LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Benalla, l’homme qui se croyait sorti de la cuisse de Jupiter

Le pouvoir, ça se prend. Ce doit être la devise d’Alexandre Benalla. Il a su, non sans maestria, profiter de la faiblesse de ce nouveau monde que l’on nous promet, celui qui veut nous coconner pour mieux faire de nous des moutons.

La police est un bon exemple de cette régression des valeurs humaines et les policiers qui se battent pour conserver l’audace du métier sont hélas ! de moins en moins nombreux.

Les flics sont sortis du roman.

Ce qui fait mal aux tripes, entre autres, dans cette affaire, c’est que si Benalla avait été un vrai policier, tout le monde aurait trouvé « normal » qu’il tape sur des manifestants non violents. D’ailleurs, personne ne relève le fait que le jeune homme, une fois à terre, ait été rudement molesté par les CRS, comme on peut le voir sur une vidéo diffusée par Mediapart. Tout ça en agissant sous les ordres d’un pékin qu’ils ne connaissaient probablement pas, mais qui a su se glisser dans la peau du chef.

On perd nos repères.

Et la police aussi, depuis que le pouvoir en a fait un instrument politique. Mais les poulets vont y laisser des plumes, car nos dirigeants restent défiants vis-à-vis de la « grande maison ». Dans une interview accordée au Monde daté de ce jour, le secrétaire général du syndicat indépendant des commissaires de police (SICP), le commissaire Jean-Paul Megret, ne dit pas autre chose : « Il y a quelques mois, on nous a prévenus que le Groupe de sécurité du président de la République (GSPR) allait quitter le giron de la police nationale pour devenir une entité à part, sous l’autorité unique de l’Élysée, et qu’il pourrait recruter en dehors de la police et de la gendarmerie. Cette logique est dangereuse. »

C’est le moins. Ça sent la barbouze !

Vu l’omniprésence de M. Benalla auprès du président Macron, on peut penser que le nouveau chef de ce service parallèle était tout désigné…

Il faut dire que la tendance est forte, sous notre constitution monarchienne, de tout vouloir contrôler. Durant la campagne électorale, déjà, Emmanuel Macron avait annoncé la création d’une « task force » placée sous son autorité directe. Et il y a un an, une nouvelle « cellule élyséenne » chargée de l’antiterrorisme voyait le jour : le Centre national de contre-terrorisme (CNCT).

On en connaît le patron, le préfet Pierre de Bousquet de Florian, qui a été directeur de la DST et aussi PDG de CIVIPOL, société qui a remplacé la sulfureuse SOFREMI, laquelle a valu quelques désagréments à Charles Pasqua (voir sur ce blog : L’amère patrie des droits de l’homme), mais nul ne sait qui la compose ni ce que sont ses missions exactes. En principe, elle pilote les services de renseignement sans avoir de compétences opérationnelles. Mais lorsque l’on voit un lambda de 26 ans prendre le pas sur des chefs de police, on ne peut que s’inquiéter.

On a déjà donné.

Dans les années 1980, Mitterrand avait fait de même en créant une « mission de coordination et d’information et d’action contre le terrorisme » placée directement sous son aile. Leur première affaire, celle des « Irlandais de Vincennes » a été un fiasco et rapidement ils sont devenus les hommes à tout faire, jusqu’aux coups les plus tordus, ce n’est pas Edwy Plenel qui va me contredire. Dans la police, les gentils les avaient surnommés les mousquetaires du Président, les autres leur ont glissé une peau de banane.

Au fait, comment est sortie l’affaire Benella ? Quel est le mystérieux correspondant qui a attiré l’attention des journalistes du Monde sur un événement qui date du 1er mai ? Comment se fait-il que les images de vidéosurveillance n’aient pas été détruites, comme c’est la règle au bout d’un mois ?

Notre démocratie rétrécit et la police républicaine semble à bout de souffle. Déjà, sous le quinquennat précédent, la DCRI, devenue la DGSI, a été sortie de l’organigramme de la direction générale de la police nationale, créant pour la première fois au ministère de l’Intérieur une hiérarchie horizontale des services actifs comprenant trois directions générales.

Puis Bernard Cazeneuve a créé auprès de lui un état-major opérationnel. Et sous ce quinquennat, la tendance est encore plus forte de vouloir tout contrôler.

Alexandre Benalla n’a guère d’importance, mais son aventure doit résonner comme une alarme. Un signal semble-t-il entendu par certains responsables syndicaux de la police qui, une fois n’est pas coutume, montent au créneau pour défendre l’institution. La police doit récupérer sa fierté et alors, nous serons fiers de la police.

15 Comments

  1. Michel Houdart

    Ooops ! Coup de doigt malheureux.

    Salutations Georges. En espérant que la santé se maintienne.

    M.H

  2. Michel Houdart

    Et si tout simplement il suffisait de se plonger dans le passé pour retrouver une trajectoire similaire, après un cursus tout aussi nébuleux; pour aboutir à l’un des maroquins les plus prestigieux ?

    Pourquoi le Nom de Charles Pasqua et la date de mai 68 viennent-ils me bourdonner de la sorte aux oreilles ?

    Un néo réservoir de SAC, de cordes et de nœuds serait-il en voie d’éclosion ?

  3. C.Bastocha

    « mais nul ne sait qui la compose ni ce que sont ses missions exactes »

    Merci commissaire pour votre clairvoyance, tout est dit!

    Bien à vous

    Rodikol

  4. vieillard

    Salut Georges il y a quelques mois que je ne t’ai plus lu problèmes de santé aujourd’hui résolus. C’est donc avec plaisir que je viens de lire ton papier sur Benalla. Tu as raison de défendre quelques vieux principes aujourd’hui perdus dans cette police « Jupitérienne » qui ne ressemble que très vaguement à ce que fût la notre. Sans vouloir jouer à « l’ancien combattant aigri », on peut tout de même sérieusement s’interroger sur la présence d’un pignouf (policierement parlant) comme Benalla dans un dispositif de M.O. Je pense heureusement que l’affaire est loin d’être terminée et que « ça va balancer à tout va »

  5. John Doe

    Au commisssaire Moréas,
    Je doute que Viguier soit innocent. Dans son trajet qui a abouti à la destruction par incendie du matelas taché de sang, Suzanne n’était pas loin : soit sur son parcours vers la déchetterie, soit sur le site lui-même. Possible ?

  6. Rey de los Huevones

    « Au fait, comment est sortie l’affaire Benella ? Quel est le mystérieux correspondant qui a attiré l’attention des journalistes du Monde sur un événement qui date du 1er mai ? Comment se fait-il que les images de vidéosurveillance n’aient pas été détruites, comme c’est la règle au bout d’un mois ? »

    Il y a deux questions interessantes:

    la naissance de l’affaire BEnalla peut être liée à un journaliste enquêtant sur des violences policières: la geste du chevalier de l’humanisme traînait sur twitter et youTube depuis le 1er mai au soir. Cette enqu^éte peut ne pas avoir eu besoin de tuyaux pour être initiée (c’est le principe passionnant du Rasoir d’Occam), et, s’il y avait eu un calcul politique, sortir cette enquête en septembre aurait été plus opportun, au moment où les augmentations de prix ruissellent.

    Le problème des vidéos ets plus complexe : BEnalla est inquiété pour recel de vidéos (les vidéos des caméras de surveillance de la Ville de Paris .n’ont pas pour vocation de servir un particulier et auraient du disparaître par destruction au bout d’un mois). S’il y a eu exploitation de ces vidéos de la Ville de Paris aussi par les services de com’ des Nervis en Marche, les communicants de LREM peuvent être inquiétés aussi pour recel…. Ce qui complique encore les choses, c’est que le matin, Benalla aurait aussi brutalisé des manifestants au Jardin des Plantes, et tenté de faire dispoataître des traces en essayan, sous la contrainte,t de faire disparaître les traces de ses humanistes exploits: le Patquet -qui ne sert pas de paillasson au pouvoir- enquête sur une intrusion dans un système digital -le téléphone d’une manifestante…-

    Si bien qu’il y a , si j’ai bien compris,
    * les images de vidéosurveillance de la VdP, place de la Contrescarpe qui ont servi, bien après leur date de peremption, à tenter de dédouaner l’Humaniste du casque de CRS et ont été, à cette fin, recelées par Benalla et la com des Nervis en Marche et
    * les images privées, prises par une manifestante, d’autres violences policières au jardin des plantes -6 heures plus tôt- attribuées (ainsi que leur tentative de destruction sous la menace) à Benalla.

  7. Janssen J-J

    Article XII (DUDH de 1789) :

    « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ».

    Il y a longtemps que la 5e République s’est assise sur ce principe, et c’est pas la macronie en marche qui va y déroger !…

  8. Soph' plus cap'

    Plus prosaïquement et simplement :

    – pourquoi cette non-affaire sort-elle deux mois et demis après les faits ?

    – qui a intérêt à faire sortir cette non-affaire ?

    – la constitution dit que… « la police est instituée pour le bien de tous et non pour l’intérêt de particuliers » ; alors, pourquoi un GSPR ?

  9. Infans

    Article très éclairant !

  10. Janssen J-J

    De toutes façons, ils sont intouchables, à la cellule :

    https://www.zupimages.net/up/18/30/y5oq.jpg

  11. Janssen J-J

    Quitte à passer pour farfelu et frelaté, j’émettrai pour ma part cette hypothèse « stratégique » sans pouvoir l’étayer sur des preuves acceptables pour un J I, bien évidemment (vu qu’à aucun moment, notre collègue G. Moreas n’y a fait la moindre allusion)…

    Dans la préfiguration d’un nouveau service de protection de la présidence, le petit A. Benalla faisait tache et tout le monde le savait, y compris et surtout à la direction de la Gendarmerie qui a toujours eu à craindre du rôle négatif du MI proche de la PN, très hostile à ce projet qui allait lui échapper.
    En balançant les bandes video au Monde et en désignant à la vindicte son soi-disant petit protégé qui commençait à devenir dangereux et incontrôlable, la DGGN fait porter le chapeau à tous les « incapables » du MI, de la PP et des préfets… Ses dirigeants s’extraient du même coup de toutes leurs compromissions et surtout contrôlent leur propreté auprès des médias et de la commission parlementaire. Résultats à moyen terme :
    1/ Macron sort renforcé de l’affaire mal engagée, certes quelque peu éborgné ; 2/ mais surtout, la DGPN se voit discréditée à tous les échelons du MI,
    3/ tandis que la DGGN passe pour très loyale et quasi renforcée auprès du chef de l’État.
    4/ « Le Monde » joue au grand justicier face à deux ministères régaliens totalement discrédités dans leurs incarnations directionnelles (GC et NB).
    5/ S’agissant du projet présidentiel, l’Elysée va faire mine de réajuster le tir auprès de la commission parlementaire, qui n’est guère qu’une grotesque opération cathartique de blanchissage où tout le monde a quelque chose à se reprocher face à la toxicité de l’autoritarisme jupitérien en la matière…

    Et l’on repartira, quand ce petit feu sera éteint,… « comme en 40 », pour récréer les conditions de possibilité d’une cellule de protection élyséenne autonome. Elle apparaîtra alors comme prétendument plus démocratique dans sa composition future. Mais d’où, vous le verrez…, chers amis de ce blog, la DGGN sortira des plus durablement renforcées. Affaire à suivre, et paris à parier.
    Attention à la canicule !

    • simplette

      en tant que citoyenne simplette lambda qui tente de comprendre avec peu de connaissances mais qui se mêle quand même à la conversation des grands, je me dis que si un coup a été monté et que ce sont les gendarmes qui finissent par en tirer avantage, ça n’implique pas forcément qu’ils aient été les déclencheurs du scandale.
      Si oui ils feraient d’une pierre deux coups, chapeau.
      Si ce n’est pas le cas, la police n’aurait-elle pas pu se prendre les pieds dans le tapis toute seule ? une idée malheureuse qui lui aurait pris.
      c’est absurde ?
      le résultat immédiat c’est tout de même de braquer les projecteurs sur l’organisation de la sécurité de l’Élysée.

  12. simplette

    qui va tirer avantage de cette affaire ? ce ne serait pas la police si la réorganisation prévue capotait ?

  13. soph' plus cap

    « ribaud, rossard, rosse » ne changeait rien à l’acronyme initial.

  14. Premier de Cordée

    Faut il renommer le parti des humanistes (Jupiter se gargarise avec ce terme):
    Les Nervis En Marche

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