POLICEtcetera

LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

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Benalla, l’homme qui se croyait sorti de la cuisse de Jupiter

Le pouvoir, ça se prend. Ce doit être la devise d’Alexandre Benalla. Il a su, non sans maestria, profiter de la faiblesse de ce nouveau monde que l’on nous promet, celui qui veut nous coconner pour mieux faire de nous des moutons.

La police est un bon exemple de cette régression des valeurs humaines et les policiers qui se battent pour conserver l’audace du métier sont hélas ! de moins en moins nombreux.

Les flics sont sortis du roman.

Ce qui fait mal aux tripes, entre autres, dans cette affaire, c’est que si Benalla avait été un vrai policier, tout le monde aurait trouvé « normal » qu’il tape sur des manifestants non violents. D’ailleurs, personne ne relève le fait que le jeune homme, une fois à terre, ait été rudement molesté par les CRS, comme on peut le voir sur une vidéo diffusée par Mediapart. Tout ça en agissant sous les ordres d’un pékin qu’ils ne connaissaient probablement pas, mais qui a su se glisser dans la peau du chef.

On perd nos repères.

Et la police aussi, depuis que le pouvoir en a fait un instrument politique. Mais les poulets vont y laisser des plumes, car nos dirigeants restent défiants vis-à-vis de la « grande maison ». Dans une interview accordée au Monde daté de ce jour, le secrétaire général du syndicat indépendant des commissaires de police (SICP), le commissaire Jean-Paul Megret, ne dit pas autre chose : « Il y a quelques mois, on nous a prévenus que le Groupe de sécurité du président de la République (GSPR) allait quitter le giron de la police nationale pour devenir une entité à part, sous l’autorité unique de l’Élysée, et qu’il pourrait recruter en dehors de la police et de la gendarmerie. Cette logique est dangereuse. »

C’est le moins. Ça sent la barbouze ! Continue reading

De Empain à Pétronin : le business des enlèvements

Après 63 jours de séquestration dans des conditions inhumaines, au lendemain de la libération du baron Empain, la presse est dithyrambique sur l’efficacité de la police judiciaire parisienne. C’est le triomphe du commissaire Pierre Ottavioli, le patron de la brigade criminelle, qui a mené cette enquête de main de maître avec le concours de la BRI des commissaires Marcel Leclerc et Robert Broussard.

Tout a été dit sur cette affaire : le 23 janvier 1978, Édouard-Jean Empain, âgé de 40 ans, PDG du groupe industriel Empain-Schneider, quitte son domicile de l’avenue Foch, à Paris, vers 10 h 30. Son chauffeur l’attend pour le conduire à son bureau situé rue d’Anjou. C’est alors qu’une estafette coince la 604 Peugeot. Cinq individus masqués et armés surgissent et les neutralisent tous les deux. L’homme d’affaires est bâillonné, enchaîné et jeté dans la Peugeot qui démarre avec les ravisseurs, abandonnant le chauffeur ligoté dans la fourgonnette.

Le lendemain, Jean-Jacques Bierry, le principal collaborateur du baron, récupère dans la consigne d’une gare la troisième phalange de l’un de ses doigts et un mot d’Empain lui-même, indiquant le montant de la rançon : 80 millions de francs, soit plus de 40 millions d’euros, si du moins j’en crois un convertisseur qui tient compte de l’érosion monétaire.

C’est la première erreur des ravisseurs  Continue reading

Inass, la fillette de l’A10 : les ombres juridiques de l’enquête

C’était en août 1987. La période estivale, celle où il est fréquent, hélas, de découvrir des animaux abandonnés par leur maître sur le chemin des vacances. Mais cette fois, ce n’est pas un chien que découvrent les employés chargés de débroussailler en bordure de l’A10, entre Orléans et Blois, mais un petit corps humain, celui d’une fillette d’environ quatre ans, enveloppée dans une couverture.

C’est le début d’une longue enquête.

Elle démarre par une minutieuse autopsie aux résultats effrayants : le corps de la petite fille porte des cicatrices de fractures non soignées, des traces de brûlures au fer à repasser et des cicatrices qui sont le fruit de morsures, probablement par une femme ou un adolescent. Cette fillette a été martyrisée pendant de longs mois avant de renoncer et se laisser mourir.

Les blessures sont tellement inhabituelles que les enquêteurs se demandent si elle n’a pas été la victime d’un sacrifice sectaire !

Des recherches sont lancées, colossales, pour tenter de l’identifier, notamment dans les écoles, les milieux hospitaliers, les associations…, sans résultat. Et des décennies plus tard, on s’aperçoit que l’enquête s’est jouée au tout début, au bord de l’autoroute, lorsque le premier gendarme intervenant, un motard, semble-t-il, dans un réflexe professionnel inhabituel à cette époque, saisit la couverture de la victime et la sauvegarde avec soin « pour les besoins de l’enquête ». Sans savoir qu’il protégeait ainsi les indices du futur. Continue reading

Lorsque le droit sert le criminel

C’était un mercredi, il y a une quarantaine d’années. En fin d’après-midi, trois individus armés font irruption au Crédit Agricole de Villefort, en Lozère, et s’emparent d’une somme d’environ 50 000 francs avant de prendre la fuite à bord d’un véhicule volé le matin même, une DS Citroën de couleur vert foncé. Dans leur fuite, sur une petite route de campagne, ils croisent une estafette de gendarmerie. À bord, deux jeunes gendarmes qui terminent une patrouille de routine. Les deux véhiculent se frôlent. Les gendarmes continuent leur route. Mais un peu plus loin, un homme leur signale que ce véhicule a percuté le sien, sans même s’arrêter. Il leur donne le numéro minéralogique. Les gendarmes cherchent un point haut dans la campagne, tant pour obtenir une meilleure liaison radio, afin d’identifier le véhicule, que pour surveiller les alentours. C’est alors que la DS surgit et stoppe, pare-chocs collé à l’estafette. Deux hommes à bord. Au volant Pierre Conty. Les choses vont très vite. Il descend, un pistolet-mitrailleur à la hanche : la première rafale atteint le gendarme Dany Luczak. Six balles lui déchirent le ventre. Pendant ce temps, le passager, Stéphane Viaux-Péccat, passe le buste par la vitre ouverte et tire à l’aide d’un fusil à canon scié. Le second gendarme, Henri Klinz se dissimule comme il peut. Mais Conty a contourné l’estafette et lui arrive dans le dos. Il appuie sur la détente et, miracle ! la septième balle explose dans la chambre. Henri Klinz ne l’apprendra que plus tard, à l’issue de l’expertise de l’arme. Pour l’heure, il lève les mains haut vers le ciel. « Le pistolet-mitrailleur toujours à la hanche, il me braquait. », raconte le survivant, dans son livre-enquête, Mon témoignage sur l’affaire Pierre Conty, le tueur fou de l’Ardèche (Éditions Mareuil, 2017). Tout en s’éloignant, Conty ordonne à son complice de le « descendre ». Celui-ci fait alors un choix inattendu : « Casse-toi », lui murmure-t-il en lui désignant le ravin tout proche. « J’ai sauté dans le bas-côté, raconte Henri Klinz, glissant sur une dizaine de mètres entre les châtaigniers où je me suis couché. » Puis Viaux-Péccat a tiré dans sa direction, mais beaucoup trop haut, sans risque de l’atteindre.

Dans la fuite des malfaiteurs, deux autres personnes seront abattues par Conty. Froidement. Sans raison. Continue reading

La fiche S bien ?

Après chaque acte terroriste, c’est un leitmotiv : les services de renseignement ont-ils commis une boulette en laissant dans la nature un individu faisant l’objet d’une fiche S ? Selon un sondage récent, les Français pensent que oui, puisqu’une très large majorité se déclare favorable à l’expulsion des étrangers fichés et à l’incarcération préventive des plus dangereux. Étant donné que cette fiche est rédigée à l’initiative des services du ministère de l’Intérieur, nous serions donc 87 % à accepter qu’un service de police décide unilatéralement de l’emprisonnement d’une personne, un peu comme le faisait le KGB au temps de l’Union soviétique ou les services secrets grecs sous la dictature des colonels.

Étonnant, non !

D’autant que la fiche S ne constitue qu’une feuille de route destinée aux agents intervenants pour leur indiquer la marche à suivre en présence de tel individu. Continue reading

Affaire Grégory : épluchage de la garde à vue de Muriel Bolle

Les avocats de Muriel Bolle contestent la validité de la garde à vue de leur cliente, effectuée dans les locaux de la gendarmerie de Bruyères, dans les Vosges, en novembre 1984. Ils estiment que lors de ses auditions les droits de la défense n’ont pas été respectés, notamment du fait qu’elle n’était pas assistée d’un avocat, comme c’est la norme aujourd’hui. Ils ont déposé une QPC dans ce sens, contre l’avis du parquet général pour qui les règles actuelles de la garde à vue ne peuvent être rétroactives.

Une réflexion pétrie de bon sens, même si, au lendemain de la loi du 14 avril 2011 qui a profondément remanié la garde à vue, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a dit exactement le contraire : tous les procès-verbaux de garde à vue antérieurs à cette loi sont susceptibles d’être contestés dans la mesure où la personne gardée à vue n’a pas bénéficié des garanties procédurales voulues par la CEDH (ratifiée par la France en 1974) : droit de se taire et droit de se faire assister d’un avocat.

Mais cette décision, qui aurait pu être une bérézina judiciaire, ne fut finalement qu’une pirouette juridique, notamment en raison de l’article 173-1 du code de procédure pénale qui limite le délai de contestation à six mois à compter de la notification de mise en examen.

Puis d’un seul coup surgit un cas que personne n’avait envisagé : une mise en examen 33 ans après la garde à vue ! Continue reading

Le mort est-il un justiciable comme les autres ?

Des policiers, une minorité, mais qui ont accès aux médias, réclament une sorte de blanc-seing pénal qui s’appliquerait automatiquement aux forces de sécurité lorsque l’un de leurs membres enlève une vie dans l’exercice de ses fonctions. Cette revendication n’est pas nouvelle, mais lorsqu’elle émane d’un syndicat, elle est pure démagogie.

Comment en effet imaginer qu’un homme puisse être abattu sans qu’il y ait une enquête, ne serait-ce que pour démontrer que les violences mortelles étaient légitimes et nécessaires !

Si cette enquête est indispensable, une autre paraît beaucoup moins évidente : l’enquête contre le mort.

Or, c’est quasi systématique, lorsqu’un homme est tué au cours d’une opération de police, parallèlement à l’enquête de l’Inspection générale, le parquet ordonne une seconde enquête dirigée contre la personne décédée.

Les exemples foisonnent :

  • – Dans un article récent (le policier devrait passer devant la cour d’assises dans les mois qui viennent), Mediapart, a rappelé une affaire vieille de dix ans dans laquelle un brigadier-chef de la BAC de POITIERS a tué d’une balle dans le ventre Olivier Massonnaud, un homme de 38 ans. Immédiatement après les faits, le procureur ouvre une enquête pour les violences que le mort aurait exercées contre les agents de la force publique.
  • – Le 3 décembre 2015, Babacar Guèye, un jeune homme de 27 ans, armé d’un couteau, mais visiblement en état de démence, est abattu par la BAC de RENNES. Parallèlement à l’enquête de l’IGPN, la PJ est chargée d’une enquête sur le mort pour tentative de meurtre sur les policiers qui l’ont tué.
  • – Le 7 janvier 2016, dans le VAL-D’OISE, un ancien militaire de 32 ans, Mehdi FARGHDANI, est abattu de six balles de 9 mm, alors que dans un état second, coincé dans un studio, il menaçait 6 policiers de la BAC de CERGY, avec un couteau de cuisine vraisemblablement sans lame : la PJ est saisie pour tentative de meurtre sur des fonctionnaires de police.

Et bien d’autres encore. Donc, dans ces conditions, la mort d’un homme entraîne deux enquêtes : Continue reading

Les procureurs ont perdu leur ombre

Le Conseil constitutionnel a tranché : les procureurs sont des magistrats indépendants qui dépendent du gouvernement. Pour parvenir à cette conclusion, les Sages ont utilisé un curieux syllogisme qui, non sans ironie, peut se résumer ainsi :

  • – Selon l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, toute société dans laquelle la séparation des pouvoirs n’est pas déterminée « n’a point de Constitution ».
  • – Or, nous avons une Constitution, et celle-ci affirme dans son article 64 que « le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ».
  • – Les procureurs étant nommés par décret du président de la République, il en résulte que « la Constitution consacre l’indépendance des magistrats du parquet ».

En réalité, selon l’ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs supérieurs hiérarchiques et sous le contrôle du garde des sceaux. Autrement dit, les procureurs doivent obéissance à leurs chefs, lesquels sont placés sous l’autorité du ministre de la Justice, lequel est placé sous l’autorité du Premier ministre, lequel est nommé par le président de la République. Cette hiérarchie pyramidale ressemble comme deux gouttes d’eau à celle de tous les fonctionnaires, si ce n’est qu’à l’audience, la parole des procureurs  est libre.

Sur Twitter aussi : Continue reading

Le spectre des « revenants »

Depuis la chute de Raqqa, et sans doute bien avant, des djihadistes ont déserté leur camp pour fuir la défaite. Selon un reportage de la BBC c’est même un convoi de six ou sept kilomètres de long, comprenant près de 4000 personnes, dont des gens en armes, qui aurait quitté les zones de combat, à la suite d’un pacte passé entre l’EI et les forces syriennes — tout cela sous l’œil bienveillant de la coalition arabo-occidentale dirigée par les États-Unis.

À dire vrai, on ne sait pas trop ce qui se passe là-bas. En dehors de quelques journalistes courageux, l’information est sous le contrôle des armées et des services de renseignement d’une vingtaine de pays dont la plupart ont une vision nombriliste de l’avenir de cette région du monde.

Pour les journalistes du New York Times, cette guerre serait « la moins transparente » de l’histoire des États-Unis. Et il est à craindre que l’après-guerre soit du même tonneau. En fait, personne ne peut dire ce qui s’est passé, ce qui se passe et ce qui va se passer, si ce n’est que les maquignonnages géopolitiques ont déjà commencé.

Mais qui peut affirmer aujourd’hui que la victoire militaire sur Daech, annoncée par Emmanuel Macron pour « les prochains mois », apportera la paix au Moyen-Orient — et la fin du cycle terroriste chez nous !

D’autant que la question pressante concerne l’éventuel retour au pays des Français qui ont choisi d’aller faire le djihad, ceux qu’il est convenu d’appeler des « combattants étrangers » (étrangers sur la zone de guerre) : les revenants. Continue reading

PSQ : une police « déconcentrée »

Le discours du président Macron devant « les forces de sécurité intérieure de notre pays » est un modèle du genre. La seule fausse note, a priori volontaire, tient à une petite phrase dans laquelle il assène aux gendarmes et aux militaires qu’ils ne sont pas concernés par la directive européenne sur le temps de travail.

Il faut dire que cette directive de 2003, adoptée à l’initiative de la France, impose des temps de repos inhabituels dans les services actifs. Pour la gendarmerie, qui l’applique partiellement depuis un an, cela constituerait une perte d’activité d’environ 6 %, soit l’équivalent de 6 000 gendarmes-temps.

Inutile de dire que la déclaration présidentielle a créé un certain tohu-bohu. Richard Lizurey, le directeur général de la gendarmerie, a tenté d’éteindre l’incendie : « Nous ne reviendrons pas en arrière », a-t-il déclaré à l’Essor. Tandis qu’à l’opposé, le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Jean-Pierre Bosser, se réjouissait à l’idée de ne pas mettre en œuvre cette directive qui aurait mis « sous forte contrainte les armées au plan des effectifs ».

Quant au ministre de l’Intérieur, il a déclaré à l’AFP que la réforme du temps de travail mise en place en septembre 2017 dans la police ne serait pas remise en cause.

Ça couac de partout !

Comme quoi d’un bon discours on ne retient souvent qu’une petite phrase !

Il faut dire que notre président doit avoir du mal à accepter que se volatilisent dans le farniente les dix mille postes supplémentaires qu’il a prévus pour lancer son projet d’une « police de sécurité au quotidien ». Continue reading

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