gendarmes, il a fallu s’adapter et admettre qu’en ajoutant au droit au silence le formalisme qui entoure la garde à vue, et notamment la présence de l’avocat lors des auditions, aucun d’entre eux ne pourra plus jamais s’identifier à Lino Ventura dans le film de Miller.
Il existe d’ailleurs dans le système actuel une certaine incohérence : en ne communiquant pas le dossier d’enquête à l’avocat on lui ôte la possibilité de conseiller son client. Certains OPJ l’ont compris, et, si l’affaire s’y prête, ils prennent le temps de lui fournir des explications, mais à défaut, en l’absence d’éléments, quels conseils peut donner l’avocat à son client si ce n’est celui de se taire !
C’est probablement ce qui s’est passé dans le volet récent de l’enquête sur l’assassinat du petit Grégory, du moins si l’on en croit le procureur, puisque les suspects se sont murés dans le silence. Les gendarmes, qui visiblement sont partis avec peu de bagages, ont-ils engagé un dialogue avec les avocats ? Je ne sais pas. En tout cas, s’ils espéraient obtenir des informations, voire des aveux, ils ont fait chou-blanc. Il faut dire que dans cette affaire, ils ont été confrontés à deux mondes différents. Celui d’aujourd’hui, où le formalisme procédural empêche l’enquêteur d’établir un contact de confiance avec son suspect, de créer les conditions psychologiques favorables aux confidences. Un monde où les possibilités de la police technique et scientifique et le croisement d’une multitude de fichiers ont relégué les aveux au musée de la police. Un monde où l’on attend que la machine fasse mieux que l’homme. Et celui d’hier, où notre existence ne laissait aucun sillage électronique et où retracer le parcours d’une personne tenait de la science-fiction.
Alors, ce droit au silence est-il à l’origine de la déconvenue de ceux qui espéraient résoudre une affaire de plus de trente ans ?
Je ne le crois pas. D’ailleurs, ce droit n’est pas aussi rigide qu’il y paraît, car derrière les lois, il y a des hommes : ceux qui les décident, ceux qui les appliquent et… ceux qui les transgressent. L’ancien flic vous dirait qu’il y a toujours des possibilités de s’octroyer de petits moments d’intimité avec un suspect et que les aveux ou les confidences, hors protocole, peuvent néanmoins être retenus, un peu comme « une pièce de mosaïque », s’ils ne font que compléter d’autres éléments à charge (CEDH, 16 juin 2015, n° 41269/08) ; mais l’avocat que je suis devenu trouverait de tels procédés en dichotomie avec l’esprit de la loi.
La guerre de procédure qui a suivi un crime particulièrement odieux commis dans la nuit du 31 décembre 2010 montre qu’il existe une part de flexibilité dans l’application du droit au silence. Il s’agit du viol et du meurtre d’une jeune fille de 17 ans, Léa, à Montpellier. Au soir de sa disparition, le père de la jeune fille se présente au commissariat en compagnie d’un jeune homme de 24 ans avec qui elle a fêté le Nouvel An, Gérald Seureau. Lorsque celui-ci retire ses gants, les policiers remarquent des traces de griffure sur ses mains. Quelques questions, et le jeune homme s’effondre : « Je vais aller en prison… Je vais aller en prison… » Il est placé en garde à vue. Il est 22 heures 45. Le barreau est prévenu.
Seureau a craqué mais lorsqu’il a abandonné la jeune fille, dit-il, elle était encore vivante. Il conduit les policiers sur les lieux de l’agression. Léa est morte depuis longtemps. Elle a été sauvagement frappée et violée.
La police judiciaire prend le relais. Pour eux, c’est une affaire carrée. Mais l’avocat de Gérald Seureau dénonce la violation du droit au silence et la prise en compte de révélations auto-incriminantes au préjudice de son client. Les juges sont partagés. En bout de chaîne la Cour de cassation tranche : outre le fait qu’il y avait urgence à agir, dans l’espoir de venir en aide à une personne en péril, elle dit, en résumé, que le droit au silence se limite au cadre d’une audition. En revanche, si l’interrogatoire n’a pas commencé, les enquêteurs peuvent « accueillir » des déclarations spontanées, lesquelles seront par la suite consignées dans un procès-verbal qui prendra la forme d’un témoignage annexé à la procédure.
C’est d’ailleurs ce qu’il ressort de l‘article 63-1, 3° du code de procédure pénale : il faut que le suspect soit « en audition » pour bénéficier du droit au silence. Autrement dit, si l’audition n’a pas démarré, l’enquêteur n’a pas à interrompre des confidences spontanées pour signifier un droit qui n’est pas encore né.
Comme quoi la police ne rend pas sourd.
Au cours de ma carrière professionnelle, j’ai travaillé au Liban dans les années 2000. Un collaborateur a été soupçonné, à tort, d’avoir participé à un cambriolage. Un autre de nos collaborateurs, victime du vol et présent dans les locaux des FSI nous a contacté pour dire que la police torturait son collègue, vu que les deux travaillaient pour nous et qu’il entendait les cris.
Fort heureusement, nous avons pu mettre fin à cette séance de torture.
Par la suite, le vrai coupable a avoué avoir dénoncé un innocent pour ne pas être condamné.
Si vous êtes adeptes de la torture, c’est sûrement que vous n’avez jamais vu un torturé.
Ensuite, pouvez-vous me dire à quoi ont abouti 15 ans de torture à Guatanamo ? Tous les spécialistes du renseignements le disent, que valent des aveux sous la torture ? Rien.
Dans un pays où l’on pratique la torture, personne n’est à l’abri, même pas les honnêtes gens. C’est pour cela qu’avec ou sans l’autorisation de torturer, celui qui ne veut pas parler ne parle pas. C’est pour cela que le droit au silence ne change rien, si ce n’est le fait notable d’interdire une torture qui ne permet pas toujours d’avoir des aveux correspondants à la réalité.
Messieurs les barbares, ce n’est pas en retombant dans l’animalité que vous gagnerez la guerre contre le terrorisme et les différentes formes de délinquances plus ou moins ignobles. L’Histoire de France avec l’occupation nazi, les guerres d’Indochine et d’Algérie ont largement la sottise de vos arguments.
Marc
Les individus devraient être contraints de collaborer avec la justice sous peine de sanctions à moduler en fonction de la gravité de l’affaire.
L’intérêt de la collectivité doit, en matière pénale, prévaloir sur les intérêts individuels.
Il est inconcevable qu’il puisse y avoir de l’obstruction volontaire à la manifesteion de la vérité dans une affaire aussi terrible.
>Les individus devraient être contraints de collaborer avec la justice sous peine de sanctions à moduler en fonction de la gravité de l’affaire.
Et quand on dit « je ne sais rien », on est condamne parce qu’on aurait du savoir ?
Debile…
Une critique intelligente des pratiques policières locales en même temps que les louanges des enquêteurs belges,
https://www.franceculture.fr/emissions/estelle-disparue/la-contre-enquete-des-avocats-chapitre-3-episode-3
Où quand des avocats ne passent pas leur temps à nier le réel pour faire mousser leur ego d’une d’autant plus glorieuse relaxe qu’elle est la plus inique possible (Bonjour Eric…), mais qui cherchent la vérité, juste la vérité.
Gloire à eux.
AO
Signez la pétition pour la reconduction de L’Esprit Public sur France Culture à la rentrée !
https://www.change.org/p/pour-la-reconduction-de-l-esprit-public-sur-france-culture
Oui.
Je peux comprendre qu’une personne maladroite s’accuse à tort, ou d’une façon qui la fasse juger injustement, en omettant des circonstances atténuantes, par exemple.
J’ai du mal à imaginer comment l’avocat ne peut ensuite aider à rétablir les faits, et permettre un jugement plus « juste ».
Mais de là à professer que le droit au silence permette une justice plus « juste »… me laisse pantois.
Si on pousse le raisonnement, il n’y a plus pour chaque prévenu qu’à refuser de répondre quoi que ce soit, et…
tant pis pour les victimes?
J’ai du rater quelque chose. sur un pareil sujet, ça me semble très grave.
Pourrait-on avoir quelques développements? (sereins. Les trolls, merci bien).
Et bientôt, le droit à rester chez soi jusqu’au procès, voire pendant, voire après, quel que soit le jugement.
On appelle cela la modernité.
Dans tout principe, existe un processus de retournement qui naît de l’excès qu’on fait de son usage. Retournement contre les principes mêmes qui en justifiait l’existence. À force d’humaniser les peines, on finit par les nier. Songez à tous ces généreux qui veulent minimiser les sentences, au point qu’ils se mettent très concrètement en danger, eux ou souvent de plus modestes qu’eux (les plus modestes sont plus facilement accessibles aux malandrins, les vrais riches ont presque toutes possibilités de s’en protéger), à vouloir croire en ce bien généralisé idéologique là où existe très réellement chez certains un goût du vice et de la malfaisance qui n’est que peu lié au social qui ne conditionne qu’une partie – même si importante – des comportements individuels.
Dans Mister Arkadin, Welles rappelait le sens de la notion de « character »
https://www.youtube.com/watch?v=iPDgGxLb2OM
Beaucoup l’oublient pour minimiser les conflits que tout net jugement assumé ferait naître entre eux.
Il faut humaniser les prisons en y assurant hygiène et isolement, celui qui entrave les contaminations morales et permet au fautif d’examiner calmement ses actes et leurs conséquences, une fois mis face à lui-même. Pas croire qu’il n’est pas de coupable en dehors de ceux que fabriquerait seule la société ; cela est une bouffonnerie, une sinistre bouffonnerie.
AO
Et que va ton faire des 42% de prévenus en détention provisoire, donc présumés innocents, qui encombrent nos maisons d’arrêt françaises et grèvent autrement nos finances publiques ? Abdelslam ne coûte pas un goutte par rapport à ça ! Alors pourquoi monter en épingle cet exemple particulier ?
J’ajoute : et s’il parle, ça change quoi ? Il restera quand même détenu et continuera donc à nous « coûter ». Argument fallacieux que l’argument financier.
Parce qu’il n’est pas un assassin ordinaire, il a participé à l’exécution d’une centaine de personnes, ce nazislamiste…
AO
Combien de temps va durer la détention de Salah Abdelslam. S’il ne parle pas que va-t-on faire de cet homme qui nus coûte une fortune?
Ben, tu vas payer mon pote ! c’est le principe de solidarité ; comme le rsa, la cada, la rds, la sécu.
Un problème ? 40 % de tes impôts vont à l’Europe, alors, c’est pas un terro qui va te retirer le pain de la bouche !
« Tous les proches des victimes de novembre 2015 apprécieront à sa juste valeur cette attention portée au délicat Abdemachin. » (Oursivi)
Vous êtes vous déjà demandé pourquoi les affaires étaient jugées si looooooooongtemps après les faits ?
Parce que les faits implacables ne peuvent se permettre de recevoir des sentiments d’Êtres qui les jugent. Sinon, c’est pas la justice : le dépouillement de soi, ses rancœurs, ses haut-le-cœur, son empathie, sa compassion, etc, etc.
Ce sur quoi avocats et procureurs s’appuient en général pour faire basculer les jurés d’un côté ou d’un autre.
Si on se mettait à coller des sentiments immédiatement sur l’indescriptible horreur, on arriverait à commettre soi-même des crimes que notre éducation bien policée nous interdit. (ha ! ha ! ça c’est drôle)
Souvenez-vous du film « 12 hommes en colère » !
On voit bien la désinhibition avec du jaja, du chichon ou de l’extrémisme. Mais pourquoi pas la gégène pendant qu’on y est ?
En tout cas, « vous n’aurez pas ma haine » n’a jamais voulu dire que le mis en cause « aura mon amour ».
Autre petite nuance : autrefois, quand on arrêtait un vilain, on le disait « auteur ou accusé » ; aujourd’hui, il est « mis en cause ». Sans doute s’agit-il d’une petite évolution des consciences, Ours-i-vi ; une nuance de taille qui respecte l’individu, l’Être qui est passé par la même porte basse que vous. Quelqu’un qui a eu une enfance, qui a rêvé. Sans doute n’a-t-il jamais rêvé d’être meurtrier, ni mis en cause, ou assassin, ou derrière les barreaux.
Des tordus, il y en a toujours eu, mais défions nous de tramer l’Histoire, simplement avec ce qu’on veut bien nous en dire. Non, ce n’était pas mieux avant (avant quoi, on se demande bien).
Mais à l’heure où une grande vient de disparaître, une qui a tant fait pour la mémoire, le genre humain (tout sexe confondu), le social et les exclus de tout poil (quel que soit leur statut), il serait dommage qu’elle eut un dernier sursaut d’indignation retenue, avant même l’inhumation. On a obtenu des choses par la violence, oui ! Mais quels drames ensuite ! Des drames de l’éducation, des traumatismes de l’esprit, des choses… irréparables.
Preuve en est : Fourniret.
Et ça dure depuis qu’on a empêché la laïcité, qu’on a contraint les hommes à croire en plus grand qu’eux. Mais mon cousin, qui fait 2,28 m, a bien compris que l’humanité est petite, toute petite. Et que même si on ne croit pas en lui, il gardera ses 2,28 m qui l’encombrent.
Alors… autant allumer la lumière dans notre obscurité pour constater l’immensité de notre petitesse.
Enfin, moi, j’dis ça : faut essayer.
On sait qu’on est petits parce qu’on la prescience de l’infini comme de l’amour absolu et de la douceur sans limite. Dans l’obscurité on peut pressentir ce qu’est la lumière. Ce qu’on sait pas mesurer est pourtant là.
« Et qui vont au cœur de toute personne qui se réclame d’une justice sereine et… juste. »
GM
Tous les proches des victimes de novembre 2015 apprécieront à sa juste valeur cette attention portée au délicat Abdemachin.
Décidément, tant que d’inconscients apprentis sorciers se prenant pour des modernes n’auront pas totalement réussi à porter à incandescence la plus cruelle et sotte confusion, ils continueront à accumuler la matière bourrée d’indignations induites qui fera le grand brasier fascisant de demain.
Ce n’aura pas été faute de tenter de les réveiller…
Il me semble que ce fut en 2004, qu’une jeune demoiselle, à ma connaissance belge et noire, à laquelle on devrait élever une statue, parvint à s’échapper de la camionnette piège d’un barbu alors fort discret, aussi à arrêter une auto que conduisait une dame tout autant méritante, ou presque, qui prit en chasse la camionnette et en releva plaque et direction de fuite, permettant toutes deux l’arrestation d’un certain Fourniret…
Quel rapport, vous agacez-vous peut-être déjà ? Refoulant d’une idéologie confuse mais ferme, un, « mais tu vas enfin parler, salopiot ! ».
Le rapport est des plus simples.
Arrêté, Fourniret ne reconnut à peu près rien, là que les enquêteurs belges comprirent à peu près tout quant au certain de ce que ces faits n’étaient pas ses premiers, et que si les précédentes captives n’avaient pas dénoncé cet homme, c’est que très vite elles avaient dû être priver de le faire, comme de faire tout le reste, à commencer par respirer.
Plutôt que de laisser cet homme, et sa femme qu’ils soupçonnèrent bien vite, dans ce drolatique, mortifère autant qu’ubuesque, « droit au silence », une fois Fourniret incarcéré, ils convoquèrent encore et encore Monique Olivier, jusqu’à ce qu’elle parle justement, sorte d’anti Moreas qu’ils furent pour le plus grand bien de tous…
De là se fit jour la vérité, et on ôta définitivement Fourniret du monde où ce prédateur allait, semant la mort et le vice le plus diabolique, tranquille comme Baptiste, efficace comme autiste, très intelligent, très méthodique, ultimement implacable assassin.
Tout cela parce que ces flics belges, géniaux d’opiniâtreté, ne leur ont laissé aucun droit au silence, sans violence, sans hausser le ton, juste en laissant leurs rapports avec la femme du monstre, elle co-monstre pourtant, s’humaniser…
De plus existe bien des drogues désinhibitrices qui devraient aussi largement permettre d’interroger sans douleurs, sans torture, sans rien obtenir d’un innocent que la confirmation de son innocence, et de son contraire, de bien utiles informations. Cela nous fait peur, on se demande bien pourquoi, si l’interrogation se borne au cadre de ce qui intéresse les enquêteurs, ses maîtresses ou amants éventuelles, on se tape, comme de ses cachotteries au fisc, on utiliserait cela pour du gravissime, pas pour faire la morale à un libertin.
Mais bon, bref…
Dans l’affaire Grégory, il est tellement évident que la gamine fut battue et manipulée – les voisins témoignèrent de cela, eux sans crainte à ce qu’il m’en revient, que ce que nous en dit désormais officiellement un cousin ne nous apprend rien. Mais nous interroge à jamais sur l’aveuglement volontaire de certains enquêteurs – ne mêlons pas Sesmat à cela – qui se donne à lire en échos ici.
Plutôt que de broder sur la pertinence de modernités bidons, puisque savons déjà que les aveux non circonstanciés ne comptent heureusement pour rien dans un argumentaire d’assises (et même les circonstanciés parfois et c’est là accablant), donc que s’exprimer n’engage à rien si on a rien fait, il serait bon de s’intéresser à l’affaire qui a ravivé cette problématique qui ne devrait pas en être une. Il est surréaliste que l’on soit désormais tenu de justifier de son identité dans n’importe quel contexte, même si celui-là est des plus banal, mais que l’on serait encouragé à demeurer des plus hermétiques quand on cherche un assassin et alors que sa propre humanité devrait se fondre à toutes celles qui doivent se liguer dans la recherche de la vérité…
De sottise, accablant que cela.
Donc, concernant cette affaire, une fois convaincus que ce meurtre n’était nullement celui d’un détraqué-routard-rôdeur ce qui était arrivé à ce pauvre gamin étant exactement ce que décrivaient des expressions obsessionnelles récurrentes, ne restait guère que le milieu familial où chercher qui savaient et s’obsédai(en)t de ce qui s’y passait.
Le passé y était complexe et parfois douloureux ce qui rendait l’identification de ou des auteurs difficile, plusieurs membres ayant traversé ce dont se plaignait le corbeau. Toutefois, la considération d’un élément auquel ne se sont jamais intéressés les enquêteurs y aidait beaucoup.
Il tenait à la date où ces torrents d’infamies se sont soudainement déversés. Celui ou ceux dont la vie en cette année avait subi de ce genre d’événements qui avaient fait sauter un verrou de surmoi, n’étai(en)t pas nombreux…
La nature même des propos venimeux signalaient eux aussi ce qui venait de mordre cruellement qui s’en vengeait de la sorte. Il suffisait de considérer ce qu’avaient vécu certains en ce milieu-là pour avoir plus qu’une petite idée quant à l’auteur et ses motifs psychanalytiques les plus profonds.
Et il faut en avoir de sacrément anciens et ravivés par la vie récente pour en jeter un innocent gamin dans une rivière…
AO
« La nature même des propos venimeux signalait elle aussi »
entre autres coquillettes
juin 2003 et pas 2004 quant à l’arrestation de MF
Ce qu’il y a de remarquable sur ce blog, c’est le sens de la pondération et de la mesure sur des sujets difficiles ou la socio-psychologie le dispute au droit. Ça nous dit, avec une grande simplicité, d’où ça parle et ça l’assume. Du pragmatisme réaliste et de la nécessité de monter en généralité dans un équilibre instable qui fait fi du manichéisme habituel sur les protagonistes en asymétrie de postions. Il y a le droit formel des magistrats, et il y a la vie policière qui doit d’abord s’accommoder de la palette compliquée des comportements humains non réductibles à des stéréoptypes.
Et notre collègue Moreas accomplit ici presque toujours ce miracle d’équilibre et de justesse dont sont en général incapables les avocats pénalistes qui ont toujours quelque mépris pour les flics, à tort ou à raison. De toute façon, les transfuges ont toujours été plus près de la vérité que quiconque est resté campé dans un habitus professionnel psychorigide.
Bon cette banalité ayant été proférée sou l’empire de l’alcool, il faut la prendre comme une remarque en passant. Je me tire…, mais encore bravo, policetcetera. J’extrais encore cette remarque du post TAF emblématique d’une « socio des orga » vécue d’au plus près… :
« Certains OPJ l’ont compris, et, si l’affaire s’y prête, ils prennent le temps de lui fournir des explications, mais à défaut, en l’absence d’éléments, quels conseils peut donner l’avocat à son client si ce n’est celui de se taire ! » (?)
La bonne distance, c’est connaitre les choses et les hommes et garder un regard bienveillant, ainsi que le respect de l’autre. Un truc pas répandu.
Très instructif, comme toujours, merci.
Cette illustration marrante me rappelle un film américain idiot dans lequel on voit un policier raconter une histoire à ses copains, à peu près ça : un flic très énervé par une bande de petits voyous cagoulés prend en chasse l’un d’entre eux, l’attrape et le plaque au sol. Le gamin veut dire quelque chose mais à chaque tentative le policier lui écrase la tête sur le bitume en lui hurlant de la fermer. Au bout d’un certain temps cependant le jeune, qui ne lâche pas l’affaire, arrive à articuler : mais arrête papa, arrête !
1 vous m’avez réduit au silence….même pas drôle
2 vous ne voulez pas voir (entendre) le bruit assourdissant que fait la loi du silence dans les directions de la Police (DGSI, SDLP en tête) qui sont devenues des vitrines des groupes de pression, des lobbies et autres mafias…tragique
3 vous faîtes semblant qu’il ne se passe rien dans notre pays, et je me demande même si vous ne voulez pas entendre la rumeur qui gronde…et qui un jour chantera sur un air de carmagnole « à bas les privilèges », sûrement en réclamant des têtes.
Il semble que la Cour de cassation ne soit pas vraiment d’accord avec votre position. https://www.doctrine.fr/d/CASS/2017/JURITEXT000034548192?chrono=false&chrono_inverted=false&q=Criminelle%2025%20avril%202017%20silence&position=1&action=result&query_key=6d55c610c77f3b6e108a1e0eb4b19709&original_query_key=6d55c610c77f3b6e108a1e0eb4b19709&event_key=2017-05-18-7f937ea8bc4e69fd6234fb7407bab85a&source=title Le cas que vous évoquez est très particulier. Il tient avant tout à l’urgence de porter secours à quelqu’un qu’on pensait vivant.
« Comme quoi la police ne rend pas sourd. »
Cet arrêt en date du 25 avril 2017 m’incite à dire que la police est désormais sourde aux déclarations faites, même spontanément, hors du cadre formel rigide de l’audition.
Vous avez raison, les circonstances sont différentes et dans le cas de l’affaire de Montpellier, elles étaient exceptionnelles. Mais je crois que l’on peut faire une différence entre des déclarations spontanées et confuses données en début de garde à vue et celles effectuées au retour d’une perquisition sur les conditions dans lesquelles le suspect s’était procuré l’arme avec laquelle il avait tiré, alors que son avocat lui avait recommandé de se taire, comme dans l’exemple que vous donnez.
Je comprends personnellement de cette jurisprudence qu’en dehors de certaines circonstances exceptionnelles (et c’était le cas de l’affaire Léa), toute déclaration incriminante faite hors audition, quel que soit le lieu, quel que soit le moment, même totalement spontanée, est nulle dès qu’elle est couchée sur procès-verbal.
On ne peut pas obliger quelqu’un à se taire. Si les confidences n’ont pas été sollicitées par le policier, il ne doit pas les enregistrer, mais il peut en témoigner. Il ne peut quand même pas faire comme s’il n’avait rien entendu…
C’est ainsi que l’on passe de l’auto-incrimination à l’auto-audition 🙂
Faire comme si nous n’avions rien entendu, nous le faisons déjà, dans le cadre des interceptions, avec les conversations téléphoniques entre nos mis en cause et leurs avocats. 😉
La solution pour les enquêteurs est de revenir le plus rapidement possible, en audition, à chaud, sur les confidences du mis en cause en espérant qu’il les confirme. Mais je ne doute pas que son avocat saura entretemps lui faire recouvrer la raison. 😉
Si j’ai bien compris, le cas cité par le Maître de ce blog dans son billet est celui d’un criminel qui avoue spontanément, et en toute lucidité, hors garde à vue, son crime -mais en présence de policiers : il a même fait le déplacement-…
Cela n’a pas grand chose à voir avec une écoute téléphonique, où les orateurs ne sont pas au courant -sauf dans certaines dictatures, hors d’Europe, au millénaire dernier : on ne parlait jamais politique au téléphone-….