PARTIE 29 – À l’approche des élections présidentielles, le gouvernement Jospin, aux manettes depuis 1997, tente de mettre en place une politique sécuritaire, tout en se démarquant de la droite. C’est mission impossible. Habilement attisé par certains médias (notamment TF1), le sentiment d’insécurité se faufile sournoisement dans l’esprit des futurs électeurs.
Place Beauvau, Daniel Vaillant s’agite et masque ses lacunes (en la matière) derrière de creux discours (Conseil de l’Europe, le 24 septembre 2001) : « L’insécurité est trop souvent un sujet sur lequel on fait des amalgames dangereux : insécurité, immigration ; insécurité, jeunes ; insécurité, banlieues. On ne peut que déplorer cette situation, surtout quand les prises de position visent avant tout à enfermer le citoyen dans ses propres peurs. Un citoyen apeuré ne peut, par définition, être un électeur éclairé !… » Toutefois, c’est sur sa proposition que Lionel Jospin confie à deux parlementaires, Christophe Caresche (PS) et Robert Pandraud (UMP), une mission sur la mise en place d’un « observatoire de la délinquance » (créé en 2003 par Nicolas Sarkozy).
En ce mois de janvier, La Grèce intègre la zone euro et George W. Bush devient (de justesse) le 43e président des Etats-Unis. Parmi les petites phrases distillées par le grand homme, on peut retenir : « Je crois que vous m’avez mal sous-estimé. »
Dans un tout autre domaine, la PJ relaie les gendarmes sur l’enquête concernant un double meurtre commis en octobre 1996 sur le stand de tir situé sur un terrain militaire, à proximité du bois de Kéroual, sur la commune de Guilers, près de Brest. Les victimes, Paul Creton et François Picard, sont deux adhérents du club de tir. Chacun a reçu deux balles dans la poitrine et une dans la tête. Une véritable exécution. Les deux hommes ont été dévalisés et les enquêteurs ont supposé dès le départ que l’objectif prioritaire des meurtriers était de s’emparer des armes des tireurs, un .357 magnum et deux pistolets .22 LR. Malgré leurs efforts, les gendarmes ont piétiné pendant cinq ans. Les péjistes ne feront pas mieux. Chacun s’accorde à reconnaître que ce double crime est vraisemblablement crapuleux. Or c’est dans ce type d’enquête qu’il existe le plus d’échecs. Mais on ne peut s’empêcher d’envisager une autre hypothèse, celle d’un contrat sur la tête de François Picard. Celui-ci, en effet, avait grade de colonel. En poste à la préfecture maritime, il était notamment chargé de la surveillance de la radioactivité sur la rade de Brest. Activité suffisamment sensible pour que son bureau ait été entièrement déménagé avant même que son corps ne soit mis en terre. Mais en voulant suivre cette piste, il semble que les enquêteurs se soient heurtés à un mur : secret défense. En tout cas, les familles des deux victimes pensent que dans cette enquête criminelle, la justice n’a pas fait preuve d’une très grande pugnacité (Thierry Charpentier, Le Télégramme 2006). À ma connaissance, cette affaire n’a toujours pas été résolue.
Le 2 février, Alfred Sirven est arrêté aux Philippines. Il est soupçonné d’être au centre d’une énorme affaire d’escroquerie : l’affaire Elf. Le 30 mai, il est condamné aux côtés de l’ancien ministre Roland Dumas et de sa maîtresse, Christine Deviers-Joncour, à 4 ans de prison (peine réduite à 3 ans en appel). Puis il écope d’une nouvelle peine de 5 ans pour détournement de fonds. Libéré 3 ans plus tard, il meurt à son domicile, à Deauville, le 12 février 2005. « Je possède des documents qui pourraient faire sauter vingt fois la République », avait-il dit. On n’en retrouvera aucun. « Y’a de la joie ! », c’est du moins ce que chantait Charles Trenet. Il est mort ce 19 février. On dit qu’il avait composé les paroles de la chanson « La mer » lors d’un voyage en train. C’était avant le TGV.
Au mois d’avril, les teufeurs ne sont pas à la fête. En effet, un projet de loi prévoit de soumettre les raves à une autorisation préfectorale, avec menace d’une saisie du matériel. La droite pousse dans ce sens, les socialistes sont divisés, et Verts et PC sont catégoriquement contre. On tergiverse, on tâtonne, on s’invective, et en juillet, deux jeunes décèdent, l’un dans une rave en Seine-Maritime, l’autre en Moselle. Finalement, au mois de novembre, une loi est votée. Un texte emberlificoté qui tente de ménager chèvre et choux et à la finale pas très convaincant.
Plus à l’aise dans les grandes causes que dans le quotidien, le 21 mai, le gouvernement socialiste fait adopter une loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. Quant à Patrick Henry, condamné à perpétuité en janvier 1977 (il a sauvé sa tête de justesse, grâce à Badinter) pour le meurtre du petit Philippe Bertrand, il sort de prison. Il publie un livre de souvenirs, il fait la une des médias, il a sa photo dans Paris-Match… En prison, il a changé, nous dit-on. Il a fait des études, il a passé des diplômes… Si on compte en faire un modèle de réinsertion, c’est loupé ! En octobre 2002, il est interpellé en Espagne avec 10 kilos de haschich. Et il retournera en prison.
Condamné le 15 avril 1964 pour l’attaque du train postal Glasgow-Londres, après 35 ans de cavale, en ce mois de mai, Ronald Biggs se constitue prisonnier. On dit qu’il n’a pas le moindre penny, pourtant le butin (de nos jours, cela représenterait pas loin de 50 millions d’euros) n’a jamais été retrouvé. Le film de Gérard Oury, Le cerveau, est inspiré de ce maquignonnage hors du commun. En juin, consultés par référendum, les Irlandais refusent de ratifier le traité de Nice. Ils sont les premiers Européens à étrenner une nouvelle règle électorale : si tu votes pas bien, tu revotes. Domptés, ils finiront par dire oui. Mais ce oui, ils l’ont peut-être au travers de la gorge, car, lors d’un sondage récent (fin 2007), seulement 25 % des électeurs irlandais se disaient favorables au traité de Lisbonne. Si en 2008 ils disent non, ces fichus Irlandais, faudra bien qu’ils revotent bien, scrogneugneu ! Cela n’a rien à voir, mais quelques semaines plus tard, l’ogre vert, le provocateur Shrek, pétomane et roteur à ses moments perdus, débarque sur nos écrans.
Daniel Vaillant, dans une circulaire du 11 juillet, lance la troisième vague de mesures sur la police de proximité. Il rappelle qu’en référence à l’avis du Conseil de sécurité, les maires doivent être informés des objectifs et des résultats de l’action de la police. Il ne dit pas « associés » tant il est vrai qu’il ne veut pas entendre parler de police municipale. En janvier, Lionel Jospin, questionné sur ce sujet par les députés à l’assemblée nationale, avait même déclaré « Sherifiser la police, ce n’est pas la tradition républicaine de l’État en France. »
Au mois de mai, un double crime particulièrement révoltant bouleverse les habitants de la petite ville de Saint-Jacques-sur-Darnétal, près de Rouen. Les époux Roussel, gens sans histoire, ont été assassinés. D’une manière atroce. Lui, Jean-Jacques Roussel, est retrouvé carbonisé dans sa grange. Il a reçu une balle dans la poitrine. Quant à sa femme, il faudra plusieurs jours avant de retrouver son corps. Elle a été dépecée et les morceaux de son cadavre ont été jetés dans la Seine. Quelques jours plus tard, lors d’un banal contrôle routier, un individu brandit un fusil de chasse et fait feu sur les gendarmes avant de prendre la fuite. Il est arrêté le lendemain. Il s’agit d’un multirécidiviste, Alfred Petit, âgé de 36 ans. On retrouve l’arme, et le véhicule des époux Roussel. Dans celui-ci, il y a des traces de sang. C’est bien le sang de Danielle Roussel. Alfred Petit est jugé en 2003. Lors de l’audience, son père, un ancien policier, est mis en cause par un témoin surprise. Au vu de ce nouvel élément, et surtout en raison des lacunes dans le dossier d’instruction, le président décide de reporter le procès. Le père d’Alfred Petit (il se prénomme également Alfred) se pend quelques mois plus tard. Il laisse deux lettres, dans lesquelles il affirme son innocence et celle de son fils.
L’année suivante, lors d’un nouveau procès d’assises, Alfred Petit déclare qu’il ne répondra à aucune question. Cette attitude n’arrange pas son cas et son lourd passé ne joue pas en sa faveur. Dans son réquisitoire, l’avocat général appuie là où ça fait mal : « Il est le seul individu en France à être passé, avant 40 ans, pour la troisième fois devant une cour d’assises pour des causes différentes… » » Réclusion criminelle à perpétuité. La peine sera confirmée par la cour d’appel de Paris.
En cette année 2001, le mois de septembre est meurtrier. Aux Etats-Unis, quatre avions de ligne sont détournés par des pirates de l’air. Deux d’entre eux pulvérisent les tours jumelles du World Trade Center, lesquelles, s’effondrent – mystérieusement – l’une après l’autre. Le troisième avion s’écrase sur le Pentagone et le dernier se crash dans la nature. Encore aujourd’hui, de nombreuses questions demeurent en suspens. L’universitaire David Ray Griffin a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet, dont certains, publiés aux éditions Demi-lune, ont été traduits en français par le commandant Pierre Henri Bunel. Il remet en cause la version officielle et décortique les nombreux mensonges qui entourent le 11-Septembre.
Dans un article très documenté sur Wikipédia, un spécialiste remarque que les deux tours se sont écroulées comme elles l’auraient fait lors d’une destruction contrôlée… En tout cas, le jour même le coupable est montré du doigt… Peu après, dénonçant un « axe du mal », Bush ourdit une nouvelle législation qui va porter un rude coup à la liberté individuelle des étasuniens – et par ricochet à la nôtre. Un mois plus tard la France s’associe à « l’alliance du nord », et les Etats-Unis bombardent l’Afghanistan. En 2008, les forces françaises sont toujours engagées dans ce pays.
Dix jours plus tard, un dépôt d’engrais explose dans l’usine AZF de Toulouse, creusant un cratère de dix mètres de profondeur. Le bilan est lourd : 30 personnes sont tuées, 5.000 sont blessées et près de 30.000 logements sont endommagés. Très rapidement (trop ?), le procureur nous affirme qu’il s’agit d’un accident, mais des bruits courent, et les autorités doivent fortement ramer pour nous convaincre de la vraisemblance de cette thèse. Problème réglé peu après avec le vote d’une loi pour renforcer la sécurité autour des zones industrielles.
En novembre pour tenter de juguler le sentiment d’insécurité qui gagne la France, Daniel Vaillant annonce une augmentation du budget du minstère de l’intérieur de 4.5 % et la création de 3.000 postes supplémentaires. Et pour se mettre les poulagas dans la poche, il se fend de promesses plus démagogiques : durcissement de la législation pour protéger les forces de l’ordre, création d’un numéro vert pour obtenir une assistance juridique, renforcement de la cellule psychologique, renouvellement de l’armement individuel, suppression des gardes « potiches », etc. Mais à la veille des élections présidentielles, il a beau se gausser des statistiques en disant : « [Ce] ne sont rien d’autres que l’addition d’un certain nombre de faits qui ne permet pas d’apprécier la réalité de l’insécurité réelle ou ressentie. », les chiffres de la délinquance sont mauvais, avec par exemple une augmentation de 12 % des crimes et délits en zone rurale et dans les banlieues des grandes villes.
Le tueur de la rivière verte – C’est le surnom (the green river killer) que lui avait donné les médias américains avant qu’il ne soit identifié, car les premières victimes furent découvertes entre 1982 et 1985, près de the Green River, dans le sud du comté de King, dans l’État de Washington.
Il se nomme Gary Leon Ridgway, né le 18 février 1949 à Salt Lake City (Utah), aux Etats-Unis. Entre 1982 et 1998, cet individu a assassiné au moins 48 femmes – dont la plupart étaient des prostituées. « J’ai tellement tué de femmes que c’était difficile d’en tenir le compte », déclare-t-il lors d’une interview. De nombreux psys se sont penchés sur sa jeunesse et son adolescence pour tenter d’expliquer son comportement. C’est quasiment un cas d’école : dans la famille, la mère est dominante ; il est dyslexique ; il pisse au lit… À l’école, il ne parvient pas à s’intégrer. Ses études sont catastrophiques. Vers 12 ans, il devient pyromane. Il prend plaisir à tuer des oiseaux, ou à martyriser les chats et les chiens. Vers 15 ans, il agresse un enfant de 6 ans et lui plante à plusieurs reprises son couteau dans la poitrine. Et de ne jamais être soupçonné, lui vient un sentiment d’invulnérabilité… À 17 ans, il est submergé par une obsession : le sexe. En 1969, il s’engage dans la Navy et l’année suivante, il épouse une amie d’enfance. Son mariage est un échec, sa vie est un échec. En 1980, il est arrêté pour avoir agressé une prostituée, mais, faute de preuves, il est relâché. Toujours ce sentiment d’invulnérabilité. C’est sans doute le début de sa saga criminelle…
À partir du mois de juillet 1982, les découvertes macabres se multiplient :
– 15 juillet, deux adolescents découvrent le corps d’une jeune prostituée de 16 ans, coincée sous un pont de Green River. Elle a été violée et étranglée avec son pantalon.
– 12 août, c’est le corps d’une prostituée de 22 ans, coincé par des branchages, toujours dans Green River.
– 15 août, deux jeunes femmes noires, des prostituées, sont repêchées à leur tour. Les enquêteurs découvrent un troisième corps, sur la berge, à quelques mètres.
En un mois, c’est donc cinq femmes qui sont assassinées. L’existence d’un tueur en série ne fait aucun doute. Pourtant, il faudra du temps à la police pour s’organiser et obtenir les moyens nécessaires. « J’ai choisi des prostituées parce que je savais que je pouvais en tuer autant que je voulais sans être pris », a déclaré Ridgway. Il n’avait peut-être pas tort.
Au fil des mois, les rangs des prostituées qui travaillent sur « Le Strip » s’éclaircissent. Pour plusieurs d’entre elles, on retrouve leur corps, mais pour des dizaines d’autres, il existe un doute : assassinats ou disparitions ? L’année suivante, la question ne se pose plus. Plusieurs cadavres anciens sont découverts alors que les meurtres se poursuivent. Les enquêteurs ne savent plus où donner de la tête. À la fin de l’année 1983, le sheriff demande aux responsables politiques d’augmenter son budget. L’un d’eux rétorque que l’image du comté ne s’améliorera pas en utilisant l’argent des contribuables pour enquêter sur les meurtres de putes…
Pourtant, les policiers ont avancé. Ils ont concocté une liste de 300 noms parmi lesquels doit se trouver le coupable. Gary Ridgway y figure. Mais son aisance à répondre aux questions et sa bonne bouille bluffent les policiers. Il est rayé de la liste des suspects.
En février 1984, Ridgway envoie une lettre à un journaliste. Elle est bourrée de fautes d’orthographe, mais elle mentionne certains faits connus seulement des enquêteurs : « L’une des filles noires dans la rivière avec des cailloux dans le vagin […] Une dans la Maple Valley avait une bouteille de vin rouge… » Une empreinte est recueillie sur le papier, mais un expert affirme qu’il s’agit d’un fabulateur.
À cette époque, même si toutes n’ont pas été retrouvées, les policiers estiment que 34 jeunes femmes, blanches ou noires, ont été assassinées.
À partir de la fin 1986, l’un des enquêteurs, Matt Haney, commence à soupçonner Gary Ridgway. Il enquête. L’année suivante, une perquisition est effectuée à son domicile. Sans résultat. À l’époque, on ne parle guère d’ADN, pourtant, Haney a lu quelque chose là-dessus. Il a l’idée de prélever un peu de la salive de Ridgway et de la conserver au congélateur.
En 2001, cet échantillon est comparé à du sperme prélevé sur plusieurs victimes, vingt ans auparavant. Ridgway est cuit.
Il est arrêté le 30 novembre 2001. Il refuse de parler et se dit non coupable. Mais les preuves s’accumulent et l’année suivante ses avocats passent un marché avec le procureur : on lui évite la peine capitale s’il reconnaît les faits et s’il aide les enquêteurs à retrouver les corps de toutes les victimes.
Le 5 novembre 2003, Ridgway plaide coupable pour 48 meurtres (on pense qu’il en a commis 71). Au procès, le juge lui dit : « Ce qu’il y a de remarquable en vous, ce sont vos émotions recouvertes de Téflon et votre absence complète de compassion réelle pour les jeunes femmes que vous avez tuées… » Il est condamné à la détention à perpétuité. Il purge sa peine au pénitencier de Walla Walla.
Et woilà !
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J’aime bien votre nouveau concept électoral: Si tu votes pas bien, tu revotes. Malheureusement, il ne s’applique pas aux Français. Notre bien-aimé président Sarkozy ayant décidé de se passer de notre avis pour le mini-traité européen. Si tu votes pas bien, tu revotes plus. C’est plus sûr…