LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Affaires criminelles (Page 6 of 12)

Ferry botte en touche

Le philosophe Luc Ferry a été entendu à la brigade des mineurs. Ou plus exactement à la brigade de protection des mineurs (BPM).  Car les policiers qui travaillent dans ce service du quai de Gesvres tiennent beaucoup à cet aspect de leur mission : la protection des enfants. C’est dans cette optique qu’ils pourchassent violeurs, pédophiles ou parents indignes. C’est même le seul service de police judiciaire dont la mission essentielle n’est pas la répression.

Ce sont donc ces enquêteurs un peu particuliers qui vont tenter de faire le tri entre rumeurs, ragots et réalité. Pas facile.

A priori, Luc Ferry n’a pas apporté d’éléments nouveaux. D’ailleurs, il n’a pas vraiment été entendu comme témoin, puisqu’il n’est témoin de rien. Plutôt comme le dénonciateur d’un fait criminel, en l’occurrence, « une partouze avec des petits garçons ». Ainsi que le prévoit l’article 17 du Code de procédure pénale : les officiers de police judiciaire « reçoivent les plaintes et les dénonciations (et) procèdent à des enquêtes préliminaires… »

Était-il tenu d’indiquer le nom de la personne qu’il soupçonne de ces faits ? Bien sûr que non ! Personne ne peut l’obliger à dévoiler ce que, d’après lui, tout « le bal des faux-culs » sait. En tenant ces propos à la télé, il a sans doute fait allusion à une rumeur qui a couru lors de la campagne pour les Présidentielles de 1995,  et dont l’Express s’était fait l’écho – pour la démentir. Je ne suis même pas sûr que les policiers lui aient posé la question, car ils auraient pris le risque de se rendre complices d’une dénonciation calomnieuse (art. 226-10). En revanche, ils ont pu solliciter des éclaircissements et s’intéresser aux personnes qui lui ont rapporté ces faits criminels. Et comme il a fait allusion au Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin pourrait bien se voir à son tour convoquer Quai de Gesvres.

Était-il opportun d’ouvrir une enquête préliminaire pour vérifier ces allégations ? C’est l’avis de Mme Dati, l’ancienne ministre de la Justice. Elle a accusé M. Ferry de non-dénonciation de crime. Or, en droit français, sauf si l’on peut éviter par ses déclarations l’accomplissement d’un crime, sa réitération ou ses conséquences, la loi n’oblige pas à dénoncer un acte criminel, ni d’ailleurs son auteur (il y a des exceptions, comme pour les fonctionnaires). Seuls ceux qui ont connaissance « de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuels » sur des mineurs de 15 ans ou certaines personnes vulnérables sont tenus d’en informer les autorités (art. 434-3). Peut-on reprocher ça à Luc Ferry ? Non, puisque justement, il dénonce. Ce sont les autres, ceux qui n’ont rien dit, qui pourraient être visés… Mais comme la loi date de 1998, et que les faits sont probablement antérieurs, on imagine mal que l’article 434-3 actuel puisse s’appliquer. Dans ce cas précis, la loi peut-elle être rétroactive ? Là, je sèche. Les lois, c’est un peu comme les poupées gigognes, chacune cache l’autre.

Donc, enquête judiciaire ou pas ? On peut s’interroger sur l’opportunité de la décision du procureur de Paris, d’autant que Le Figaro Magazine avait déjà relancé la rumeur sans que personne ne réagisse. Et pas d’enquête non plus, lorsqu’en 2009, Marine Le Pen s’en était pris à Frédéric Mitterrand, l’accusant de faire l’apologie du tourisme sexuel dans son livre autobiographique La mauvaise vie, publié en 2005.

Dans la Grèce ancienne, philosophe signifiait « ami de la sagesse ». Pythagore aurait été le premier à revendiquer ce titre, par humilité dit-on, pour ne pas qu’on le range dans la catégorie des « sages ». On peut se demander si Luc Ferry, notre Pythagore cathodique, n’a pas oublié la définition du mot philosophe, lorsqu’il s’est fendu de cette déclaration…

Enfin, je dis ça, c’est un théorème…

Pour Luc Ferry, c’est plutôt une bévue : on ne peut imaginer qu’il ait agi de façon préméditée, comme un pion dans une campagne électorale où tous les coups semblent permis – surtout en dessous de la ceinture.

DSK : cette heure perdue…

L’appel sur le 911 a été reçu à 13 h 32, c’est-à-dire, 1 h 04 après que le directeur du FMI ait quitté l’hôtel. Que s’est-il passé durant ces 64 minutes ? C’est probablement l’un des nœuds de l’enquête.

Dans ce délai, ce qui interpelle, c’est le temps mis pour appeler la police – ou tout simplement un médecin. D’ailleurs, a-t-on appelé un médecin ?

Petite chronologie fondée sur les éléments de l’accusation. Les seuls dont on dispose actuellement.

L’agression aurait eu lieu peu après 12 h, même si dans un premier temps le porte-parole du NYPD a déclaré que les faits s’étaient déroulés à 13 heures. Comme Mme Diallo n’a pas utilisé son passe pour ouvrir la porte de la suite 2806, l’heure est basée sur son témoignage et celui de l’employé du room-service qui se trouvait sur place.

À peine ce dernier a-t-il quitté les lieux que M. Strauss-Kahn aurait jailli, nu, de la salle de bains, se serait précipité sur la jeune femme, l’obligeant à une fellation sous la contrainte. La chose menée à terme, celle-ci serait parvenue à se dégager et à s’enfuir.

À 12 h 28, DSK quitte le Sofitel.

Pendant ce temps, la victime est découverte en état de choc dans un couloir de l’hôtel. Elle aurait raconté ce qu’elle a subi à plusieurs reprises et à plusieurs personnes différentes. On l’imagine anéantie, honteuse, dégoûtée et fortement impressionnée par tous ces « patrons » qui l’entourent et la pressent de questions. Avec en toile de fond la crainte de perdre son emploi…

Devant une personne blessée et sérieusement commotionnée, réaction logique : on appelle les secours – et ensuite la police.

Mais visiblement, cela ne s’est pas passé comme ça !

On peut supposer – simple hypothèse, mais c’est assez logique – que le responsable du Sofitel décide de rendre compte à sa direction parisienne, laquelle, via le service de sécurité du groupe Accor, prend immédiatement contact avec les autorités françaises. À Paris, c’est le soir. Le téléphone sonne à l’Élysée. Il faut recouper l’information : branle-bas de combat de la cellule de coordination nationale du renseignement.

Quant au ministre de l’Intérieur, lui, il peut très bien avoir été informé par le directeur de la toute nouvelle DCI (direction de la coopération internationale), au vu du rapport de ses agents, en poste à l’ambassade de New York ; ou par la DCRI (direction du renseignement intérieur) – deux services qui sont placés sous son autorité.

Mais tout cela n’est que supputations, puisque, d’après Le Point, l’information n’est arrivée aux oreilles des autorités françaises qu’à 1 h 30 du matin, c’est-à-dire bien après l’arrestation de DSK (dans un avion français !), et que les lieutenants de M. Sarkozy ont pris sur eux de ne pas le réveiller.  «  Le sommeil présidentiel, c’est sacré ! » aurait même dit l’un de ses collaborateurs.

La question de sauver le soldat Strauss-Kahn (il n’était pas encore inculpé) ou de lui tenir la tête sous l’eau ne se posait donc pas, puisqu’à Paris, tout le monde dormait.

 

Maddie : les policiers britanniques reprennent l’enquête

Le premier ministre britannique, David Cameron, a demandé à Scotland Yard de rouvrir le dossier concernant la disparition de la petite Madeleine McCann, au mois de mai 2007, au Portugal. Ce sont donc une trentaine de policiers qui vont se capture-the-sun_-maddie.1306057464.JPGpencher sur l’intégralité de la procédure, tant britannique que portugaise, pour tenter d’y trouver de nouveaux éléments. Ensuite, un groupe d’enquêteurs pourrait se rendre sur place et démarrer de nouvelles investigations, du moins si les autorités portugaises donnent leur accord.

Cette décision du Premier ministre est modérément appréciée par les policiers et un responsable de The Met (Metropolitan police service) l’a vertement critiquée. Cette démarche exceptionnelle crée en effet un précédent regrettable dans un pays où la police est plus distante du pouvoir exécutif que chez nous et va de plus entraîner des dépenses considérables. Le très sérieux The Guardian a également relevé que dans la lettre qu’il a adressée aux époux McCann, Cameron envisage seulement la thèse de l’enlèvement (Il écrit : « pour aider à retrouver Madeleine »), excluant implicitement la possibilité que l’enfant soit morte. Ce qui n’est pas un procédé logique d’enquête. cameron-letter-to-the-mccanns.1306057546.jpgDevant les critiques, rétropédalage en règle de l’intéressé qui a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’un ordre mais d’une suggestion et que le budget correspondant serait pris sur les excédents du Home Office (Département de l’Intérieur). Aux dernières nouvelles, une somme de 3.5 millions de livres aurait été débloquée

Il semblerait que le Premier ministre britannique ait ainsi cédé à la requête du richissime Rupert Murdoch, entre autres patron du Sun, qui a effectué la promotion du livre de Kate McCann, Madeleine. Le tabloïd aurait payé 200 000 £ pour s’assurer la primeur de la publication des bonnes feuilles, comme on dit. Dans ce livre, la mère de la petite Maddie donne sa version des faits. Au Royaume-Uni, les opinions sont divergentes sur les McCann : certains admirent leur combativité dans la recherche de leur enfant, tandis que d’autres s’interrogent sur leur attitude qu’ils trouvent mercantile. Il est vrai que certains extraits sont racoleurs : lorsque Mme McCann dit qu’elle voit dans ses cauchemars sa fille, « les parties génitales déchirées » par un pédophile, ou lorsque The Sun reprend dans son titre qu’elle ne pouvait plus faire l’amour avec Gerry, son mari.

Cette enquête sur la disparition de la fillette s’est déroulée dans un climat délétère. Qu’il est peut-être bon de rappeler : elle a disparu de la chambre où elle était couchée alors que ses parents dînaient avec des amis, dans un restaurant situé à une centaine de mètres de là. Pour Gonçalo Amaral, le policier qui a dirigé les investigations, elle est morte, probablement en raison de la négligence de ses parents. Alors que la famille soutient mordicus la thèse de l’enlèvement.

Ce 3 mai 2007, dès l’alerte donnée, les recherches s’organisent dans l’environnement immédiat : la petite fille est peut-être sortie pour tenter de retrouver ses parents… Puis les enquêteurs envisagent la possibilité d’un enlèvement. 250 personnes participent aux recherches et 500 appartements sont fouillés. Mais il faudra six jours pour que la photo de l’enfant paraisse dans la presse. Des policiers britanniques débarquent. La pression politique grimpe en flèche. Les offres de récompense se multiplient. En quelques jours, elles atteignent 4 millions d’euros. Les parents sont interrogés pendant 13 heures, puis ils sont mis hors de cause. Ils créent un fonds de soutien qui, rien  que le premier jour, recueille près de 15 000 € de dons. Fin mai, ils sont reçus par le pape. Au 50° jour de la disparition, des lâchés de ballons sont organisés dans plusieurs pays d’Europe. L’affaire a pris une dimension internationale.

Pendant ce temps, malgré la frénésie médiatique, les policiers portugais poursuivent méthodiquement leurs investigations. Ils soupçonnent les McCann d’avoir caché le corps de leur enfant décédée à la suite d’un accident. Des contradictions apparaissent dans leurs déclarations, des éléments matériels sont relevés, et, en septembre, ils sont mis en examen pour homicide involontaire. Laissés libres, ils regagnent l’Angleterre.

Puis l’affaire prend la tournure d’un mauvais feuilleton dans lequel apparaissent un jeu de fausses pistes, des détectives privés bidon et un bras de fer entre les médias britanniques et portugais. Les premiers accusant la police portugaise d’incompétence, tandis que les seconds publient les extraits d’un journal tenu par la mère, où elle apparaît comme « épuisée » par des enfants « hystériques », et se plaint notamment de « l’excès de vitalité » de sa fille.

capture4.1306057705.JPGLes parents sont finalement blanchis par la justice portugaise, qui (conformément à la procédure) « archive le dossier »…

Entre temps, le commissaire Gonçalo Amaral, qui avait pris position dans la presse, a été exclu de l’enquête. Il écrit un livre, Maddie,maddie_jungalig.1306057864.jpg l’enquête interdite. Un best-seller. Les époux McCann demandent qu’il soit retiré de la vente et réclame 1.8 million de dommages et intérêts (ils ont déjà récupéré plusieurs centaines de milliers d’euros auprès des médias en les menaçant d’un procès).

C’est la guerre ouverte, entre les McCann et Amaral.

Finalement, la justice donne raison à Amaral. Et aujourd’hui, il demande la restitution des exemplaires de son livre qui avaient été saisis et confiés à la garde des McCann. Mais il semblerait que ceux-ci les aient détruits. Ce qui, dans certaines conditions, est un délit.

Amaral vient donc de déposer une plainte pour ces faits et pour d’autres qui tournent autour de la liberté d’expression.

L’étrange docteur Krombach

Dieter Krombach, cardiologue allemand, âgé aujourd’hui de 75 ans, a-t-il violé et tué sa belle-fille, la jeune Kalinka ? C’est la question à laquelle devront répondre les jurés de la Cour d’assises de Paris. Or, au-delà de la tragédie, cette affaire pose quantité de questions sur le fonctionnement de la justice au sein de l’Union européenne.

Kalinka Bamberski .JPGKalinka Bamberski est une belle adolescente blonde, grande, élancée. Elle est morte mystérieusement, en pleine santé, le 10 juillet 1982, à Lindau, en Bavière, où elle vivait avec sa mère. À 350 km de la frontière française.

Lors de l’autopsie pratiquée deux jours plus tard, le médecin légiste mentionne des traces de sang et d’un liquide blanchâtre (?) sur les parties génitales. Et ça s’arrête là. Pas de prélèvements, pas d’analyses.
Le légiste s’étonne toutefois de l’état du corps de la jeune fille, et de la nature du médicament que le docteur Dieter Krombach, son beau-père, dit lui avoir administré pour tenter de la ranimer.

Par la suite, il dira qu’en fait il lui a injecté un produit à base de fer pour favoriser son bronzage.

Les organes génitaux de la victime sont prélevés, probablement pour un examen ultérieur, lequel ne sera hélas jamais effectué : le scellé a été égaré. Kalinka aurait été victime du syndrome de Mendelson. En quelque sorte, elle serait morte noyée dans ses régurgitations de liquide gastrique. Un risque qui est toujours pris en compte lors d’une anesthésie et qui justifie l’intubation du patient.

La question était donc de savoir pourquoi Kalinka n’était plus consciente ? La justice allemande rendra finalement un non-lieu, en 1987, sans avoir répondu à cette question.

Mais pendant ce temps, André Bamberski, le père de la jeune fille, a déposé une plainte en France. Une nouvelle autopsie est pratiquée et cette fois, les légistes concluent que la mort est consécutive à une injection d’un produit à base de cobalt et de fer. Finalement, en 1991, Krombach est inculpé d’assassinat par un juge d’instruction parisien. Jugé en son absence, par contumace, en 1995, il écope de quinze ans de réclusion criminelle. Mais il saisit la Cour européenne des droits de l’homme, qui condamne la France, en rappelant « que le droit pour tout accusé à être effectivement défendu par un avocat, au besoin même d’office, figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable ». Ce qui n’était pas le cas chez nous. À l’époque, celui qui manquait volontairement à la justice ne pouvait pas voir sa cause défendue par un avocat. À la suite de cet arrêt, dit arrêt Krombach, en 2004, la procédure française a d’ailleurs été modifiée (loi Perben II), tirant un trait sur les jugements par contumace pour les remplacer par une procédure nouvelle, dite de défaut criminel. Avec des débats contradictoires, mais devant une cour d’assises composée uniquement des seuls magistrats, sans la présence de jurés. Sauf erreur de ma part, et pour des raisons historiques (crainte d’abus par un régime totalitaire) l’Allemagne n’admet pas qu’un individu soupçonné d’un crime soit jugé hors sa présence.

En 2001, la justice française transmet le dossier à la justice allemande. Mais cette condamnation lui donne du grain à moudre : Elle met en avant l’impossibilité de poursuivre une personne déjà condamnée dans un autre État-membre pour les mêmes faits. L’Allemagne refuse donc de rouvrir le dossier.

Situation bloquée, jusqu’à l’accord au sein de l’Union européenne sur la possibilité d’extrader ses nationaux d’un État-membre à l’autre. En 2004, la France délivre donc un mandat d’arrêt européen contre Dieter Kromback, mais l’Allemagne refuse d’y donner suite, sous prétexte qu’il a été reconnu innocent dans son pays.

Quand on pense que cet accord sur les extraditions au sein de l’Europe est basé sur la confiance mutuelle des États !

La justice allemande a donc claqué la porte au nez du père de la victime, et, chez nous, du côté de la place Vendôme, il a l’impression que ça traîne des pieds.

En tout cas, tout comme lui, on ne peut s’empêcher de penser que ce bizarre cardiologue bénéficie de protections occultes… Par exemple, en 1997, il a été condamné pour avoir violé une jeune fille de 16 ans alors qu’elle était sous anesthésie : deux ans de prison avec sursis. Devant une Cour d’assises française, il en risquait vingt.

En désespoir de cause, en 2009 (la prescription d’une peine criminelle est de 20 ans, il restait donc 6 ans à courir), Bamberski décide de faire enlever celui qu’il considère comme l’assassin de sa fille. Récupéré par la police, Krombach est incarcéré. Il est actuellement détenu à Fresnes, où il bénéficierait, dit-on, de l’assistance de son ambassade. Et la justice vient d’admettre le procédé, en se référant notamment au cas du terroriste Carlos. On se souvient que cet individu, de son vrai nom Illitch Ramirez Sanchez, assassin entre autres de deux policiers, a été enlevé par la DST, en 1994, à Khartoum, au Soudan, où il coulait des jours heureux. Son jugement en France a malgré tout été considéré comme régulier.

Le sulfureux toubib est-il coupable de viol sur mineur et de meurtre ? Il existe un sérieux faisceau de présomptions contre le bonhomme, bagnard_unicefr.jpgmais les jurés (cinq hommes et quatre femmes) auront bien du mal à détecter une preuve formelle. Il n’en reste pas moins qu’il a reconnu avoir injecté un produit à l’adolescente, hors de tout besoin thérapeutique. Et, d’après les légistes français, ce produit serait lié à son décès. Cela semble suffisant pour confirmer sa condamnation par contumace pour  violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

Quinze ans de réclusion criminelle, à 75 ans…

Aff. Le Roux : un vieux truand balance

Dans un livre à sortir, modestement titré Confessions d’un caïd, un truand sur le retour raconte ses exploits. Son nom ne vous dira rien, à moi non plus d’ailleurs, car j’ai eu beau me triturer les cellules grises à m’en flouser le caberlot, je n’ai pas le souvenir de ce monsieur de 75 balais, qui aurait fricoté avec la French agecanonix_asterix.1299313600.jpgConnection. Un proche de Tany Zampa ou de Francis le Belge, sans doute, mais en plus intelligent, car il aura su rester dans l’anonymat, le bougre ! Mais comme avec l’âge (même si je suis un jeunot par rapport à Jacques Chirac), mes facultés pourraient être mises en défaut, j’ai parcouru la nomenclature d’un livre qui fait référence en la matière, celui d’un autre ancien, mais lui du journal Le Monde, James Sarazin, dans Dossier M… comme milieu (Éd. Alain Moreau, 1977). Bon, pas de Hernandez non plus. Alors, j’ai feuilleté le fichier du grand banditisme des années 70/80, et toujours rien. Pas à dire, le bonhomme, il est fort !

À en croire la presse, l’un de ses amis se serait vanté auprès de lui d’avoir trucidé Agnès Le Roux. On ne va pas reprendre la chronologie de cette affaire à tiroirs (secrets), j’en ai longuement parlé sur ce blog. Pour faire simple, disons que l’une des héritières de l’héritière du casino Le Palais de la Méditerranée, à Nice, a mystérieusement disparu en 1977, après avoir cédé ses parts à un sombre individu que l’on disait proche de la mafia italienne. Dans ce meurtre sans cadavre, il fallait un méchant, et c’est un avocat, Maurice Agnelet, qui a assumé le rôle. Après un gymkhana juridique de 30 ans, et après avoir été jugé innocent par le jury d’une cour d’assises, il a finalement écopé de 20 ans devant une autre Cour d’assises, victime, si l’on peut dire, d’un acharnement judiciaire hors du commun. L’affaire Agnelet est aujourd’hui un cas d’école.

Donc, nous raconte le sieur Hernandez, alias Gros Pierrot, l’un de ses amis, Jean Lucchesi, lui aurait confié être l’auteur de ce crime, dans le cadre d’un contrat. Il aurait jeté le corps d’Agnès aux Goudes, dans les calanques de Marseille, un endroit où, pour la petite histoire, Jean-Pierre Melville aimait tourner ses films.  Et son Range Rover, recherché dans toute l’Europe, aurait tout bonnement été compacté dans un garage marseillais. Son copain Jeannot lui aurait raconté tout ça juste avant de mourir, en 1987. Et depuis, « le vieillard repentant » vit avec ce fardeau, partagé entre le souci de ne pas salir la mémoire de son ami, et le calvaire de savoir un innocent en prison.

Finalement, il a craqué, et il a tout balancé dans ce livre de souvenirs qui doit paraître ces tout prochains jours. Avec en caution, rire_bondyblog.1299313434.pngparaît-il, la préface de Lucien Aimé-Blanc, l’un des grands patrons de l’ex-office du banditisme.

Je me demande ce qu’ils ont tous, ces anciens voyous, à vouloir raconter leurs faits d’armes comme s’ils avaient fait la guerre… Le syndrome Mesrine peut-être ! En tout cas, à la différence de cet Amigo (La vérité sur le casse de Nice) qui se vante d’avoir participé au fric-frac de la Société générale, en crachant au passage dans la gamelle d’Albert Spaggiari, et en oubliant que le recel est un délit permanent, donc imprescriptible ; Jean-Pierre Hernandez, lui, ne risque rien. En France, sauf cas particuliers, la non-dénonciation d’un criminel n’est pas punissable.

La justice mexicaine

Les défenseurs de Florence Cassez montrent du doigt la justice mexicaine, cherchant à démontrer qu’elle est assujettie au pouvoir politique. Un peu comme on désigne les procureurs en France.  Et pourtant, les trois hauts magistrats qui viennent de prendre la décision de refuser l’amparo déposé par la jeune femme semblent des personnalités respectables du monde judiciaire, et non des béni-oui-oui du régime.

prison_couverture-du-guide-canadien.1297848401.JPGRappelons qu’à l’issue d’une « instruction » qui a duré un an et demi, en 2006, Florence Cassez a été condamnée pour avoir participé à quatre enlèvements, ainsi que pour association de malfaiteurs, et, accessoirement, pour détention d’armes et de munitions. Un premier amparo, pour des raisons de droit, a été rejeté en 2008. Avant que le jugement ne soit confirmé par la Cour d’appel, en 2009, avec une peine de prison ramenée de 96 ans à 60 ans, le maximum théorique de la durée de l’emprisonnement.

Un chiffre qui nous étonne. En fait, chaque crime, chaque délit, est jugé séparément, et les peines prononcées s’additionnent. Les États-Unis appliquent le même principe. C’est ainsi qu’à l’âge de 71 ans, le financier Bernard Madoff a écopé de 150 ans de prison.

Évidemment, nous ne sommes pas habitués à de telles sanctions, puisqu’il existe en France le principe du non-cumul des peines. Pourtant, pour des faits similaires, la condamnation encourue aurait été la réclusion criminelle à perpétuité. Entre perpète et 60 ans, on ne voit pas bien la différence.

En fait, la différence réside dans l’exécution de la peine, puisque, chez nous, les condamnés n’en effectuent pas l’intégralité, sauf si une période de sûreté a été ordonnée (max. 22 ans), auquel cas, le jeu de remise de peine, ou la libération conditionnelle, ne peut intervenir que passé ce délai.

Le système judiciaire mexicain n’est sans doute pas parfait. Pourtant, il a fait l’objet d’une sérieuse réforme en 2008, afin de tenter de trouver un juste équilibre entre le respect des libertés individuelles et l’efficacité. L’éternel problème. Pas facile dans un pays qui connaît un tel taux de criminalité !

Les policiers (police locale, police d’État ou police fédérale), ont le droit d’interpeller une personne suspectée d’un crime ou d’un délit. Et celle-ci peut être détenue jusqu’au jour de son procès. Elle est assistée d’un avocat et elle n’est pas obligée de répondre aux questions.

À noter que selon la Convention de Vienne, toute personne arrêtée hors de son pays peut demander que son représentant diplomatique ou consulaire en soit avisé.

Lorsque les policiers estiment qu’il existe des charges contre un suspect, il est présenté au Ministerio Publico, lequel dispose de 48 heures (90 jours s’il s’agit d’un crime fédéral, comme un kidnapping) pour prendre une décision de poursuite. Il peut alors ouvrir une enquête préliminaire ou confier directement le dossier à un juge d’instruction.

Lors du jugement, les débats se font par écrit et il n’y a pas de jury, mais un juge qui décide seul. Il existe deux possibilités d’amparo. L’une basée sur le droit, durant le procès en première instance, la seconde vise à contester la sentence prononcée en appel.

discours-sarkozy-a-mexico-en-mars-2009.1297848942.JPG Extrait discours Nicolas Sarkozy à Mexico, le 9 mars 2009

On peut donc dire que Florence Cassez a épuisé tous les recours possibles. Il reste à savoir si elle peut exécuter sa peine en France. Pour cela, il existe des conventions internationales. Mais leur application n’est pas automatique, chaque État se réservant la possibilité d’effectuer ou non ce transfèrement. Ici, en dehors des déclarations vexatoires de certains de nos responsables politiques (ce qui n’est pas fait pour arranger les choses), se pose le problème de l’exécution de la peine. Le droit français ne permet pas de garantir que Florence Cassez effectuera l’intégralité de la sentence. D’où, pour les Mexicains, un déni de justice.

Alors, quel pourrait être le moyen de se sortir de ce guêpier ? Il faudrait que la condamnation de Florence Cassez soit « francisée ». Une diplomatie adroite aurait d’ailleurs œuvrée dans ce sens bien avant que la porte judiciaire ne se referme définitivement sur la jeune femme. La décision est aujourd’hui politique. Le président Felipe Calderón Hinojosa peut-il accorder une grâce partielle qui permettrait d’extrader la prisonnière tout en sauvant la face ? Et surtout, en a-t-il l’intention, alors qu’au Mexique (aussi) la sécurité est devenue un enjeu politique…

extrait-guide-canadien-pour-les-emprisonnes-a-letranger.1297848752.JPGIl y aurait près de 2 500 Français actuellement détenus à l’étranger, souvent pour des infractions graves (meurtres, stupéfiants, enlèvements…). L’un d’eux, soupçonné d’enlèvement, est en attente de jugement au Mexique. Un autre, Serge Atlaoui, a été condamné à mort en Indonésie pour avoir participé à l’élaboration d’un laboratoire d’ecstasy. Il pourrait être fusillé d’un jour à l’autre – Le seul Français condamné à mort de par le monde. Certains sont peut-être innocents (après tout, il a y a aussi des erreurs judiciaires en France), mais ce qui est sûr, c’est qu’il est plus difficile de faire valoir ses droits sur un sol étranger et que la prison doit être encore plus dure à supporter. Raison pour laquelle certains pays, comme le Canada, ont mis en place un serviceserge-atlaoui_rtl.1297848539.jpg d’assistance en amont du jugement (voir le guide). Existe-t-il un service similaire auprès de nos consulats ? Je ne sais pas, je pose la question. Mais  il serait déplorable que notre gouvernement ne s’occupe des ressortissants français incarcérés à l’étranger que lorsqu’ils font la une des médias.

Meilhon, multirécidiviste ou multiréitérant ?

L’affaire de Pornic a relancé la polémique sur les multirécidivistes, avec, en toile de fond, le « laxisme » des juges qu’il faudrait, nous dit-on, encadrer par un jury populaire. En réalité, Tony Meilhon n’a bénéficié d’aucune faveur : condamné par treize fois, il a purgé l’intégralité de ses peines.

Avant cette affaire, le président Sarkozy avait parlé, lors de ses vœux, de « la violence chaque jour plus brutale de la part de délinquants multiréitérants ».

new-justice_southerndefender.1296303638.gifAlors, ce Meilhon, ce triste personnage, est-il un multirécidiviste ou un multiréitérant ?

Le législateur a fortement donné dans le domaine de la récidive ces dernières années, adoptant ce principe bien connu : Errare humanum est, perseverare diabolicum (là, j’ai pompé). Ce qui signifie qu’on peut se tromper une fois, mais pas deux. Enfin, c’est mon interprétation. En droit, cela se traduit par une peine plus sévère lorsqu’il y a pluralité d’infractions.

La récidive – La récidive est une circonstance aggravante. Elle s’applique lorsqu’une personne, après une condamnation définitive pour une première infraction, en commet une seconde. Même s’il n’y a pas de lien entre les deux infractions, du moins la plupart du temps. Par exemple trafic de stups et accident mortel de la circulation. Pour plus de détails, on peut se reporter à un billet de 2007 de Me Eolas, et au petit tableau ci-dessous.

tableau-recidive-extrait-rapport-dinformation-de-lassemblee-nationale.1296303720.JPG

On voit qu’il est tenu compte non pas de la peine prononcée, mais de la peine encourue. Par exemple, l’auteur d’un viol, sans circonstances aggravantes, encourt une peine de 15 ans de réclusion criminelle. Quelle que soit sa condamnation, s’il récidive, il encourt cette fois une peine de 30 ans. La loi du 10 août 2007 prévoit en outre des peines minimales. Et celle de 2008 a instauré le dispositif de rétention de sûreté, qui donne la possibilité de « retenir » dans des centres fermés – après leur peine – les personnes à risques (pour la société) ayant été condamnées à au moins 15 ans de réclusion criminelle. Une proposition de loi du 13 janvier 2011 (une de plus), rabaisserait le seuil de déclenchement à une condamnation à 10 ans.

Cependant, notre Président n’a pas parlé de récidive, mais de réitération. C’est quoi ?

La réitération – Cette notion a été introduite dans le Code pénal en 2005. Elle est au croisement du « concours réel d’infractions » (voir plus loin) et de la récidive.

Cela concerne les personnes ayant déjà fait l’objet d’une condamnation mais qui ne sont pas visées dans le tableau ci-dessus. Notamment pour les petits délits. Exemple : une condamnation pour vol et, plus tard, un délit de fuite. Deux infractions différentes qui, même à des années d’intervalles, entraîneront la réitération. Du moins, c’est comme ça que je l’ai compris.

Pour compliquer un peu plus les choses, la police a une définition différente. Pour elle, le multiréitérant est un individu « fiché » pour de multiples faits. Ainsi, le préfet de police a effectué un pointage sur Paris et la petite couronne. Il avance le nombre de 11 400 personnes pouvant chacune être impliquées dans au moins cinquante affaires différentes et répertoriées au STIC. Mais on comprend bien que le législateur ne peut moduler la sanction encourue pour un crime ou un délit en se fiant uniquement à un fichier de police.

La réitération est donc en fait une récidive simplifiée, qui ne tient compte ni de la nature de l’infraction ni du temps écoulé. Dans les deux cas, le délinquant doit avoir été condamné au moins une fois. Toutefois, distinction importante, en matière de réitération, la peine n’est pas aggravée, mais elle se cumule avec les peines précédentes.

Mais attention, on peut aussi être l’auteur de plusieurs infractions sans être ni récidiviste ni réitérant !

Prenons le cas d’un individu qui a commis une série de vols, dont un avec arme. Il sera condamné pour chacun de ses vols, mais sa peine totale ne pourra excéder le maximum de l’affaire la plus grave, c’est-à-dire le braquage : 20 ans. On appelle ça le concours réel d’infractions.

Tout le monde a suivi ?

À ne pas confondre avec le concours idéal d’infractions : un seul acte, mais plusieurs infractions. Par exemple, un excès de vitesse suivi d’un accident corporel, suivi d’un délit de fuite. Ces cas sont juridiquement plus flous, mais la jurisprudence veut, généralement, que seule la qualification la plus grave soit retenue.

Alors, pour en revenir à Tony Meilhon est-il ou non un multirécidiviste ? L’opinion publique en est persuadée, la presse s’interroge et nos dirigeants enfoncent le clou. Mais que dit le droit ? Cet individu a fait l’objet d’une condamnation à quatre ans de prison devant une cour d’assises pour une agression sexuelle sur un codétenu, commise en 1997. Je ne connais pas la qualification exacte, mais, si les faits retenus contre lui à l’époque étaient punissables de dix ans d’emprisonnement, le délai est écoulé : pas de récidive, mais réitération. En revanche, si la peine encourue était supérieure à dix ans, il n’y a pas de délai. Conclusion, si demain, il devait être jugé pour viol ou meurtre, Meilhon serait alors en état de récidive. Sa peine serait doublée. Et, après sa peine, il pourrait être enfermé dans un centre de rétention.

Une chose est sûre, la récidive ou la réitération est un marqueur de l’échec de la répression. Si le délinquant ou le criminel a remis le couvert, c’est que le système n’a pas bien fonctionné. Or, les juges condamnent à la fois pour punir, pour protéger la société et pour tenter de réinsérer l’auteur des faits. La politique actuelle semble plutôt tourner autour de la punition, avec en filigrane cette affirmation : plus la peine encourue est forte, plus elle est dissuasive.  Eh bien, pour que cela marche, il faudrait sérieusement simplifier les choses. Ainsi, moi qui suis un peu branché dans ce domaine, j’ai dû consulter plusieurs ouvrages pour rédiger ce flic_indecis_lesso.1296304032.jpgbillet. Et je ne suis pas sûr de ne pas avoir commis d’erreurs. Alors, comment voulez-vous qu’un voyou, aux cellules grises souvent déficientes, puisse s’y retrouver ?

Pornic : réflexions autour de la garde à vue

On ne sait toujours pas ce qui est arrivé à Laëtitia, du moins à l’instant où j’écris ces lignes, et cette bien triste affaire est un peu comme un appel de phare pour nos élus, alors qu’ils légifèrent sur la garde à vue. Car on se trouve dans la pire des situations : la quasi-certitude que la victime est morte, et le faible espoir qu’elle soit encore en vie. Avec en face de soi, un sale type, au mutisme enrageant. Ce face-à-face entre Tony Meilhon et les gendarmes a dû être terrible.

Laetitia.JPGCar, dans l’incertitude, il fallait tout tenter pour la sauver. C’est le devoir des gendarmes, mais c’est aussi un devoir tout court. Or le seul qui pouvait faire avancer les choses, c’est le suspect. Bien sûr, ce n’est qu’un suspect, pas un coupable, mais lorsqu’il existe autant de preuves matérielles, les risques de commettre un impair sont bien minimes.

Alors, les enquêteurs rongent leurs freins. Ils doivent se livrer à un jeu de rôle pour tenter d’établir un contact, dans le dessein, non pas d’obtenir des aveux, mais de retrouver la victime.

Pour eux, c’est un vrai cas de conscience.  Avec des questions : Ne faut-il pas faire une croix sur le code de déontologie ? Aller plus loin que ne l’autorise la loi ? Ne peut-on pas parler « d’état de nécessité », cette disposition du Code pénal qui permet de commettre une infraction pour la sauvegarde d’une personne ou d’un bien ? Comme briser la vitre d’une voiture pour en extraire un bébé « oublié » à l’intérieur.

À une autre époque, en 1976, un jeune garçon, Philippe Bertrand, est enlevé à la sortie de l’école. Les soupçons se portent rapidement sur Patrick Henry. Au cours de sa garde à vue, il nie tout. Il n’existe pas de preuves, juste des présomptions, mais pour les enquêteurs, sa culpabilité est évidente. Un commissaire (il l’a revendiqué, mais je ne me permets pas de le nommer) ira même jusqu’à lui faire croire à une « corvée de bois » : une balade en forêt, le calibre sur la tête. Le bluff ne prend pas. Patrick Henry se tait. Il est relâché au bout de 47 heures. L’enfant sera retrouvé plus tard, sous son lit. Il l’avait étranglé, bien avant d’être interpellé. Vous vous souvenez, Gicquel, au JT de TF 1 : « La France a peur ! »

J’ai remarqué au cours de ma carrière que plus le crime est odieux, plus les coupables crient leur innocence. Souvent, avec un tel accent de sincérité que l’on doute de soi. Qu’on finirait par les croire. En fait, ils refusent d’admettre leur acte. Un véritable déni. Un peu comme on se réfugie dans le sommeil lors d’une dépression, ou dans la folie lorsque l’on ne parvient plus à maîtriser sa vie. À sa sortie de garde à vue, devant les caméras de télévision, Patrick Henry clame son innocence et réclame la peine de mort pour le « vrai » criminel. Aucun avocat n’ayant accepté de le représenter, c’est le bâtonnier de philippe-bertrand_scene-de-crime.1295859710.jpgTroyes qui le défendra devant la Cour d’assises, assisté de Robert Badinter (perpette, il a purgé 25 ans).

Alors, je m’interroge… Si un avocat avait été présent durant sa garde à vue, quelle aurait été sa position. Tout le monde pensait alors que le petit Philippe était vivant, l’aurait-il encouragé à parler, au risque de l’enfoncer ? Et, pour en revenir à cette affaire de Pornic, qu’aurait fait l’avocat désigné pour assister Tony Meilhon. L’aurait-il incité à se taire, ou l’aurait-il poussé à se confesser pour – peut-être – sauver Laëtitia ? Comment se serait déroulée cette audition à trois : l’OPJ, l’avocat et le suspect ?

On imagine la tension. Il ne s’agit pas de boucler une affaire, mais d’obtenir des informations pour sauver une vie. Il y a urgence. L’espoir est mince. Comme l’a dit, deux jours après sa disparition, le procureur de Saint-Nazaire : « Plus le temps passe, plus cet espoir, hélas, s’amenuise ». On voit que cette mesure décriée, qui donnerait au procureur le droit de différer la présence de l’avocat pour « prévenir une atteinte imminente aux personnes », pourrait ici trouver sa justification.

Comme de coutume, à la suite de cette affaire, on peut s’attendre aux réactions habituelles de politiciens en mal de popularité. Je crois que Copé a ouvert le bal. Mais cela n’empêche pas la réflexion. Je suis de ceux qui pensent, qu’une fois la procédure pénale bien adaptée, la présence de l’avocat lors de la garde à vue sera un plus. Mais ces avocats doivent comprendre qu’ils ne traiteront plus un dossier, mais qu’ils se retrouveront face à de vrais gens, dans la vraie vie, loin du prétoire, des robes et des jeux de manches. Avec parfois un client qui a encore le sang de sa victime sur les mains. Et qu’il faudra prendre une décision.

Je sais, mes propos sont un peu décousus. Et je n’ai ni conclusion ni certitude. Que des interrogations. Mais je ne peux m’empêcher de penser à cette jeune fille, une enfant pour les gens de mon âge, qui est peut-être morte depuis longtemps ; ou qui a peut-être crié au secours – pendant longtemps.

Mesrine au Canada : la légende écornée

Le 30 juin 1969, l’escouade des homicides du Québec découvre le corps d’Evelyne Lebouthillier, 58 ans, un tablier noué autour du cou. Elle gît sur le sol, dans le salon du motel dont elle est propriétaire, Les trois Sœurs, à Percé. L’hôtel où justement sont descendus Jacques Mesrine et Jeanne Schneider, sa compagne. Le cadavre est recouvert d’une couverture et, à première vue, le vol semble être le mobile du crime.

mesrine_la-presse_quebec..jpgLe couple est arrêté en Arkansas, aux E-U, au mois d’août, et leur procès se tient en janvier 1971.

Verdict : innocents !

Percé, le bout de la Gaspésie, le bout du bout. Un bled où il ne se passe jamais rien. Mesrine y reste quatre jours : un mort. Troublant, non ! Contre toute évidence, il a toujours nié ce meurtre, alors qu’il a reconnu avoir tué deux gardes forestiers et qu’il a revendiqué plein d’autres assassinats qu’il n’a jamais commis. Il faut reconnaître qu’étrangler une femme avec son tablier, cela ne correspond pas à l’image du bonhomme. Alors, qu’a-t-il voulu dire, plus tard, en écrivant : « Nous étions ainsi accusés d’un meurtre que je n’avais pas commis » ? Que Jeanne Schneider était la coupable ?

C’est l’une des questions soulevées par le québécois Eric Veillette, sur son site Historiquement logique. Né au moment des faits, en novembre 1971, il a toujours été fasciné par la légende de Mesrine. Il a lu de nombreux ouvrages sur le sujet et il dit avoir adoré les deux films de Jean-François Richet – mais pour lui cela reste du cinéma. En tant qu’historien à l’Université du Québec à Trois-Rivières, il a décidé de reconstituer le séjour du truand au Canada en dépiautant la presse et les archives locales.

Un éclairage différent qui écorne la légende.

evelyne-bourthillier et son motel.jpg

En 1968-1969, alors qu’il est recherché en France pour plusieurs vols à main armée, Mesrine s’enfuit au Canada. On peut penser qu’il cherche à reconstruire sa vie. Avec sa compagne, il trouve un job en mars 69, au service d’un handicapé, le richissime Georges Deslauriers. Lui est cuisinier et chauffeur, elle gouvernante. Mais à la suite d’une querelle avec le jardinier, tous deux sont licenciés. Le tempérament sanguin de Mesrine reprend alors le dessus. Le couple enlève et séquestre Deslauriers pour obtenir une rançon. L’affaire foire – et de nouveau, c’est la cavale.

Le 21 juin, ils s’arrêtent au motel Les trois Sœurs, à Percé. Ils en repartent le 25, en laissant leur chat à la garde d’une voisine, pour se rendre à Montréal.

Malgré leurs dénégations, l’enquête révèle un faisceau de présomptions à charge, voire de preuves. Ainsi, il est quasiment certain qu’ils seraient revenus en Gaspésie à bord d’une voiture de location. La veille du meurtre, on les aurait vus à environ 600 km du motel ; et plusieurs témoins affirment qu’ils ont passé la nuit à Percé. Le gardien d’une discothèque dit que le couple se trouvait dans son établissement vers 22 heures. Or la discothèque se trouve à cinq minutes à pied du motel. A quatre heures du matin, ils auraient pris une collation à Carleton, à environ 200 km de là. Et c’est sur cette route, sous un pont, qu’un adolescent a découvert un coffret renfermant des papiers personnels de la victime.

De plus, les empreintes relevées sur un verre et sur un guéridon, dans le salon où a été découvert le corps, sont celles de Mesrine et de Schneider, et, affirme le spécialiste de la police technique, elles ne peuvent remonter à plus de 24 heures.

Enfin, dans les bagages réexpédiés par les autorités américaines, on trouve des bijoux (une montre, deux colliers, une bourse…) et un réveille-matin, une sorte de copie d’ancien. Le tout semble appartenir à la victime. Ce que confirme sa sœur. D’ailleurs, une antiquaire déclare avoir vendu un réveil analogue, quelques années plus tôt, à Mme Lebouthillier.

Lors du procès qui a lieu en janvier 1971, le couple est défendu par Me Raymond Daoust, l’un des avocats pénalistes les plus en vue du pays. Il aurait été engagé, dit-on, par le père de Mesrine, depuis la France. Habilement, celui-ci désarçonne les témoins à charge. Il démontre que les bijoux et le réveil ne sont pas des preuves, car il pourrait tout aussi bien s’agir d’objets identiques. Il fait venir à la barre une femme, qui a fréquenté le couple à Montréal, et qui certifie que ces objets leur appartiennent.

Et pour couronner le tout, l’avocat fait citer un expert qui contredit le technicien de la police technique : pour lui les empreintes digitales peuvent être anciennes. Autrement dit, elles auraient été laissées par les accusés lors de leur séjour au motel. Un verre sale qui serait resté cinq jours sur un guéridon, au milieu du salon du motel… Bon.

Durant les audiences, Mesrine en fait des tonnes. Il intimide les témoins. Il n’hésite pas à pousser des coups de gueule, au point que le président menace de le juger en son absence. Mais il a réponse à tout. Le réveil ! Il l’a acheté à Montréal. La montre ! À Paris. Etc.

Au bout de trois semaines, le jury prononce l’acquittement. eric-veillette.jpgFranchement, je ne suis pas sûr que devant une cour d’assises française le résultat aurait été identique…

Lorsque j’ai demandé à Eric Veillette pourquoi il s’était intéressé à ce truand, et surtout ce qu’il en pensait. Il m’a répondu : « Je crois que Mesrine fascine parce qu’il reste encore des questions en suspens, en particulier dans la compréhension de sa personnalité ».

Là, je peux aider. Il était barge.

Le gendarme Jambert se serait suicidé

Deux balles dans la tête. Le 4 août 1997, Christian Jambert est retrouvé mort dans le sous-sol de son pavillon, près d’Auxerre. Une carabine .22 LR près de lui. Il avait 56 ans. « Suicide d’un homme dépressif », a écrit le médecin sur le certificat de décès. C’est ce que vient de confirmer le procureur d’Auxerre.

le-gendarme-christian-jambert_lyonnerepublicaine.1289984087.jpgÀ l’époque, les enquêteurs n’avaient pas poussé très loin leurs investigations. Ils savaient que leur collègue avait déjà tenté de mettre fin à ses  jours, deux ans auparavant. Qu’il supportait mal de ne pas avoir été écouté dans l’affaire des disparues de l’Yonne. Alors, pourquoi imposer le supplice moral d’une autopsie à ses proches…

Mais le choc passé, ceux-ci réagissent. Le doute s’insinue… On peut penser qu’en 2000, l’arrestation d’Émile Louis, condamné par la suite pour le meurtre de sept jeunes filles handicapées, a renforcé leurs doutes. Car d’un seul coup, tout le monde prend conscience qu’il avait raison, le gendarme. Et personne ne l’avait pris au sérieux.

Tout a commencé en 1981. L’adjudant enquête à l’époque sur le meurtre d’une jeune femme de 23 ans, dont le corps a été retrouvé dans un abri à bestiaux, à Rouvray, près d’Auxerre.  Ses soupçons se portent sur son amant, un homme d’une cinquantaine d’années, chauffeur de car pour le compte d’une association d’aide aux handicapés : Emile Louis. D’autant que deux ans auparavant, le bonhomme avait fait partie de « ses » suspects dans une enquête sur la disparition d’une autre femme. Une affaire non résolue qui lui est restée en travers de la gorge. Jambert ne le lâche plus, et il parvient finalement à le confondre, non pas sur le meurtre de sa maîtresse, mais pour des attouchements sexuels sur les trois enfants de la DDASS dont il a la garde avec son épouse. Louis prend quatre ans, mais pour Jambert, ce n’est pas suffisant. Il poursuit ses investigations et c’est ainsi qu’il découvre que sept jeunes filles handicapées, âgées de 16 à 22 ans,  ont disparu depuis 1977. Et, chose incroyable, la justice comme l’administration ont estimé qu’il s’agissait de simples fugues…

Christian Jambert est convaincu d’avoir mis la main sur un tueur en série, un pervers, une sorte d’assassin érotomane. Mais la justice ne suit pas. Pourtant, son rapport de synthèse est accablant, et il est corroboré par l’audition de onze témoins, dont Simone Delagneau, l’ex-épouse du suspect. Ce document ne sera même pas enregistré officiellement. On le retrouvera presque par hasard, vingt ans plus tard, dans les archives du palais de justice.

Il faudra attendre 1996 pour que l’enquête démarre réellement. Grâce à la télévision. Dans son émission Perdu de vue, Jacques Pradel lance un appel à témoin, et un ancien collègue d’Emile Louis se manifeste : Il l’a aperçu alors qu’il creusait un trou, de la taille d’une tombe, en 1981.

C’est le début de l’affaire des disparues de l’Yonne.

Au mois de mars 2004, Émile Louis est condamné à emile_louis_scenedecrime.1289984170.jpgvingt de réclusion criminelle par la cour d’assises du Var pour viols et agressions sexuelles aggravées d’actes de barbarie contre sa seconde épouse et sa belle-fille.

Le 25 novembre 2004, c’est l’épilogue de l’affaire des disparues de l’Yonne. Émile Louis est reconnu coupable de l’assassinat des sept jeunes handicapées. Il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine incompressible de 18 ans.

2004 ! C’est justement l’année où le parquet d’Auxerre a ouvert une information judiciaire sur la mort de Christian Jambert. Car le médecin légiste qui a pratiqué l’autopsie (effectuée sept ans après sa mort) a estimé que le suicide était peu probable. Par la suite, deux autres rapports d’autopsie seront nettement plus nuancés, avançant que l’hypothèse du suicide était vraisemblable.

C’est donc aujourd’hui l’avis du procureur. Il estime que « l’enquête n’a pas permis de caractériser des éléments constitutifs d’un crime ».  Car, les experts ont estimé que le fusil .22 LR, modifié pour pouvoir tirer en rafales, pouvait avoir lâché deux projectiles avec une seule pression du doigt sur la détente (alors que la première autopsie relève une entrée de balle dans la bouche et l’autre dans la tempe). Et le procureur prend bien soin de mentionner que toutes les pistes ont été suivies. Même les plus extravagantes (citées par une agence de presse) : « Réseau de prostitution, réseau pédophile, menaces islamistes, trafic d’armes dans un centre d’instruction de la gendarmerie, la piste Émile Louis, ou encore le suicide de Pierre Bérégovoy ».

Je ne sais pas si le juge d’instruction va décider de suivre ou non les réquisitions du parquet, mais une chose est sûre, ce gendarme a montré des qualités d’enquêteur hors du commun. Pendant des années, il a été le seul à détenir la vérité, et personne ne l’a écouté. Je crois qu’on peut lui donner un coup de chapeau.

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