LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Justice (Page 23 of 25)

Je n'ai pas peur de la justice…

C’est en résumé ce que nous dit le premier magistrat de France, mais nous qui ne sommes pas président de la République, devons-nous en avoir peur ? On peut le penser. Si on réforme, c’est que cela ne marche pas. Or, il semble que Nicolas Sarkozy a changé de registre. Longtemps, il a été le représentant des victimes, claironnant ici ou là qu’on n’en tenait pas suffisamment compte. D’ailleurs son leitmotiv n’est-il pas « je veux vous protéger » ! Aujourd’hui, il n’en parle pas.

bagnard_unicefr.1231495009.jpgOr, bizarrement, ce qu’on dit, ce qu’on lit, nous ramène essentiellement aux relations entre la justice et le justiciable : pouvoirs juridictionnels du juge d’instruction, omniprésence du procureur, rôle de l’avocat, etc. Et suivant sa girouette politique de nous menacer des pires avanies pour le cas (probable) où cette réforme verrait le jour : justice à deux vitesses, ingérence du pouvoir politique, dépénalisation des affaires financières… Ou de nous promettre une justice plus soucieuse des libertés, une meilleure représentativité de la défense, une détention préventive plus circonstanciée…

Question : Et la victime ?

Il y a quelques jours, un ami m’a rapporté les faits suivants : un vieil homme est retrouvé mort en bas d’une échelle. Il a une plaie à la tête. Les gendarmes en déduisent qu’il est tombé : accident. Le procureur confirme et il n’y a même pas d’enquête pour rechercher les causes de la mort, comme le prévoit pourtant le Code de procédure pénale (art. 74). Mais son épouse n’est pas d’accord. Elle tente d’expliquer que d’abord son mari ne montait jamais sur une échelle, car il était sujet au vertige, et qu’ensuite ladite échelle était habituellement rangée sous un hangar, et qu’il n’aurait jamais eu la force de la transporter et de la dresser contre le mur. Personne ne l’écoute. Elle radote la vieille. Qu’est-ce qu’elle doit faire ? me demande mon ami. Hypocritement, j’ai répondu qu’elle devait saisir le procureur.

Oui mais le procureur, il a déjà répondu. Va-t-il se déjuger ?

Lorsque le petit Antoine a disparu, il y a maintenant quatre mois, le procureur n’a pas déclenché le plan Alerte-enlèvement. Persuadé de la culpabilité d’un proche, il a orienté les recherches dans cette direction en justifiant son action par des déclarations à la presse, tissées de sous-entendus. Or 95 % des disparitions d’enfants se règlent dans les heures qui suivent. Parfois avec un dénouement heureux, souvent le contraire. Aujourd’hui, on ne sait toujours pas ce qu’est devenu cet enfant. Sa mère vit avec 400 euros par mois. La justice, ce n’est pas pour elle.

De nos jours, en France, il y a déni de justice pour de nombreuses personnes, surtout celles qui n’ont pas les moyens, matériels ou intellectueavis-recherche-interpol_53974070.1231495184.jpgls, de s’intégrer dans cette ronde juridique peuplée de gens de robe.

Comment fait-on pour saisir la justice lorsqu’on pense être victime d’un crime ou d’un délit ? On va au commissariat ou à la gendarmerie pour déposer une plainte. Et si cela ne suffit pas ? On écrit au procureur de la République. Et si cela ne suffit pas ? Pour une grande majorité des gens, c’est fin de partie.

Sur ce blog, nous avons été les premiers (voir les deux billets – ici et ici – et les nombreux commentaires) à nous interroger sur les conséquences de la disparition du juge d’instruction, mais le problème n’est plus là. Il s’agit maintenant de remplacer intégralement notre système procédural actuel par un autre, plus moderne, plus adapté. Et qu’il renforce les droits de la défense, moi, je trouve ça indispensable. Mais on aimerait dans le même temps, qu’il aménage aussi un juste équilibre entre les droits des justiciables et les droits à la justice.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais plutôt que d’empiler des banalités, il me semble que l’opposition politique devrait participer à la construction d’un Code de procédure pénale qui lui survivra peut-être et qui survivra de toute façon au président actuellement en fonction.

Le juge d'instruction : une star déchue

Le statut du juge d’instruction est-il anachronique ? Pour le président de la République, cela ne fait guère de doute, et la commission qu’il a désignée pour « réfléchir » à la réforme de la procédure pénale lui a emboîté le pas. Dans un questionnaire adressé aux différents acteurs judiciaires, son président, Philippe Léger (ancien avocat général de la Cour de justice des communautés européennes), pose la question sans fioritures : êtes-vous pour ou contre le maintien du juge d’instruction ?

juge_intimeconviction.1231143053.jpgPour Jean-Claude Magendie, le premier président de la Cour d’appel de Paris (interview publiée dans Le Figaro du 11 décembre 2008), c’est clair : « Certains juges d’instruction ont conçu leur fonction de manière trop solitaire, coupés de l’institution, refusant d’échanger sur leurs pratiques. Je le dis depuis longtemps, la seule façon d’éviter la suppression du magistrat instructeur serait qu’il s’intègre dans un travail collectif (…) En tout cas, la starisation du juge d’instruction a vécu ».

Si les insuffisances du juge Burgaud, dans l’affaire d’Outreau, ont cristallisé les griefs contre le juge d’instruction, on peut dire que la goutte d’eau, c’est la convocation manu militari de l’ancien directeur de Libération. Même si l’on sait à présent que l’intéressé s’est donné le beau rôle en fustigeant exagérément le comportement des policiers, les méthodes de la juge Muriel Josié ont été désapprouvées par la plupart de ses confrères. Le moyen était légal a estimé sa hiérarchie, mais disproportionné par rapport à la nature de l’infraction, et du coup attentatoire à la dignité humaine. Elle a piqué un coup de sang, a-t-on murmuré, comme pour l’excuser.

Donc, puisque le juge ne parvient pas à instruire à charge et à décharge, on va chambouler le système judiciaire de façon, nous promet-on, à donner davantage de droits à la défense. On s’acheminerait alors vers un système de type anglo-saxon où les avocats disposent d’un véritable pouvoir de contre-enquête. Mais du coup, on se demande si l’on ne va pas vers une justice à deux vitesses…

Pourquoi, ce n’est pas déjà le cas ?

____________________________________________________

Dans la note précédente sur la réforme de la procédure pénale, les commentaires ont été particulièrement constructifs (ici), je me permets d’en recommander la lecture.

Réforme annoncée de la procédure pénale

Lorsque Nicolas Sarkozy glisse une petite phrase dans un discours, il faut la prendre au sérieux. Il y a un an : « Je souhaite (…) que l’on réfléchisse à la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques… » Or aujourd’hui, il pense qu’il faut réformer « notre procédure pénale pour mieux protéger nos libertés individuelles ».

magistrat_dreyfusculture.1230884530.jpgLa procédure pénale délimite les règles qui s’imposent dans la chaîne judiciaire qui suit un crime ou un délit. Elle est définie dans le Code de procédure pénale (CPP) qui a remplacé en 1958-59 le Code d’instruction criminelle (CIC) de 1808. C’est en quelques sortes le mode d’emploi pour les policiers, gendarmes et magistrats ; les droits et les devoirs qui les accompagnent dans l’enquête qui va de la constatation d’une infraction à la condamnation définitive de son auteur.

La procédure pénale doit permettre un équilibre entre le respect des libertés individuelles et la protection de la société.

L’article préliminaire du CPP précise que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire, et que les mesures de contrainte doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.

Donc, nous dit le président de la République, ce n’est pas le cas.

Il faut reconnaître que le CPP est un tel embrouillamini de textes qui se superposent souvent sans aucune cohérence et parfois même en contradiction les uns avec les autres, qu’il est difficile de s’y retrouver. Résultat de la cogitation de parlementaires féconds qui modifient la loi dans le sens de l’opinion publique, au jour le jour. Comme l’a dénoncé Robert Badinter, « Nous sommes passés de la démocratie d’opinion à la démocratie d’émotion ».

Il existe deux systèmes de procédure pénale :
– le système accusatoire, où chaque partie apporte ses éléments et où le juge joue essentiellement un rôle d’arbitre ;
– et le système inquisitoire, dans lequel le juge mène l’enquête de A à Z et rédige une procédure secrète et non contradictoire.

Une bonne justice est probablement un mélange des genres. Or, je ne pense pas dire de bêtises en affirmant qu’en France le système inquisitoire prédomine nettement, ce qui donne l’impression au justiciable d’être pieds et poings liés face au juge d’instruction.

Donc, le premier point d’une réforme consistera probablement à évoluer vers un système « accusatoire » et à remettre en cause l’existence même du juge d’instruction.

La loi sur la présomption d’innocence du 15 juin 2000 lui a déjà retiré le pouvoir de décider de la mise en détention provisoire en désignant un autre magistrat : le juge des libertés et de la détention (JLD). Mesure applaudie par les avocats. Mais hélas les moyens n’ont pas suivi ce transfert de compétences… Dans la pratique, le JLD décide un peu à la sauvette, sans connaître le dossier, sans interroger le suspect, et après une journée de travail qu’on peut imaginer bien remplie.

Or il s’agit de la décision la plus grave qu’un magistrat puisse prendre : priver quelqu’un de sa liberté.

Ce sera sans doute le deuxième point d’une réforme bien sentie.

Le troisième point est cher à notre président : la responsabilité « personnelle » des magistrats. Aujourd’hui, en cas de faute professionnelle d’un magistrat, c’est l’État qui est condamné. Il semble que « Maître » Sarkozy souhaiterait que l’État puisse se retourner, d’une manière ou d’une autre, contre celui qui a commis une faute.

Pour résumer, trois considérations devraient donc guider une remise à plat de la procédure pénale :
– La possibilité pour le justiciable de se défendre tout au long de la chaîne procédurale ;
– une décision d’emprisonnement prise à bon escient ;
– des magistrats responsables de leurs erreurs.
homme-en-sueur_tatoufauxcom.1230884093.gif

Mais il y a sans doute plein de choses qui m’échappent. Si vous avez des idées sur la question, n’hésitez pas…

En tout cas, c’est un chantier complexe et il va falloir un juriste de taille pour s’atteler à cette tâche. Je ne sais pas si vous avez un nom, moi, je donne ma langue au chat.

Julien Dray : technique d'enquête

L’enquête sur des mouvements de fonds suspects entre le député socialiste, l’association SOS Racisme et l’organisation lycéenne FIDL, attire l’attention sur deux modifications de l’arsenal répressif français : l’enquête préliminaire et Tracfin.

lapin-pays-des-merveilles.1229936217.gifL’enquête préliminaire (qu’on appelait il y a bien longtemps enquête officieuse) est effectuée soit sur l’initiative des policiers ou gendarmes, soit à la demande du procureur de la République. Dans les deux cas, elle est placée sous l’autorité de ce dernier. Ses limites sont définies par le Code de procédure pénale, dans les articles 75 et suivants. Mais si les numéros sont à l’identique, son utilisation s’est considérablement modifiée ces dernières années.

Autrefois, en « préli », l’enquêteur disposait d’un seul pouvoir coercitif : la garde à vue. Mais sans « droit d’arrestation », la mesure restait, il faut bien le dire, un rien… platonique. Je me souviens des stratagèmes qu’on était amené à utiliser pour convoquer un suspect : raison administrative, infraction au Code de la route, etc. Et une fois l’individu dans les locaux de police, patatrac ! on lui notifiait sa garde à vue « pour les besoins de l’enquête ».

Aujourd’hui, les OPJ disposent quasiment des mêmes prérogatives qu’en présence d’un crime ou d’un délit flagrant. Alors qu’en général, en préli, il est bon de le rappeler, le crime ou le délit n’a pas « encore » eu lieu, ou du moins n’a pas encore été constaté. La seule différence notable avec le flag réside dans la nécessité d’obtenir l’assentiment du « maître de maison » pour effectuer une perquisition. Mais de fait, le refus est rarissime, car dans cette hypothèse, le procureur peut passer en force, soit en demandant l’accord du juge des libertés et de la détention, soit en repassant le bébé au juge d’instruction.

Les pouvoirs du procureur ont donc considérablement augmenté ces dernières années, or ce magistrat, à la différence du juge d’instruction, n’est pas «indépendant».  Il est intégré dans la hiérarchie du ministère de la justice, et de facto il reçoit ses instructions du pouvoir exécutif (bonjour Montesquieu !). D’ailleurs, lorsque le président de la République dépose une plainte devant le procureur, sans être juriste, on sent bien qu’il y a problème.

Julien Dray est donc soupçonné d’un délit découvert par les fonctionnaires de la cellule anti-blanchiment, Tracfin. Service créé pour lutter contre Al-Qaïda ou tel baron de la drogue, mais pas contre un député de l’opposition. Les faits ont été dénoncés par la ministre des finances à sa collègue de la justice. Celle-ci a ordonné derechef à sesarroseur-arrose.1229936328.jpg fonctionnaires d’enquêter sur ces agissements probablement illicites. Rien d’anormal, me direz-vous ! Non, mais on est à la limite d’une enquête administrative, on s’éloigne quand même rudement de la séparation des pouvoirs.

Il est vrai que la création de cet arsenal «administrato-judiciaire» a trouvé sa justification dans la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue, etc. Et comme les socialistes ont entériné tout ça, on ne sait pas si l’on doit considérer Dray – même s’il est coupable – comme une victime collatérale ou si c’est l’arroseur arrosé.

Avocats : les amitiés particulières

Le verdict du procès fleuve contre Antonio Ferrara et ses complices a entraîné la chute de l’avocat Karim Achoui, condamné pour avoir facilité l’évasion de son client. Par le passé, d’autres avocats ont été soupçonnés d’avoir participé à une évasion, soit de façon active, soit simplement en acceptant le rôle d’intermédiaire.

bracelets-aimants_lateteaucube2.1229420499.gifMais, en dehors de ces faits répréhensibles, il naît souvent une relation particulière entre l’avocat et son client, surtout lorsqu’il s’agit de détenus qui encourent de lourdes peines. Il doit être difficile de rester pro et de ne pas se laisser aller à l’amitié, ou plus…

Voici quelques exemples :

En 1976, une jeune avocate (elle a 26 ans), Me Martine Malinbaum, est désignée pour défendre Jacques Mesrine. On l’imagine, tout intimidée de se trouver face à l’ennemi public n°1, et en même temps désireuse de mettre les choses au point d’entrée de jeu : pas de familiarité, pas de services particuliers, etc. Mesrine donne sa parole. Mais il n’est pas insensible aux charmes de la jeune femme. Et dans sa cellule, il fantasme, et il écrit. Une trentaine de lettres enflammées, dont Me Malinbaum a tiré un livre, Mesrine intime, aux éditions du Rocher.

En mai 1978, Mesrine, encore lui, lors d’un parloir avec son avocate, Me Christiane Giletti, grimpe sur la table et récupère sous le faux-plafond les armes et les accessoires nécessaires à son évasion. Comment ce matériel a-t-il atterri dans cette pièce réservée aux avocats ? Cela restera un mystère. Me Giletti est interpellée et passe 48 heures dans les locaux du quai des Orfèvre. Elle bénéficiera d’un non-lieu. Elle a écrit un livre en 1979, Délit de fuite, au Seuil.

Le terroriste Ilich Ramirez Sanchez, alias Carlos, a été enlevé par la DST enmm-ramirez-sanchez_theage.1229421081.jpg 1994, à Khartoum, au Soudan, alors qu’il était sous anesthésie pour subir une opération esthétique destinée à modifier ses traits. Il est condamné à la réclusion à perpétuité.  Depuis 1997, son avocat est Me Isabelle Coutant-Peyre, une collaboratrice de Jacques Vergès. Très vite, elle succombe aux charmes de Carlos, et malgré les menaces du barreau de Paris, elle l’épouse en prison quelques années plus tard. À ce jour, elle est toujours sa femme et toujours son avocate. Et je peux vous dire, pour avoir participé à une émission de Mireille Dumas où elle était présente, qu’elle défend son mari bec et ongles.

Il y a sans doute bien d’autres cas. Si vous en connaissez…

Pour lui avoir emprunté le titre de l’un de ses livres, Les amitiés particulières, la moindre des choses est de conclure sur Roger Peyrefitte : « Il n’y a de bonheur que dans la liberté… »

Des mots qui doivent hanter bien des prisonniers.

Tout nu (suite)

L’UMP demande l’ouverture d’une enquête, le PS stigmatise des méthodes inadmissibles et Jack Lang a honte pour son pays… La mésaventure de l’ex-patron de Libération fait l’unanimité contre des méthodes policières qu’Alliot-Marie trouve pourtant tout à fait normales. Alors, où est la vérité ? Faut-il oui ou non baisser culotte devant les policiers ?

droits-de-lhomme_lea-assoover-blog.1228150274.jpgEt moi, avec mon petit blog, je me fais châtaigner par quelques lecteurs, qui me balancent des « Monsieur le commissaire » dédaigneux et qui me soupçonnent de je ne sais quelle connivence avec je ne sais quelle force du mal.

Heureusement, c’est une minorité. Parmi les commentaires, nombreux, qui ont suivi le texte précédent (ici), beaucoup sont constructifs et pleins de bon sens. Ils sont parfois contradictoires, mais c’est bien ainsi qu’on se forge une opinion, n’est-il pas ?

Laissons à la presse le soin de défendre la presse, et posons-nous la question suivante : Les policiers ont-ils le droit d’obliger un homme ou une femme à se déshabiller ?

Pour l’instant, on attend toujours une réponse nette. On nous parle d’habitudes, de sécurité… Rien dans le code de déontologie de la police nationale. Pourtant, comme le rappelle Marc Louboutin, un ancien officier de police judiciaire, il existe une circulaire en date du 11 mars 2003 qui fixe les choses. Je l’ai longuement recherchée avant finalement de la retrouver (grâce à Syl8555) dans un rapport de la Haute autorité de santé (ici).

Pour résumé, ce texte* dit que le fait d’obliger une personne à se mettre nue est attentatoire à la dignité et que la règle générale consiste en une simple palpation de sécurité. De plus, l’usage des menottes est réservé aux individus dangereux, ce qui manifestement n’était pas le cas de M. de Filippis.

Je pense qu’un blog permet une réflexion collective. D’ailleurs les commentaires sont souvent plus importants que le texte de base. Mais pour répondre à Bernard, qui me demande mon opinion personnelle, la voici – et je suis certain qu’elle est partagée par de nombreux policiers : Il est inadmissible de mettre un homme ou une femme tout nu. C’est humiliant. Les policiers doivent se reprendre. Ils ne doivent pas s’exclure de la société. Et les syndicats de police devraient se battre – aussi – pour des idées.

Et puisque ce blog prend un angle plus intimiste, je vais vous faire une confidence : dans toute ma carrière, je n’ai jamais demandé à personne de me montrer ses fesses – en tout cas pas dans l’exercice de mon métier.

_______________________________

* Voici ce que dit la circulaire du 11 mars 2003, qui est donc signée d’un certain Nicolas Sarkozy (c’est moi qui souligne) :

« Les mesures de sécurité sont de nature administrative ; elles ont pour finalité la protection du gardé à vue, des personnes et des tiers.

Elles sont à distinguer de la fouille opérée par l’officier de police judiciaire pour les nécessités de l’enquête, assimilée à une perquisition, ainsi que des investigations corporelles internes exclusivement réalisées par un médecin dans les cas prévus par la loi.

Parmi ces mesures de sécurité, deux modalités sont à distinguer :

 – La palpation de sécurité opérée à chaque prise en charge et lors des différents mouvements de la personne gardée à vue. Son but est de révéler le port de tout objet dangereux et sa nécessité ne saurait être remise en cause. Pratiquée par une personne de même sexe et aux travers de vêtements, elle doit être complète, méthodique et méticuleuse.

– La fouille de sécurité : l’article C117 de l’instruction générale du 27 février 1959 prise pour l’application du code de procédure pénale précise que cette mesure ne peut être pratiquée que si la personne gardée à vue est suspectée de dissimuler des objets dangereux pour elle-même ou pour autrui.

Pratiquée systématiquement, a fortiori avec le déshabillage de la personne gardée à vue, elle est attentatoire à la dignité et contrevient totalement aux exigences de nécessité et de proportionnalité voulues par l’évolution du droit interne et européen.

Il y aura donc lieu dès à présent de limiter en règle générale les mesures de sûreté à la palpation de sécurité. Dans l’hypothèse où des vérifications plus adaptées apparaîtraient nécessaires, il conviendrait d’en évoquer l’application avec l’officier de police judiciaire qui détient des éléments lui permettant une appréciation de la dangerosité des personnes.

En tout état de cause, toute instruction rendant les fouilles systématiques doit être abrogée. Dans le même esprit, le menottage qui est soumis aux dispositions de l’article 803 du code de procédure pénale, ne doit être utilisé que lorsque “la personne est considérée comme dangereuse pour autrui et pour elle-même ou susceptible de prendre la fuite”. Un menottage excessivement serré doit être proscrit. »

 

Un patron de presse tout nu

« Baissez votre slip, tournez-vous et toussez trois fois ! » Un policier a-t-il le droit de formuler une telle requête ? Rien n’est moins sûr. L’administration en tolérant que ses agents se livrent à ces pratiques ne fait que jouer sur les mots. En effet, l’article 63-5 du Code de procédure pénale mentionne expressément qu’une «investigation corporelle intime» ne peut être réalisée que par un médecin.

toutnuchoopsbdfreefr.1228043843.jpgC’est quoi une « investigation intime » ? Mon dictionnaire parle de recherche suivie et approfondie – sans faire de distinction entre l’œil et… le doigt.

En tout cas, un policier digne de ce nom ne pratique pas de telles méthodes (voir sur ce blog : Déshabillez-vous !).

Quant à Madame Muriel Josié, le juge d’instruction, a-t-elle outrepassé ses droits en délivrant un mandat d’amener pour un délit de presse ?

C’est possible. Voyons, quelle est la définition légale du mandat d’amener ?

Le mandat d’amener est une réquisition faite aux autorités d’arrêter une personne dénommée pour la conduire dans les plus brefs délais (moins de 24 heures) devant le magistrat. Normalement, il fait suite à un mandat de comparution auquel il n’a pas été déféré.

Alors qu’en est-il du mandat de comparution ? C’est l’obligation faite à une personne de se présenter à une date et à une heure précise devant le juge. Ce mandat est le plus souvent notifié par voie d’huissier.

Question : Vittorio de Filippis a-t-il fait l’objet d’un mandat de comparution ?

Si tel est le cas, et s’il n’a pas déféré à cette pièce de justice, il a eu tort. Et du coup la réaction du magistrat devient légitime.

L’ex-patron de Libération a alors bénéficié du droit commun : arrestation, menottes dans le dos, fouille à corps… On peut juger ça excessif, mais c’est le régime appliqué à monsieur tout le monde.

Seule l’introspection anale reste équivoque.

____________________

Bon, comme je me fais pas mal allumer sur ce texte, je me permets ce post-scriptum :

1/ J’ai effectivement commis une boulette. L’article 63-5 du CPP dit exactement ceci : « Lorsqu’il est indispensable pour les nécessités de l’enquête de procéder à des investigations corporelles internes sur une personne gardée à vue, celles-ci ne peuvent être réalisées que par un médecin requis à cet effet » (date d’entrée en vigueur 1er janvier 2001).

Doit-on faire une différence entre « internes » et « intimes »… ? Il semble me rappeler (mais je n’ai plus la référence) que la Cour européenne a utilisé « fouilles intimes » dans sa décision de condamner la France (pour dommage moral) lors d’un recours effectué par l’ancien d’Action directe, Max Frérot.

2/ J’avais écrit « anale » avec deux n. J’ai corrigé et merci pour ceux qui m’ont repris.

 

La cellule invisible

C’est le nom de cette communauté anarchiste du plateau de Millevaches qui s’en serait pris à nos TGV. Cette menace de l’ultragauche dont nous parle la ministre de l’Intérieur est probablement sérieuse. Mais elle a beau faire, le procureur de Paris peut en rajouter une couche, ces terroristes n’arrivent pas à nous terroriser.

vaches-et-train_swissworldorg.1226783936.jpgOn aurait même tendance à les trouver sympa ces citadins qui s’implantent au fin fond de la Corrèze. Un rien baba-cool, non !

Pourtant, le choix de cette résidence n’est pas innocent. Ça doit-être l’abc du « petit anarchiste ». En tout cas certains truands ont compris depuis longtemps, qu’il est difficile pour les policiers d’effectuer des surveillances dans un cadre… champêtre, où le moindre visage inconnu attire l’attention. Et puis, comment installer des caméras dans les arbres, surtout en automne ?

Alors, qu’est-ce qui chiffonne dans cette affaire ? Eh bien, malgré les congratulations adressées aux policiers (ici) par les plus hautes autorités de l’État, on a l’impression que ça a merdouillé.

Car d’après les explications de Madame Alliot-Marie, ces individus étaient surveillés depuis de longs mois par la DCRI. Il y avait eu des échanges d’informations entre les services secrets américains et ceux de plusieurs pays européens, dont la France. Il s’agissait selon toute vraisemblance de cibler toute une mouvance plus ou moins internationale susceptible de basculer un jour ou l’autre dans l’affrontement armé. Un beau travail sur le long terme pour des services de renseignements. Et pis voilà !…

Quelques TGV prennent du retard… On imagine les coups de fil de l’Élysée… Les réunions en catastrophe et la DCRI obligée de casser le morceau : « Euh !… On pense qu’on a localisé les… » Aussi sec, la PJ est saisie « Euh !… Il faudrait essayer de les faire en flag… »

Désolé, les enfants, le temps presse. Ça piaffe à l’Élysée ! Alors, arrêtez-moi tout ce beau monde…

Et voilà comment on cochonne une affaire. « Structure à vocationpetard.1226773397.gif terroriste », ce sont les mots utilisés pour qualifier l’infraction et justifier la mise en examen de Julien Coupat, le chef présumé de ce groupuscule. Lui et ses acolytes vont être englués dans une procédure d’association de malfaiteurs comme des mouches sur un papier tue-mouches, mais à votre avis, sont-ils coupables de faits ou d’intentions ?

Cela rappelle curieusement la cellule élyséenne de Mitterrand, lorsqu’elle a interpellé à Vincennes ces Irlandais devenus célèbres, qui rêvaient d’une révolution qu’ils ne feraient jamais. Souvenez-vous, c’était en 1982, après l’attentat de la rue des Rosiers…

Finalement, qu’on ait un Président de gauche ou de droite, lorsque la politique se mêle aux enquêtes de police, on arrive toujours à des arrestations paillettes.

Rumeur sur une fusion police-justice

Depuis quelque temps, une rumeur circule dans les rangs des policiers et des gendarmes. On la colporte sans trop y croire, mais en prenant l’air de celui qui sait : Il existerait un projet de fusion entre le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur.

Attention, ce n’est qu’une rumeur ! Elle sourd au moment où l’on parle rumeur_dessin-de-galienni.jpgdu départ de Madame Dati et de l’arrivée de la gendarmerie place Beauvau. En connaître l’origine… Impossible. Peut-être certains gendarmes qui verraient là un lot de consolation… Ou un ballon d’essai, selon les us et coutumes de nos dirigeants…

Au premier abord, cette idée entraîne infailliblement un mouvement de défiance. Un ministère de la justice-police ! Et la séparation des pouvoirs, alors ! entend-on aussi sec.

Mais quelle séparation des pouvoirs ?

Ces deux ministères sont dirigés par des ministres, alors qu’il y en ait un ou deux…

De par la loi, tous les policiers et gendarmes qui accomplissent des tâches de police judiciaire dépendent du procureur de la république, sous l’autorité duquel ils effectuent des enquêtes dites de flagrant délit, ou des enquêtes préliminaires. De fait, longtemps ce pouvoir a été abstrait. Comment dépendre du procureur alors que son autorité de tutelle se trouve en d’autres lieux ? Mais, ces dernières années, alors qu’on renforçait leurs pouvoirs, on a rappelé aux procureurs que leur statut de magistrat ne les dispensait pas d’être « aux ordres ».

Donc, la police judiciaire est aux ordres du procureur qui est aux ordres du ministre de la justice qui est aux ordres du Premier ministre, etc.

Le problème, c’est le juge d’instruction, car il est indépendant, celui-là. Alors, petit à petit, à chaque scandale judiciaire on lui tord le cou un peu plus. Il y a même une rumeur, une autre, (mais on ne va pas cafarder toutes les rumeurs) qui annonce sa suppression pure et simple. Considéré longtemps comme « l’homme le plus puissant de France », le magistrat instructeur a en particulier perdu le droit de jeter ses clients sur la paille humide des cachots. Son pouvoir se limite désormais à demander la détention provisoire, décision qui est prise par le juge des libertés et de la détention. De plus, le juge d’instruction est un homme seul (avec son greffier) qui dispose rarement de grands moyens, et dans la pratique, il ne peut rien faire sans le concours des OPJ. Policiers et gendarmes sont alors sous ses ordres.

Ce qui fait un chef de plus.

Dans la capitale, le problème se corse par la présence du préfet de police, à qui les différents directeurs de la police parisienne viennent faire leur rapport de façon quasi quotidienne.

Alors finalement, un seul ministre pour la police judiciaire et pour la justice, ça ne serait peut-être pas si mal. Les magistrats pourraient asseoir leur autorité sur les enquêteurs et les enquêteurs y verraient plus clair. Et notre justice y gagnerait sans doute !

Resterait à régler le problème de la police administrative, la deuxième facette du métier de flic. Gérer une manifestation, par exemple, est un acte de police administrative. Dans ce cas, d’après Madame Alliot-Marie, les militaires de la gendarmerie pourraient désormais intervenir sans réquisition de l’autorité civile.shadok-verite_castaliefr.1226306340.jpg

Alors, la rumeur, encore elle, envisage la création d’un nouveau ministère qui s’appellerait « ministère de l’ordre public », lequel regrouperait la gendarmerie mobile et les CRS. Une hypothèse à mon avis plus vraisemblable qu’une fusion police-justice.

Mais il ne faut pas prendre tout ça au sérieux. Comme disait Victor Hugo : « La rumeur est la fumée du bruit. »

Mouais, mais le bon sens populaire ajoute qu’il n’y a pas de fumée sans feu.

 

 

Dati la mal-aimée

Alors que la loi sur les criminels dangereux vient de paraître au JO, Rachida Dati en rajoute une couche en présentant un projet qui vise à renforcer son mécanisme. Et du coup, nouveau tollé des syndicats de magistrats qui disent ne pas avoir été consultés, alors qu’on leur avait promis la concertation. Madame Dati doit penser que tout dialogue est inutile avec des gens qui qualifient son texte de « populisme pénal ».

dati_lepost.1226005058.jpgDans le film American vertigo, tiré des reportages de BHL sur les États-Unis, quelqu’un (je crois que c’est Norman Mailer) dit à peu près ceci : « J’imagine une prison avec un mur, très haut, pratiquement impossible à franchir, mais on dit aux prisonniers, si vous y parvenez, vous êtes libres… Ainsi on leur donne de l’espoir. » Certains appellent cette « rétention de sûreté », cet enfermement après la peine, la peine infinie. Donc sans espoir. Mais ce combat que livrent les magistrats contre cette loi est-il un combat politique ou un combat pour la défense de nos libertés ? Car si l’on parle de nos libertés, on n’a pas entendu le moindre murmure de réprobation concernant cette plate-forme automatisée d’écoutes (téléphone, portable, Internet…) installée par le ministère de la justice. 

On a plutôt l’impression que les magistrats se sont ligués pour déboulonner Madame Dati. Et ils sont en colère, surtout depuis l’enquête interne qui a fait suite au suicide d’un mineur à la prison de Metz. Le procureur de Sarreguemines et ses collaborateurs les plus proches tenus de s’expliquer… On n’a jamais vu ça ! Certes, si l’on n’est pas du sérail on peut trouver normal qu’une enquête soit effectuée après la mort d’un adolescent… Quelle que soit sa fonction, son grade, on peut considérer qu’il est sain pour un fonctionnaire qui, par délégation de l’État détient une parcelle d’autorité, de se remettre en tête le vieux principe : pas de pouvoir sans responsabilité.

En tout cas, je peux vous dire qu’au tribunal de Sarreguemines, du coup, on a vidé les fonds de tiroirs. Une amie qui attendait depuis des années la décision du procureur de poursuivre ou de classer une affaire a eu soudain une réponse qu’elle n’espérait plus.

Je sais, il n’est pas bien vu de prendre la défense de Rachida Dati. Elle entraîne dans son sillage la critique systématique, la moquerie, le persiflage, la dérision… Sur son blog, un avocat en a même fait un jeu. Dommage, je l’aimais bien ce blog.

manif-magistrats_lepointfr.1226004891.jpgLa dame est… agaçante, c’est vrai, mais je trouve la cabale contre elle outrancière, surtout qu’on s’attaque plus souvent à sa personne qu’à sa fonction.

Alors, au moment où les États-Unis s’émancipent d’un passé ségrégationniste et nous donnent une sacrée leçon de vraie démocratie, une question me taraude… Je n’ose la formuler… Mais non ! Personne ne peut envisager qu’on cherche grief à Madame Dati sous prétexte que son père est marocain et sa mère algérienne, qu’elle est issue de l’immigration, qu’elle est maghrébine ? Ou tout bonnement banc-public_vivreenrussienet.1226032401.jpgparce qu’elle est une femme, jeune et jolie. Qu’elle va être maman à 43 ans, et qu’elle est célibataire ?

Non, pas en France !… C’est juste qu’elle manque de doigté, qu’elle est un rien blingbling et quelle est la chouchoute du Président… N’empêche, vu du banc public, on a surtout l’impression que les magistrats n’ont jamais admis qu’une jeune consœur sans expérience devienne leur patronne.

« Older posts Newer posts »

© 2025 POLICEtcetera

Theme by Anders NorenUp ↑