LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : La petite histoire de la PJ (Page 3 of 6)

Enquêtes criminelles depuis le début du XX° siècle, replacées dans leur contexte social, politique et… policier.

La PJ de 2004 (1)

PARTIE 32 – En cette année 2004, il se passe plein de choses au sein de la police nationale. Le bouillonnant ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy engrange réformes sur réformes et parallèlement dispose habilement ses hommes au sein de la grande maison. Il prend tant de place dans le gouvernement Raffarin, qu’au mois de mars, Jacques shadok_craintif_castaliefrjpg.1219822163.jpgChirac l’expédie à Bercy pour remplacer l’atypique Francis Mer. (Ce dernier n’a jamais été admis dans le sérail.) Mais Chirac a vieilli. Il restera probablement dans l’Histoire comme un politicien redoutable et un président timoré. Il a beau affirmer en parlant de son impétueux ministre : « J’ordonne, il exécute », personne n’y croit – et certainement pas l’intéressé. Quelques mois plus tard, Sarkozy revient place Beauvau.

Pendant ce temps, la PJ s’installe dans de nouvelles structures territoriales, comme il en a été décidé par un décret du 24 avril 2003. Neuf directions interrégionales sont créées (Bordeaux, Dijon, Lille, Lyon, Marseille, Orléans, Rennes, Strasbourg et Pointe-à-Pitre) qui regroupent un ou plusieurs services régionaux. Cette réforme va nous dit-on rapprocher les enquêteurs du terrain… Bon, nous on veut bien ! En tout cas, elle présente au moins deux avantages : elle ne coûte pas cher et elle augmente de facto la compétence territoriale des OPJ. Elle fait partie du lot des 57 mesures concernant le plan de modernisation de la DCPJ. Il est amusant de constater que cette réforme des structures territoriales est carrément à l’opposé de celle qui fut envisagée par le passé. On nous disait alors que pour « rapprocher les enquêteurs du terrain », il fallait départementaliser la PJ… Va comprendre !

Bien loin de tout ça, au Japon, le 27 février 2004, la cour d’appel de Tokyo rejette le deuxième recours déposé par le gourou Shoko Asahara (qui plaidait la folie) et entérine définitivement sa condamnation à la peine de mort. Ce triste personnage est considéré comme l’instigateurshoko-asahara_liberationfr.1219822428.jpg du gazage du métro de Tokyo, en 1995, qui avait fait 12 morts et 5.500 blessés. Rappelons qu’au Japon la peine de mort est appliquée par pendaison. Elle fait débat. D’autant qu’il appartient au ministre de la justice de signer personnellement l’arrêté d’exécution (on peut imaginer Madame Rachida Dati, le stylo à la main…). Les pendaisons sont en général effectuées en catimini. Au moment où j’écris ces lignes, il ne semble pas que Shoko Asahara ait été exécuté. On dit d’ailleurs qu’il y aurait une bonne centaine de détenus dans les quartiers de la mort. Certains attendraient depuis plus de 20 ans… Le bourreau a œuvré pour la dernière fois fin 2007 : trois hommes condamnés pour meurtre ont été pendus.

Début mars, plus près de nous, en Belgique, débute le procès Dutroux et celui de ses complices, Michelle Martin et Michel Lelievre. Tout le monde se souvient de ce tueur pervers, auteur (entre autres) de plusieurs meurtres sur des adolescentes. Il sera condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine complémentaire lui interdisant le bénéfice de la libération conditionnelle (dans le droit belge cela s’appelle, je crois, une peine de mise à la disposition du gouvernement). Cette affaire a eu un retentissement considérable, on a été jusqu’à parler de complicités au sein de la justice et la police. À défaut, il y a eu au moins un tas d’erreurs, de fautes, de manquements… Tous ces faits ont entrainé de sérieuses réformes, notamment dans l’organisation de la police judiciaire. En 2001, la gendarmerie a été supprimée.

Le 3 mars, La Dépêche du Midi lâche l’information que tous les journalistes de France taisaient comme un seul homme : la France fait l’objet d’un chantage à l’attentat de la part d’un mystérieux groupe qui se fait appeler AZF. Menaces de sabotages de voies ferrées, empoisonnement d’usines d’eau potable, etc. Sarkozy est furax : il avait imposé le blackout à la presse. Pourtant, ce genre de plaisanterie n’a rien d’exceptionnel. C’est le plus souvent le fait de trublions à l’âge mental incertain qui se paient à bons comptes des poussées d’adrénaline. En principe on n’y prête guère attention. Heureusement que le ridicule ne tue pas…

attentat-espagne.1219822900.jpgEn Espagne, quelques jours plus tard, il n’y a eu ni menace ni chantage avant qu’une dizaine de bombes n’explosent dans plusieurs gares de la capitale. Le bilan est terrible : 191 morts et 1.500 blessés. Cet attentat sera également fatal au gouvernement Aznar. Lors des élections législatives qui suivent, les Espagnols ne lui pardonnent pas d’avoir voulu faire porter le chapeau à l’ETA, alors que les enquêteurs découvrent rapidement qu’il s’agit de terroristes islamistes. Le socialiste José Luis Zapatero est élu haut la main.

Le 19 mars, Maurice Agnelet est mis en examen pour le meurtre, en 1977, de sa maîtresse Agnès Le Roux, la riche héritière du casino Le palais de la Méditerranée, à Nice. Déjà incarcéré pour ces faits, il avait été relaxé en 1986. Jugé par la cour d’assises des Alpes-Maritimes, il sera acquitté en 2006. Mais, profitant d’une révision du code de procédure pénale (voulue par Robert Badinter, en 2000), le procureur général fera appel de cette décision du jury populaire. Rejugé en 2007, Agnelet écopera cette fois de 20 ans de réclusion criminelle. Maurice Agnelet a donc été « jugé » trois fois avant d’être reconnu coupable du meurtre d’une femme dont on ignore si elle est décédée ou pas. À n’en pas douter, le cas de ce bonhomme sera décortiqué dans les facultés de droit.

Quelques jours plus tard, la justice décide un non-lieu général dans l’affaire Kaas. Les faits se sont déroulés en avril 1992 : Sylviane Kaas a été assassinée dans sa demeure, une somptueuse villa située à Anneville-Ambourville, dans la Seine-Maritime, tandis que son mari était au cinéma avec ses enfants. Sur la base d’une dénonciation, 18 mois plus tard, André Kaas est mis en examen. Il est soupçonné d’avoir recruté deux tueurs à gages pour éliminer son épouse, afin d’hériter de sa fortune. Il est incarcéré. Alors qu’il était un promoteur immobilier prospère, son affaire périclite durant les 3 ans qu’il passe en prison. À sa sortie, il a quasiment tout perdu. Pour cette erreur judiciaire, Kaas réclame 5 millions d’euros d’indemnité, tandis que le parquet quant à lui estime son préjudice à 539.000 €. Finalement, en 2005 on lui octroie généreusement cent mille euros. Une misère par rapport au million d’euros encaissé par Patrick Dills ou aux centaines de milliers d’euros perçus par les acquittés d’Outreau. Une affaire pas suffisamment médiatique, peut-être !

Fin mars : élections régionales. Sur les 22 régions seules deux (l’Alsace et la Corse) échappent au raz-de-marée rose. Au PS, on se réjouit, on se congratule, et l’on oublie un instant que la gauche n’a connu la victoire que… par défaut. Et nous on part pour une cohabitation new-look.

Dans le même temps, bien loin de là, en Lituanie, le chanteur Bertrand telefilm-colette.1219823314.jpgCantat répond du meurtre de la comédienne Marie Trintignant. Les faits se sont déroulés les derniers jours du tournage d’un téléfilm sur la vie de Colette, le 26 juillet 2003. Cette soirée a été arrosée. Une fois dans leur chambre, les deux amants se disputent violemment : une scène de jalousie dont l’origine n’est pas certaine (on, parle d’un Sms que la jeune femme aurait reçu de son ex-mari). Cantat assomme sa maîtresse de plusieurs coups portés au visage. Puis il la transporte dans son lit. Ce n’est que plusieurs heures plus tard qu’il se décide à appeler des secours. C’est sans doute ce délai qui sera fatal à Marie Trintignant. Transportée à l’hôpital de Vilnius, elle est opérée par des chirurgiens français. Ils jugent son cas désespéré. Passant outre l’avis du corps médical, sa mère, Nadine Trintignant, fait transporter sa fille en France, où elle décédera le 1er aout 2003, dans une clinique de Neuilly-sur-Seine. Pour ces faits, Bertrand Cantat est condamné à une peine de 8 ans de prison. Les deux parties font appel, puis tout le monde se désiste, comme si un arrangement était intervenu… En tout cas, sur le strict plan du droit, on peut s’étonner qu’une information judiciaire ait été ouverte en France pour ces mêmes faits. On peut également s’étonner que l’accusé ait été extradé, quelques mois plus tard, pour effectuer sa peine dans une prison française. Il a été libéré 4 ans plus tard, après qu’un accord ait été trouvé pour indemniser l’assureur du téléfilm et les quatre enfants de Marie Trintignant.

Le 1er mai, dix nouveaux pays font leur entrée dans l’Union européenne. Et pendant ce temps, on bichonne les poulagas. Les officiers de police vont être surclassés en basculant du cadre B au cadre A (sans doute une première dans l’administration), c’est-à-dire qu’ils rejoignent le corps des commissaires de police. Pour rassurer ces derniers, on leur promet une aspiration vers le haut, mais im-happy_forumdoctissimo.1219823499.jpg dans sa forme actuelle ce grade est probablement amené à disparaître. Les syndicats sentent l’effet d’aubaine. Ils en demandent plus. Et, outre une prime de résultats, ils obtiennent la garantie du paiement de toutes les heures supplémentaires engrangées au fil du temps. Et comme on sait très bien que cette promesse ne pourra pas être tenue (il s’agit d’environ cinq millions d’heures sup’), on colle un nouveau gadget entre les mains des policiers pour qu’ils puissent faire joujou. Il s’agit du Taser, l’arme non létale adoptée par la police de certains pays et catégoriquement rejetée par d’autres. L’arme de police la plus controversée de par le monde.

à suivre…

 

La PJ, de 2003

PARTIE 31 – La présence de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour des élections présidentielles de 2002 a laissé des traces. Pour le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, c’est comme un appel des Français à plus de sécurité. Et si les électeurs avaient simplement manifesté leur ras-le-bol envers une caste politique monocorde…

En tout cas, Nicolas Sarkozy prend le créneau. En le nommant ministre d’État, ministre de l’intérieur, Chirac pensait sans doute lui faire une vacherie. Il lui a sarkozy-et-raffarin-dans-rer-a_wikipedia.1204192181.jpgservi la soupe. D’entrée de jeu, Sarkozy se lance dans une politique sécuritaire tout azimut. Pour faire suite à la loi Perben I, votée au mois d’août 2002, il fait adopter une loi sur la sécurité intérieure qui renforce les pouvoirs des OPJ, étend (pour certains) leur compétence territoriale et leur donne, de fait, la possibilité de relever l’empreinte génétique de toute personne soupçonnée « d’avoir pu commettre » une infraction. C’est dans ce texte qu’on trouve également une nomenclature de nouveaux délits, comme le racolage passif ou les rassemblements dans les parties communes d’immeubles. Avec le ministre des transports, Gilles de Robien, il intensifie la chasse aux excès de vitesse. Tous deux inaugureront d’ailleurs le premier radar automatique le 27 octobre 2003, sur la RN 20, dans l’Essonne.

Le 31 janvier, l’infirmière Christine Malèvre est jugée pour avoir assassiné six de ses malades. Dans un premier temps, une partie de la presse fait preuve de bienveillance à son égard, et le questionnement va bon train autour de l’euthanasie. Cependant, lors de son procès, la femme n’apparaît pas à son avantage et l’expertise psychologique est accablante. De plus, elle a publié un livre, Mes aveux, aux éditions Fixot, qui sûrement la dessert. Et le doute s’installe lorsqu’on découvre qu’aucune des victimes, d’après les proches, n’avait fait part de son intention de mettre fin à ses jours… Alors, euthanasiste ou serial killer?christine-malevre_nouvelobs.1204192305.jpeg Ni chèvre ni choux, le jury prononce une peine de 10 ans de réclusion criminelle. Malèvre fait appel. En octobre 2003, lors de sa nouvelle comparution devant la cour d’assises, elle écope de 12 ans. À l’issue de cette affaire, une question n’a pas reçu de réponse : Christine Malèvre aurait-elle été condamnée si elle avait été médecin ?

Le 1er février 2003, la navette spatiale Columbia explose au retour d’une mission de 16 jours dans l’espace. Les sept astronautes présents à son bord trouvent la mort. Ce même jour le traité de Nice qui prévoit l’intégration de dix nouveaux pays au sein de l’union européenne entre en vigueur.

Début mars, 30.000 personnes se réunissent dans une marche silencieuse pour l’égalité des femmes (notamment dans la communauté musulmane) et contre les ghettos. Cette manifestation fait suite à la fin tragique de Sohane Benziane.

sohane_benziane_villageampus83bloglemondejpg.1204192762.JPGLe 4 octobre 2002, en fin d’après-midi, à la veille de ses 18 ans, cette jeune fille est morte brûlée vive dans un local à poubelles d’une cité de Vitry-sur-Seine. « J’suis pas ta pute, j’suis pas ta soumise. J’suis juste une meuf et j’exprime mon désaccord (…). Arrêtez d’généraliser, arrêtez d’nous insulter. J’aimerais être libre, marcher sans me faire agresser. Je ne suis pas celle que vous croyez – négligée. Je demande la liberté, le respect… » Ce rap écrit par une poignée de jeunes du lycée Camille-Claude, et cité par l’Humanité, exprime parfaitement le contexte de ce drame. Ce 4 octobre, pour la punir de se montrer trop… aguichante, Jamal Derrar a enfermé Sohane dans un local à poubelles, il l’a aspergée d’essence, et… il a allumé son briquet. La jeune fille a été transformée en torche vivante. Le meurtrier a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle.

Après cette expression au souvenir, Famela Amara dépose les statuts d’une association dont elle devient présidente : Ni putes ni soumises (NPNS). Elle démissionnera en juin 2007, alors qu’elle est nommée ministre de la ville dans le gouvernement de François Fillon.

Le 9 avril, après 3 semaines de bombardements intensifs, les forces américaines prennent le contrôle de Bagdad. FR3 retransmet les images d’un char américain qui délibérément vise et tire sur l’hôtel Palestine où sont regroupés les journalistes étrangers. Deux hommes sont tués et trois autres sont blessés. Les militaires américains semblent avoir des comptes à régler avec la presse car les combats sont égrenés de plusieurs incidents de ce genre. L’image symbolique de la statue de Saddam Hussein déboulonnée fait le tour du monde, et le mois suivant, les compagnies pétrolières annoncent des hausses records de leurs bénéfices.

Le 1er juin, Marc Telenne, alias Karl Zéro, lit devant les caméras de Canal+ une lettre du tueur en série Patrice Alègre. Ce dernier fournit des détails sur le meurtre d’un travesti, en 1992, et met en cause l’ancien maire de Toulouse, Dominique Baudis, et un magistrat Marc Bourragué. Karl Zéro prend soin d’occulter les noms, mais il est aisé d’identifier les deux hommes. Baudis et Bourragué déposent plainte. Alègre revient alors sur ses déclarations et affirme qu’il a rédigé cette lettre contre la promesse d’une rétribution de 15.000€. Allégations aussitôt démenties par Karl Zéro et par le journaliste Ghad Charbit. Il faut rappeler qu’aucune des pseudo-révélations de Patrice Alègre concernant un soi-disant réseau de prostitution dans le milieu branché de Toulouse, au sein duquel auraient pu se retrouver des notables, de hauts fonctionnaires, des policiers, etc., n’a été confirmée. Cette enquête a d’ailleurs fait l’objet d’un non-lieu définitif.

Toutefois, Karl Zero et Ghad Charbit n’en n’ont pas fini avec la justice. En effet, selon une information du site Médiapart, ce 14 février 2008, la cour d’appel de Paris vient de casser la décision de non-lieu concernant la plainte déposée contre eux. Et les deux journalistes ont été mis en examen.

Le 26 juin, en Belgique, une jeune fille de 13 ans, Marie-Ascension, estmichel-fourniret_france-infocom.1204192921.jpeg enlevée sur le chemin de son école. Son agresseur la projette à l’arrière de sa fourgonnette et la ligote sommairement avant de démarrer en trombe. Une dizaine de kilomètres plus loin, elle parvient à se dégager de ses liens et à sauter sur la chaussée. Un automobiliste la récupère et note le numéro d’immatriculation de la fourgonnette. Son conducteur, Michel Fourniret, est arrêté peu après. Ce tueur pédophile est aujourd’hui accusé de sept assassinats et de nombreux viols ou tentatives de viols. Il devrait être jugé au printemps 2008.

Pour Yvan Colonna, l’Independence Day ne sera pas férié. En cavale depuis 4 ans, réfugié dans une bergerie, en Corse-du-Sud, l’homme recherché pour le meurtre du préfet Erignac est arrêté ce 4 juillet par les hommes du RAID, alors qu’il revient d’une expédition dans le maquis. Le lendemain, le ministre de l’intérieur félicite les principaux chefs de police concernés par cette enquête : « Cette arrestation ne doit rien à la chance et tout au travail policier. Je tiens à rendre hommage à Christian Lambert, patron du RAID, qui a conduit de bout en bout l’organisation opérationnelle… » C’est bien normal. Ce qui l’est moins, c’est la forme. C’est sans doute la première qu’une lettre de félicitations parvient à son récipiendaire sous forme d’un communiqué de presse.

Au mois d’août, une vague de chaleur exceptionnelle frappe l’Europe. En France, les températures dépassent 40°, avec un record de plus de 44° dans le Gard. On reproche au ministre de la santé Jean-François Mattei, de n’avoir pas su gérer la crise, mais c’est le directeur de la santé, Lucien Abenhaïm, qui démissionne. Deux semaines plus tard, Jacques Chirac rentre de vacances et non sans cynisme dénonce le manque de solidarité entre les citoyens…

Le 15 novembre 2003, la passerelle du Queen Mary 2 s’effondre lors d’une journée ouverte aux employés et à leur famille. On compte 16 morts et plus de 30 blessés. Un peu plus tard, le plus grand paquebot du monde quitte les chantiers de l’Atlantique pour rejoindre son port d’attache, Southampton. Il effectue sa première traversée de l’Atlantique en janvier 2004. En 2008, la justice rend son verdict sur cette catastrophe : aucune infraction pénale.

Le 14 octobre, la cour d’assises se réunit pour juger Pierre Chanal, accusé dans l’affaire des disparus du camp de Mourmelon. Il se suicide le matin même du procès… Et l’action publique est éteinte.

sigle-azf_lefigaro.1204193694.jpgLe 11 décembre, les autorités françaises reçoivent une lettre étrange d’un groupuscule inconnu baptisé AZF – ce qui fait immédiatement penser à l’explosion de l’usine de produits chimiques de Toulouse. Deux mois plus tard, ce groupe, qui se définit comme un « groupe de pression à caractère terroriste issu d’une confrérie laïque » (sic) menace de faire sauter plusieurs sites de la SNCF et d’empoisonner des produits de consommation courante, si on ne lui verse pas une somme de cinq millions d’euros. Tout cela n’apparaît pas très sérieux, mais au ministère de l’intérieur, tout cela est pris très au sérieux. Les hommes de la direction nationale antiterroriste, de l’office central de répression du banditisme et de la direction régionale de police judiciaire de Versailles sont sur les dents. lettre-azf_lefigaro.1204193769.jpgAvec la complicité de la presse, qui s’autocensure, les policiers suivent les indications des maîtres chanteurs. Ils publient dans Libération une annonce du genre : « Mon gros loup, ne prends pas de risques inutiles […] Donne-moi tes instructions… » Le communiqué est signé Suzy, prénom indiqué par les « terroristes » pour désigner la police (le diminutif de Sarkozy ?). Puis, La Dépêche du Midi publie l’information en février 2004, et l’affaire se dégonfle. Provisoirement. Puisqu’il semble que de nouvelles menaces soient apparues les années suivantes. En tout cas, comme disait un ancien chef de police, ça ne mange pas de pain…, et ça fait un bon entraînement.

Le 26 décembre, un tremblement de terre d’une magnitude de 6.3 frappe l’Iran. Le bilan s’établit à plus de 40.000 morts et 30.000 blessés.


La disparition de la jeune Estelle Mouzin – Ce 9 janvier 2003, il neige sur la région parisienne. Il est 18 heures 30. À Guermantes, en Seine-et-Marne, c’est l’heure de la sortie des classes. Comme les
estelle-mouzin_photopresse.1204193211.jpgautres enfants, Estelle Mouzin sort de l’école. Il fait déjà nuit. Il fait froid. On peut supposer qu’elle a hâte de rentrer chez elle. Plus personne ne la reverra. Elle a disparu entre son école et son domicile, distant de moins de mille mètres. Les choses ne traînent pas. Très vite des recherches s’organisent. En vain. Personne n’a rien vu. Les rues étaient désertes. Seul un homme a aperçu une voiture de couleur claire qui filait à vive allure. Sans qu’on puisse en tirer la moindre conclusion.

Dès le lendemain, le procureur de Meaux ouvre une information judiciaire pour enlèvement et séquestration d’un mineur de 15 ans. La direction régionale de PJ de Versailles, dont la compétence s’étend à toute la grande couronne parisienne, est saisie de l’enquête. Le plan « alerte enlèvement » n’existe pas encore (il a été créé en 2006), mais cela est sans conséquence, car on peut dire que la justice, la police, les médias, les gens… Tout le monde a réagi au mieux et au plus vite. Jamais une enquête de police n’aura mobilisé autant de moyens sur une aussi longue période.

Trois jours plus tard, la PJ contrôle l’emploi du temps des 1.400 habitants de Guermantes. Le village est bouclé par 700 policiers et 400 perquisitions sont effectuées simultanément. Du jamais vu. Un hélicoptère survole les lieux en permanence. Les bois, les maisons abandonnées, les égouts sont fouillés. La glace qui recouvre les mares et les étangs est brisée et des plongeurs inspectent les fonds. Toutes les communications téléphoniques passées au moment des faits sont identifiées, remontées, contrôlées… Un travail énorme sur plus de 15.000 appels… Interpol sollicite tous les pays qui possèdent des satellites d’observation, et leur demande de vérifier si aucun n’était focalisé sur la région… Et rien. Pas le moindre élément.

La photo d’Estelle est diffusée par tous les médias. Elle est placardée dans tous les lieux publics, sur les arbres, sur les poteaux… La France entière est touchée par le regard triste de cette petite fille habillée de rouge. Et rien. On épluche le dossier de tous les condamnés pour agression sexuelle. L’emploi du temps de 75 d’entre eux est soigneusement vérifié. Sans résultat. À la demande de Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, un « groupe d’enquête permanent » est crée. Mais c’est inutile, car les 400 policiers de la PJ de Versailles se sentent directement concernés par cette affaire. Cette enfant, ils l’ont adoptée. Et ils ne ménagent pas leur peine.

En 2006, on soupçonne Michel Fourniret, ce tueur pédophile. Des vérifications très serrées sont entreprises sur son emploi du temps. Mais son alibi est inattaquable : à l’époque, il ne pouvait pas être dans la région. Récemment, en janvier 2008, un journaliste, Mohamed Sifaoui, informe la rédaction de TF1 d’un tuyau sérieux : Le corps de la petite Estelle se trouverait sous la dalle en béton de la salle d’un restaurant chinois de Brie-Comte-Robert, en Seine-et-Marne. L’information remonte. Et pour Jean Espitalier, le nouveau patron de la PJ de Versailles, et René Pech, le procureur de Meaux, la pression est trop forte. Ils décident d’agir sans plus vérifier l’information. Le restaurant est en grande partie détruit – pour découvrir quelques ossements d’originjean-marc-bloch_photolefigaro.1204193295.jpge animale.

Ces fais récents montrent combien cette affaire a marqué l’opinion publique. Nous avons tous été touchés par la disparition d’Estelle Mouzin. Le contrôleur général Jean-Marc Bloch, qui à l’époque dirigeait la DRPJ de Versailles, ne fait pas exception. Dans Le Figaro du 10 janvier 2008, il déclare : « Aujourd’hui encore j’y songe en me demandant si nous ne sommes pas passés à côté de la vérité sans la voir ou sans avoir su faire le bon geste au moment voulu… » Bloch est un homme sensible. C’était sa dernière enquête criminelle avant son départ à la retraite. On sent combien cet échec l’a marqué. « Avec le recul, je ne vois pas ce que nous aurions pu faire de plus », ajoute-t-il. Une seule personne le sait… Mais il est à craindre que jamais on n’identifie ce salopard.

 

Cliquer pour lire la suite…

La PJ, de 2002

PARTIE 30 – En cette année électorale, le gouvernement de Lionel Jospin tente de démontrer sa détermination à lutter contre l’insécurité. Le ministre de l’intérieur, Daniel Vaillant, a beau se décarcasser et tire-bouchonner les statistiques, rien n’y fait. On n’y croit pas.

Pourtant, depuis l’assassinat du préfet Claude Erignac, sur l’île de Beauté, on ne peut nier que police et justice aient mis les bouchées doubles. Alors que certains nationalistes prônent « la lutteunita-naziunale.1202476247.jpg institutionnelle pour la liberté », plusieurs affaires on ne peut plus crapuleuses font surface : trafic international de stupéfiants, avec tentative d’infiltration de la mafia italienne sur l’île de Cavallo, blanchiment d’argent au casino d’Ajaccio, enquête sur une société de transport de fonds véreuse, marchés publics truqués, etc. On ne lie pas forcément nationalisme et picaillons, mais quand même… Dans le domaine du grand banditisme, les antigangs ont passé la main à la brigade financière. Ceux-ci décortiquent les comptes d’une équipe de truands chevronnés, à laquelle on a donné le nom d’un bistrot du port de Bastia : La brise de mer. Ce nom, poétique, est devenu au fil des générations de flics tellement mythique que je m’étonne qu’aucun film n’en retrace l’histoire… Depuis des décennies, marmotte-t-on à la PJ, vols, braquages, rackets, meurtres, etc., ont été fomentés en ces lieux. Ce n’est sans doute pas tout à fait vrai, mais après tout, on ne prête qu’aux riches…

Le 11 février, lors d’un meeting à Avignon, Jacques Chirac annonce sa candidature à l’élection présidentielle. Il prend ainsi de court son principal challenger, Lionel Jospin, qui se manifestera dix jours plus tard.

patrice-alegre_presse.1202476372.jpegPatrice Alègre a reconnu être l’auteur de cinq meurtres et de six viols, mais les enquêteurs de la gendarmerie le soupçonnent de beaucoup d’autres méfaits. Le 21 février, les jurés de la cour d’assises de Haute-Garonne ne se laissent pas attendrir par ses faux airs de George Clooney. Ils le condamnent à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 22 ans. C’est la condamnation la plus élevée qu’autorise le droit pénal français.

Ce même jour, l’assemblée nationale modifie la loi sur la procédure d’appel en matière criminelle. Dorénavant, le procureur général pourra faire appel d’un arrêt d’acquittement rendu par une cour d’assises. Cinq ans plus tard, Maurice Agnelet en fera les frais.

Le 23 février, bien loin de là, sur une route du sud de la Colombie, Ingrid Betancourt, député écologiste et candidate aux élections présidentielles de son pays, ainsi que sa directrice de campagne, Clara Rojas, sont enlevées par des guérilleros. Sans être banal, cet enlèvement s’ajoute aux nombreux autres perpétrés par les FARC (forces armées révolutionnaires de Colombie), notamment sur des personnalités politiques. Mais en raison de sa double nationalité (colombienne et française) et de ses attaches en France, cette affaire va connaître chez nous un important battage médiatique. Et l’on zappe sur son identité (issue de la grande bourgmelanie-betancourt_m6info.1202478073.jpgeoisie, son père a été ministre du dictateur Gustavo Rojas Pinilla, et sa mère, une ancienne reine de beauté, a été sénatrice) pour se laisser porter par un certain romantisme. Une si belle femme aux mains des guérilleros… D’autant que Mélanie, sa fille qui lui ressemble tellement, en fait des tonnes. Au point qu’on se demande parfois si elle ne scénarise pas son amour filial… En Colombie, c’est un autre son de cloche. On dit que l’aura combattante-farc_lemonde2.1202478180.jpgde cette dame fait de l’ombre aux cinq mille « secuestrados » qui sont aux mains des FARC, et que cette armée parallèle n’est pas composée de sympathiques maquisards, comme on voudrait parfois nous le faire croire, mais d’une bande de criminels qui dissimulent derrière une idéologie marxiste des feuilles de coca… En 2003, Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères, qui s’est lié d’amitié avec Betancourt lorsqu’il enseignait à Sciences-Po, envoie un commando pour exfiltrer l’otage. Opération on ne peut moins diplomatique et on ne peut plus risquée. Qui échoue lamentablement. Il est obligé de présenter des excuses publiques et l’on s’aperçoit alors qu’il a agi d’initiative, sans en référer à quiconque. Interrogé à l’improviste par des journalistes malicieux, Chirac déclare ne pas être au courant. Pour ne pas avoir l’air trop balluchon, bien vite, il se reprend et endosse la responsabilité de ce fiasco. Fin 2007, Le Figaro International, citant une personnalité colombienne, écrivait : « […] les autorités colombiennes sont persuadées que les erreurs de jugement des diplomates français ont installé, et pour longtemps, la Franco-colombienne en captivité. »

Au mois de mars, un rapport de synthèse rédigé par le gendarme Jean-François Abgrall, aboutit à la conclusion que le meurtre de deux garçons de 8 ans, en 1986, à Montigny-lès-metz, pourrait être l’oeuvre du tueur en série Francis Heaulme. Ce document tombe à pic pour Patrick Dils. En 1989, alors âgé de 16 ans, il avait été condamné pour ce double crime à la réclusion à perpétuité. Après pourvoi en révision, en 2001, il avait été de nouveau condamné, cette fois à une peine de 25 ans de réclusion criminelle. Profitant de la nouvelle possibilité de faire appel d’une décision d’assises, en ce mois d’avril, il est acquitté. Il a passé une petite quinzaine d’années derrière les barreaux. On dit qu’il aurait perçu pour cette erreur judiciaire un pactole d’un millionpatrick-dils_lci.1202476747.jpg d’euros. En décembre 2007, nouveau coup de théâtre : le parquet de Metz estime que le rapport de la gendarmerie n’apporte aucun élément concret. Et Francis Heaulme bénéficie d’un non-lieu. Donc, 22 ans après les faits, l’assassin des deux enfants n’est toujours pas identifié. Maître Rondu, l’avocat de l’une des deux familles, qui avait déjà manifesté son indignation lorsque Dils avait enregistré une chanson sur cette triste affaire, veut maintenant obtenir de la justice que Patrick Dils soit rejugé. Une décision d’acquittement peut-elle faire l’objet d’un pourvoi en révision? Je ne sais pas. À suivre.

En avril, au premier tour des élections présidentielles, Jacques Chirac obtient 19.9 % des voix. C’est le plus mauvais score d’un président sortant. Il est talonné par Jean-Marie Le Pen, 3 points derrière. Quant à Lionel Jospin, il est dans les choux. Ses propos sur Chirac : « Un président vieilli et usé… », lui auraient été fatals… Mais les véritables gagnants de ce premier tour sont les abstentionnistes. Ils sont plus de 28%. Un niveau jamais atteint. On joue alors à se faire peur. On se murmure le résultat de mystérieux sondages qui donneraient Le Pen vainqueur… Certains soufflent sur les braises… Une sorte de fièvre paranoïaque fait frissonner les Français – et Chirac est réélu avec plus de 82 % des voix. C’est le meilleur score jamais obtenu par un président entrant. Il a battu deux records en quinze jours. Jean-Pierre Raffarin est nommé Premier ministre. Quant à Nicolas Sarkozy, qui a soutenu le président élu et qui sans brochette-candidats-2002_radiofrance.1202476857.jpgdoute espérait le poste, il se voit confier le ministère de l’intérieur. Sans le savoir, c’était le plus beau cadeau que pouvait lui faire Chirac.

Lors du défilé du 14-Juillet, un individu tire sur le Président de la République avec une carabine .22 LR. C’est probablement l’intervention de trois spectateurs qui fait dévier le projectile. Personne n’est blessé. L’auteur de cet attentat manqué, Maxime Brunerie, âgé de 25 ans, est un militant d’extrême droite. À la différence de Mitterrand, qui avait organisé son propre attentat pour faire parler de lui, Chirac n’en tire aucun bénéfice médiatique. Au contraire, son entourage minimise l’affaire et Brunerie, considéré comme irresponsable, est conduit illico en unité psychiatrique. Puis on assiste à un changement d’attitude. Le préfet du Val-de-Marne prend un arrêté pour mettre fin à l’internement d’office et Brunerie est présenté à la justice. Mais c’est trop tard. L’effet est passé. Le lascar a quand même écopé de 10 ans demaxime-brunerie_rtl.1202477094.jpeg réclusion criminelle – et tout le monde s’en fiche.

Après une campagne présidentielle dominée par le thème de la sécurité, le gouvernement Raffarin met en chantier une loi dite « d’orientation et de programmation pour la justice » – ce qui ne veut rien dire. Outre la création d’une justice de proximité, il s’agit essentiellement de mesures destinées à renforcer la responsabilité pénale des mineurs. Les périphrases ne peuvent masquer la volonté de remanier la loi de 1945 sur l’enfance délinquante. A gauche, c’est le tollé. Toutefois, en périphérie de cette loi, dite loi Perben I, deux mesures modifient légèrement la technique policière :

– Une plus grande latitude lorsqu’on doit recourir à des témoins dont il est nécessaire, pour des raisons de sécurité, de protéger l’anonymat ;

– la possibilité – pour la victime – de demander la désignation d’un avocat d’office dès sa première audition par un service de police ou de gendarmerie, et éventuellement l’aide juridictionnelle.

En décembre, l’assemblée générale des nations unies adopte un « protocole facultatif à la convention contre la torture », qui prévoit notamment la possibilité pour certains organismes nationaux ou internationaux de visiter les lieux où sont détenus des gens contre leur gré, « ceci afin de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». La France signe ce protocole en 2005, mais, à ma connaissance, elle ne l’a toujours pas ratifié. L’idée de voir des gens de l’ONU débarquer dans nos prisons, nos centres psychiatriques, voire nos cellules de garde à vue, a du mal à passer. Pourtant, on m’a rapporté que certains OPJ n’hésitent pas à faire dévêtir entièrement une personne en garde à vue et parfois à pratiquer une fouille… intime. Ce qui est paraît-il la règle lors de l’admission dans un établissement pénitentiaire. Je ne sais pas sur quel texte du Code de procédure pénale repose un tel acte…. Personnellement, je le trouve dégradant pour la personne qui le subit – et pour le fonctionnaire qui l’exécute. À ma connaissance, seul un médecin peut pratiquer un… TR.

Si la torture n’existe plus en France, elle n’est pas pour cela éradiquée. Ainsi, en novembre 2007, aux Etats-Unis, les sénateurs ont demandé au futur ministre de la justice son avis et sa position sur la torture (pratiquée semble-t-il par la CIA depuis les attentats de 2001), et notamment sur la technique du « waterboarding ». « Je ne sais pas trop ce que c’est », a répondu celui-ci, visiblement peu à l’aise. « Si c’est une torture, ce n’est pas constitutionnel… ». Nous, on lui explique : On attache le prisonnier sur une planche inclinée, la tête en bas et enveloppée dans une serviette. Puis on verse de l’eau. La victime suffoque, mais l’eau ne peut atteindre les poumons, et la noyade est théoriquement impossible (mais pas la crise cardiaque). En France, à une autre époque, on appelait ça « la baignoire » ou, dans une forme plus… sophistiquée, « la balançoire ». En cette année 2008, alors que les Etats-Unis s’apprêtent à changer de président, il est réconfortant de savoir que les démocrates ont condamné la torture, tout comme John McCain, le candidat favori des républicains, qui en a lui-même été victime au Vietnam.

Fusillade au conseil municipal de Nanterre – Le 27 mars 2002, alors que conseil-municipal-nanterre_nanterrefr.1202477216.jpgle conseil municipal de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, touche à sa fin, et que la salle s’est vidée des spectateurs, un seul homme demeure. Il se nomme Richard Durn et il a 33 ans. Il est 1 heure 15 du matin. Le maire de la ville, Madame Jacqueline Fraysse, entourée de ses adjoints, préside le conseil. Elle se lève, face à la salle et aux 39 conseillers municipaux et elle déclare : « La séance est levée ». Alors, Durn se dresse et se dirige vers l’estrade. Il brandit un pistolet automatique 9mm. et tire en direction de Madame Fraysse. Puis il sort une deuxième arme, un revolver .357 magnum et il ouvre le feu, méthodiquement, sur l’ensemble des élus. Il tire 37 balles en moins d’une minute. Huit personnes sont tuées et dix-neuf autres sont blessées, avant qu’il ne soit maîtrisé.

Les secours arrivent rapidement, puis la PJ, les autorités judiciaires et les autorités tout court : Chirac, Jospin, Vaillant, etc. Le patron de la brigade criminelle, Frédéric Péchenard, prend lui-même la direction de l’enquête. Mais il n’y a pas d’enquête. Il y a un homme seul qui a pété les plombs. Et le remue-ménage qui suit, en pleine campagne électorale, n’y change rien. Durn est conduit quai des Orfèvres. En garde à vue, il est calme. Il reconnaît les faits sans difficulté même s’il ne parvient pas à les justifier. Comment d’ailleurs pourrait-il les justifier ? Sans doute les deux officiers de police qui l’interrogent se laissent-ils abuser par cette torpeur, car le lendemain, pour le maintenir en bonne condition, pour qu’il se confie, il néglige de le menotter. Richard Durn répond aux questions. Il raconte calmement. Soudain, il fonce vers le vasistas, il l’ouvre et s’y engouffre tête la première. Les deux policiers se précipitent. L’un le retient par un pied : la chaussure lui reste dans les mains. L’autre se penche dangereusement à l’extérieur, mais il ne peut éviter l’inévitable. Durn glisse sur le toit et s’écrase dans la cour du 36. Les enquêteurs de la PJ peuvent fermer le dossier de la tuerie de Nanterre : l’action publique est éteinte.

On a reproché aux policiers leur manque de surveillance, leur négligence, etc. On comprend bien qu’il s’agissait de créer un climat de confiance, propice aux confidences, difficile à établir avec un suspect menotté… Je crois qu’on peut toutefois reprocher aux autorités judiciaires un certain manque de cohérence dans l’analyse des événements. Un homme qui ouvre le feu dans la foule, sans se cacher, sans aucune raison, juste pour tuer et pour attirer sur lui l’attention des autres est forcément un déséquilibré. Raison sans doute pour laquelle, trois mois plus tard, Maxime Brunerie, l’homme qui a tiré sur le chef de l’État, a été immédiatement interné.

Parmi les victimes de cette tuerie se trouve Louiza Benakli, adjointe au maire. Elle laisse derrière elle une petite fille de 7 ans, Yasmine. Neuf mois plus tard, l’enfant perd également son papa, Abdelkamal Benbara, dit Kamel. Cet homme mène une double vie. Il est marié, et de sa femme légitime, il a quatre enfants. Son corps est retrouvé dans le coffre de sa voiture, abandonnée avenue Hoche, à Paris. Benbara est consultant chez Cap Gemini, mais il est également député au parlement algérien. Et, s’il est établi en France, c’est qu’il représente une partie des Algériens qui vivent dans notre pays. Une situation qui laisse planer le doute sur d’autres activités plus… secrètes. Or, le président Bouteflika doit prochainement venir en voyage officiel en France. Pourrait-il s’agir d’un crime politique… ? L’enquête va rapidement démontrer qu’il n’en est rien. En fait, la mère et la sœur de Louisa Benakli ont estimé qu’il avait trop rapidement remplacé sa compagne assassinée. Qu’en agissant ainsi, il salissait sa mémoire… Toutes deux l’ont rué de coups de poêle à frire et l’ont achevé à l’aide d’un couteau de cuisine.

En 2004, la cour d’assises des Hauts-de-Seine a condamné Ouardia Benakli, la sœur de Louiza, a douze ans de réclusion criminelle, et sa mère, âgée de 80 ans, à cinq ans.

Quant à Richard Durn, indirectement responsable de ce second drame, de nombreux experts ont cherché à comprendre ses motivations. Peut-on rapprocher son acte de l’action des anarchistes du siècle précédent ? Je n’ai pas la réponse. Pascale Robert-Diard, dans Le Monde, cite les explications données par le procureur de Nanterre, Yves Bot : « D’après les dépositions de M. Durn lui-même, l’explication du geste se trouve dans le sentiment d’un échec personnel total dont il rend responsable la société dans laquelle il vit. C’est à Nanterre qu’il est né, c’est à Nanterre qu’il a fait ses études, c’est à Nanterre que se trouve le sentiment de son échec et il rend responsable de son échec notamment les responsables locaux qui, selon lui, ne lui ont pas apporté le soutienrichard-durn_legraindesablecom.1202477316.jpg ni la reconnaissance à laquelle il avait droit. M. Durn a eu une image extrêmement dévalorisée de lui-même, il voulait avoir une fois dans sa vie le sentiment de la maîtrise des événements et, pour lui, avoir le sentiment de maîtriser sa vie, c’était tuer des gens d’une certaine élite et se donner la mort ensuite ».

J’ai trouvé sur le blog ex nihilo, une lettre qui aurait été rédigée par Richard Durn. Cela ressemble plutôt aux extraits d’un journal intime. Je ne sais pas s’il s’agit d’un document réel ou d’une imposture, mais les mots font mouche : « Le conformiste que je suis a besoin de briser des vies, de faire du mal pour au moins une fois dans ma vie avoir le sentiment d’exister. Le goût de la destruction, parce que je me suis toujours vu et vécu comme un moins que rien, doit cette fois se diriger contre les autres parce que je n’ai rien et que je ne suis rien. Pourquoi continuer à faire semblant de vivre ? Je peux juste pendant quelques instants me sentir vivre en tuant […] J’ai voulu connaître la griserie et le sentiment d’être libre par la mort. »

Ces mots pourraient sortir de la bouche de n’importe quel serial killer. Richard Durn n’a jamais trouvé sa place dans ce monde. Or notre société est ainsi faite qu’elle rejette ceux qui ne peuvent s’intégrer, et la porte se referme sur eux – définitivement. Certains le supportent, d’autres pas. S’il y avait un message dans cet acte de folie, il n’est pas passé. Car les seuls mesures concrètes qui subsistent de ce massacre sont les barreaux installés aux vasistas des bureaux de la brigade criminelle et une modification de la législation sur les armes.

 

Cliquer pour lire la suite

 

La PJ, de 2001

PARTIE 29 – À l’approche des élections présidentielles, le gouvernement Jospin, aux manettes depuis 1997, tente de mettre en place une politique sécuritaire, tout en se démarquant de la droite. C’est mission impossible. Habilement attisé par certains médias (notamment TF1), le sentiment d’insécurité se faufile sournoisement dans l’esprit des futurs électeurs.

daniel-vaillant_prioriteagauche.1200739217.jpgPlace Beauvau, Daniel Vaillant s’agite et masque ses lacunes (en la matière) derrière de creux discours (Conseil de l’Europe, le 24 septembre 2001) : « L’insécurité est trop souvent un sujet sur lequel on fait des amalgames dangereux : insécurité, immigration ; insécurité, jeunes ; insécurité, banlieues. On ne peut que déplorer cette situation, surtout quand les prises de position visent avant tout à enfermer le citoyen dans ses propres peurs. Un citoyen apeuré ne peut, par définition, être un électeur éclairé !… » Toutefois, c’est sur sa proposition que Lionel Jospin confie à deux parlementaires, Christophe Caresche (PS) et Robert Pandraud (UMP), une mission sur la mise en place d’un « observatoire de la délinquance » (créé en 2003 par Nicolas Sarkozy).

En ce mois de janvier, La Grèce intègre la zone euro et George W. Bush devient (de justesse) le 43e président des Etats-Unis. Parmi les petites phrases distillées par le grand homme, on peut retenir : « Je crois que vous m’avez mal sous-estimé. »

Dans un tout autre domaine, la PJ relaie les gendarmes sur l’enquête concernant un double meurtre commis en octobre 1996 sur le stand de tir situé sur un terrain militaire, à proximité du bois de Kéroual, sur la commune de Guilers, près de Brest. Les victimes, Paul Creton et François Picard, sont deux adhérents du club de tir. Chacun a reçu deux balles dans la poitrine et une dans la tête. Une véritable exécution. Les deux hommes ont été dévalisés et les enquêteurs ont supposé dès le départ que l’objectif prioritaire des meurtriers était de s’emparer des armes des tireurs, un .357 magnum et deux pistolets .22 LR. Malgré leurs efforts, les gendarmes ont piétiné pendant cinq ans. Les péjistes ne feront pas mieux. Chacun s’accorde à reconnaître que ce double crime est vraisemblablement crapuleux. Or c’est dans ce type d’enquête qu’il existe le plus d’échecs. Mais on ne peut s’empêcher d’envisager une autre hypothèse, celle d’un contrat sur la tête de François Picard. Celui-ci, en effet, avait grade de colonel. En poste à la préfecture maritime, il était notamment chargé de la surveillance de la radioactivité sur la rade de Brest. Activité suffisamment sensible pour que son bureau ait été entièrement déménagé avant même que son corps ne soit mis en terre. Mais en voulant suivre cette piste, il semble que les enquêteurs se soient heurtés à un mur : secret défense. En tout cas, les familles des deux victimes pensent que dans cette enquête criminelle, la justice n’a pas fait preuve d’une très grande pugnacité (Thierry Charpentier, Le Télégramme 2006). À ma connaissance, cette affaire n’a toujours pas été résolue.

Le 2 février, Alfred Sirven est arrêté aux Philippines. Il est soupçonnéelf_agiricifree.1200739353.jpeg d’être au centre d’une énorme affaire d’escroquerie : l’affaire Elf. Le 30 mai, il est condamné aux côtés de l’ancien ministre Roland Dumas et de sa maîtresse, Christine Deviers-Joncour, à 4 ans de prison (peine réduite à 3 ans en appel). Puis il écope d’une nouvelle peine de 5 ans pour détournement de fonds. Libéré 3 ans plus tard, il meurt à son domicile, à Deauville, le 12 février 2005. « Je possède des documents qui pourraient faire sauter vingt fois la République », avait-il dit. On n’en retrouvera aucun. « Y’a de la joie ! », c’est du moins ce que chantait Charles Trenet. Il est mort ce 19 février. On dit qu’il avait composé les paroles de la chanson « La mer » lors d’un voyage en train. C’était avant le TGV.

Au mois d’avril, les teufeurs ne sont pas à la fête. En effet, un projet de loi prévoit de soumettre les raves à une autorisation préfectorale, avec menace d’une saisie du matériel. La droite pousse dans ce sens, les socialistes sont divisés, et Verts et PC sont catégoriquement contre. On tergiverse, on tâtonne, on s’invective, et en juillet, deux jeunes décèdent, l’un dans une rave en Seine-Maritime, l’autre en Moselle. Finalement, au mois de novembre, une loi est votée. Un texte emberlificoté qui tente de ménager chèvre et choux et à la finale pas très convaincant.

esclavage_cuisinepolitiquefiles.1200739514.jpgPlus à l’aise dans les grandes causes que dans le quotidien, le 21 mai, le gouvernement socialiste fait adopter une loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. Quant à Patrick Henry, condamné à perpétuité en janvier 1977 (il a sauvé sa tête de justesse, grâce à Badinter) pour le meurtre du petit Philippe Bertrand, il sort de prison. Il publie un livre de souvenirs, il fait la une des médias, il a sa photo dans Paris-Match… En prison, il a changé, nous dit-on. Il a fait des études, il a passé des diplômes… Si on compte en faire un modèle de réinsertion, c’est loupé ! En octobre 2002, il est interpellé en Espagne avec 10 kilos de haschich. Et il retournera en prison.

Condamné le 15 avril 1964 pour l’attaque du train postal Glasgow-Londres, après 35 ans de cavale, en ce mois de mai, Ronald Biggs se constitue prisonnier. On dit qu’il n’a pas le moindre penny, pourtant le butin (de nos jours, cela représenterait pas loin de 50 millions d’euros) n’a jamais été retrouvé. Le film de Gérard Oury, Le cerveau, est inspiré de ce maquignonnage hors du commun. En juin, consultés par référendum, les Irlandais refusent de ratifier le traité de Nice. Ils sont les premiers Européens à étrenner une nouvelle règlevote_presidentiellesnet.1200739919.jpeg électorale : si tu votes pas bien, tu revotes. Domptés, ils finiront par dire oui. Mais ce oui, ils l’ont peut-être au travers de la gorge, car, lors d’un sondage récent (fin 2007), seulement 25 % des électeurs irlandais se disaient favorables au traité de Lisbonne. Si en 2008 ils disent non, ces fichus Irlandais, faudra bien qu’ils revotent bien, scrogneugneu ! Cela n’a rien à voir, mais quelques semaines plus tard, l’ogre vert, le provocateur Shrek, pétomane et roteur à ses moments perdus, débarque sur nos écrans.

Daniel Vaillant, dans une circulaire du 11 juillet, lance la troisième vague de mesures sur la police de proximité. Il rappelle qu’en référence à l’avis du Conseil de sécurité, les maires doivent être informés des objectifs et des résultats de l’action de la police. Il ne dit pas « associés » tant il est vrai qu’il ne veut pas entendre parler de police municipale. En janvier, Lionel Jospin, questionné sur ce sujet par les députés à l’assemblée nationale, avait même déclaré « Sherifiser la police, ce n’est pas la tradition républicaine de l’État en France. »

Au mois de mai, un double crime particulièrement révoltant bouleverse les habitants de la petite ville de Saint-Jacques-sur-Darnétal, près de Rouen. Les époux Roussel, gens sans histoire, ont été assassinés. D’une manière atroce. Lui, Jean-Jacques Roussel, est retrouvé carbonisé dans sa grange. Il a reçu une balle dans la poitrine. Quant à sa femme, il faudra plusieurs jours avant de retrouver son corps. Elle a été dépecée et les morceaux de son cadavre ont été jetés dans la Seine. Quelques jours plus tard, lors d’un banal contrôle routier, un individu brandit un fusil de chasse et fait feu sur les gendarmes avant de prendre la fuite. Il est arrêté le lendemain. Il s’agit d’un multirécidiviste, Alfred Petit, âgé de 36 ans. On retrouve l’arme, et le véhicule des époux Roussel. Dans celui-ci, il y a des traces de sang. C’est bien le sang de Danielle Roussel. Alfred Petit est jugé en 2003. Lors de l’audience, son père, un ancien policier, est mis en cause par un témoin surprise. Au vu de ce nouvel élément, et surtout en raison des lacunes dans le dossier d’instruction, le président décide de reporter le procès. Le père d’Alfred Petit (il se prénomme également Alfred) se pend quelques mois plus tard. Il laisse deux lettres, dans lesquelles il affirme son innocence et celle de son fils.

L’année suivante, lors d’un nouveau procès d’assises, Alfred Petit déclare qu’il ne répondra à aucune question. Cette attitude alfred-petit_scenedecrime.1200740048.jpgn’arrange pas son cas et son lourd passé ne joue pas en sa faveur. Dans son réquisitoire, l’avocat général appuie là où ça fait mal : « Il est le seul individu en France à être passé, avant 40 ans, pour la troisième fois devant une cour d’assises pour des causes différentes… » » Réclusion criminelle à perpétuité. La peine sera confirmée par la cour d’appel de Paris.

En cette année 2001, le mois de septembre est meurtrier. Aux Etats-Unis, quatre avions de ligne sont détournés par des pirates de l’air. Deux d’entre eux pulvérisent les tours jumelles du World Trade Center, lesquelles, s’effondrent – mystérieusement – l’une après l’autre. Le troisième avion s’écrase sur le Pentagone et le dernier se crash dans la nature. Encore aujourd’hui, de nombreuses questions demeurent en suspens. L’universitaire David Ray Griffin a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet, dont certains, publiés aux éditions Demi-lune, ont été traduits en français par le commandant Pierre Henri Bunel. Il remet en cause la version officielle et décortique les nombreux mensonges qui entourent le 11-Septembre.

Dans un article très documenté sur Wikipédia, un spécialiste remarqueschema-des-tours-jumelles-wtc_wikipedia.1200740263.jpg que les deux tours se sont écroulées comme elles l’auraient fait lors d’une destruction contrôlée… En tout cas, le jour même le coupable est montré du doigt… Peu après, dénonçant un « axe du mal », Bush ourdit une nouvelle législation qui va porter un rude coup à la liberté individuelle des étasuniens – et par ricochet à la nôtre. Un mois plus tard la France s’associe à « l’alliance du nord », et les Etats-Unis bombardent l’Afghanistan. En 2008, les forces françaises sont toujours engagées dans ce pays.

Dix jours plus tard, un dépôt d’engrais explose dans l’usine AZF de Toulouse, creusant un cratère de dix mètres de profondeur. Le bilan est lourd : 30 personnes sont tuées, 5.000 sont blessées et près de 30.000 logements sont endommagés. Très rapidement (trop ?), le procureur nous affirme qu’il s’agit d’un accident, mais des bruits courent, et les autorités doivent fortement ramer pour nous convaincre de la vraisemblance de cette thèse. Problème réglé peu après avec le vote d’une loi pour renforcer la sécurité autour des zones industrielles.

En novembre pour tenter de juguler le sentiment d’insécurité qui gagne la France, Daniel Vaillant annonce une augmentation du budget du minstère de l’intérieur de 4.5 % et la création de 3.000 postes supplémentaires. Et pour se mettre les poulagas dans la poche, il se fend de promesses plus démagogiques : durcissement de la législation pour protéger les forces de l’ordre, création d’un numéro vert pour obtenir une assistance juridique, renforcement de la cellule psychologique, renouvellement de l’armement individuel, suppression des gardes « potiches », etc. Mais à la veille des élections présidentielles, il a beau se gausser des statistiques en disant : « [Ce] ne sont rien d’autres que l’addition d’un certain nombre de faits qui ne permet pas d’apprécier la réalité de l’insécurité réelle ou ressentie. », les chiffres de la délinquance sont mauvais, avec par exemple une augmentation de 12 % des crimes et délits en zone rurale et dans les banlieues des grandes villes.

Le tueur de la rivière verte – C’est le surnom (the green river killer) que green-river_tueursenserie.1200740557.jpglui avait donné les médias américains avant qu’il ne soit identifié, car les premières victimes furent découvertes entre 1982 et 1985, près de the Green River, dans le sud du comté de King, dans l’État de Washington.

Il se nomme Gary Leon Ridgway, né le 18 février 1949 à Salt Lake City (Utah), aux Etats-Unis. Entre 1982 et 1998, cet individu a assassiné au moins 48 femmes – dont la plupart étaient des prostituées. « J’ai tellement tué de femmes que c’était difficile d’en tenir le compte », déclare-t-il lors d’une interview. De nombreux psys se sont penchés sur sa jeunesse et son adolescence pour tenter d’expliquer son comportement. C’est quasiment un cas d’école : dans la famille, la mère est dominante ; il est dyslexique ; il pisse au lit… À l’école, il ne parvient pas à s’intégrer. Ses études sont catastrophiques. Vers 12 ans, il devient pyromane. Il prend plaisir à tuer des oiseaux, ou à martyriser les chats et les chiens. Vers 15 ans, il agresse un enfant de 6 ans et lui plante à plusieurs reprises son couteau dans la poitrine. Et de ne jamais être soupçonné, lui vient un sentiment d’invulnérabilité… À 17 ans, il est submergé par une obsession : le sexe. En 1969, il s’engage dans la Navy et l’année suivante, il épouse une amie d’enfance. Son mariage est un échec, sa vie est un échec. En 1980, il est arrêté pour avoir agressé une prostituée, mais, faute de preuves, il est relâché. Toujours ce sentiment d’invulnérabilité. C’est sans doute le début de sa saga criminelle…

À partir du mois de juillet 1982, les découvertes macabres se multiplient :

– 15 juillet, deux adolescents découvrent le corps d’une jeune prostituée de 16 ans, coincée sous un pont de Green River. Elle a été violée et étranglée avec son pantalon.

– 12 août, c’est le corps d’une prostituée de 22 ans, coincé par des branchages, toujours dans Green River.

– 15 août, deux jeunes femmes noires, des prostituées, sont repêchées à leur tour. Les enquêteurs découvrent un troisième corps, sur la berge, à quelques mètres.

En un mois, c’est donc cinq femmes qui sont assassinées. L’existencele-strip-dans-les-annees-80_tueursenserie.1200740842.jpg d’un tueur en série ne fait aucun doute. Pourtant, il faudra du temps à la police pour s’organiser et obtenir les moyens nécessaires. « J’ai choisi des prostituées parce que je savais que je pouvais en tuer autant que je voulais sans être pris », a déclaré Ridgway. Il n’avait peut-être pas tort.

Au fil des mois, les rangs des prostituées qui travaillent sur « Le Strip » s’éclaircissent. Pour plusieurs d’entre elles, on retrouve leur corps, mais pour des dizaines d’autres, il existe un doute : assassinats ou disparitions ? L’année suivante, la question ne se pose plus. Plusieurs cadavres anciens sont découverts alors que les meurtres se poursuivent. Les enquêteurs ne savent plus où donner de la tête. À la fin de l’année 1983, le sheriff demande aux responsables politiques d’augmenter son budget. L’un d’eux rétorque que l’image du comté ne s’améliorera pas en utilisant l’argent des contribuables pour enquêter sur les meurtres de putes…

Pourtant, les policiers ont avancé. Ils ont concocté une liste de 300 noms parmi lesquels doit se trouver le coupable. Gary Ridgway y figure. Mais son aisance à répondre aux questions et sa bonne bouille bluffent les policiers. Il est rayé de la liste des suspects.

En février 1984, Ridgway envoie une lettre à un journaliste. Elle est bourrée de fautes d’orthographe, mais elle mentionne certains faits connus seulement des enquêteurs : « L’une des filles noires dans la rivière avec des cailloux dans le vagin […] Une dans la Maple Valley avait une bouteille de vin rouge… » Une empreinte est recueillie sur le papier, mais un expert affirme qu’il s’agit d’un fabulateur.

À cette époque, même si toutes n’ont pas été retrouvées, les policiers estiment que 34 jeunes femmes, blanches ou noires, ont été assassinées.

À partir de la fin 1986, l’un des enquêteurs, Matt Haney, commence à soupçonner Gary Ridgway. Il enquête. L’année suivante, une perquisition est effectuée à son domicile. Sans résultat. À l’époque, on ne parle guère d’ADN, pourtant, Haney a lu quelque chose là-dessus. Il a l’idée de prélever un peu de la salive de Ridgway et de la conserver au congélateur.

ridgway-a-son-proces_tueursenserie.1200740959.jpgEn 2001, cet échantillon est comparé à du sperme prélevé sur plusieurs victimes, vingt ans auparavant. Ridgway est cuit.

Il est arrêté le 30 novembre 2001. Il refuse de parler et se dit non coupable. Mais les preuves s’accumulent et l’année suivante ses avocats passent un marché avec le procureur : on lui évite la peine capitale s’il reconnaît les faits et s’il aide les enquêteurs à retrouver les corps de toutes les victimes.

Le 5 novembre 2003, Ridgway plaide coupable pour 48 meurtres (on pense qu’il en a commis 71). Au procès, le juge lui dit : « Ce qu’il y a de remarquable en vous, ce sont vos émotions recouvertes de Téflon et votre absence complète de compassion réelle pour les jeunes femmes que vous avez tuées… » Il est condamné à la détention à perpétuité. Il purge sa peine au pénitencier de Walla Walla.

Et woilà !

Cliquer pour lire la partie 30…

La PJ de l'an 2000

PARTIE 28 – Aucune calamité, aucun désordre n’a marqué le changement de siècle, et même les ordinateurs de l’Administration ont résisté au bug claironné par les marabouts plasmatiques de nos télés modernes. De plus, grosse déception pour les trublions fâchés avec le Code pénal ou le Code de la route, les fichiers de police ont tenu bon.

enqueteur.1197969317.jpgPour la PJ, en cette année 2000, le chamboulement est en marche. Cette fois, les réformes amorcées ne sont pas administratives, mais techniques. L’image du flic qui dévale les escaliers en enfilant son imper et en glissant son calibre dans la ceinture est surannée. Désormais, le commissaire Moulin peut prendre sa retraite et raccrocher ses Nikes (TF1 remerciera Yves Rénier en 2006), car la chasse prioritaire du flicounet de base concerne l’infiniment petit. Formé aux techniques modernes, sur les lieux d’un crime, il devra avant tout prendre garde de ne pas détruire le moindre indice, la moindre trace, et ce jusqu’à l’arrivée des spécialistes de l’identité judiciaire. On troque la loupe de Sherlock Holmes contre la pince à épiler ou le mini-aspirateur ; et l’utilisation de la lumière rasante, de la photo numérique, de la vidéo, etc., modifie à tout jamais le bon vieux « P-V de constates ». Bientôt seront d’ailleurs créées des équipes de « gestionnaires de scènes d’infraction », appelés plus simplement techniciens de scène de crime. Dorénavant, la PJ fonde ses espoirs sur l’ADN, le portrait-robot informatisé, l’interception des communications, l’exploitation des images de vidéosurveillance et même le prélèvement des odeurs. Une machine pour remplacer le flair du vieux poulaga ! P… d’époque !

En début d’année, Peggy Bouchet finit sa traversée de l’Atlantique à la rame. C’est la première femme à accomplir un tel exploit. Quant à Martine Aubry, elle peaufine un autre genre d’exploit : celui de nous faire travailler moins (sans gagner moins). C’est la loi Aubry II : les entreprises doivent négocier des accords avec leurs salariés pour réduire la durée hebdomadaire de travail ou proposer des journées de « réduction de temps de travail ». Et c’est ainsi que les RTT vont s’inscrire dans notre vocabulaire quotidien. Jusqu’au jour où un petit homme va demander aux entreprises de négocier des accords avec leurs salariés pour augmenter la durée hebdomadaire de travail. À quand les… ATT ?

Au mois d’octobre 1999, le corps désarticulé d’une jeune britannique, Isabel Peake, est retrouvé sur le remblai de la ligne de chemin de fer, près de Châteauroux. Sur le quai de la gare de Limoges, elle a rencontré Sid Ahmed Rezala. C’est un jeune homme entreprenant, au sourire enjôleur. Ils sympathisent. Tous deux se rendent à Paris. Ils vont faire le voyage ensemble. Mais en cours de route, les pulsions de ce garçon se font pesantes. La bête reprend le dessus. On suppose qu’Isabel rejette ses avances. Il devient alors menaçant et tente de la violer. Elle se défend, et il semble qu’il ne parvienne pas à ses fins. C’est peut-être le déclic qui déclenche sa colère meurtrière. Il ouvre la porte du wagon et pousse la jeune fille à l’extérieur. Le train roule à grande vitesse et la pauvre est dans un tel état que l’autopsie ne permettra pas de déterminer avec précision les causes de la mort. On n’en sait donc pas plus. Toutefois, plus tard, Rezala aurait dit à un proche : « C’est comme un flash […] C’est comme un ordre qu’on te donne en image… Après, tu l’exécutes. » (Source Wikipédia). La police est sur sa piste. Une battue est lancée dans les faubourgs de Marseille, mais une indiscrétion dans la presse lui a mis la puce à l’oreille. Il prend la fuite. Sa cavale le mène en Espagne, où il est arrêté pour un délitsid-ahmed-rezala_wikipedia.1197969488.jpg mineur… et relâché – alors qu’un avis de recherche de plusieurs pages circule dans tous les pays d’Europe. Les policiers français ne sont pas contents du tout, d’autant, qu’habituellement, la collaboration entre les deux pays est plutôt efficace. Finalement, le 12 janvier, il est interpellé dans la banlieue de Lisbonne, au Portugal. Outre ce crime, il est fortement soupçonné d’avoir assassiné sa maîtresse, Emilie Bazin, âgée de 20 ans, dont le cadavre en décomposition a été découvert dans la cave de l’appartement où il demeure, à Amiens. Pour les enquêteurs, il est également acquis qu’il a tué Corinne Caillaux, âgée de 36 ans, dont le corps a été retrouvé dans les toilettes du train de nuit Calais-Vintimille. Et, par rapprochements, la PJ le soupçonne de bien d’autres méfaits, et notamment d’être l’auteur de plusieurs agressions commises dans les trains. D’ailleurs, d’emblée, la presse l’a baptisé « Le tueur des trains ».

Implicitement, Rezala reconnaît ses crimes, mais les policiers français, peu à l’aise avec la procédure portugaise, ne parviennent pas à lui extorquer des aveux circonstanciés. Finalement, il se ferme et refuse de s’expliquer. Il refuse également son extradition. L’enquête est mal engagée. Jusqu’à la soirée du 29 juin. Alors que toute la prison est scotchée aux écrans télé pour assister au match de football Portugal-France, Rezala met le feu à son matelas. Les secours sont longs à arriver. Trop longs. Il meurt asphyxié. L’action publique est éteinte laissant en suspens nombre de questions.

Quatre ans plus tard, le mari de Corinne Caillaux, obtient la condamnation de la SNCF pour « manquements à ses obligations de sécurité ». L’entreprise se voit contrainte de lui verser la somme de 223.000 euros, à titre de dédommagements.

En mars, Sony sort la Play Station II. Le lancement est une réussite totale. Plus d’un million de consoles sont vendues en moins de 48 heures. Pendant ce temps, la bourse est à son paroxysme. Dans une sorte de fuite en avant, les start-up atteignent des valeurs boursières sans aucun rapport avec leur valeur réelle. Les traders sont atteints d’une telle euphorie qu’on peut se demander si pour tenir le coup, ils se limitent à la vitamine C. La bulle Internet ne va pas tarder à exploser, et la chute sera brutale.

alexandre-pitchouchkine_quidfr.jpegÀ Moscou, dans les années 2000, les habitants de certains quartiers vivent dans la peur. Pas un mois sans qu’un meurtre ne soit commis dans le parc Bitsevski, l’équivalent de notre bois de Boulogne, à Paris. Les victimes sont le plus souvent des hommes, parfois des ivrognes ou des SDF. L’assassin ne sera arrêté qu’en 2006. Il s’appelle Alexandre Pitchouchkine et il a 33 ans. Les enquêteurs ont retenu à son actif 49 meurtres et 3 tentatives de meurtres, alors qu’il en revendiquait beaucoup plus. On dit que son objectif était d’atteindre le nombre de 64 victimes, autant que le nombre de cases sur un échiquier. Raison pour laquelle la presse l’a surnommé « le tueur à l’échiquier ». La peine de mort n’étant plus appliquée en Russie, il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. C’est l’un des pires tueurs en série de notre époque.

Le 6 juin, une loi est voté pour assurer la parité hommes-femmes lors des prochaines échéances électorales, et le 28 juin, le petit Elian Gonzalez rentre chez lui. Le monde entier a suivi son aventure. Partielian-gonzalez_presse.1197969830.jpeg avec sa mère sur un bateau de fortune, en novembre 1999, pour rejoindre les Etats-Unis, l’embarcation chavire. Plusieurs passagers se noient, dont la maman du garçon. Mais lui, et trois autres clandestins, s’accrochent à une chambre à air. Ils sont récupérés sur les côtes de Floride. Elian est recueilli par un parent, un immigré cubain, qui vit à Miami. Mais son père ne l’entend pas ainsi. Lui, il est resté à La Havane. Soutenu par le régime de Castro, il entame une procédure judiciaire pour obtenir le retour de son fils. La justice américaine finira par lui donner raison, au grand dam de la communauté cubaine implantée en Floride. La photo de la récupération du garçon sous la menace d’un fusil fera là une de tous les médias. Elian Gonzalez doit avoir aujourd’hui une quinzaine d’années.

Ce même mois, le procès de Pierre Dubois se tient à la Cour d’assises de l’Aube. Il est accusé d’avoir tué Denise Descaves, la principale du collège où lui-même enseigne. Les faits se passent le 25 avril 1993. L’enquête, à l’époque, est rondement menée. Cinq jours après le meurtre, Dubois est placé en garde à vue, et il avoue. Mais ses propos sont assez incohérents. Il déclare, par exemple, qu’il a étranglé de ses mains Madame Descaves, alors que celle-ci a été étranglée avec le fil du téléphone et poignardée à l’aide d’un coupe-papier. Même l’heure qu’il donne ne correspond pas. Il revient par la suite sur ses aveux. Victime d’une forte pression policière, il aurait dit n’importe quoi pour qu’il soit mis fin à la garde à vue de son épouse. En tout cas, le dossier est bancal. Aussi, deux ans plus tard, l’enquête est reprise de A à Z. Et cette fois, tout semble coller. Un peu trop bien. Comme si on avait voulu faire coïncider les témoignages et les faits avec les déclarations du suspect. C’est du moins ce que tente de démontrer son avocat, concorde-en-flammes_google.1197970397.jpegJean-Marie Pelletier. Il n’y parviendra pas. Malgré les nombreuses contradictions qui subsistent entre les deux enquêtes, et malgré le malaise que laisse un dossier entièrement remodelé, Pierre Dubois est condamné à 20 ans de réclusion criminelle.

Le 25 juillet un Concorde en flammes survole un court instant la région parisienne. Puis il s’écrase sur un hôtel de Gonesse, dans le Val-d’Oise, en tuant quatre employés. Il n’y aura aucun survivant parmi les 109 passagers de l’appareil. Concorde a plus de 30 ans, et c’est son premier crash. Cet avion hors du commun, voulu, dit-on, par De Gaulle, pour damer le pion aux Américains, n’aura jamais convaincu. C’est un fiasco industriel. Pourtant, aucun avion de ligne n’a jamais été aussi rapide, mais aucun non plus n’a jamais été aussi bruyant et aussi gourmand en kérosène. Un avion anachronique pour usagers friqués. Ce drame marquera la fin de sa carrière.

Au mois d’août, le sous-marin nucléaire russe Koursk coule en mer de Barents. Il gît par 108 mètres de fond, pourtant sa coque semble avoir résisté. Il y a peut-être des survivants, mais la marine russe ne possède pas le matériel pour descendre à une telle profondeur. Après de longues tergiversations, les autorités russes acceptent l’aide de scaphandriers norvégiens. Mais il est trop tard. Les raisons de ce naufrage restent mystérieuses. On a parlé d’une collusion avec un sous-marin américain. Mon ami, le bourlingueur François Rossy, a écritsous-marin-koursk_teledusoir.1197970706.jpeg un curieux roman construit autour de cet accident, Un kamikaze à bord du Koursk, aux éditons Thélès. Il penche pour la thèse d’un acte terroriste tchétchène.

Le 22 septembre, Francis Vanverberghe, alias Francis le belge, est abattu de sept balles de gros calibre, à Paris, dans le VII° arrondissement. Il avait 54 ans. Un âge canonique dans le grand banditisme. Son parcours a été parsemé de cadavres et il a passé une bonne partie de sa vie derrière les barreaux. S’il a vécu si longtemps, c’est sans doute en raison de son manque de pitié, et de sa promptitude à éliminer ses ennemis. C’était un véritable caïd dans le milieu, mais un homme sans intérêt. Comme toujours, dans les règlements de comptes entre voyous, la PJ se contente d’émettre des hypothèses sur l’exécuteur ou le commanditaire de ce meurtre. Ici, on penche pour le milieu maghrébin. Certains disent qu’il a laissé un vide, raison pour laquelle les bandes rivales s’entredéchirent à Marseille. Personnellement, je pense qu’il ne gênait plus personne, et en tout cas pas les nouveaux loups du banditisme.

francis-vanverberghe2_oldiblog.1197970857.jpgCeux qui veulent en savoir plus peuvent lire une biographie assez détaillée sur ce blog, hélas anonyme.

Et le 24 septembre, les Français sont invités à se prononcer sur la réforme constitutionnelle visant à réduire le mandat présidentiel à cinq ans. Nous ne sommes que 30% à répondre, mais nous répondons oui à 73%.

Le 15 novembre, René Pétillon expédie Jack Palmer en Corse. Aussitôt, les péripéties de ce « privé » de BD connaissent un véritable succès. L’année suivante, L’enquête corse obtiendra le prix du meilleur album au festival d’Angoulême. Et quatre ans plus tard, Alain Berbérian réalisera un film (un rien décevant) avec Christian Clavier et Jean Reno.

Le 10 décembre, des pêcheurs découvrent un cadavre sur les berges de l’Oder, un fleuve qui sépare la Pologne de l’Allemagne. Il s’agit de Dariusz Janiszewski, un homme d’affaires polonais. Un crime comme un autre, mais c’est sans doute la première fois que des policiers parviennent à résoudre une enquête en lisant un roman. En effet, le meurtrier, Krystian Bala, n’a rien trouvé de mieux que de raconter son meurtre dans un livre écrit quelques années plus tard. Il a été condamné à 25 ans de prison. L’histoire ne dit pas si son roman (Amok), a eu du succès. À ma connaissance, il n’a pas été traduit en français. Quant à Emile Louis, il aurait bien été incapable d’écrire un livre sur l’affaire des disparues de l’Yonne, mais d’autres l’ont fait pour lui. Plus de vingt ans après son premier meurtre, le 12 décembre, les gendarmes l’interpellent dans le Var, où il a pris sa retraite. Au cours de sa garde à vue, il craque, et il avoue des crimes anciens, qu’il croit prescrits depuis longtemps. Cette fois, il est cuit.

Durant l’année 2000, 3.771.849 faits de délinquance ont été constatés en France métropolitaine. Soit une augmentation de 5.7 % par rapport à l’année précédente. Sans connaître ces chiffres, les Français ressentent un sentiment d’insécurité, sentiment habilement entretenu par l’opposition de droite. Les socialistes, embarbouillés dans leur angélisme, ne sentent pas venir le danger ; et ce n’est pas la nomination de Daniel Vaillant au ministère de l’intérieur qui va changer les choses. Deux ans plus tard, au premier tour des élections présidentielles, Lionel Jospin sera battu par Jean-Marie Le Pen.

L’affaire d’Outreau – Après plusieurs affaires de pédophilie, dans ces années-là, une sorte de psychose court dans divers pays d’Europe. À deux doigts de la schizophrénie. Ainsi, l’hebdomadaire britanniqueenfants-delinquants_umourcom.1197971173.jpg News of the world plonge dans les fichiers de police et publie chaque dimanche une liste de 50 noms d’individus condamnés pour pédophilie, sans se soucier de savoir s’ils ont purgé leur peine ou s’ils se sont amendés. En France, on n’en est pas là, mais on voit des pédophiles partout. Le milieu des enseignants est particulièrement exposé aux dénonciations calomnieuses, comme Alain Hodique, le mari de la directrice d’une école maternelle qui est resté plus d’un an derrière les barreaux avant d’être lavé de tout soupçon. Tel est l’environnement de l’enquête sur l’affaire d’Outreau.

En décembre 2000, les services sociaux de Boulogne-sur-Mer signalent aux autorités que certains enfants pourraient être victimes d’abus sexuels de la part de leurs parents. Ces faits se dérouleraient chez les Delay, dans un quartier HLM de la ville d’Outreau. Attention à la suite : Le couple aurait loué ses quatre enfants à des créanciers pédophiles pour éponger leurs dettes. Le succès financier de cette opération aurait fait baver d’envie le voisinage, et, par un effet boule de neige, un certain nombre de familles leur auraient emboîté le pas, transformant du coup ce quartier populaire en véritable champ d’orgies pédophiliques. Au total, une quinzaine d’enfants auraient ainsi été loués à de riches pédophiles par des parents indignes.

juge-burgaud_nouvelobs.1197971456.jpegTout cela paraît suffisamment crédible (!) pour que le substitut de procureur décide l’ouverture d’une information judiciaire. L’affaire est confiée à Fabrice Burgaud, un tout nouveau juge d’instruction. Et la machine judiciaire se met en marche : enquêtes, arrestations, perquisitions, auditions… Au total, 17 personnes, hommes et femmes, seront mises en examen et écrouées. On trouve parmi elles, un huissier et son épouse, une boulangère, un chauffeur de taxi, un prêtre… Quant aux enfants, ils sont placés dans des familles d’accueil. Mais, malgré l’obstination du petit juge, peu à peu le dossier s’effrite. En vrai, il n’existe aucune preuve formelle, mais simplement des déclarations, des on-dit… À l’arrivée, le dossier est vide, lamentablement vide. Mais les magistrats du TGI de Boulogne-sur-Mer n’ont pas la crânerie de se désembourber. Ils essaient de rabibocher la procédure. En 2004, la cour d’assises acquitte sept des accusés et condamne les autres à des peines diverses, jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle pour la plus sévère. L’année suivante, après une nouvelle enquête, tout le monde est acquitté et, fait exceptionnel, le procureur général de la cour d’appel de Paris, Yves Bot, vient à la barre (avant même que le verdict ne soit rendu) pour exprimer « ses regrets » aux accusés. Quelques heures plus tard, le Garde des sceaux, Pascal Clément, présente ses excuses au nom de l’institution judiciaire. Et Jacques Chirac se fend même d’une lettre adressée personnellement à chacune des personnes concernées. Une bérézina judiciaire.

Les parlementaires reprennent le flambeau et créent une commission d’enquête. Ils décident d’entendre tous les protagonistes de cette affaire. Leurs auditions, retransmises en direct sur la chaîne des assemblées, sont suivies par des millions de français. Le juge Burgaud reste droit dans ses bottes. Il est persuadé d’avoir accompli sa mission. Pas un mot de regret, pas une excuse pour tous ces gens dont la vie a été brisée, ni pour cet homme de 33 ans qui s’est donné la mort en prison. Il paraît qu’à l’école de la magistrature, on apprend aux étudiants à ne jamais douter… Burgaud devait être un bon élève.

La commission d’enquête de l’assemblée nationale a indiqué des pistes pour engager des réformes. Elle a souligné la solitude de certains juges d’instruction, leur manque d’expérience, etc. Elle a proposé de faire passer le budget de la justice de 28.35 € par habitant à 40 €, soit 3 % du budget de l’Etat. (Malgré une progression régulière, il n’est aujourd’hui que de 2.13 %.) La suggestion la plus intéressante a sans douté été de faire effectuer aux futurs magistrats un stage de 6 mois dans un cabinet d’avocats – en leur donnant le titre d’avocat. Un bon moyen de prendre connaissance des dossiers judiciaires par le petit bout de la lorgnette. Une bonne leçon d’humilité aussi. C’est évidemment irréalisable, ne serait-ce qu’en raison du secret professionnel qui s’impose aux uns et aux autres.

enfants-et-pere-noel_umourcom.1197971555.jpgBon nombre de professionnels pensent qu’en matière criminelle, notre Code de procédure pénale n’est plus adapté, et ils louchent sur le jury populaire. Pourtant, ce n’est pas la cour d’assises qui est en cause, mais ce qui est en amont. Il y a quelques années, on a tenté de rectifier le tir, mais en aval, en créant la possibilité de faire appel. Cela n’a eu pour résultat que de «décrédibiliser» un peu plus notre système judiciaire, comme on l’a vu dans l’affaire Agnelet. Acquitté aujourd’hui, condamné demain. En 2001, la chambre d’accusation a été remplacée par la chambre d’instruction. Elle est prévue pour fonctionner comme une juridiction d’instruction du second degré (donc au-dessus du juge d’instruction). Je ne suis par sûr qu’elle tienne entièrement sa place, et qu’elle joue véritablement le rôle de «filtre» entre le juge d’instruction et la cour d’assises.

Cliquer pour lire la suite…

La PJ de 1999

PARTIE 27 – En cette fin de siècle, tout le monde attend quelque chose : le cataclysme qui va pulvériser notre vieille planète, le bug informatique qui va tournebouler nos ordinateurs, la fin de nos soucis, ou pour le moins une existence moins terne. Au douzième coup de minuit, il ne se passe rien. Rin de rin ! Le monde continue de tourner, les avions de voler et tintouins et grisailles sont toujours là.

Le 1er janvier, l’euro entre en vigueur dans onze pays de l’unionfete-du-timbre.pg européenne. Mais il ne s’agit encore que d’une monnaie virtuelle. On découvre le double affichage des prix, et l’on tente de s’habituer. Il faudra attendre 2002 pour voir apparaître les billets.

Le 23 janvier, Caroline de Monaco épouse en troisième noce le prince Ernst Auguste de Hanovre, et le 26 mars, le virus Melissa pollue nos ordinateurs. A son inventeur, rapidement identifié, le FBI propose une collaboration pour les aider à détecter les petits malins qui bombardent la toile de virus. Un jaune sur le web !… Bah ! C’est toujours mieux que la prison.

Le 18 avril, pleins feux sur la Corse. La paillote « chez Francis » est détruite par un incendie criminel. Construite illégalement sur une plage, près d’Ajaccio, son propriétaire, Yves Féraud, refusait obstinément de la démolir, bravant ainsi l’autorité du préfet. L’enquête est rondement menée. Huit jours plus tard, trois gendarmes reconnaissent être les auteurs de cet acte. Ils mettent en cause leur hiérarchie, le capitaine Ambrosse et le colonel Mazères. Tous cinq sont écroués. Mais l’ordre vient de plus haut. Le préfet de Corse Bernard Bonnet est à son tour embastillé. Il crie au complot politique. De fait, cette affaire tombe au plus mal pour le gouvernement Jospin qui cherche à négocier avec les autonomistes. L’avocat de Bonnet, Jacques Vergès, parle d’une « manipulation barbouzarde visant à éliminer un préfet de Corse qui devenait gênant pour un gouvernement qui s’apprêtait à dialoguer avec les clandestins ».

Bonnet a été condamné à 3 ans de prison, dont deux avec sursis. Une condamnation bien lourde, surtout que son fondement juridique peut-être battu en brèches. En effet, un jugement du tribunal administratif (découvert après coup) donnait à l’État le droit de détruire ladite paillote, « édifiée sans autorisation et située sur une proprgrosse-tet_mix-et-remix_hebdolausanne.jpgiété de l’État ».

Fort de ce nouvel élément, Bernard Bonnet a demandé sa grâce présidentielle à Jacques Chirac, le 18 octobre 2006.

Nicolas Sarkozy, tête de liste aux élections européennes du mois de juin, prend une veste monumentale. Avec 12.82 % de voix, il fait moitié moins que Dominique Baudis en 1994 et il arrive derrière la liste menée par Philippe de Villiers et Charles Pasqua. Il démissionne de la présidence du RPR et disparaît (pour un temps) de la vie politique. Le morse aussi disparaît. Contrairement à une idée reçue, Samuel Morse n’est pas l’inventeur du télégraphe, d’autres y avaient pensé avant lui, mais ce peintre américain a conçu une machine simple, pour enregistrer le code qui porte son nom, sous forme de traits et de points. C’était en 1838. Cent soixante ans plus tard, le morse est officiellement abandonné – ce qui soulève un rien de nostalgie pour tous les anciens radiotélégraphistes du monde (comme moi), qu’ils soient simples radioamateurs ou officiers de la marine marchandetelegraphe-de-morse_wikipediajpg (comme moi t’aussi). Pourtant, si une catastrophe, naturelle ou non, venait à détruire les infrastructures des télécoms, on serait content de revenir au « tititita » cher aux radios. Gageons d’ailleurs que les militaires, par précaution, continuent d’entraîner de jeunes recrues au code morse.

Le 1er juillet, la police devient européenne, ou presque. C’est en effet la date choisie pour le démarrage d’EUROPOL (european police office), dont la création était prévue dans le traité de Maastricht, en 1992. Chaque pays membre désigne ses officiers de liaison. Ils sont 90 en tout. En France, la DCPJ chapeaute la procédure. Europol compte un effectif global de près de 600 personnes et un budget de plus de 63 millions d’euros.

Le 1er septembre, le docteur Yves Godard loue un petit voilier à Saint-Malo, et prend la mer avec sa fille, Camille, âgée de six ans et son fils de quatre ans, Marius. C’est le début d’une mystérieuse affaire. C’est aussi l’exemple type d’une enquête menée de façon brouillonne, sous la pression des médias.

Le 5 septembre, un bateau de pêche découvre l’annexe du voilier au nord de l’île de Batz. La petite embarcation est vide. On y trouve un blouson et un chéquier au nom du médecin. Quelques jours plus tard, les gendarmes perquisitionnent la résidence des Godard. Ils décèlent des traces de sang dans la maison et dans le fourgon utilisé par Yves yves-godard_liberation.jpgGodard. Le sang est celui de son épouse. Devant ces éléments, une information judiciaire est ouverte et un mandat d’arrêt est délivré contre le docteur Godard. Sensibilisés par la presse, plaisanciers et pêcheurs deviennent plus attentifs. C’est ainsi qu’au cours du mois de septembre, on repêche le radeau de survie du voilier et un gilet de sauvetage. Alors les choses dérapent. Une publicité exagérée transforme journalistes et particuliers en enquêteurs. Le suspect se transforme en Arlésienne. On le signale partout et on le trouve nulle part. Quelques mois plus tard, des marins-pêcheurs remontent un crâne dans leurs filets. C’est celui de la petite Camille. Les années suivantes, Yves Godard est repéré sur tous les continents, on trouve même parfois des traces matérielles qui semblent confirmer sa présence : carte professionnelle, cartes de crédit, etc. Jusqu’au mois de septembre 2006, où un chalutier breton récupère un tibia et un fémur. L’adn est celui du docteur Godard.

L’enquête est close. Pas tout à fait. Début 2007, une lettre anonyme informe les gendarmes que des ossements sont dissimulés dans un réduit du cimetière du village de Lingèvres, dans le Calvados. Il s’agit des restes de Marie-France Godard, l’épouse du docteur, affirme le correspondant. L’enquête repart. Pas pour longtemps. L’analyse adn est formelle : ces ossements n’appartiennent pas à Madame Godard.

Que s’est-il réellement passé en ce mois de septembre 1999 ? À cause des traces de sang retrouvées dans la maison et dans le fourgon, on peut imaginer que pour une raison inconnue, Godard tue son épouse. Puis il loue un petit voilier, peut-être avec l’intention d’organiser son sabordage. Pour tuer ses enfants ? Pour se suicider ? Pour une mise en scène ? On ne saura jamais. À moins que le petit voilier ait chaviré, tout simplement.

En octobre, l’ONU nous annonce que nous sommes 6 milliards sur la planète bleue, et que dans cinquante ans, nous serons probablement 8 à 9 milliards. Le mois suivant, l’assemblée nationale adopte le PACS, au grand dam des traditionalistes et des catholiques qui contestent la reconnaissance officielle des unions homosexuelles.

Le 17 novembre, Simone Weber sort de prison. Elle a 70 ans. Elle a été condamnée à 20 ans de réclusion criminelle, en 1991, pour avoir tué son amant d’une balle de carabine, et pour avoir découpé son corpssimone-weber-arrestation_grands-criminels.jpg à l’aide d’une tronçonneuse à béton. Sauf qu’on n’a jamais retrouvé le moindre morceau, même si un rapprochement sérieux a été fait avec le tronc d’un homme, découvert dans une valise repêchée quelques semaines plus tard, en Seine et Marne. Et sauf que Simone Weber n’a jamais avoué son crime. Elle a été également accusée du meurtre de son mari, Marcel Fixard, un veuf de 81 ans, mystérieusement décédé trois semaines après leur union, à la fin des années 70. On dit même que ce n’est pas lui qui s’était présenté devant monsieur le maire, à Strasbourg, mais un figurant. Fixard est peut-être mort sans savoir qu’il s’était remarié ! Mais oublions, car pour ces derniers faits, Simone Weber a été déclarée non coupable. Je me souviens d’une émission télé à laquelle je participais. La vieille dame se trouvait à mes côtés, pomponnée, le regard limpide. Ce jour-là, j’ai bien cru qu’elle allait craquer sous les questions doucereuses de Mireille Dumas.

Mais elle s’est vite reprise. Une sacrée bonne femme !

Le 12 décembre, c’est le naufrage de l’Erika, au sud du Finistère. Avant de sombrer, il se casse en deux, libérant 37.000 tonnes de fioul. Il repose par 120 mètres de fond. Le procès s’est terminé en juin 2007, et le verdict est attendu pour le 16 janvier 2008. Un délibéré bien long. Mais la question est importante : qui va payer la facture qui s’élève à près d’un milliard d’euros ?

En ce mois de décembre, Marie-Elisabeth Cons-Boutboul est libérée. Elle a 75 ans. Pour beaucoup, son procès n’a pas vraiment résolu l’affaire. Car si la dame est mystérieuse, voire fallacieuse, le dossier d’instruction n’est pas très solide. Rappelons les faits : Le 27 décembre 1985, l’avocat Jacques Perrot est assassiné de 3 balles de .22 LR dans la cage d’escalier de l’immeuble de ses parents, à Paris, dans le 16° arrondissement. Marié à la championne équestre Darie Boutboul, les deux époux sont en instance de divorce et se disputent la garde de leur fils, Adrien, âgé de quatre ans. Perrot est un coureur de jupons. On lui connaît de nombreuses liaisons. On dit même que c’est un habitué de certaines soirées dites… mondaines. Très rapidement, les soupçons des enquêteurs se portent sur sa belle-mère. Pour eux, le mobile du cons-boutboul_affaires_criminellesjpgmeurtre trouve son origine dans la garde du petit Adrien. En effet, pour la grand-mère, pas question de le laisser à son gendre. Les péjistes avancent prudemment, mais un élément perturbateur se mêle à l’enquête : Perrot est un ami intime du Premier ministre, Laurent Fabius. La pression devient énorme. Et le caractère de la dame n’arrange pas ses affaires. Elle se montre désagréable, voire hautaine, aussi bien avec les policiers qu’avec le juge d’instruction – et elle ment sans arrêt. Elle dit, par exemple, que son mari est mort dans un accident d’avion, alors qu’il est vivant. Elle dit qu’elle est avocate internationale, alors qu’elle a été radiée du barreau après une sombre histoire d’escroquerie… Sa vie est un tissu de mensonges. D’ailleurs, lors de son procès, Christian Pellegrin, l’officier de police judiciaire responsable de l’enquête, déclare : « Madame Cons est ici à cause de ses mensonges ! ». Son avocat, Bernard Prévost, saute au plafond et riposte : « Il vaudrait mieux qu’elle soit là en raison des charges qui pèsent contre elle ! » Mais le dossier est vide. Il comprend des écoutes téléphoniques, sans doute compromettantes, mais extraites de leur contexte elles ne sont pas très significatives. De fait, la procédure est une construction intellectuelle. Elle est bâtie comme un roman.

Le 24 mars 1994, Marie-Elisabeth Cons-Boutboul est condamnée à quinze ans de réclusion criminelle, non pas pour assassinat, mais pour complicité d’assassinat sur la personne de son gendre. En prison, elle a affirmé qu’une fois libre elle ferait faire une contre-enquête, afin de prouver son innocence. Elle ne l’a pas fait. Peut-être veut-elle oublier, tout simplement.

Le lendemain de Noël, une tempête exceptionnelle s’abat sur la France, avec des rafales de vent à plus de 200 km/h. On comptera 88 victimes et la destruction de centaines de milliers d’hectares de forêts.

Règlements de comptes à Nice – A Nice, les années 90 auront été marquées par une hécatombe de truands. Le point de départ est donné par la mort de Sébastien Bonventre, dit Bastien, considéré à l’époqueliguane-cafe_jo-tongojpg comme le parrain niçois, et qu’on dit associé aux italo-grenoblois dans l’exploitation de bon nombre de bars, et dans le bizness de la prostitution : douze balles dans la peau, tirées par deux hommes à moto. Crime sans coupable, comme souvent dans les règlements de comptes, mais on murmure le nom de Marcel Diavoloni, alias Marcel le bègue. En tout cas, celui-ci ne porte pas le deuil. Mais le poste de parrain ne reste pas longtemps vacant. Michel Luisi, après un exil en Italie, revient au pays. Il reprend la gérance de « L’iguane café », que tenait Bonventre. Cet établissement, un piano-bar célèbre à Nice, est en quelque sorte le sceptre du parrain. Celui qui le détient est le roi de la pègre. En 1993, la guerre éclate sur la Baie des Anges. Une demi-douzaine de seconds couteaux sont exécutés, bientôt suivis d’une série d’attentats à l’explosif. Banditisme ou terrorisme ? La PJ y perd son latin. Pour dire qu’on fait quelque chose, Paul Quilès, alors ministre de l’intérieur, envoie une compagnie de CRS. Puis la PJ décide de taper dans la fourmilière. Début mars, les policiers ramassent une vingtaine de suspects. L’un d’eux principalement retient leur attention. Il s’agit de Jean-Claude Oliveiro, dit le fou, qu’on soupçonne d’une ambition démesurée.

Michel Luisi n’a pas le temps de se faire une opinion. Il est abattu au volant de sa voiture, près du port, à Nice, le 29 mars 1993.

michel-luisi_nissartruand.jpgQuant à Oliveiro, il est relâché faute de preuves. Pour lui, le couperet tombera quatre ans plus tard. En juillet 1997, deux hommes à moto l’arrosent à la 9mm. À l’autopsie, le médecin légiste ne comptera pas moins d’une quinzaine de balles.

Les mois suivants marquent une pause, sans qu’on sache si on la doit à la mort de Luisi ou à la présence des CRS.

Puis l’hécatombe reprend avec la découverte, le 8 octobre, de deux petits truands en morceaux, retrouvés dans les casiers de la gare de Nice.

Le jour de Noël, c’est Richard Ughetto qui tombe. Il est criblé de balles par trois hommes cagoulés, à la sortie d’une boîte de nuit. Je dois avouer qu’aucun des anciens de la BRI de Nice ne le pleurera, puisqu’on le tient pour responsable de la mort de l’inspecteur Charles Marteau.

De 1995 à 1998, on se croirait dans un western : Casabianca, abattu au volant de sa voiture. Vincent gravement blessé. Picat, exécuté d’une balle dans la tête. Picardo, Borde, Sarmianto, Marani, Colpaert, Taran, Meillan, Oliveiro, Ellena, Fellah, Coronia, Fratoni (le fils de Jean-Dominique Fratoni, celui de l’affaire Agnelet), Kalka, etc. Tous tués par armes à feu.

Le 18 décembre 1998, dans le parking de sa résidence, c’est au tour de Marcel Diavoloni. Vingt balles dans la peau. Le mois suivant, c’est son lieutenant, Jean-Louis Goiran. En juin 1998, Roger Generotti et Camille Panizolli sont abattus à quelques jours d’intervalle.

Puis les choses se calment. Les rares survivants doivent se dire qu’il serait temps d’effacer l’ardoise. Mais qui sont-ils ?

À ma connaissance, on n’a jamais vraiment su qui tirait les ficelles.

On a parlé de la mafia calabraise, de la mafia russe, toutes deuxtombe_umourcom.jpg bien implantées sur la Côte d’Azur. Mais cela ne semble pas très sérieux. Alors, simplement une rivalité entre deux bandes de voyous cupides et mégalomaniaques ?

Sans doute. À moins qu’une poignée de niçois anonymes aient décidé de nettoyer la ville, et, une fois le ménage terminé, de ranger les armes et de reprendre une petite vie pépère.

Va savoir ! Tout est possible, à Nice.

 

Cliquer pour la suite…

La PJ, de 1998

PARTIE 26 – Cette année-là, la PJ va connaître deux événements d’importance. L’un pose encore questions. Il s’agit du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), décidé sous le vent médiatique de plusieurs affaires criminelles à spécificité sexuelle. Quant à l’autre, il est off the record. C’est le départ à la retraite de Mireille Bouvier.

Il est cinq heures du matin. Ce 30 janvier 1998, Stéphanie Jusac fait du stopauto-stoppeuse_mediasfrancetv.jpg pour rentrer chez elle. Elle sort de discothèque. Une voiture s’arrête. C’est le début d’un long calvaire pour Stéphanie. Conduite dans un squat, près du Vieux-Port, à Marseille, la jeune fille est violée par une demi-douzaine de marginaux d’origine polonaise. Ils vont se « servir » d’elle pendant des jours et des jours, avant de la supprimer. Son corps ne sera retrouvé que six mois plus tard, enfermé dans une armoire métallique camouflée derrière un mur. Remy Burkel a reconstitué les événements dans un film pour FR3-Méditerrannée. Stanislas Jusac, le père de la victime, gendarme à la retraite, a participé à ce document pour pouvoir, dit-il, « extérioriser sa douleur », et faire passer un message de prudence aux jeunes et à leur famille.

Stéphanie Jusac était serveuse dans un restaurant. Elle avait 22 ans. Ses assassins ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité.

Vers 21 heures, le 6 février, le préfet de Corse Claude Erignac est assassiné en pleine rue. Trois balles dans la nuque, à bout portant. Une véritable exécution. Les assassins abandonnent l’arme du crime sur place. Comme on laisserait une signature. Et c’en est une ! puisque le pistolet, un 9 mm., est celui de l’un des deux gendarmes qui ont brièvement été séquestrés lors de l’attentat contre la gendarmerie de Pietrosella, perpétré cinq mois plus tôt. Or, si cet acte n’a pas été clairement revimage-de-lenquete-corse-par-petillon.jpgendiqué, il est rattaché à d’autres actions violentes menées par le groupe Sampieru, dont le chef est un ancien para : Marcel Lorenzini. Une revendication anonyme confirme d’ailleurs cette piste en fournissant aux enquêteurs, trois jours après le meurtre, le numéro de série de l’arme. Des fois qu’ils n’aient pas pensé à faire la recherche ! Lorenzini est arrêté. Mais bientôt, l’enquête prend une autre direction. Il faut dire qu’entre magistrats et policiers on ne joue pas toujours franc-jeu. C’est ainsi que le juge Jean-Louis Bruguière et le commissaire Roger Marion, alias Eagle 4 (y gueule fort), semblent avoir volontairement négligé des informations fournies par le préfet Bernard Bonnet (celui des paillotes), lequel mène de son côté une enquête parallèle. Probable qu’ils n’y ont pas cru. En tout cas, après 18 mois derrière les barreaux, Lorenzini est blanchi (du moins de ce crime), et il recouvre la liberté.

palais-justice_lenquetecorse-par-petillon.1195110725.jpgMais, on va la faire simple, car les histoires corses sont bien plus alambiquées que les histoires belges, et surtout beaucoup moins drôles – sauf racontées par Pétillon. Finalement, 8 personnes sont arrêtées. Quant à Yvan Colonna, il est en cavale – et ses copains lui font gentiment porter le chapeau. Ils seront condamnés à des peines allant de 15 ans à perpette.

Après un long séjour dans le maquis, Colonna est interpellé dans sa tanière, en l’occurrence une bergerie. On dit qu’il a été balancé contre une forte récompense. Si c’est le cas, j’espère que l’insoucieux récipiendaire a prévu sa retraite sous d’autres horizons…

La cour d’assises spéciale juge actuellement Yvan Colonna. Beaucoup disent que la cause est entendue : coupable.

Pourtant, de ténébreuses questions demeurent sur la mort de Claude Erignac. Car ce représentant de l’Etat n’était pas un rigolo, et c’est avec beaucoup de fermeté et de droiture qu’il accomplissait sa tache. Ce qui n’est pas patent dans l’île de Beauté. Et son action dérangeait. Quelques exemples : – Veto sur le projet d’extension du casino municipal d’Ajaccio. – Marchés sur le traitement des ordures ménagères – Utilisation des fonds publics en Corse – Spéculation immobilière sur la vente d’une caserne, à Bonifacio – etc.

Autant de raisons d’en vouloir à ce trouble-fête. En d’autres circonstances et en d’autres endroits, les enquêteurs auraient travaillé plus tranquillement. À l’abri des médias, des pressions politiques et des rivalités entre grands magistrats et grands flics, ils auraient sans doute fait preuve de plus de… circonspection.

Le 26 mars, la radio annonce que Le tueur de l’est parisien a été identifié. Une bavure journalistique, car l’individu est toujours en liberté et il ne sait pas que les enquêteurs de la PJ le recherchent. Heureusement, le lascar n’écoute pas la radio. Il est interpellé en douceur à la sortie du métro Blanche, à Paris. Entre 1991 et 1997, armé le plus souvent d’un couteau, il aurait violé une vingtaine de jeunes femmes – et égorgé sept d’entre elles. Pour tout élément, la police ne possède qu’un signalement, très flou, qui aboutit à un portrait-robot inexploitable ; une empreinte de chaussure, et deux traces ADN. Un travail de fourmi permet de recouper lesdites traces avec les empreintes génétiques d’un multirécidiviste, condamné à plusieurs reprises pour agressions sexuelles: Guy Georges.

guy-georges_photo-ij_france2.1195059793.jpgEn décembre 2000, à quelques semaines de l’ouverture de son procès, le pendard tente une évasion de la maison d’arrêt où il est incarcéré, mais il est rattrapé in extremis par les gardiens de la pénitentiaire.

Devant la cour d’assises, il commence par nier les faits qui lui sont reprochés. Puis il avoue. Guy Georges est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, peine assortie d’une mesure de sûreté de 22 ans.

Cette affaire est la goutte d’eau. Elisabeth Guigou, garde des sceaux, fait adopter une loi, le 17 juin 1998, qui prévoit la mise en place d’un fichier génétique. Il s’agit d’une base de combinaisons numériques (code-barre) qui va permettre de stocker sur une plate-forme informatique, située à Ecully, près de Lyon, le profil génétique des personnes fichées. Cela uniquement pour les seules infractions sexuelles (viol, exhibition, pédophilie…) – et uniquement après qu’une condamnation ait été prononcée. Il sera commun à la police et à la gendarmerie. Il est évident que si ce fichier avait existé, Guy Georges aurait été arrêté beaucoup plus tôt et cela aurait sans doute sauvé plusieurs jeunes femmes.

Sous la pulsion des lois sécuritaires, en 2001, le FNAEG est étendu aux atteintes aux personnes (homicides, violences, terrorisme…). Et, en 2004, son domaine englobe pratiquement toutes les infractions. Le prélèvement ADN devient alors obligatoire, non seulement pour les condamnés, mais pour toutes les personnes plus ou moins mises en cause dans une enquête pénale. Pour des raisons pratiques, il est laissé à l’initiative de l’officier de police judiciaire. Le prélèvement génétique est dorénavant le pendant des empreintes digitales. Il devient la norme.

On dit que plusieurs centaines de crimes ou de délits auraient été résolus grâce à ce fichier. On dit aussi, qu’aux Etats-Unis, plusieurs centaines de personnes définitivement condamnées (parfois à la peine de mort) auraient été innocentées grâce à cette technique. En France, à ma connaissance, le FNAEG n’a jamais été utilisé dans ce sens.

En avril 1988, les indépendantistes canaques attaquent le poste de la gendarmerie de Fayaoué, à Ouvéa, dans l’archipel des îles Loyauté, en Nouvelle-Calédonie. La répression est sanglante. Dix ans plus tard, le 5 mai 1998, les accords de Nouméa sont signés. Ils prévoient l’autodétermination. La date du scrutin est prévue pour… 2018.

Le 24 avril 1998, Marc Dutroux, l’homme le plus surveillé de Belgique, parvient à se faire la belle du palais de Justice de Neufchâteau. Comme un pied-de-nez supplémentaire aux autorités du pays. Il sera repris quelques heures plus tard, sur les indications d’un garde forestier.

Le 11 mai, la première pièce en euro sort des ateliers de Pessac, en Gironde. La monnaie européenne verra le jour en 2002 et restera sans doute dans la mémoire populaire comme une grande filouterie sur notre pouvoir d’achat. Le 22 mai démarre l’Exposition universelle, à Lisbonne, sur le thème des océans. Et, un mois plus tard, Eric Tabarly disparaît en mer d’Irlande. Il avait 66 ans. Pendant ce temps, l’Inde et le Pakistan font la course aux essais nucléaires : cinq tirs dans chaque camp – ce qui n’est pas fait pour faciliter le replâtrage de ces deux pays.

Moi, non sans nostalgie, j’ai abandonné mon bateau dans un port du sud deen-mer.pg l’Espagne, à l’entrée du détroit de Gibraltar. Il change de nom, et il part pour d’autres horizons, avec un autre équipage. Tahiti cat, ce catamaran de 45 pieds, a été mon sanctuaire pendant quatre ans, et il m’a trimballé (finalement sans trop de casses) sur environ 20.000 milles. De cette équipée, je regretterai surtout cette tension permanente face aux éléments déchaînés…, comme on peut le voir sur cette photo.

En juin, les Français passent aux 35 heures et découvrent les avantages des RTT. Et le mois suivant, pour la première fois, les Bleus sont champions du monde.

En septembre, le congrès des Etats-Unis tente une procédure de destitution ceci-nest-pas-une-pipe-de-magritte.jpgcontre Bill Clinton. On lui reprocherait presque d’avoir transformé la Maison Blanche en lupanar, alors qu’en fait, il s’est satisfait de biens modestes buccogénitalités avec une certaine Monica Lewinsky. Même pas de quoi l’inscrire au fichier génétique.

Pendant ce temps, les ministres de la justice et de l’intérieur des pays européens (Enfopol 98) préparent une résolution sur « l’interception légale des communications », notamment par satellite, Internet, cryptographie, cartes prépayées, etc. Pour les téléphones portables, par exemple, les opérateurs seront tenus de fournir l’accès intégral au contenu des conversations, ainsi que les chiffres composés en plus du numéro d’appel (codes, audioconférences, etc.). Pour l’Internet, ils devront pouvoir transmettre aux services de sécurité, en permanence et en temps réel, les échanges effectués, ainsi que les numéros de comptes, les codes, les adresses électroniques, etc.

Quelques mois plus tard, Lionel Jospin annonce son intention de libéraliser la cryptologie, seule possibilité pour les entreprises et les particuliers d’échapper aux « grandes oreilles ». La France est isolée dans ce domaine. En effet, chez nous, le codage des communications est interdit pour les particuliers. Mais un sérieux coup de frein suit cette déclaration. Pas question de coder les communications téléphoniques. Pourtant, Jospin, que l’on dit ancien gaucho, doit avoir lu Max Stirner : « Un morceau de liberté n’est pas la liberté. »

Le 2 septembre, le ministre de l’intérieur, Jean-Pierre Chevènement, lors d’une banale intervention chirurgicale, est victime d’un grave accident d’anesthésie : Il ne se réveille pas. Le Che doit négocier ferme, là-haut, car huit jours plus tard, il revient parmi les vivants. Certains crient au miracle. Sarcastique, le député socialiste Georges Sarre, rectifie : « Un miracle, oui ! Mais un miracle républicain ». Le temps de sa convalescence, Chevènement est remplacé au pied levé par Jean-Jack Queyranne.

Et cette année-là, Nicolas Sarkozy voit le bout du tunnel. À plusieurs reprises, depuis son soutien à Edouard Balladur, il a été vilipendé par ses « amis » du RPR (gageons qu’il s’en souvient !). Et, même si le prochain poste ministériel est encore loin, il reprend du poil de la bête, et sans doute prépare-t-il déjà son avenir…

De 1998, les péjistes retiendront deux nouvelles techniques d’enquête, des premières (ou presque) :

– L’utilisation de l’ADN pour identifier Guy Georges, le tueur de l’est parisien.

– Le traçage des téléphones portables dans l’enquête sur l’assassinat du préfet Erignac.


Mireille Bouvier – Mireille a vingt ans, elle est issue d’un milieu modeste, et elle vient de réussir le concours de sténodactylographie de la Ville de Paris. film-quai-des-orfevres.jpegNous sommes en 1958. Elle est affectée au pool dactylo du quai des Orfèvres. C’est là qu’elle découvre la vraie vie, dans des rapports souvent salaces, toujours sordides, et au contact de flics pour beaucoup issus de la Résistance. Des hommes durs. À cette époque-là, il n’y a pas de femmes dans la police. On peut penser que la carapace de ces anciens combattants fond devant cette gamine ingénue ! En tout cas, ils n’hésitent pas à faire appel à ses services lorsque le besoin s’en fait sentir : une fouille à corps (d’une dame, évidemment), une filoche… Même Max Fernet flanche devant ce bout de femme. Fernet est un homme rigide, froid, mais un vrai pro. Je ne l’ai pas connu, mais chacun s’accorde pour reconnaître ses qualités de chef et de meneur d’hommes. En 1970, il est bombardé directeur central de la PJ. Un « PP » à la sûreté nationale, on n’avait jamais vu ça ! Il emporte dans ses bagages le commissaire Gilbert Raguideau et deux secrétaires, dont Mireille Bouvier. Il ne reste pas longtemps à ce poste, mais il ouvre une voie royale. La direction centrale PJ va devenir pour des lustres la terminale des directeurs de la PJ parisienne. Ils vont y passer les uns après les autres : Maurice Bouvier, Michel Guyot, Gérard Thil, Jacques Genthial, Jacques Franquet et Bernard Gravet. Et Mireille sera la secrétaire particulière de chacun. Même le préfet Solier, qui dirigera la PJ de 1971 à 1974, la gardera à ses côtés. Malgré la porte capitonnée du bureau directorial, Mireille a connu tous les secrets de la PJ. Elle a vu le dessous de toutes les affaires qui ont fait la une des journaux (l’attentat du Petit-Clamart, Ben Barka,image-blog-pierre-albertini.1195060612.JPG Mai-68, l’enlèvement du baron Empain, etc.). Et elle a pratiqué (en tout bien tout honneur) des centaines de policiers. Lorsque je décrochais mon téléphone et que j’entendais : « Bonjour, mon petit Georges! C’est Mireille… », je savais que le ciel allait me tomber sur la tête. Mais plus tard, lorsque j’ai quitté la police, elle a été l’une des rares, avec son complice de l’époque, le commissaire Jean-François Rullier, à ne pas me faire la gueule.

Je te souhaite une longue et paisible retraite, ô Mireille ! Toi qui n’as pas écrit tes mémoires et qui es sans doute la seule à avoir autant de souvenirs.

 

Cliquer pour la suite

 

 

La PJ, de 1996 à 1997

PARTIE 25 – Après la vague d’attentats qui a ébranlé la capitale au cours du second semestre 1995, la police nationale (qui digère de récentes réformes) prend conscience qu’une organisation trop structurée peut constituer un frein à son efficacité. En effet, comment lutter contre le terrorisme si chaque service œuvre en solo ? ou si quelques patrons mégalomaniaques en font une affaire personnelle ? caroline-dickinson_news-scotsman.jpgEt les grosses têtes de la police inscrivent un codicille aux réformes précédentes – sans savoir qu’ils font le lit d’un petit homme qui ne débarquera place Beauvau que des années plus tard.

Caroline Dickinson fait partie d’un groupe de collégiennes anglaises qui effectue un stage linguistique en France. Dans la nuit du 17 juillet 1996, elle est assassinée dans son dortoir, à l’auberge de jeunesse de Pleine-Fougères, en Ille-et-Vilaine, près de Saint-Malo. Les premières constatations sont brutales : elle a été violée, avant d’être étouffée. Un SDF est interpellé. Malgré ses dénégations, le juge d’instruction, Gérard Zaug, le met en examen. L’affaire est bouclée en quelques jours – sauf que le malheureux n’y est pour rien. Une comparaison ADN (un rien tardive) avec des traces de sperme laissées par le meurtrier, l’innocente inéluctablement. Pendant ce temps, John Dickinson, le père de la jeune victime, obtient, grâce aux témoignages des amies de sa fille, le portrait-robot d’un homme qui a été aperçu à plusieurs reprises, rodant autour de l’auberge. Il demande au juge d’instruction que tous les hommes de Pleine-Fougères fassent l’objet d’un prélèvement ADN. Zaug refuse, mais il se voit dédit par sa hiérarchie. C’est le juge Renaud Van Ruymbeke qui prend la suite. Lui, il n’hésite pas. Pour la première fois dans une enquête judiciaire, on relève l’empreinte génétique de toute la population masculine d’une ville. Résultat : néant. Hélène Hemon et Michel Tanneau ont analysé la méthode dans un livre L’affaire Dickinson : Une enquête hors du commun, aux éditions Apogée. Je n’ai pas lu l’ouvrage, mais il est certain qu’une prospection tout azimut de ce genre pose un véritable questionnement. Mais Van Ruymbeke n’a pas de préoccupation doctrinale. C’est un homme tranchant. Il l’a montré dans son enquête contre Robert Boulin. Rappelons que ce dernier, sans doute victime d’une cabale politique, était poursuivi pour certaines irrégularités qui auraient entouré l’achat d’un terrain, à Ramatuelle. L’information judiciaire a fait chou blanc, mais, à la veille de se donner la mort, Boulin se plaignait de la manière dont il était traité. Il écrivait: « Le jeune juge Van Ruymbeke, aveuglé par sa passion de faire un carton sur un ministre est passé à côté de la question… » Ainsi est Van Ruymbeke. Et il ne craint pas de contourner le code de procédure pénale pour épingler un beau crâne à son tableau de chasse, comme dans l’affaire Clearstream ! Pour lui, seul le résultat compte. A contrario, je me souviens d’une enquête criminelle, au début de ma carrière. On avait pointé du doigt le coupable, mais, pour le confondre, il manquait un petit rien. Je demande au juge de placer son téléphone sur écoute. Il me répond : « Monsieur le commissaire, un juge d’instruction a trop de pouvoirs pour utiliser des méthodes de basse police… » Une autre époque – et d’autres gens.

Finalement, c’est la bonne vieille enquête traditionnelle qui va permettre d’identifier le meurtrier. La recherche de faits similaires, puis l’établissement d’une liste de suspects et une vérification – systématique. Jusqu’au moment où il n’en reste que francisco-arce-montes_newsbbc.1194104103.jpegquelques-uns. Puis un seul : Franciso Arce Montes. C’est un routier de nationalité espagnole, âgé d’une cinquantaine d’années. Mais il est introuvable.
Au printemps 2001, Tommy Onko, un officier de police américain de Detroit, tombe par hasard sur un article de journal retraçant l’affaire. Il consulte sa base de données, et… bingo ! Francisco Arce Montes est incarcéré en Floride pour attentat à la pudeur. Ce qu’on appelle du flair.

Extradé vers la France, l’individu a été jugé par la cour d’assises de Rennes le 14 juin 2004. Il a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle, peine assortie d’une sûreté de 20 ans. La sentence a été confirmée en appel.

Le 18 octobre 1996, la France adopte le numéro de téléphone à 10 chiffres et le mois suivant, vingt ans après sa mort, en grandes pompes, les cendres d’André Malraux sont transférées au Panthéon. Il rejoint Jean Moulin au royaume des souvenirs. Rappelons-nous de cet homme qui a écrit dans Les voix du silence, en 1951 : « Nous avons refusé ce que voulait en nous la bête… ».

Vers 17 heures, le 3 décembre, trois hommes montent dans le RER B, à la station Aéroport-Charles-de-Gaulle 2. Tandis que l’un fait le guet, les deux autres glissent un sac sous une banquette. Il contient une bonbonne de gaz de 13 Kg, du nitrate de sodium, de la poudre, des bouteilles d’essence, des clous et des écrous. Une bombe artisanale faite pour tuer. Un peu après 18 heures, l’engin explose à la station Port-Royal, à Paris. C’est une heure de grande affluence. Le bilan est lourd : 4 morts et 170 blessés. Cet attentat a été attribué à des terroristes islamistes venus spécialement de Belgique pour le perpétrer, mais il n’a pas été revendiqué.

Le 23 février 1997, deux scientifiques écossais nous présentent Dolly. dolly_futura-sciences.1194104260.jpgLa petite brebis est née le 5 juillet 1996. C’est le premier mammifère cloné. Quant à Jacques reelection-de-2002_e-vox-pop.jpgChirac, il apparaît sur le petit écran, un soir d’avril, pour nous déclarer : « J’ai décidé de dissoudre l’assemblée nationale. » Six ans plus tard, en 2002, atteinte d’une maladie pulmonaire, Dolly est euthanasiée – et Chirac est réélu avec plus de 82% des voix. L’une est exposée au musée d’Edimbourg, l’autre vient de prendre sa retraite.

Au mois de mai, la cour d’assises du Var juge Francis Heaulme pour une série de meurtres commis dans le sud de la France. Il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, peine assortie d’une mesure de sûreté de 22 ans. Cette même année, l’adjudant-chef de gendarmerie, Jean-François Abgrall transmet à la justice un rapport sur des confidences que cet individu lui aurait faites, cinq ans plus tôt. En résumé, Heaulme se serait trouvé à Montigny-lès-Metz, près des voies de la SNCF, à l’endroit précis où deux enfants ont été assassinés, en 1986. Or, pour ce double crime, Patrick Dils a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. À la suite d’un long périple judiciaire, Dils sera définitivement acquitté par la cour d’assises du Rhône, le 8 avril 2002. La plus grosse erreur judiciaire que la justice ait jamais reconnue.

francis-heaulme_laposte-lci.jpgQuant à Francis Heaulme, il sera de nouveau condamné, en 2004. On dit qu’il est atteint de la maladie de Klinefelter. Cette maladie se caractérise, chez l’homme, par la présence d’un chromosome sexuel supplémentaire : un chromosome Y et deux chromosomes X. Le malade est stérile et vraisemblablement impuissant. D’ailleurs Heaulme n’a jamais violé ses victimes. Lors de la découverte de cette anomalie, en 1942, on affirmait que ce chromosome supplémentaire était celui du crime. On n’ose imaginer les conséquences de l’application de cette théorie maintenant qu’il existe un fichier génétique !

Pendant ce temps, à Rouen, s’ouvre le procès de l’affaire de la Josacine empoisonnée. En réalité, il s’agit du meurtre de la petite Emilie Tanay. Le 11 mai 1994, cette enfant est morte après avoir absorbé un antibiotique d’usage courant, la Josacine. Elle avait 9 ans. Aussitôt le produit est retiré de la vente. Jusqu’à l’autopsie, où l’on découvre des traces de cyanure. Le médicament retrouve sa place dans les officines et les soupçons se portent sur Jean-Marc Deperrois, 43 ans. Ce notable du petit village de Gruchet-le-Valasse, en Seine-Maritime, est marié et père de deux enfants. À tout hasard, les enquêteurs le placent sur écoute. C’est ainsi qu’ils vont découvrir que Deperrois s’est procuré un kilo de cyanure de sodium, quelque temps avant le drame, pour les besoins de son entreprise, précisera-t-il plus tard. Il ne reste plus qu’à trouver le josacine_lci.1194104860.jpgmobile. Le magistrat bâtit l’hypothèse suivante : (cette partie a été retirée en l’absence d’éléments recoupés).

Jugé sur un dossier construit plutôt à charge, et malgré une solide plaidoirie de son avocat, Maître Libman, le 24 mai 1997 Jean-Marc Deperrois est condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Libéré l’année dernière, il se bat pour obtenir la révision de son procès. Quant à la Josacine, c’est toujours l’antibiotique les plus prescrit chez les enfants – et le laboratoire Bayer Pharma a été définitivement mis hors de cause.

La gauche remporte les élections législatives et, penaud, le 2 juin 1997, Chirac demande à Lionel Jospin de former son gouvernement. C’est le début de la troisième cohabitation, ce truc qui déplaît tant à nos politiques et qui, personnellement, ne me déplaît pas tant que ça.

D’entrée de jeu, Jospin annonce la fermeture du surgénérateur Superphénix, situé à Creys-Malville, dans l’Isère. Pour les contribuables français, c’est un gouffre financier : son coût est estimé à plus de 40 milliards de francs. Quant aux investisseurs étrangers, ils seront indemnisés par la fourniture d’une électricité gratuite pendant 4 ans. Sa destruction, programmée sur des dizaines d’années coûtera logo-radioactivite.jpegprobablement près de 3 milliards d’euros. Elle avance à petit pas. On estime qu’environ 1/3 du site a « déjà » été déconstruit. La prochaine étape est prévue pour 2025. La construction de Superphénix a été décidée sans consultation publique, par une loi de 1977. Il s’agissait d’un projet international. Son abandon a été décidé sans consultation publique, par un arrêté ministériel du 30 décembre 1998. Certains juristes se sont penchés sur la légalité de ses procédures. Mais à quoi bon ! Cela nous coûte assez cher comme ça.

Jeanne Calment avait 122 ans lorsqu’elle est morte le 4 août 1997. C’était la doyenne de l’humanité.

Trois semaines plus tard, Diana Spencer, plus connue sous le nom de Lady Diana, l’ex-épouse du prince de Galles, est victime d’un accident sous le tunnel du pont de l’Alma, à Paris. Elle meurt à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Quant à son compagnon, le riche Égyptien Dodi voiture-diana-apres-accident_nouvelob.jpgAl-Fayed, il a été tué sur le coup. On a tout dit sur cette histoire, que Lady Di était enceinte, qu’elle voulait se convertir à l’Islam, que le chauffeur était ivre, qu’une mystérieuse voiture a percuté la Mercedes, etc. En fait, il semble bien que le chauffeur, Henri Paul, roulait beaucoup trop vite, sans doute pour échapper aux paparazzis qui pourchassaient la princesse. Quant au père de Dodi, Mohamed Al-Fayed, il est toujours persuadé que son fils a été victime d’un complot ourdi par la famille royale d’Angleterre.

Le 5 septembre, à l’âge de 87 ans, Mère Teresa s’éteint à Calcutta. Prix Nobel de la paix en 1979, elle s’est dévouée sans relâche pour aider les plus déshérités. Dans la nuit du 24 novembre, c’est la chanteuse Barbara (Monique Serf, pour l’état-civil) qui nous quitte. Elle meurt à l’hôpital américain de Neuilly des suites d’un choc toxi-infectieux. Elle était âgée de 67 ans. En 1981, elle avait inscrit à son répertoire Regarde, une chanson spécialement composée pour saluer l’arrivée au pouvoir de son ami, un certain François Mitterrand.

À la mi-décembre, à Paris, commence le procès du terroriste Carlos. Il est accusé du meurtre de trois personnes, le 27 juin 1975, dont deux inspecteurs de la DST.


L’affaire Dutroux – Le 20 octobre 1996, 300.000 personnes défilent sobrement dans Bruxelles. C’est la marche blanche. Une réaction populaire et spontanée à l’affaire Dutroux.

julie-lejeune-et-melissa-russo_dw-worldde.jpgAu mois de mai, une fillette de 12 ans, Sabine Dardenne, disparaît sur le chemin de son école. Trois mois plus tard, c’est au tour de la jeune Laetita Delhez, 14 ans. Elle est enlevée alors qu’elle sort de la piscine. Mais cette fois, un témoin a remarqué un véhicule suspect. Il se souvient d’une bribe de numéro minéralogique. Marc Dutroux est arrêté en compagnie de son épouse, Michelle Martin et d’un complice, Michel Lelièvre. Ce dernier, héroïnomane, ne résiste pas longtemps aux questions des policiers. Il dénonce Dutroux. Finalement, ce dernier craque à son tour et mène les enquêteurs à une cache aménagée dans la cave de sa maison de Marcinelle, dans l’agglomération de Charleroi. C’est là où sont séquestrées les deux gamines.
L’affaire Dutroux commence.

Outre ces faits, l’individu est soupçonné de nombreux crimes, lesquels s’étalent sur des années (enlèvements, séquestrations, viols, meurtres, trafic de drogue, etc.). Mais c’est Julie Lejeune et Mélissa Russo qui sont les victimes les plus connues de cet odieux personnage. Car leurs parents n’ont jamais baissé les bras et se sont battus bec et ongles contre une administration frileuse qui refusait l’évidence. Hélas, fin 96, les corps des deux jeunes filles sont retrouvés dans la propriété de leur assassin, à Sars-la-Buissière, située en région wallonne, dans la province de Hainaut. À côté du cadavre de son complice, le Français Bernard Weinstein, dont Dutroux s’est débarrassé tant pour supprimer un témoin gênant que pour lui dérober une importante somme d’argent. L’autopsie confirmera d’ailleurs cette dernière hypothèse : Weinstein a été sauvagement torturé, avant d’être enterré encore vivant.

En 2004, Marc Dutroux est condamné à la réclusion à perpétuité et à une peine complémentaire de dix années de mise à la disposition du gouvernement – ce qui de fait lui interdit le bénéfice d’une libération conditionnelle.

Cette même année, Sabine Dardenne se confie à Marie-Thérèse Cuny,marc-dutroux_lapremierebe.jpg dans un livre « J’avais douze ans, j’ai pris mon vélo et je suis partie à l’école », actuellement aux éditions Pocket.

À la suite de cette affaire, une commission parlementaire s’est réunie pendant des mois. Elle a entendu des centaines de témoins, en direct, devant les caméras de la télévision. Ensuite, la police a été réformée de fond en comble et, en janvier 2001, la gendarmerie a été supprimée. Enfin, de nouvelles dispositions ont été prises pour traiter les disparitions dites inquiétantes, et notamment celles des mineurs. Ah oui ! J’oubliais… Le ministre de la justice, le ministre de l’intérieur et le chef de la gendarmerie ont démissionné.

Cela se passe en Belgique – pas en France.

 

Cliquer pour lire la suite

La PJ, de 1995 à 1996

PARTIE 24 – En 1995, apparaît une volonté politique de supprimer la cassure entre police « en tenue » et police « en civil ». Pour être précis, gr-1.jpgl’uniformisation se fait dans le sens… de l’uniforme. C’est pour ma part le quatrième changement de galons que je connais dans la police. Un peu comme les rails de tramways dans les villes : on les enlève et on les remet.

Pour être plus technique, la police nationale est alors divisée en trois corps :

– Les gardiens de la paix, les gradés et les enquêteurs sont regroupés dans un corps de maîtrise et d’application.

Les officiers de paix et les inspecteurs sont réunis dans un corps de commandement et d’encadrement.

Quant aux commissaires de police, on leur mitonne un statut de conception et de direction.

gr-2.jpgLa réforme sied à tout le monde, car il s’agit d’une ouverture par le haut. Mais, qu’on le veuille ou non, les commissaires vont du coup abandonner le terrain et devenir des gestionnaires. Pour coller à l’actualité: ils perdent au passage la bonification pour les retraites (1 an tous les 5 ans), dès qu’ils passent hauts fonctionnaires (échelle lettres de la grille de la fonction publique).

Le 27 février 1995, au petit matin, le permanent du commissariat de Marly-le-Roi reçoit un appel téléphonique. Une voix affolée : « Venez vite ! On a assassiné toute ma famille ». Incrédules, les policiers se rendent sur place, chemin des Gressets, à Louveciennes. Sidérés, ils découvrent les corps de six personnes, toutes tuées par balles. Il s’agit des locataires d’une somptueuse villa située à l’orée de la forêt domaniale, des Russes, les époux Polevoï ; leurs parents et un couple d’amis. Seule rescapée du massacre, la petite Nathalie, 2 ans ½, la demi-sœur du jeune Alexis – le garçon qui vient de prévenir la police. C’est le début d’une affaire bizarre, et à dire vrai inconcevable, que les journalistes ont appelé La tuerie de Louveciennes. Le parquet saisit le SRPJ de Versailles de l’enquête en crimes flagrants. Les explications fournies par le jeune homme sont suffisamment confuses pour justifier sa mise en garde à vue. Et, au bout de quelques heures, il craque : « Oui, c’est bien moi », avoue-t-il. Et il fournit des détails. De ces déclarations, on retient qu’il ne s’entend pas avec son père. Il le trouve autoritaire, alcoolique, voire brutal. Il lui reproche aussi d’avoir abandonné sa mère pour se remarier. Une violente dispute la veille au soir, l’a décidé : Il doit le tuer. Vers 22 heures, il s’empare de trois armes armes-mafia-russe_planetfortress.1192954561.jpgdifférentes (la maison en est remplie), sort dans le jardin et tire sur son père à travers la porte-fenêtre. Puis il revient dans la villa et l’achève. Sans perdre un instant, il fonce dans le salon et fait feu sur sa belle-mère et le couple d’amis présents à ses côtés. Puis, quatre à quatre, il grimpe les escaliers. Il défonce la porte de la chambre où ses grands-parents se sont réfugiés. Il trucide son grand-père, et traîne sa grand-mère jusqu’au garage. Là, il farfouille dans la voiture de sa belle-mère – peut-être à la recherche de la clé de contact. Il regagne alors le salon, poussant la vieille dame devant lui. On peut imaginer celle-ci, implorante, terrorisée… Froidement il l’abat. Il semble malgré tout, qu’il ait pris soin de dissimuler sa jeune sœur sous une couverture, pour ne pas qu’elle assiste à ce spectacle, vraiment trop gore. Le seul geste de charité.

Ensuite, il fouille le cadavre de son père, récupère une somme d’environ 3.000 Francs, et se rend à Paris au volant de la voiture de sa belle-mère. Où il passe une partie de la nuit avec une prostituée. Lorsqu’il revient à Louveciennes, il brise un carreau depuis l’extérieur, comme l’aurait fait un intrus. Une mise en scène qui n’abuse personne. Tout est dit. Les constatations et les autopsies corroborent point par point les déclarations du jeune homme. Les empreintes sur les armes, les traces de poudre sur ses mains et même un fragment de sa montre, qu’il a cassée en défonçant la porte de la chambre. Une enquête criminelle sur un tel massacre résolue en quelques heures, c’est du peu courant dans les annales de la PJ.

Pourtant, vers la fin de l’année, le jeune garçon revient sur ses aveux. Il parle d’un homme, vêtu tout de noir, un Russe, venu spécialement de son pays pour récupérer un certain dossier « rouge », qu’il aurait d’ailleurs trouvé. C’est lui qui aurait commis ces meurtres. Et il l’aurait obligé, lui, le jeune Alexis, à en assumer la responsabilité. Menaçant de tuer sa jeune demi-sœur et sa mère (biologique) dans l’hypothèse où il raconterait la vérité à la police. Une histoire comme on peut en lire dans une BD de Tintin et Milou. Les policiers sourient. Mais ils vérifient. Surtout lorsqu’ils apprennent qu’en Biélorussie, la Russie blanche comme on l’appelait autrefois, le frère de la victime, Dimitri, a lui aussi été assassiné. Or, ce dernier avait pris la direction des affaires de la famille. Des affaires semble-t-il douteuses et sur lesquelles plane l’ombre inquiétante de la mafia russe. Mais le dossier d’instruction contient suffisamment de preuves, et, malgré la suggestion des autorités locales, le juge ne délivre pas de commission rogatoire internationale.

Le 14 mars 1998, devant la cour d’assises des mineurs réunie à Versailles, Alexis est condamné à huit ans de réclusion criminelle. Une peine en demi-teinte. L’avocat général avait réclamé de 18 à 20 ans.

Détenu exemplaire, le jeune homme a très vite bénéficié d’autorisations exceptionnelles de sortie. Il a été libéré au bout de cinq ans et demi. Il a aujourd’hui 29 ans.

Le 17 mai 1995, Jacques Chirac remplace François Mitterrand à la tête de l’État. C’est le 5° président de la V° République. Il est là pour douze ans. Il disgracie le premier ministre Edouard Balladur, qui a eu l’outrecuidance de lui damer le pion, et nomme Alain Juppé à sa place. Pasqua, qui s’est accoquiné avec Balladur, est remercié. Il quitte une nouvelle fois la place Beauvau et passe les manettes à Jean-Louis Debré. Un juge à la tête de la police, cela aurait pu être une expérience intéressante… Mais, le courant ne passe pas. Peu après son élection, Chirac lance une ultime campagne d’essais nucléairessouvenir-de-mer_blogdns.1192954948.jpg dans le Pacifique, ce que bon nombre de pays considèrent comme une provocation, au moment où toutes les grandes puissances, sauf la Chine, respectent un moratoire sur les dits essais. L’association internationale Greenpeace en rajoute une couche en expédiant sur place Rainbow Warrior II. La marine française l’arraisonne dans la zone interdite de Mururoa. Mais cette fois, sans feux d’artifice.

Le 24 août 1995, Microsoft lance Windows 95, et le 15 octobre de la même année, Saddam Hussein sort vainqueur d’un référendum (99.6 % des voix) qu’il a lui-même mis en scène pour redorer son blason.

En France, avec Alain Juppé, on ne rigole pas tous les jours. Il veut de la rigueur, tant pour respecter le pacte de stabilité de l’Union européenne que pour assurer la mise en place de l’euro. Son manque de communication sur la réforme des retraites de la fonction publique entraîne une mobilisation générale et une grève sans précédent durant l’hiver 95-96. Finalement, Chirac fait machine arrière.

Le 8 janvier 1996, mort de Mitterrand. Pour la légende on nous fait croire qu’il s’est laissé mourir, refusant avec dignité soins et nourriture. De récentes affaires judiciaires nous ont fait comprendre que pour d’autres, cette dignité porte un nom : l’euthanasie.

Cela n’a aucun rapport avec ce blog sur la police, mais en mars 1996, apparaît la vache folle. On nous parle d’une sorte de « nouveau microbe », le prion. Une protéine qui s’affole et nous entraîne vers une maladie au nom terrible : l’encéphalopathie spongiforme bovine – ou maladie du cerf fou (mais l’appellation n’est pas reprise, elle manque de dramaturgie). On nous sort une progression exponentielle. Et une hécatombe pire que la grippe espagnole de 1918. Nous, on boude la viande anglaise et l’étal des boucheries se colore de bleu blanc rouge. Les plus timorés se jettent sur le poulet. Puis tout redevient comme avant.

Quant à Saddam Hussein, pour adoucir les effets de l’embargo décrété par le Conseil de sécurité de l’ONU après la guerre du Golfe de 1991, il finit par accepter le programme pétrole contre nourriture – pour le plus grand profit de certains négociateurs peu scrupuleux. La combine consiste à délivrer des «bons de pétrole» à des personnalités étrangères afin de constituer un lobbying sur les responsables onusiens. D’après le rapport Volcker, 270 personnalités de différentes nationalités sont mises en cause, dont 27 Français, parmi lesquels Charles Pasqua, Jean-Bernard Mérimée, ancien ambassadeur de France à l’ONU, et Patrick Maugein, un proche de Jacques Chirac. 2.200 entreprises internationales auraient viré, sur les comptes personnels de Saddam Hussein, des dessous de table conséquents – de l’ordre de 10 % du montant des transactions.

 

Le 10 mai 1996, sensible à une forte pression médiatique et probablement influencé par l’intervention du roi du Maroc, Jacques Chirac accorde une grâce partielle à Omar  Raddad, le jardinier marocain condamné pour le meurtre de son employeur, Ghislaine Marchal, âgée de 65 ans. En juin 1991, celle-ci était retrouvée morte, enfermée dans la cave de sa villa « La chamade », à Mougins (Alpes-Maritimes). Elle a reçu une multitude de coups de couteau. Avant de mourir elle avait eu le temps d’écrire sur la porte en bois, en lettres de sang : «Omar m’a tuer». Message répété une deuxième fois, mais cette fois d’une écriture quasi illisible. Pour le capitaine de gendarmerie Georges Cenci, qui a dirigé cette enquête, lui et ses hommes ont bâti un dossier solide. Et la culpabilité d’Omar Raddad ne fait aucun doute. Il est pourtant libéré le 4 septembre 1998. Deux ans plus tard, la commission de révision ordonne une nouvelle étude graphométrique de la phrase, devenue mythique. Mais comment comparer une quelconque lettre manuscrite, aux phrases longuement réfléchies, et trois mots tracés sur un mur, avec son propre sang, quelques minutes avant de mourir ! Les deux experts ne se mouillent pas. Ils avancent une seule certitude : il s’agit bien du sang de Madame Marchal.

En 2002, devant la cour de révision, l’avocat général Laurent Davenas, soutient qu’il n’existe aucun fait nouveau au bénéfice d’Omar Raddad susceptible de justifier un nouveau jugement, et qu’au contraire ne subsiste que des charges. Et le 20 novembre, la cour de révision rend sa décision : Omar Raddad ne sera pas rejugé. Il est donc bien l’assassin de Ghislaine Marchal. Il a purgé une peine de sept ans de réclusion criminelle.

 

Le gendarme Christian Jambert – La vie de cet adjudant de gendarmerie a basculé un jour de 1981. Il enquête sur le meurtre d’une jeune femme de 23le-gendarme-christian-jambert_lyonnerepublicaine.1192955310.jpg ans, dont le corps a été retrouvé dans un abri à bestiaux, à Rouvray, près d’Auxerre. Rapidement, ses soupçons se portent sur son amant, un certain Émile Louis. C’est un homme d’une cinquantaine d’années. Il conduit un car pour le compte d’une association d’aide aux handicapés, et sa compagne a obtenu la garde de trois fillettes, placées par la ddass. Pour Jambert, ce type n’est pas clair. D’ailleurs, il le connaît. Il l’a rencontré deux ans auparavant, alors qu’il enquêtait sur la disparition d’une femme, Martine Renault. Un mauvais souvenir. À l’époque, il est passé à travers les mailles, mais pas cette fois. Jambert ne le lâche pas.

Et, sans doute pour éviter d’être poursuivi pour le meurtre de sa maîtresse, Émile Louis finit par reconnaître des faits inavouables, mais sans doute anodins à ses yeux, comme se livrer régulièrement à des attouchements sexuels sur les trois enfants de la ddass.

Il est condamné à quatre ans de prison. Et l’affaire aurait pu s’arrêter là. Mais Jambert est persuadé que Louis est bien l’assassin qu’il recherche. Il poursuit ses investigations et découvre que sept jeunes filles, âgées de 16 à 22 ans, toutes atteintes d’un handicap léger, ont disparu depuis 1977. Les autorités, l’administration, tout le monde a considéré qu’il s’agissait de fugues volontaires et aucune enquête n’a été effectuée, à l’exception d’une vague diffusion de recherches pour la plus jeune d’entre elles. Or, avant de disparaître, toutes les sept ont été aperçues en compagnie d’Émile Louis.

Le gendarme est convaincu d’avoir mis la main sur un pervers, un tueur en série, une sorte d’assassin érotomane. Mais la justice ne suit pas et le parquet d’Auxerre ordonne un non-lieu. Pourtant, son rapport de synthèse est accablant, et il est corroboré par l’audition de onze témoins, dont Simone Delagneau, l’ex-épouse du suspect. Ce document ne sera même pas enregistré officiellement. On le retrouvera presque par hasard, vingt ans plus tard, dans les archives du palais de justice.

En mai 1996, dans l’émission Perdu de vue, sur TF1, Jacques Pradel relance l’affaire. Un ancien collègue d’Émile Louis se manifeste. Il l’a aperçu alors qu’il creusait un trou, de la taille d’une tombe, en février 1981.

Deux mois plus tard, l’ADHY (association de défense des handicapés de l’Yonne) demande la réouverture de l’information judiciaire. Demande rejetée. Il faudra attendre un an pour que la chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris donne son feu vert.

On imagine l’état dans lequel doit se trouver le gendarme Jambert. Il est retraité à présent, et le juge d’instruction veut recevoir son témoignage. Enfin, on va prendre son enquête en considération !

Le 4 août 1997, Christian Jambert est retrouvé mort dans le sous-sol de son pavillon, à Auxerre. Une carabine .22 LR près de lui. « Suicide d’un homme dépressif », écrit le praticien de SOS-Médecins sur le certificat de décès. Avis tout de suite entériné par la hiérarchie militaire. Le parquet d’Auxerre classe l’affaire. Il faudra cinq ans à la famille Jambert pour obtenir une autopsie. Le corps est exhumé une première fois, puis une seconde : Le gendarme Jambert s’est… suicidé de deux balles mortelles tirées dans la tête.

En décembre 2000, Émile Louis est interpellé par les gendarmes de la sectionemile_louis_scenedecrime.1192955411.jpg de recherches de Paris, dans le Var, où il a pris sa retraite. Il est notamment interrogé sur la disparition entre 1977 et 1979, des sept jeunes filles handicapées.

Au mois de mars 2004, il est condamné à vingt de réclusion criminelle par la cour d’assises du Var pour viols et agressions sexuelles aggravées d’actes de barbarie contre sa seconde épouse et sa belle-fille.

Le 25 novembre 2004, c’est l’épilogue pour l’affaire des disparues de l’Yonne. Émile Louis est reconnu coupable de l’assassinat des sept jeunes handicapées. Il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine incompressible de 18 ans. En 2006, la sanction est confirmée par la cour d’assises de Paris, réunie en appel. Son pourvoi en cassation vient d’être rejeté.

Les avocats qui ont défendu Emile Louis se racontent dans un documentaire de 52 minutes, écrit et réalisé par Joseph Beauregard, Les avocats du Salopard. Ce film est diffusé le 9 novembre 2007, à 20 heures 45, sur la nouvelle chaîne Planète Justice, de CanalSat.

L’enquête sur la mort du gendarme Christian Jambert est toujours en cours.

 

Cliquer pour la suite…

 

 

 

La PJ, de 1993 à 1995

PARTIE 23 – Au congrès de Rennes, le PS affiche sa division (rien de nouveau). Trop occupés à éfaufiler le linceul d’un président moribond, les intrigants restent insensibles au mécontentement de leurs sympathisants. Devant cette capilotade et le malaise suscité par les affaires concernant les financements occultes du Parti, les électeurs montrent leur ras-le-bol aux élections législatives d’avril 1993. L’assemblée nationale change de bord, et Jacques Chirac, échaudé par la première cohabitation, laisse le manche à Edouard Balladur.

francois-de-grossouvre-avec-le-president-mitterrand_13emerue.1191080430.jpgAu soir du 7 avril 1994, François de Grossouvre, est retrouvé mort, assis à son bureau, à l’Elysée. Selon toutes vraisemblances, il s’est tiré une balle dans la tête. Mais personne n’a rien entendu. C’est le gendarme du GIGN qui lui sert habituellement de garde du corps qui le découvre. Après une courte enquête préliminaire, le procureur classe le dossier. Il n’y aura donc pas d’information judiciaire concernant la mort de Grossouvre. C’est regrettable, car cette attitude sème le doute dans bien des esprits. Il faut dire que le personnage est mystérieux. Jusqu’en 1985, il est chargé de mission auprès du président de la République. Puis, il devient conseiller international des avions Marcel Dassault, puis, plus modestement, président du comité des chasses présidentielles (si, si, ça existe). Bien qu’aucun rôle ne lui soit plus attribué à l’Elysée, il y conserve un bureau. On dit même que son appartement, quai Branly, est voisin de celui de la concubine de Mitterrand… C’est l’homme de l’ombre, des mystères. Celui qui ne parle jamais. Pourtant, d’après ses proches, il écrivait ses mémoires. Cela doit être inexact, puisqu’on n’a jamais retrouvé son manuscrit…

Cette année-là, Zinédine Zidane est sélectionné pour la première fois en équipe de France et une Italienne de 62 ans, Rosanna Della Corte, donne naissance à un petit garçon de 3.2 kilos.

Pendant ce temps, un petit juge de Créteil, Eric Halphen, aligne les procès-verbaux. Il est saisi d’un dossier fleuve pour fausses factures et trafic d’influence qui tournicotele-juge_blog_pascal_robert-diard.gif autour du RPR et que les journalistes appelleront « l’affaire des HLM de la Ville de Paris ». Il place en examen Michel Roussin, ancien bras droit de Chirac à la mairie de Paris et ministre de la coopération, puis il oriente ses recherches vers les Hauts-de-Seine, principalement en direction du conseiller général RPR Didier Schuller, et du maire de Levallois-Perret, Patrick Balkany. Les Hauts-de-Seine sont de longue date le fief de Charles Pasqua qui cumule pour l’heure les fonctions de président du conseil général et de ministre de l’intérieur. Le 17 décembre 1994, sur les ordres du directeur central de la PJ, Jacques Franquet, une écoute téléphonique est placée sur le docteur Jean-Pierre Maréchal. Ce psychiatre n’est autre que le médecin de la mère de Schuller. C’est également le beau-père du juge Halphen. Il apparaît clairement sur les comptes-rendus d’écoutes que le docteur Maréchal propose à Schuller de faire pression sur son gendre, Eric Halphen, afin de freiner ses ardeurs. Le tout moyennant une modeste rétribution d’un million de francs. Mais ces écoutes dites «administratives» (car non décidées par un magistrat) ne peuvent être reçues comme une preuve. Du coup, le procureur de Paris abandonne les poursuites contre Jean-Pierre Maréchal, et renonce à dessaisir Eric Halphen de son dossier. Puis, dans un deuxième temps, il revient sur sa décision. Outré, Mitterrand saisit alors le Conseil supérieur de la magistrature – qui blanchit Halphen. Il peut poursuivre ses investigations, mais le dossier est séparé en deux : Paris et les Hauts-de-Seine. Il faut dire que chez les magistrats cette histoire a fait l’effet d’une bombe. Ils sont tous solidaires pour dénoncer une basse manoeuvre de déstabilisation. On retire l’enquête à la PJ pour la confier à la gendarmerie.

Le procès de cette affaire s’est terminé en 2006. Aucun homme politique n’était cité à comparaître. En 2002, le juge Eric Halphen s’est mis en disponibilité pour se lancer en politique. Il soutient la candidature aux présidentielles de Jean-Pierre Chevènement, puis se présente aux élections législatives dans l’Essonne, où il prend une veste. Dans un livre aux éditions Denoël, Sept ans de solitude, il donne sa version des faits. Après avoir créé un parti éphémère, le MARS (manifeste pour une alternative républicaine et sociale), en 2006, il rengaine son amour-propre et sollicite sa réintégration dans la magistrature. Magnanime, Jacques Chirac signe son décret de réintégration. Jacques Franquet, quant à lui, n’aura fait qu’un bref passage à la tête de la PJ. En 1995, il est nommé préfet délégué pour la sécurité et la défense. Une voie de garage – mais pour TGV. Quelles que soient poubelle_revuecites.1191080787.jpgles malversations commises, de cette lamentable pantalonnade, on peut tirer un enseignement : la justice a eu bon dos. Et ni la magistrature ni la police judiciaire n’en sont sorties grandies.

Tandis que le tribunal de commerce de Paris prépare la liquidation judiciaire de Bernard Tapie, les policiers de la DST montrent « qu’ils n’ont rien oublié ». Vingt ans auparavant, le 27 juin 1975, deux des leurs, Raymond Dous et Jean Donatini, étaient tués par un certain Ilitch Ramirez Sanchez, alias Carlos. En 1994, il est repéré à Khartoum, au Soudan, où il se terre. La DST monte une opération digne d’un film d’espionnage. Le 14 août, Carlos est enlevé et extradé en catimini, en dehors de tout circuit judiciaire ou diplomatique. Charles Pasqua couvre l’opération. Condamné en France à la réclusion criminelle à perpétuité, en 2004, Carlos a publié une autobiographie qui a aidé à sa légende. On dit maintenant de lui qu’il est le plus grand terroriste de notre époque. Son avocate, Maître Isabelle Coutant-Peyre, qu’il a épousée en prison, l’a même comparé à Che Guevara, dans une émission de Mireille Dumas à laquelle je participais. Mais qu’en pensent les centaines de victimes des nombreux attentats qu’il a perpétrés… Depuis sa prison, Carlos ilich-ramirez-sanchez-dit-carlos_nouvelobs.1191086675.jpga donné son opinion dans une interview téléphonique diffusée sur M6 : « Il n’y a pas de victimes innocentes. » Chacun jugera.

À la veille de Noël, à Alger, quatre Algériens du GIA (groupement islamique armé) prennent la maîtrise d’un Airbus d’Air France. Trois passagers sont tués par le commando. Le 26 décembre, l’avion se pose sur l’aéroport de Marseille-Marignane et les terroristes sont abattus par le GIGN. Air France suspend ses vols avec l’Algérie.

En avril 1995, Jacques Chirac se présente pour la troisième fois aux élections présidentielles. Malgré la… trahison d’Edouard Balladur et de Nicolas Sarkozy, il est élu avec 52.6 % des voix. Alain Juppé devient Premier Ministre et Jean-Louis Debré ministre de l’intérieur.

Le 9 mai 1995, un décret fixe l’organisation de la direction centrale de la police judiciaire. Il y a désormais quatre grandes sous-directions :

Les affaires criminelles

Les affaires économiques et financières

La police technique et scientifique

Les liaisons extérieures

Cette dernière sous-direction est appelée à prendre de plus en plus d’importance, notamment avec le gonflement des relations internationales.

Deux anarchistes de pacotille – Ils ont 42 ans à eux deux. Florence Rey et Audry Maupin sont étudiants à la fac de Nanterre. Lui en philo, elle en lettres modernes. Tous deux partagent une chambre de la cité universitaire, et, pour boucler leur budget, ils font de petits boulots. Florence est pionne, et Audry, animateur de centre aéré. Deux étudiants qui s’aiment et qui se débrouillent du mieux possible dans ce monde qui n’est pas fait pour eux. Mais leur chemin croise un certain Abdelhakim Dekkar, alias Tourmi, un petit voyou qui aime se faire mousser. Il se dit membre de l’OPR (organisation de propagande révolutionnaire), et, chuchote parfois qu’il appartient aux services secrets de l’armée algérienne. À eux trois, et quelques autres personnages non identifiés, ils passent des soirées à fumer et à refaire le monde. Et peu à peu, Florence et Audry se prennent pour des anarchistes, prêts à prendre les armes pour défendre le bon peuple contre le capitalisme et à en découdre avec tous ses suppôts. Leurs idoles s’appellent Jean-Marc Rouillan, Nathalie Ménigon… Ils achètent à Tourmi un fusil à pompe, puis un fusil de chasse dans un grand magasin. Leur objectif premier : braquer des banques. Mais pour cela, ils ont besoin d’un armement plus discret. Dans la soirée du mardi 4 octobre 1994, ils mettent leur plan à exécution.

Leur guerre va durer une petite heure.audry-maupin_affaires_criminelles.1191080932.jpeg

Ils enfilent des cagoules et, de nuit, pénètrent dans la préfourrière de la porte de Pantin. Leur intention est d’immobiliser les gardiens avec leurs propres menottes et de s’approprier leurs armes. Les deux policiers tapent le carton dans une petite guérite. Ce ne sont pas des héros. Devant le canon des fusils, ils lèvent les mains, sans faire d’histoire. Florence et Audry s’emparent des deux revolvers .38 Spécial, mais ils se heurtent à une difficulté imprévue : les gardiens n’ont pas de menottes. Après un moment d’hésitation, ils aspergent les deux hommes d’un gaz lacrymogène, arrachent les fils du téléphone, et s’enfuient à toutes jambes. Ils ont réussi. Ça y est, ils sont de grands criminels ! L’arme à la main, ils arrêtent un taxi, menacent le chauffeur et le passager, et se font conduire à la Nation. Mais le chauffeur, Ahmadou Diallo, vient de Guinée. Il en a vu d’autres, et il n’a pas l’intention de se laisser dévaliser. Il aperçoit une voiture de police stationnée place de la Nation. Délibérément, il fonce dessus. Le choc est violent. Mais les policiers ne réagissent pas comme prévu. Deux d’entre eux descendent tranquillement de leur véhicule pour établir un constat. Pris de panique, les deux jeunes gens ouvrent le feu. Thierry Maymard, 30 ans, et Laurent Gérard, 25 ans, s’écroulent sans même avoir dégainé leur arme. Ahmadou Diallo sort de son taxi en hurlant. Une cartouche de fusil à pompe le stoppe net. Il avait 49 ans et venait d’acheter une petite maison dans son village natal de Kanssagny.

Trois hommes agonisent sur le macadam. Plusieurs passants sont blessés. Florence Rey achève les deux policiers et s’empare de leurs armes. Le troisième policier tire à son tour, mais sans résultat. Le couple s’enfuit en courant. Florence et Audry braquent le conducteur d’une R5 et l’obligent à les conduire à Nanterre. Mais le périphérique est fermé. Ils ne connaissent pas le chemin et le chauffeur n’est pas en état de les aider. Il part en sens opposé. Ils sont pris en chasse par une voiture de police et un motard et se retrouvent dans le bois de Vincennes. Les deux jeunes gens rechargent leurs armes. Ils brisent la lunette arrière de la petite voiture et tirent sur leurs poursuivants. Comme au cinéma. Pendant ce temps, les flashes crépitent sur la fréquence police. Les voitures de patrouille arrivent de toute part. Bientôt, la R5 se trouve face à un barrage.

florence-rey_photo_ij.1191134374.jpgC’est la fusillade. Un motard, Guy Jacob, 30 ans est tué. Un autre policier prend une balle dans la tête. Il s’en sortira. Audry Maupin encaisse deux balles. Il s’effondre. Il va mourir à l’hôpital Bichat, quelques heures plus tard. À ses côtés, Florence Rey continue de tirer – jusqu’à sa dernière cartouche. Elle est déchaînée. Dans un état second. Un policier finit par lui donner un coup de crosse sur la tête pour la neutraliser. Conduite quai des Orfèvres, la jeune fille ne desserre pas les dents. Elle finit, après de longues heures de garde à vue, par donner son nom et l’adresse de ses parents.

Devant la cour d’assises, en 1998, Florence Rey a chargé son compagnon au maximum. Puis, face aux jurés, elle s’est excusée. L’avocat général avait réclamé 30 ans de réclusion. Elle en a pris 20. Avec le jeu des remises de peine, sa demande de libération conditionnelle devrait lui être accordée. Elle sera libre avant la fin de l’année. Elle pourra refaire sa vie, elle a 32 ans. L’âge moyen de ses victimes.

 

Cliquer pour lire la suite…

 

« Older posts Newer posts »

© 2025 POLICEtcetera

Theme by Anders NorenUp ↑