LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Actualité (Page 59 of 71)

Moratoire sur le Taser

La police a décidé de retirer temporairement les pistolets à impulsions électriques en raison de l’incertitude sur la fiabilité des appareils fabriqués avant 2005. C’est un lecteur québécois du Monde qui a attiré mon attention, car ces faits se passent au Canada, où le Taser fait la Une des journaux. Et les commentaires ne sont pas tendres.

taser_quebechebdo.1229763288.jpgTout a commencé en octobre 2007, avec la mort de Robert Dziekanski, lors d’une interpellation par les policiers de l’aéroport de Vancouver. La scène est filmée par un témoin et les images chocs diffusées sur Internet font le tour du monde. Devant la commission d’enquête qui suit ces événements, le PD-G de Taser International, Tom Smith, soutient que ces armes ne peuvent pas émettre davantage de courant que la charge pour laquelle elles sont calibrées. Il estime donc inutile de les tester. Et l’affaire aurait pu s’arrêter là. Mais des journalistes de Radio-Canada ont voulu en savoir plus. En collaboration avec ceux de la CBC, ils ont pratiqué des contrôles et des essais sur une quarantaine de Taser X26.

Résultat : quatre de ces pistolets ont émis un courant jusqu’à 50 % plus élevé que prévu (ici la vidéo en français de l’intégralité de l’enquête et des essais). Particularité, les armes défectueuses avaient été fabriquées avant 2005.

Pierre Savard, professeur à l’Institut de génie biomédical de l’École polytechnique de Montréal a déclaré qu’avec de telles armes, les probabilités de mort subite étaient augmentées de 50%.

L’ingénieur en chef de Taser International a contesté ces chiffres en estimant qu’ils n’étaient pas pertinents d’un point de vue médical.

Il faut se souvenir qu’un Taser non défectueux lance deux fléchettes entre lesquelles circule un courant de 50.000 volts pendant cinq secondes. L’ONU assimile l’usage de cette arme à une torture, et il suffit de jeter un œil sur les nombreuses vidéos qui circulent sur Internet, où l’on voit des gens se contorsionner sous la douleur, pour comprendre pourquoi.

D’après Amnesty International, 17 personnes sont mortes au taser-et-gegene_dessin_fred_stripsjournal.1229765259.jpgCanada après avoir été immobilisées à l’aide d’un Taser, et 270 aux États-Unis. La plupart d’entre elles n’étaient pas armées et auraient pu être arrêtées par d’autres moyens. Ces chiffres ne sont pas confirmés. Une analyse (je n’en connais pas l’origine) effectuée aux États-Unis sur 962 cas, entre juin 2005 et juin 2007, révèle que 743 n’ont subi aucune lésion, 216 ont eu des lésions bénignes et 3 des lésions graves. Deux sont mortes sans qu’on puisse établir un lien formel entre leur décès et la commotion électrique.

Au canada, chaque personne qui reçoit une décharge du pistolet Taser doit subir un examen médical. Il y a eu officiellement deux morts.

En France, les Taser poussent comme des champignons (vénéneux) et je ne suis pas sûr qu’on ait effectué des bancs d’essais. On attend la réaction de Que choisir ou de 60 millions de consommateurs.

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Sur ce blog :

– Le Taser et les chiffres qui tuent
– Taser pour dames (à ne pas manquer dans les commentaires la réponse de Taser-France)
– Et Taser !

Fichiers : le piège à flics

Le commandant de police Philippe Pichon a été mis en examen pour « détournement de données confidentielles et violation du secret professionnel ». On le soupçonne d’avoir communiqué à des journalistes des informations provenant du STIC, le fichier des infractions constatées.
Après l’affaire Besancenot, où des policiers sont poursuivis pour des motifs identiques, on est en droit de se demander si l’inspection générale n’a pas ouvert une boîte à malice…

coq_landais_umourcom.1229677366.jpgQuel policier peut en effet affirmer qu’un jour ou l’autre, une fois dans sa carrière, il n’a pas fait « une petite recherche » pour une raison personnelle, ou pour dépanner un ami ?  C’est pas bien, certes, mais ce n’est pas un crime (je ne parle pas de vendre des informations, évidemment).
Et du coup, il suffit de se trouver dans le collimateur de « l’administration » pour que les bœufs-carottes tendent leurs filets : une écoute téléphonique ou deux, un traçage des accès aux fichiers par le poulet-pigeon, et la messe est dite. Un piège à flics. C’est « la faute grave » comme on dit dans le privé, lorsqu’un patron veut virer son salarié.

En écrivant ces mots, je me demande d’ailleurs qui surveille la police des polices…, surtout maintenant, alors que les sénateurs viennent d’adopter l’intégration de la gendarmerie dans le giron du ministère de l’intérieur…

Donc, pour en revenir à Pichon, le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’est pas raccord dans la police actuelle. Un type qui dérange. L’homme à abattre. C’est fait. D’après Le Nouvel Obs (ici), il a été suspendu de ses fonctions.

Hier, j’ai discuté avec l’un de ses anciens « taulier ». Voici ce qu’il dit de lui : « Atypique, certes, pour un homme de terrain, doté d’un certain sens de la poésie et de la dérision il m’a toujours donné satisfaction en Seine-Saint-Denis où je lui avais confié le commandement des UMS (NDR : l’ancêtre des brigades anticriminalité). Cet aspect  » intello » du personnage, doublé d’un sens inné du commandement font de lui un officier attachant, au charisme incontestable, que certains chefs de service n’ont pas été capables de canaliser. Son image de  » chef de meute » (c’est ainsi que je l’ai qualifié lors de la rédaction de bulletins annuels), s’accommode mal d’une nouvelle génération de commissaires, plus aptes à déférer un officier devant le conseil de discipline qu’à chercher à tirer profit des qualités qu’il est capable de développer sur le terrain. »

Donc un bon flic, un rien marginal. Certains s’interrogent sur ses opinions politiques (ici). Il a écrit un essai sur Céline et il a osé, le bougre, adresser une supplique à Nicolas Sarkozy pour « sortir l’écrivain maudit de son purgatoire littéraire ».
Je ne l’ai pas lue, mais je vais vous dire un truc : si Pichon m’avait demandé de cosigner sa lettre, je l’aurais fait. Céline est pour moi l’un des plus grands écrivains français du siècle dernier et ce n’est pas sous le prétexteles-temps-modernes.1229679439.jpeg qu’il a tenu des propos antisémites durant la guerre qu’il faut priver la génération actuelle de son œuvre. Ceci n’a rien à voir avec cela.

À lire et à écouter ce qu’on dit sur lui, j’ai l’impression de connaître Philippe Pichon. Je crois que le bonhomme dérange par ses réactions imprévisibles. Un peu (dans un tout autre registre) comme dérange Bernard Kouchner en déblatérant sur l’incompatibilité de la politique internationale avec le respect des droits de l’homme.

Il y a ainsi des personnages qui ne sont jamais là où on les attend – car ils sont déjà ailleurs.

Pichon, simple flic

Philippe Pichon est commandant de police, mais il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages, poèmes, essais et romans, dont le plus connu (mais ce n’est sans doute pas le plus important) est Journal d’un flic, aux éditions Flammarion.

commandant-philippe-pichon_rmc-copie.1229511339.jpgCe livre, paru en 2007, dans lequel il parle d’une manière critique de son métier a été plutôt mal perçu par l’administration. Il lui a valu une mise en garde pour manquement à l’obligation de réserve et des soucis à répétition. Je crois que ce n’est pas tant ses propos qui dérangent que ses contacts privilégiés avec les médias. Depuis le passage à l’Intérieur d’un certain Joxe, les policiers ont en effet appris à boycotter les journalistes. Une contrainte qui est devenue au fil des ans une coutume, une règle non écrite.

Pichon n’a pas la quarantaine. Il est en poste au commissariat de Meaux, où il est chargé du transfert des détenus entre la prison et le tribunal. Un job sans aucun intérêt. Un placard.

Son dernier livre, L’enfance violée, aux éditions Flammarion, est – hélas – autobiographique. « On m’avait inscrit contre mon gré à des cours de judo, dit-il dans Paris Match (ici). Tous les mercredis après-midi. Le gymnase était à 50 mètres du magasin de fleurs de mes parents. J’étais à l’époque un garçon timide, réservé, peu sûr de lui (…) Les trois premiers cours s’étaient relativement bien passés (…) Dès la quatrième séance, j’ai senti que le prof se faisait de plus en plus pressant…»

C’est homme est un écorché vif, et l’on se demande s’il est vraiment à sa place dans la police…  C’est d’ailleurs la question que doit se poser sa hiérarchie.journal-dun-flic.1229511594.jpg

Lundi dernier, Philippe Pichon a été convoqué par l’IGPN (la police des polices) et placé en garde à vue. Au moment où j’écris ces lignes, on en ignore les raisons. On murmure que c’est l’aboutissement de l’enquête pour manquement à son obligation de réserve. Mais, selon le Nouvel Obs (ici), « il serait soupçonné d’avoir diffusé des informations confidentielles à caractère professionnel ».

Je n’en sais pas plus. Véritable délit ou acharnement administratif ?

Avocats : les amitiés particulières

Le verdict du procès fleuve contre Antonio Ferrara et ses complices a entraîné la chute de l’avocat Karim Achoui, condamné pour avoir facilité l’évasion de son client. Par le passé, d’autres avocats ont été soupçonnés d’avoir participé à une évasion, soit de façon active, soit simplement en acceptant le rôle d’intermédiaire.

bracelets-aimants_lateteaucube2.1229420499.gifMais, en dehors de ces faits répréhensibles, il naît souvent une relation particulière entre l’avocat et son client, surtout lorsqu’il s’agit de détenus qui encourent de lourdes peines. Il doit être difficile de rester pro et de ne pas se laisser aller à l’amitié, ou plus…

Voici quelques exemples :

En 1976, une jeune avocate (elle a 26 ans), Me Martine Malinbaum, est désignée pour défendre Jacques Mesrine. On l’imagine, tout intimidée de se trouver face à l’ennemi public n°1, et en même temps désireuse de mettre les choses au point d’entrée de jeu : pas de familiarité, pas de services particuliers, etc. Mesrine donne sa parole. Mais il n’est pas insensible aux charmes de la jeune femme. Et dans sa cellule, il fantasme, et il écrit. Une trentaine de lettres enflammées, dont Me Malinbaum a tiré un livre, Mesrine intime, aux éditions du Rocher.

En mai 1978, Mesrine, encore lui, lors d’un parloir avec son avocate, Me Christiane Giletti, grimpe sur la table et récupère sous le faux-plafond les armes et les accessoires nécessaires à son évasion. Comment ce matériel a-t-il atterri dans cette pièce réservée aux avocats ? Cela restera un mystère. Me Giletti est interpellée et passe 48 heures dans les locaux du quai des Orfèvre. Elle bénéficiera d’un non-lieu. Elle a écrit un livre en 1979, Délit de fuite, au Seuil.

Le terroriste Ilich Ramirez Sanchez, alias Carlos, a été enlevé par la DST enmm-ramirez-sanchez_theage.1229421081.jpg 1994, à Khartoum, au Soudan, alors qu’il était sous anesthésie pour subir une opération esthétique destinée à modifier ses traits. Il est condamné à la réclusion à perpétuité.  Depuis 1997, son avocat est Me Isabelle Coutant-Peyre, une collaboratrice de Jacques Vergès. Très vite, elle succombe aux charmes de Carlos, et malgré les menaces du barreau de Paris, elle l’épouse en prison quelques années plus tard. À ce jour, elle est toujours sa femme et toujours son avocate. Et je peux vous dire, pour avoir participé à une émission de Mireille Dumas où elle était présente, qu’elle défend son mari bec et ongles.

Il y a sans doute bien d’autres cas. Si vous en connaissez…

Pour lui avoir emprunté le titre de l’un de ses livres, Les amitiés particulières, la moindre des choses est de conclure sur Roger Peyrefitte : « Il n’y a de bonheur que dans la liberté… »

Des mots qui doivent hanter bien des prisonniers.

Gendarmerie : réforme à la dérive

« Un projet de loi planificateur et liberticide est en cours d’examen au Sénat. Sous les apparences d’une mise au point ou d’une remise en ordre de pratiques existantes concernant le service de la gendarmerie nationale ce texte place la gendarmerie, « arme de défense » par excellence et non simple force de police, dans la dépendance du ministère de l’Intérieur (…) Ce texte ouvre la porte à toutes les dérives. »

gendarme-pourquoi-pas-vous.1229243321.jpgNon, non, ce n’est pas moi qui parle, mais trois anciens directeurs de la gendarmerie nationale (depuis 2004, la gendarmerie est dirigée par un général et plus par un magistrat). Ils ont pris la plume pour écrire une lettre ouverte qu’on peut trouver dans son intégralité sur le site de l’Essor (ici). L’un, Jean-Claude PERIER, est actuellement conseiller d’État honoraire, les deux autres, Jean-Pierre COCHARD et Jean-Pierre DINTILHAC, sont présidents de chambre honoraires à la Cour de cassation. On peut donc légitimement penser qu’ils savent de quoi ils parlent et que leur mise en garde se situe hors de tout esprit partisan.

Alors qu’il était place Beauvau, Nicolas Sarkozy a clairement annoncé qu’il comptait mettre la gendarmerie nationale sous la houlette du ministère de l’Intérieur. Michèle Alliot-Marie, alors ministre des Armées, s’était déclarée opposée à ce projet. Devenu président, M. Sarkozy a confirmé la chose dans un discours de novembre 2007, et Mme Alliot-Marie a mis de l’eau dans son vin. En effet, le mardi 16 décembre 2008, le Sénat doit examiner un projet de loi (n° 499) que la première fliquette de France présente en «urgence déclarée».
Ce texte prévoit le rattachement de la gendarmerie à son ministère. Mais surtout, il supprime deux principes importants de notre démocratie :

En matière de maintien de l’ordre, l’obligation pour l’autorité civile de requérir la force armée.
Le principe de la réquisition de la force armée existe depuis 1789. Il n’a depuis jamais été abandonné. Cela consiste pour l’autorité civile à formuler un ordre écrit, fixant un objectif déterminé, pour obtenir l’intervention de l’armée – et donc de la gendarmerie.
Dans une manif, par exemple, aujourd’hui, le préfet dispose des CRS et – sur réquisition écrite – des gendarmes mobiles.
Demain, il disposera des deux à sa convenance, puisque le commandant territorial de la gendarmerie sera directement sous ses ordres.
On peut se poser la question suivante : Que se serait-il passé dans ces conditions en mai-68 ?
Je cite les trois hauts-magistrats : « [Ce texte] détruit toute garantie tendant à vérifier la légalité et la régularité de l’ordre d’agir donné à la gendarmerie par une autorité requérante civile ou militaire. Remplaçant la règle de la réquisition par un simple ordre verbal, il ouvre la voie à toutes les aventures et d’une simple crise peut faire une émeute et parfois plus. »

En matière de police judiciaire, le choix pour les magistrats de saisir des officiers de police judiciaire dans deux corps différents.
Dans les enquêtes judiciaires, le procureur ou le juge d’instruction peut choisir librement entre un service de police ou un service de gendarmerie. Demain, il pourra encore le faire, à part que les enquêteurs auront tous le même patron.
Je cite toujours : « [Ce texte] est de nature à porter atteinte à l’autorité judiciaire, privée demain de sa liberté et de sa souveraineté en matière de police judiciaire. »

Cette réforme pose bien d’autres questions : pratiques, matérielles, humaines… On a l’impression que rien n’est prévu pour accompagner ce véritable chamboulement qui concerne quand même plus de cent mille hommes ou femmes, et leur famille. Nous en reparlerons. J’aimerais bien avoir l’avis des gens les plus concernés, c’est-à-dire les gendarmes. Mais cette fichue obligation de réserve…

Certains sénateurs partagent les craintes formulées dans cette lettre ouverte, et des amendements sont prévus. Un syndicat de police (ici), Synergie-Officiers (CFE-CGC), lui, est plus critique. Mais il utilise des arguments qui ne rehaussent pas le débat (Il présente ce texte comme « un courrier que l’on peut trouver sur un site de propagande gendarmesque, rédigé par 3 ex-DGN »)

histoire-gendarmerie.1229243373.jpgPour l’instant, en se limitant aux grandes idées, on est en droit de se demander à quoi rime ce bouleversement. Après la centralisation des différents services de police chargés de l’information, du renseignement et de la répression, du moins pour les terroristes (comme ceux de la Corrèze…), on s’achemine maintenant vers une fusion des deux corps ancestraux chargés d’assurer la sécurité « civile » du pays. On peut craindre qu’il s’agisse d’une première étape vers la création d’un nouveau service auquel seraient rattachées toutes les forces de maintien de l’ordre (CRS et gendarmes mobiles).

Il a fallu du courage pour signer cette lettre. Elle soulève de vraies questions. Dont une, qui me turlupine : au nom de l’efficacité et de la lutte sécuritaire, n’est-on pas en train – sans garde-fous – de centraliser trop de pouvoirs entre trop peu de mains ?

Les chiens renifleurs

Lors de la descente antistups dans l’école d’Auch, les gendarmes étaient accompagnés d’un chien pour « renifler » les élèves afin de détecter une odeur éventuelle de substances… illicites. La présence de ce chien pose-t-elle problème ? Est-il normal de pénétrer dans un établissement scolaire avec un chien ?
voyou-le-chien.1229093290.jpgChez les policiers, les douaniers ou les gendarmes, le chien possède une existence administrative. Certes, il n’est pas officier de police judiciaire, mais ses interventions peuvent être «actées en procédure» et à la limite servir de preuves. Dans la disparition de la petite Maddie Mac Cann, au Portugal, les chiens ont détecté à plusieurs endroits de l’appartement et dans une voiture des odeurs de sang… et pire encore (vidéo ici).
On peut regretter d’avoir ainsi transformé nos amis à quatre pattes en indics de police, mais c’est pour la bonne cause. Honnêtement, je crois qu’il n’y a jamais eu une seule bavure. Ce ne sont pas des chiens de combat. Ils sont formés pour détecter la drogue (fin d’une légende : ils ne sont pas drogués), mais aussi les explosifs, les produits incendiaires, les traces de sang ou de restes humains… De nos jours, ce sont les English Springer Spaniel qui tiennent la vedette. Celui de la photo s’appelle Voyou. C’est mon chien. Il n’est pas dressé du tout.

La question subsidiaire qui est apparue sur ce blog est de savoir s’il faut ou non regarder un chien dans les yeux ?
N’ayant pas la réponse, j’ai tenté l’expérience avec Voyou. Je l’ai fixé intensément. Il m’a fixé en retour, l’œil interrogatif, en remuant la queue. Un suspense palpable d’une quinzaine de secondes. Puis il est allé chercher la baballe.
L’expérience est donc incontestable : on peut regarder un chien dans les yeux sans qu’il se montre belliqueux. Mais ce qui me trouble, c’est que parfois, c’est lui qui me fixe intensément (avec amour d’ailleurs). Et je me demande… est-ce que je dois aller chercher la baballe ?

Je fais des digressions, mais c’est pour faire retomber la pression du billet (ici)insigne-cynophile.1229091867.jpg Les gendarmes à l’école. Le débat a été passionné – et passionnant. J’ai relu tous les commentaires ce matin : un véritable roman. Je propose d’ailleurs, si tout le monde est d’accord, que le scénariste qui est venu pomper notre texte, et qui signe 720lignes (ici), nous reverse des droits d’auteur(s).

Cette histoire m’a donné envie de me replonger dans un vieux roman de Michel Déon, La montée du soir. Il parle avec tendresse de son chien, Rhadamanthe : « À petits spasmes, sa truffe hume dans l’air délicieusement froid ces sentiments qui le grisent (…) Tout est là, caché aux autres sens que les siens. Il est le subtil agent de liaison entre deux mondes : son monde en noir et blanc (…) et le monde de son maître… »

Les gendarmes à l'école

La descente des gendarmes à l’école des Métiers d’Auch a profondément choqué l’opinion publique. Il faut dire que la manière dont les faits nous ont été rapportés avait de quoi heurter. Or, il existe une autre version qui circule actuellement sur Internet, celle d’un gendarme. Évidemment, si l’on compare…

gendarme-protecteur_police-info.1228992287.jpgAu hasard, voici par exemple le récit d’un prof cité par La dépêche (ici) :

« (…) Le chien est lancé à travers la classe. Il mord le sac d’un jeune à qui l’on demande de sortir… Je veux intervenir, on m’impose le silence. Une trentaine d’élèves suspects sont envoyés dans une salle pour compléter la fouille. Certains sont obligés de se déchausser et d’enlever leurs chaussettes, l’un d’eux se retrouve en caleçon. Parmi les jeunes, il y a des mineurs. Dans une classe de BTS, le chien fait voler un sac, l’élève en ressort un ordinateur endommagé, on lui dit en riant qu’il peut toujours porter plainte. Ailleurs, on aligne les élèves devant le tableau. Aux dires des jeunes et du prof, le maître-chien lance : « Si vous bougez, il vous bouffe une artère et vous vous retrouvez à l’hosto ». Je me dis qu’en 50 ans, je n’ai jamais vu ça. Ce qui m’a frappé… c’est l’attitude des gendarmes : impolis, désagréables… sortant d’une classe de BTS froid-climatisation en disant : « Salut les filles ! » alors que, bien sûr il n’y a que des garçons, les félicitant d’avoir bien « caché leur came et abusé leur chien ». C’est en France, dans une école, en 2008. »

Et voici la version du gendarme. Il s’agit du major Jeannyck Tribout, qui dirigeait l’opération antidrogue effectuée dans cette école – à la demande du directeur de l’établissement et sur réquisition du procureur de la République.

« Lorsque nous entrons dans la classe de ce professeur, nous sommes 4 gendarmes et un chien de recherche STUP. Nous avons été précédé du directeur de l’établissement qui rentre le premier et explique le but de la visite. Lorsque nous rentrons, nous disons bonjour (nous attendons toujours la réponse du professeur). Nous indiquons aux étudiants comment nous allons opérer et leur demandons de ne faire aucun geste brusque, ne pas regarder le chien dans les yeux et de le laisser travailler. À ce moment-là ce professeur ouvre la fenêtre et déclare « En 50 ans de carrière je n’ai jamais tribout_gdie-saint-pierrepg.1228992364.jpgvu ça, nous sommes dans un état policier » (…) Pendant toute la durée du contrôle, le professeur tourne le dos à la classe, regarde par la fenêtre, il ne verra rien de cette intervention proprement dite et il n’adressera à aucun moment la parole à qui que ce soit… même pas pour soi-disant défendre ses élèves. Le chien n’a agressé personne (…) Aucune personne ne s’est retrouvée en caleçon. Lorsque les gendarmes ont quitté la classe l’un d’eux a effectivement dit « au revoir messieurs dames » car dans les classes précédentes il y avait des femmes, dans celle-ci il n’y en avait pas, mais il n’a jamais été dit « salut les filles ». Ce que le professeur oubli de dire, c’est que lorsque nous avons quitté sa classe, il a dit aux élèves : « Ouvrez vite les fenêtres çà pue »… Cà c’est pédagogique ! »

Voilà ! Au moment où j’écris ces lignes, on n’a pas confirmation de l’authenticité de cette déclaration. On peut la trouver dans son intégralité sur Lepost (ici). Toutefois, le major Jeannyck Tribout existe bel et bien. Et si quelqu’un a utilisé son nom à son insu, je suppose qu’on ne va pas tarder à le savoir.

En attendant, il m’a semblé intéressant de mettre en parallèle les deux versions des faits (ils m’ont été signalés par Jean-Louis Deforges dans un commentaire sur ce blog – ici). C’est une belle leçon de scepticisme.

« Ne croire à rien, pas même à ses doutes » (Goncourt).

Audiovisuel : RFI coupe les ondes courtes

Lors d’un dîner amical réunissant des journalistes de la presse, de la radio et de la télévision, un débat s’est installé, non sur la suppression de la pub à la télévision publique, mais sur l’abandon, par RFI, de ses émissions en ondes courtes.

rfi-autocollant.1228830749.jpgIl faut dire qu’en ce moment, à Radio France International, les gens sont un peu à cran. Depuis que l’ancien patron d’Havas, Alain Pouzilhac, et la journaliste, Christine Ockrent, ont pris les commandes, y a du rififi à RFI. Et les licenciements vont bon train : Richard Labévière, Loïc Hervouët (le médiateur) et Ulysse Gosset. Ce dernier a dressé un portrait de Bernard Kouchner, le compagnon de sa patronne. L’intéressé n’aurait pas apprécié…

Non, non ! J’ai rien dit !… On a trop parlé ici des fouilles à corps intimes pour que je prenne le moindre risque. D’une manière générale, on peut quand même s’étonner de la consanguinité entre les mondes de la politique, des médias et des affaires.

Mais revenons aux ondes courtes. Elles ont la particularité de se réfléchir sur la couche ionosphérique, ce qui permet une très grande portée avec une puissance d’émission relativement réduite. Le seul moyen, m’a affirmé un technicien, d’assurer le maintien des communications en cas de cataclysme universel.

Un truc vieux comme la radio, simple et qui ne coûte pas cher. Enfin qui ne coûtait pas cher. Car RFI est lié à TDF, l’opérateur de réseaux hertziens et des infrastructures (groupe détenu à 42 % par un fonds d’investissement américain), par un contrat d’un autre âge.
Impossible de le rompre. Et impossible de négocier les prix de la location des émetteurs et des antennes. (D’après Wikipédia (ici), RFI dispose de deux sources de revenus : une fraction de la redevance audiovisuelle et une subvention du ministère des affaires étrangères)
Alors, pour justifier l’interruption programmée des ondes courtes, la direction met en avant que les émissions peuvent maintenant être reçues dans le monde entier, et ce à moindre coût, grâce au Web.

Mouais. À part que l’Internet peut faire l’objet d’un contrôle, d’un filtrage, d’un blocage, et qu’il est facile d’identifier l’utilisateur de tel ou tel site. Avec les ondes courtes, pas de contrôle, pas de censure, pas de flicage.

J’utilise ce mot à dessein. Pour retomber sur mes pieds, et revenir à l’objet de ce blog. Mais après tout, de temps en temps on peut parler d’autres choses que des histoires de police, non ! D’autant que j’étais rudement content de les trouver, les ondes courtes, il y a quelques années, lorsque j’étais sur mon bateau (que je m’étais offert après un hold-up sur TF1, en l’occurrence une demi-douzaine de scénarios pour une série franchouillarde).ondes-courtes_denis-loktev.1228830837.jpg

RFI diffuse, par exemple, plus de 20 heures d’émission par semaine en chinois. On imagine la joie, simple mais réelle, que peut ressentir un Chinois en écoutant dans sa propre langue des informations provenant de l’autre bout du monde ! Et de la France, de surcroît, pays encore considéré (à l’étranger) comme la patrie des droits de l’homme.

Et demain, cette liberté d’information serait sous contrôle… Je ne sais pas ce que vous en pensez… S’agit-il du prix à payer pour vendre un Airbus, un TGV, ou je ne sais quoi ?

Ça serait trop moche.

Le Chinois a rendu les clefs

Le commissaire Georges N’Guyen Van Loc est mort ce week-end, à Cannes. Je ne vais pas faire son panégyrique, mais c’était quand même un drôle de bonhomme. On l’aurait dit sorti tout droit d’un film de Hongkong, pourtant il était né au Panier, l’un des quartiers les plus populaires de Marseille. gipn.1228674425.jpg

Pour situer le personnage, un jour, le ministre de l’intérieur, je crois que c’était Christian Bonnet, rend visite à la police marseillaise. Toutes les autorités sont là, en rang d’oignon. Lorsque le ministre passe devant lui, Van Loc l’interpelle : « Vous vous souvenez, Monsieur le ministre, vous m’aviez promis le galon de divisionnaire… » Bonnet fait comme s’il se souvenait. C’est ainsi, raconte-t-on, que le Chinois est passé au grade supérieur. Il le méritait bien. On lui doit entre autres la création des GIPN (groupes d’intervention de la police nationale).

Une autre anecdote, moins drôle pour certains… C’était en février 1987. Une dizaine d’individus s’introduisent dans les locaux de la Caisse d’épargne des Cinq-Avenues, à Marseille. Ils prennent en otages les clients et les employés, soit vingt-deux personnes en tout. N’Guyen Van Loc arrive sur place avec les hommes du GIPN. Les malfaiteurs exigent une rançon de 30 millions de francs, des véhicules, etc. Les pourparlers traînent en longueur. C’est alors que débarque Robert Broussard. Entre les deux commissaires, ce n’est pas l’entente cordiale. On dit que Van Loc voulait en découdre tandis que Broussard préférait négocier…

Broussard prend la direction des opérations. Effectivement, il négocie. Mais tout le monde ignore que pendant ce temps une partie des braqueurs pille les coffres personnels des clients, situés dans la chambre forte, et qu’une autre partie creuse un passage pour rejoindre les égouts. Lorsque finalement les flics donnent l’assaut, il n’y a plus personne. 276 coffres ont été vidés, mais les otages sont sains et saufs. Les flics marseillais sont morts de rire, et l’histoire fait le tour du Vieux-Port, embellie à souhait, comme on l’imagine, au détriment des super flics parisiens.Mais place Beauvau, on n’a guère le sens de l’humour. Van Loc doit faire ses valises et quitter la cité phocéenne.Commissaire Nguyen Van Loc.1228673754.jpg

Il n’a pas dû le regretter, le Chinois. Il a par la suite écrit plusieurs bouquins et il a été le héros d’une série télévisée.La dernière fois que je l’ai vu. C’était il y a des années. À cinq-six mètres de moi, il a fait mine de dégainer. J’ai répondu, of course. Et nous sommes restés ainsi une poignée de secondes à nous menacer d’une arme imaginaire, l’index tendu, le pouce replié, comme des gosses – au milieu de la foule huppée des salons du Palm Beach.

Cette fois, Georges, tu n’as pas dégainé assez vite. L’adversaire était trop fort pour toi.

Poker tricheur

Internet est-il devenu une salle de jeux où tous les coups sont permis ? Un récent reportage de CBS News a révélé la plus grosse escroquerie découverte sur la Toile : vingt millions de dollars.

Joueur poker_musicholdem.1228408024.gifEn fait, ce sont les joueurs de poker eux-mêmes qui ont démasqué les casinos de la triche. Après y avoir laissé des plumes. Il semble que la fraude soit venue d’un salarié du site Absolute Poker. Il serait parvenu à pirater le système informatique, de façon à connaître toutes les cartes des joueurs. Ce qui est encore le meilleur moyen de gagner.

Aussitôt, aux États-Unis, des voix se sont élevées pour autoriser les jeux en ligne, plutôt que de laisser la main libre à des entreprises off-shore, jugées incontrôlables. Et de se lamenter sur toutes ces taxes qui échappent au pays ! « La prohibition représente un élargissement du fossé entre la technologie du XXI° siècle et les lois du XX° Siècle », a écrit le Washington Post. Là-bas, les investisseurs sont dans les starting-blocks (il s’agit d’un marché de plusieurs milliards de dollars). Ils sont persuadés que la nouvelle administration sera plus « conciliante » que celle de George W. Bush, lequel en 2006, a interdit les transferts d’argent sur les sites de jeux, via les banques américaines. Obama en sauveur des casinos ! C’est pas là où on l’attendait, mais enfin…

En France aussi, les jeux d’argent sont interdits sur Internet. Utopie, lorsqu’on sait qu’il existe plus de 500.000 sites qui proposent leurs services… Aussi, le gouvernement a-t-il envisagé de mettre le holà à la prolifération des joueurs hexagonaux en copiant les Américains. Il s’agissait de bloquer les flux d’argent générés par les jeux en ligne, sauf pour la Française des jeux et le PMU – évidemment. Mais Bruxelles a posé son veto, estimant que ce projet est contraire au droit européen. D’autant qu’il reste en suspens la suppression du monopole.

C’est prévu pour 2009. Il est temps, car la France fait actuellement l’objet d’une procédure d’infraction pour avoir maintenu le monopole sur les paris en ligne. Concrètement, déclare le ministre du budget, Éric Wœrth, le gouvernement a décidé de créer une haute autorité (une de plus) qui sera chargée d’accorder les autorisations aux sites qui voudront commercialiser les jeux sur le marché français.

Cela dit, on ne voit pas très bien comment on pourra nous autoriser à jouer sur un site français et nous empêcher de faire la même chose sur un site belge ou italien…

Mais on peut faire confiance aux gens de Bercy : ils vont trouver.

Il paraît bien loin le temps où des truands, les Guérini, Francisci et autres Zemour, se livraient une guerre sans merci pour s’approprier ou conserver le monopole des jeux… Cependant, il y a tant d’argent à gagner, qu’aujourd’hui encore tous les coups sont permis. Mais au moins, le sang ne coule plus.

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