LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Justice (Page 6 of 25)

Fin du procès Pastor : le droit, à la virgule près

Dans le procès Pastor, la cour d’assises des Bouches-du-Rhône va bientôt rendre son verdict. Pourtant, malgré les comptes rendus détaillés des chroniqueurs judiciaires, l’affaire reste encore bien mystérieuse. Mais, quel que soit le degré de culpabilité reconnu aux accusés, il restera un sentiment de dégoût devant un double assassinat fomenté sur l’argent. Tant d’argent que c’en est indécent.

La diffusion de l’enregistrement des aveux de Wojciech Janowski obtenus lors de sa garde à vue a été l’élément clé des débats. Et il est fort probable que les propos tenus devant l’OPJ, par celui qui est considéré comme l’instigateur de ces crimes, influeront directement sur la décision des jurés et de la cour.

Pascal Guichard, le président de la Cour d’assises, a surpris tout son monde en décidant de diffuser cette vidéo, après que Wojciech Janowski ait dénoncé avec véhémence les conditions inhospitalières de son séjour prolongé dans les locaux de la PJ niçoise. D’après Pascale Robert-Diard, qui suit le procès pour Le Monde, à l’issue de la projection, son avocat, Me Dupond-Moretti, aurait quitté la salle d’audience sans un regard pour son client.

Mais au fait, le président de la cour d’assises avait-il le droit de diffuser cet enregistrement ? Personne ne semble s’être posé la question. Vous me direz, c’est juste un point de droit, mais il pourrait peser sur l’avenir judiciaire de l’accusé.

 

Hélène Pastor, Monégasque à la tête d’une succession immobilière colossale, et son chauffeur Mohamed Darwich, ont tous deux été mortellement blessés, par des plombs de chasse, le 6 mai 2014, devant l’hôpital l’Archet à Nice. Les caméras de vidéosurveillance montrent que le guet-apens est le fait de deux hommes dont l’un est armé d’un fusil de chasse à canons superposés et crosse sciée.

L’enquête est confiée à l’antenne de PJ de Nice.

En vieux routier de la lutte antiterroriste, le commissaire divisionnaire Continue reading

Inass, la fillette de l’A10 : les ombres juridiques de l’enquête

C’était en août 1987. La période estivale, celle où il est fréquent, hélas, de découvrir des animaux abandonnés par leur maître sur le chemin des vacances. Mais cette fois, ce n’est pas un chien que découvrent les employés chargés de débroussailler en bordure de l’A10, entre Orléans et Blois, mais un petit corps humain, celui d’une fillette d’environ quatre ans, enveloppée dans une couverture.

C’est le début d’une longue enquête.

Elle démarre par une minutieuse autopsie aux résultats effrayants : le corps de la petite fille porte des cicatrices de fractures non soignées, des traces de brûlures au fer à repasser et des cicatrices qui sont le fruit de morsures, probablement par une femme ou un adolescent. Cette fillette a été martyrisée pendant de longs mois avant de renoncer et se laisser mourir.

Les blessures sont tellement inhabituelles que les enquêteurs se demandent si elle n’a pas été la victime d’un sacrifice sectaire !

Des recherches sont lancées, colossales, pour tenter de l’identifier, notamment dans les écoles, les milieux hospitaliers, les associations…, sans résultat. Et des décennies plus tard, on s’aperçoit que l’enquête s’est jouée au tout début, au bord de l’autoroute, lorsque le premier gendarme intervenant, un motard, semble-t-il, dans un réflexe professionnel inhabituel à cette époque, saisit la couverture de la victime et la sauvegarde avec soin « pour les besoins de l’enquête ». Sans savoir qu’il protégeait ainsi les indices du futur. Continue reading

Lorsque le droit sert le criminel

C’était un mercredi, il y a une quarantaine d’années. En fin d’après-midi, trois individus armés font irruption au Crédit Agricole de Villefort, en Lozère, et s’emparent d’une somme d’environ 50 000 francs avant de prendre la fuite à bord d’un véhicule volé le matin même, une DS Citroën de couleur vert foncé. Dans leur fuite, sur une petite route de campagne, ils croisent une estafette de gendarmerie. À bord, deux jeunes gendarmes qui terminent une patrouille de routine. Les deux véhiculent se frôlent. Les gendarmes continuent leur route. Mais un peu plus loin, un homme leur signale que ce véhicule a percuté le sien, sans même s’arrêter. Il leur donne le numéro minéralogique. Les gendarmes cherchent un point haut dans la campagne, tant pour obtenir une meilleure liaison radio, afin d’identifier le véhicule, que pour surveiller les alentours. C’est alors que la DS surgit et stoppe, pare-chocs collé à l’estafette. Deux hommes à bord. Au volant Pierre Conty. Les choses vont très vite. Il descend, un pistolet-mitrailleur à la hanche : la première rafale atteint le gendarme Dany Luczak. Six balles lui déchirent le ventre. Pendant ce temps, le passager, Stéphane Viaux-Péccat, passe le buste par la vitre ouverte et tire à l’aide d’un fusil à canon scié. Le second gendarme, Henri Klinz se dissimule comme il peut. Mais Conty a contourné l’estafette et lui arrive dans le dos. Il appuie sur la détente et, miracle ! la septième balle explose dans la chambre. Henri Klinz ne l’apprendra que plus tard, à l’issue de l’expertise de l’arme. Pour l’heure, il lève les mains haut vers le ciel. « Le pistolet-mitrailleur toujours à la hanche, il me braquait. », raconte le survivant, dans son livre-enquête, Mon témoignage sur l’affaire Pierre Conty, le tueur fou de l’Ardèche (Éditions Mareuil, 2017). Tout en s’éloignant, Conty ordonne à son complice de le « descendre ». Celui-ci fait alors un choix inattendu : « Casse-toi », lui murmure-t-il en lui désignant le ravin tout proche. « J’ai sauté dans le bas-côté, raconte Henri Klinz, glissant sur une dizaine de mètres entre les châtaigniers où je me suis couché. » Puis Viaux-Péccat a tiré dans sa direction, mais beaucoup trop haut, sans risque de l’atteindre.

Dans la fuite des malfaiteurs, deux autres personnes seront abattues par Conty. Froidement. Sans raison. Continue reading

Affaire Grégory : épluchage de la garde à vue de Muriel Bolle

Les avocats de Muriel Bolle contestent la validité de la garde à vue de leur cliente, effectuée dans les locaux de la gendarmerie de Bruyères, dans les Vosges, en novembre 1984. Ils estiment que lors de ses auditions les droits de la défense n’ont pas été respectés, notamment du fait qu’elle n’était pas assistée d’un avocat, comme c’est la norme aujourd’hui. Ils ont déposé une QPC dans ce sens, contre l’avis du parquet général pour qui les règles actuelles de la garde à vue ne peuvent être rétroactives.

Une réflexion pétrie de bon sens, même si, au lendemain de la loi du 14 avril 2011 qui a profondément remanié la garde à vue, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a dit exactement le contraire : tous les procès-verbaux de garde à vue antérieurs à cette loi sont susceptibles d’être contestés dans la mesure où la personne gardée à vue n’a pas bénéficié des garanties procédurales voulues par la CEDH (ratifiée par la France en 1974) : droit de se taire et droit de se faire assister d’un avocat.

Mais cette décision, qui aurait pu être une bérézina judiciaire, ne fut finalement qu’une pirouette juridique, notamment en raison de l’article 173-1 du code de procédure pénale qui limite le délai de contestation à six mois à compter de la notification de mise en examen.

Puis d’un seul coup surgit un cas que personne n’avait envisagé : une mise en examen 33 ans après la garde à vue ! Continue reading

Le mort est-il un justiciable comme les autres ?

Des policiers, une minorité, mais qui ont accès aux médias, réclament une sorte de blanc-seing pénal qui s’appliquerait automatiquement aux forces de sécurité lorsque l’un de leurs membres enlève une vie dans l’exercice de ses fonctions. Cette revendication n’est pas nouvelle, mais lorsqu’elle émane d’un syndicat, elle est pure démagogie.

Comment en effet imaginer qu’un homme puisse être abattu sans qu’il y ait une enquête, ne serait-ce que pour démontrer que les violences mortelles étaient légitimes et nécessaires !

Si cette enquête est indispensable, une autre paraît beaucoup moins évidente : l’enquête contre le mort.

Or, c’est quasi systématique, lorsqu’un homme est tué au cours d’une opération de police, parallèlement à l’enquête de l’Inspection générale, le parquet ordonne une seconde enquête dirigée contre la personne décédée.

Les exemples foisonnent :

  • – Dans un article récent (le policier devrait passer devant la cour d’assises dans les mois qui viennent), Mediapart, a rappelé une affaire vieille de dix ans dans laquelle un brigadier-chef de la BAC de POITIERS a tué d’une balle dans le ventre Olivier Massonnaud, un homme de 38 ans. Immédiatement après les faits, le procureur ouvre une enquête pour les violences que le mort aurait exercées contre les agents de la force publique.
  • – Le 3 décembre 2015, Babacar Guèye, un jeune homme de 27 ans, armé d’un couteau, mais visiblement en état de démence, est abattu par la BAC de RENNES. Parallèlement à l’enquête de l’IGPN, la PJ est chargée d’une enquête sur le mort pour tentative de meurtre sur les policiers qui l’ont tué.
  • – Le 7 janvier 2016, dans le VAL-D’OISE, un ancien militaire de 32 ans, Mehdi FARGHDANI, est abattu de six balles de 9 mm, alors que dans un état second, coincé dans un studio, il menaçait 6 policiers de la BAC de CERGY, avec un couteau de cuisine vraisemblablement sans lame : la PJ est saisie pour tentative de meurtre sur des fonctionnaires de police.

Et bien d’autres encore. Donc, dans ces conditions, la mort d’un homme entraîne deux enquêtes : Continue reading

Les procureurs ont perdu leur ombre

Le Conseil constitutionnel a tranché : les procureurs sont des magistrats indépendants qui dépendent du gouvernement. Pour parvenir à cette conclusion, les Sages ont utilisé un curieux syllogisme qui, non sans ironie, peut se résumer ainsi :

  • – Selon l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, toute société dans laquelle la séparation des pouvoirs n’est pas déterminée « n’a point de Constitution ».
  • – Or, nous avons une Constitution, et celle-ci affirme dans son article 64 que « le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ».
  • – Les procureurs étant nommés par décret du président de la République, il en résulte que « la Constitution consacre l’indépendance des magistrats du parquet ».

En réalité, selon l’ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs supérieurs hiérarchiques et sous le contrôle du garde des sceaux. Autrement dit, les procureurs doivent obéissance à leurs chefs, lesquels sont placés sous l’autorité du ministre de la Justice, lequel est placé sous l’autorité du Premier ministre, lequel est nommé par le président de la République. Cette hiérarchie pyramidale ressemble comme deux gouttes d’eau à celle de tous les fonctionnaires, si ce n’est qu’à l’audience, la parole des procureurs  est libre.

Sur Twitter aussi : Continue reading

PSQ : une police « déconcentrée »

Le discours du président Macron devant « les forces de sécurité intérieure de notre pays » est un modèle du genre. La seule fausse note, a priori volontaire, tient à une petite phrase dans laquelle il assène aux gendarmes et aux militaires qu’ils ne sont pas concernés par la directive européenne sur le temps de travail.

Il faut dire que cette directive de 2003, adoptée à l’initiative de la France, impose des temps de repos inhabituels dans les services actifs. Pour la gendarmerie, qui l’applique partiellement depuis un an, cela constituerait une perte d’activité d’environ 6 %, soit l’équivalent de 6 000 gendarmes-temps.

Inutile de dire que la déclaration présidentielle a créé un certain tohu-bohu. Richard Lizurey, le directeur général de la gendarmerie, a tenté d’éteindre l’incendie : « Nous ne reviendrons pas en arrière », a-t-il déclaré à l’Essor. Tandis qu’à l’opposé, le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Jean-Pierre Bosser, se réjouissait à l’idée de ne pas mettre en œuvre cette directive qui aurait mis « sous forte contrainte les armées au plan des effectifs ».

Quant au ministre de l’Intérieur, il a déclaré à l’AFP que la réforme du temps de travail mise en place en septembre 2017 dans la police ne serait pas remise en cause.

Ça couac de partout !

Comme quoi d’un bon discours on ne retient souvent qu’une petite phrase !

Il faut dire que notre président doit avoir du mal à accepter que se volatilisent dans le farniente les dix mille postes supplémentaires qu’il a prévus pour lancer son projet d’une « police de sécurité au quotidien ». Continue reading

Financement du terrorisme : une mère peut-elle être condamnée ?

Nathalie Haddadi est accusée de financement du terrorisme. Elle aurait donné de l’argent à son fils pour l’aider à quitter la France et rejoindre une zone de conflit syro-irakienne.

Abbes s’est radicalisé dans les prisons françaises avant de rejoindre la Syrie au terme d’un itinéraire en zigzag. L’année dernière, il aurait trouvé la mort dans une opération djihadiste. Sa mère est en attente d’une décision de justice.

Lors d’un procès animé, qui s’est terminé le 6 septembre à quatre heures du matin, le procureur a requis contre elle une peine de dix-huit mois, d’un an pour son fils cadet, Tarik, qui aurait transféré l’argent à son grand frère grâce au concours d’un ami de celui-ci, un certain Souliman, contre lequel il a été requis trois ans d’emprisonnement.

La loi – Cette affaire ne peut pas ne pas intriguer. La loi pour lutter contre le financement du terrorisme a-t-elle été prise contre des parents ou pour poursuivre de grands financiers du terrorisme, comme le géant cimentier Lafarge, fortement soupçonné d’avoir négocié des laissez-passer avec les autorités auto-déclarées de Daech !

La réponse est en partie dans l’origine de cette loi. Continue reading

Police, douane, gendarmerie… la drogue les rend fous

Les tribulations des agents en charge de la lutte contre les narcotrafiquants ne cessent de nous étonner. Vu de l’extérieur, on a l’impression qu’ils se livrent à une course au trésor dans laquelle les coups de Jarnac sont comme des pratiques rituelles. Mais il semble bien que la récente mise en examen de l’ancien patron de l’office des stups, François Thierry, va apporter un coup de projecteur sur les méthodes utilisées, tant par les enquêteurs que par la justice, et peut-être même un coup d’arrêt.

Sans remonter à la création de l’OCRTIS (office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants), le plus ancien office après celui de la fausse monnaie (OCRFM), les turpitudes actuelles qui font l’actualité démarrent bien loin de chez nous, en Républicaine dominicaine, lors de cette fameuse nuit du 19 au 20 mars 2013, au moment où un avion privé appartenant à la SA Alain Afflelou, le Falcon F-GXMC, est stoppé in extremis sur le tarmac de l’aéroport de Punta Cana.

Dans le même temps, en France, gendarmes et douaniers du Var peaufinent un plan d’intervention. Des mois de surveillance pour ce moment tant attendu : l’arrestation en flag d’une équipe de la « french cocaïne ». Dans quelques heures, lorsque le Falcon va atterrir sur la piste de l’Aéroport international du Golfe de Saint-Tropez, tout sera plié. Continue reading

Affaire Grégory : une mère de famille devant le tribunal pour enfants

Finalement, Murielle Bolle est sortie de prison. Les arguments de Jean-Jacques Bosc, le procureur général de Dijon, qui avait demandé son maintien en détention « pour les nécessités de l’enquête et l’efficacité des actes à venir », n’ont pas été convaincants.

Cette requête était assez incompréhensible dans la mesure où les contraintes du contrôle judiciaire sont justement faites pour éviter ce genre de situations. Trop souvent, la justice ferme les yeux sur l’article 137 du code de procédure pénale qui rappelle que si une personne mise en examen et présumée innocente peut être mise en détention, ce n’est qu’à titre exceptionnel. La pratique montre qu’on est loin du compte. Mais dans le cas présent, il est quand même difficile de penser que les suspects vont détruire des preuves d’une affaire passée au tamis depuis plus de trente ans, ou qu’elles vont soudain se rendre coupables d’une « concertation frauduleuse », comme il est dit à l’article 147 du code de procédure pénale.

On a l’impression que les mesures d’isolement imposées aux trois personnes actuellement mises en examen sont plutôt destinées à les éloigner de la curiosité des médias.  Chat échaudé…

Il faut bien reconnaître que l’on voit rarement autant de précautions pour préserver le secret de l’instruction… Mais si l’on veut se faire une idée de la tournure prise par l’enquête, il faut comparer la qualification retenue par la justice. On est passé de l’assassinat (meurtre avec préméditation) à enlèvement suivi de mort. Une infraction tout aussi grave puisque la victime est un enfant : réclusion criminelle à perpétuité.

Quelques années plus tôt, avant 1981, c’était l’article 355 du code pénal qui aurait été applicable. Il se terminait ainsi : « L’enlèvement emportera la peine de mort s’il a été suivi de la mort du mineur. » Continue reading

« Older posts Newer posts »

© 2025 POLICEtcetera

Theme by Anders NorenUp ↑