Lors du dernier rebondissement de l’enquête sur l’assassinat du petit Grégory, le procureur général de Dijon a déclaré que les époux Jacob, l’oncle et la tante de l’enfant, avaient fait usage de leur « droit au silence ». Une expression reprise par la presse, le plus souvent sans plus d’explication, ce qui a amené nombre de gens à se demander comment cela était possible.
Autrement dit, dans une affaire aussi grave, comment admettre que des suspects, placés en garde à vue, refusent de répondre aux enquêteurs ! Une question que l’on s’était déjà posée face au mutisme de Salah Abdeslam, actuellement en détention provisoire dans le cadre de l’information judiciaire sur les attentats du 13 novembre 2015.
Il est vrai que l’on peut tout aussi bien inverser ce type d’interrogation : comment obliger quelqu’un à parler ?
En France, si la torture n’est plus de mise, du moins depuis la fin du conflit algérien, le code de procédure pénale ne reconnaît le droit au silence que depuis la loi du 15 juin 2000, une réforme capitale portée par Élisabeth Guigou, alors garde des Sceaux, qui renforce la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes. Même si à l’époque les mauvaises langues ont parlé d’une loi rose bonbon, la première femme à avoir été nommée à la tête d’un ministère régalien a ainsi marqué son passage. En effet, qu’on le veuille ou non, cette loi du gouvernement Jospin a été un pas vers une justice plus respectueuse de l’être humain, auteur ou victime.
Inutile de dire que les syndicats de police sont partis vent debout contre cette réforme. Comment obtenir des aveux d’un suspect si on doit lui dire qu’il a « le droit de ne pas répondre aux questions » ont-ils fait valoir ! Continue reading
34 réponses à “Vous avez le droit de garder le silence”
« Si celui-ci avait accès au dossier de son client, il serait sans doute moins enclin à lui recommander de ne pas répondre aux questions (…) (L’enquête) serait faite devant un avocat, qui n’est pas l’adversaire du policier mais un auxiliaire de justice au service du justiciable. »
Est-ce une blague ?
Pas vraiment.
Lorsque le dossier est conséquent, l’avocat doit conseiller la confession. L’intérêt de son client étant de prendre alors le moins de sanction possible.
S’enfermer dans le déni, le silence n’est pas dans l’intérêt du client si le dossier est solide.
Perso, je n’étais pas très chaud pour ce droit au silence. Finalement, maintenant je trouve ça génial, et je regrette que ça n’ait pas été mis en place plus tôt, d’ailleurs j’ai ajouté une petite phrase à l’attention des types que je place en garde à vue : « Plutôt que de me dire des conneries, taisez vous », ce qui fait que je tape des auditions en dix minutes. Après je m’en fous, parce qu’un dossier même bien ficelé de nos jours, nos magistrats s’en battent les c……, enfin les ov…. vu la féminisation, alors COPJ pour COPJ……… d’ailleurs j’ai remarqué que ça les emm……. quand le mec ne reconnaît pas les faits. Ben oui, ils peuvent pas l’envoyer en CRPC !
Qu’est ce qu’on se marre !
Interrogatoire new look :
le flic : « tu-vas-te-taire- oui ?! »
le mis en cause : « nan m’sieur ! j’veux tout dire »
le flic : « nan mais tu-vas-te taire !
le mis en cause : « au secours ! enlevez moi mes droits ! »
le flic : « nan m’sieur le juge, j’ai pas réussi à le faire taire ! il a tout avoué
le magistrat : « ha le KON ! ch’uis obligé de lui mettre la moitié de la peine ! Y peut pas s’évader ?
le flic : « Ha nan m’sieur le juge, c’est l’administration qui nous z’em…de après »
le magistrat : « P… de société ! La délinquance nous f’ra ch… jusqu’au bout hein !
un gradé qui garde à vue un gars qui garde le silence, ça le gave Soph ? (le gradé hein, pas le gardé)
grave ?
@ ArchiAnonyme :
ch’ais pas si ça le gave, mais ça le regarde !
« À ce moment-là, seulement, on va lui notifier son droit au silence. Et s’il utilise ce droit, c’est devant le juge qu’il devra s’expliquer – 24 ou 48 heures plus tard. »
DEVRA s’expliquer ? Le droit au silence existe aussi en face du juge d’instruction (et en présence de l’avocat).
Ooooop.s 5th amendment.
Je connais l’histoire de deux detectives ,l’un du Santa Monica PD , l’autre du LAPD qui sont alles en PRISON pour ne pas avoir respecte ce droit d’un detenu. Violation des droits civiques. 4th amendment. Aux US ils ne rigolent pas du tout avec ca. C’est du serieux de serieux.
Bien évidemment, il convient d’abord de craindre policiers et juges et de s’en remettre au désintéressement des avocats uniquement animés par un désir de justice ! Allez dire â la petite fille qui trouve enfin le courage de crier que son père l’agresse sexuellement le soir venu, hors la présence de témoins et en prenant la précaution de ne pas la déflorer, que c’est une grande avancée de la justice que d’offrir à son abuseur le droit de se taire en garde à vue, soutenu par un auxiliaire de justice ! Allez lui dire que faute de témoins, faute d’éléments matériels et faute…d’aveu de son abuseur en garde à vue, ce dernier ne sera pas inquiété par la justice et pourra la retrouver bientôt ! Allez-y car moi je n’y arrive pas. Des droits de l’homme et de ceux de la petite fille…
Il est bien connu que les enfants ne mentent jamais…
Votre exemple ne vous sert à rien dans votre démonstration.
Vous êtes dans une situation de parole contre parole.
En quoi parler (pour nier les faits), nier, ou garder le silence va changer la donne ?
En rien.
Si vous voulez des aveux faut les provoquer (dans la légalité) que le « coupable » ait auparavant gardé le silence ou non, ne change rien.
Par contre, parler peut coûter terriblement cher, alors même que vous êtes innocent des faits reprochés.
« …pour que les policiers acceptent de gaîté de cœur d’informer un suspect qu’il n’est pas tenu de répondre à leurs questions »…
Il y a encore du boulot, hélas, et des circonvolu(locu)tions dans les chemins à parcourir !…. J’ai même connu un collègue qui fut sanctionné administrativement pour avoir délibérément fait son devoir de flic en signalant son droit au silence à un suspect, prévenu présumé innocent… Ce courageux collègue a même fait beaucoup parler de lui ces derniers temps…
En effet…, la « culture de l’aveu »… tsss… Il en faudra du boulot pour se défaire de cette chape de plomb… Pour en arriver à une réelle culture de l’égalité des armes entre un policier suspect de bafouer les droits du citoyen et un citoyen présumé innocent du crime dont on l’accuse.
C’est vrai que lorsque l’on est coupable, le silence est préférable en garde à vue, pour ne pas aggraver les choses sans les conseils de son avocat, mais cela ne veut pas dire que tous les silencieux soient coupables contrairement à ce que le sens commun pourrait croire. L’état de sidération provoqué par l’arrestation peut très bien engendrer le mutisme sans que cela ne prouve quoi que se soit.
Rapport à l’illustration par l’illustre Gogot : C’est quoi la différence entre des onomatopées avec ou sans L (Plaf vs paf…) ?
avec L : ça laisse pas de trace ?
Quand il n’y a pas d’L, les aveux se cassent la gueule.
L’essentiel du droit au silence (beaucoup mieux développé en droit anglo-américain), que l’auteur n’a pas adressé, c’est le droit de ne pas être inculpé *par le fait même* que l’accusé a exercé son droit au silence tout au longue du procès.
C’est-à-dire, le procureur n’aura pas le droit d’invoquer le fait que l’accusé s’est tu pour arguer que son silence implique qu’il est coupable (parce que les innocents n’ont rien à cacher). De même, les juges et les jurés n’auront pas le droit de considérer le fait que l’accusé n’a absolument rien dit.
Bien sûr on peut simplement se taire, mais si l’on est inculpé après par cet acte de rien dire, le droit au silence n’a aucune valeur.
ce serait vraiment bien, quand meme, d’en savoir un peu plus. Une partie est claire, le droit de dire preferer le silence des que la garde a vue est notifiee (quelques centaines de milliers chaque annee quand meme ce qui place la France dans le peloton de tete des nations qui la pratiquent). Une (grande) partie n’est pas claire : que se passe-t-il, APRES ?
La réponse est là :
http://www.maitre-eolas.fr/post/2012/10/01/Les-Experts-de-la-garde-%C3%A0-vue
http://www.maitre-eolas.fr/post/2013/05/13/De-labsurde-jusquau-droit
Pour faire rapide :
soit vous êtes libéré (exceptionnel),
soit vous êtes déféré devant un juge d’instruction qui décidera de la mesure à prendre après vous avoir entendu (libéré, témoin assisté ou mis en examen)
Bien aimé votre allusion aux experts en « exposés oraculaires »
m’avait bien semblé deviner un peu d’agacement chez un co-invité praticien.
Parce que la torture n’existe pas.
Perso j’ai appris quelque chose j’espère que cela ne me servira jamais.
………………… Ok ?
Devant un flic se taire est une simple mesure de bon sens.
Il vaut mieux ne rien dire que de raconter une connerie.
L’avocat est la pour traduire de la meilleure maniere les informations que vous voulez donner. 2’h ou 48heures de garde a vue valent mieux qu’une incarceration car vous pouvez donner de faux renseignements vis a vis de votre emploi du temps, simplement parce que vous aurez fait un truc different que d’abitude une journee precise, et que les flics auront les traces de votre passage ailleurs que la ou vous croyez etre (par exemple). D’autant plus dans ce genre de situation stressante.
« L’avocat est la pour traduire »…et quand on lit votre charabia on comprend que pour certains, il vaut être aidé d’un « traducteur » !
Et vous ma poule, que voulez-vous dire ?
>il vaut être aidé d’un « traducteur » !
Désolé je ne vous comprends pas, votre charabia est intraduisible.
pour moi c’est très clair et très utile à savoir !
Les « circonvolutions de langage », ça s’appelle tout bêtement des circonlocutions, monsieur le commissaire. C’est quand même incroyable que tous les gens qui écrivent dans le cadre d’un journal finissent par écrire aussi mal que des journalistes !
Après de longues circonvolutions de paroles, nous finîmes par entrer en marché (ALPHONSE DE LAMARTINE, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-1833) ou Note d’un voyageur, tome 2, 1835, page 64 ).
http://correcteurs.blog.lemonde.fr/2011/01/13/circonlocution-ou-circonvolution/
Désolé mais peu de monde connaît et utilise le mot « circonlocution », alors que « circonvolution » est beaucoup plus usité.
Ne pas utiliser des mots rares et obscurs pour le lecteur commun ne veut pas dire « mal écrire ».
Donc merci de m’avoir appris – ainsi qu’à beaucoup d’autres je pense – ce nouveau mot, mais le faire avec autant de suffisance et d’aggressivité est très mal placé lorsqu’il s’agit de mots très spécifiques et peu utilisés comme celui-ci.
Le Dr J. étant aussi ou d’abord grammairien, comment voulez-vous ne pas appeler un chat un chat ? Depuis le bon Knock, on sait que d’un point de vue sémiologique et diagnostic, le « ça me gratouille » ne veut pas du tout dire « ça me chatouille ». La nuance est de taille, isn’t it ?
Ne pas mal traiter la langue, c’est aussi un soin de soin, et je suis moi aussi d’accord pour soigner la langue française, belle langue souvent blanchie par un épais… dépôt !
Donc « circonlocution » est stylistique (c’est un terme de rhétorique latine: en grec « périphrase ») alors que « circonvolution » est cérébral, fumeux et dit aussi bien qu’on tourne autour. Autour de quoi? That is the question !
Hé bien, les « circonvolutions de langage », pour y revenir, est une expression mordante qui n’aurait pas déplu à Saint-Simon, par exemple. C’est aussi un cliché imagé et aujourd’hui moins rare que vous ne pensez: je l’ai entendu dans la bouche d’un médecin justement, qui n’est pas un cuistre. Dès qu’il y a, comment dire?, embarras de parole, le discours se cherche, les mots aussi, sur le bout de la langue ou ravalés au fond de la gorge. C’est même une grande partie du jeu d’enquête et de la procédure d’enquête: on joue au chat et à la souris, on ruse de part et d’autre avec les nerfs, les ombres, les sentiments, les demi-mots, les insinuations et les… silences.
Toujours est-il que la formule « Vous avez le droit de garder le silence », trop peu audible en « gardave » (ça arrache la bouche de celui qui le dit), est magnifique. Je vais l’appliquer à moi-même, car j’en ai déjà trop dit – et sans mon avocat ! Me voilà perdu.
« c’est aussi un soin de soin » –> un soin de SOI.
M. Le Commissaire dit: « La culture de l’aveu est trop ancrée dans notre système judiciaire pour que les policiers acceptent de gaîté de cœur d’informer un suspect qu’il n’est pas tenu de répondre à leurs questions ». Oui, culture de l’aveu sans aucun doute (Michel Foucault a bien décrit cette culture-là), d’où l’impression de se tirer une balle dans le pied, ou de scier la grosse branche du questionnaire sur laquelle on est perché, ou de marquer contre son camp: l’aveu, qui vaut (croit-on) vérité vraie…
Enfin des paroles sages, rationnelles et humanistes dans un espace public pollué par la rancoeur publique. Merci.