LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Actualité (Page 36 of 71)

Que penser des fuites dans l’affaire Bettencourt ?

Montesquieu se retourne sans doute dans sa tombe et se demande, comme nous, qui a bien pu planquer un dictaphone dans les bureaux de la brigade financière ? Car ces jours derniers, alors que les dépositions enregistrées par la police se retrouvent dans la presse avant même que les témoins ne les aient relues et signées, la frontière entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire ressemble de plus en plus à la ligne Maginot

magicien.jpg« L’ancienne comptable revient sur une partie  de ses déclarations », titrait Le Monde du 8 juillet, avant de corriger le tir par ce nouveau titre : « Quant une rétractation cache une révélation ».

Libération affirme que des extraits des procès-verbaux de Mme Thibout ont été remis aux journalistes, ce que confirme d’une certaine manière Gérard Davet, du Monde : « Le PV qu’on nous donne, il est vrai, mais il est tronqué… » (Arrêt sur images, propos cités par le NouvelObs ).

Étonnant, non ! car si ces choses sont vraies, on n’est plus dans la rumeur ou la contre-rumeur, mais dans la manipulation des médias.

Autrement dit la désinformation.

Alors, évidemment, on s’interroge : en enquête préliminaire, existe-t-il un secret comparable au secret de l’instruction ?

« La procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète », nous dit l’article 11 du Code de procédure pénale. Par cette petite phrase, le législateur fait-il un amalgame entre l’enquête (de police ?) et l’instruction, c’est-à-dire l’information judiciaire ? On s’en fiche un peu,  pas la peine de faire du mal aux mouches, car, au stade de l’enquête préliminaire, les choses sont simples : nul n’a accès au dossier en dehors des enquêteurs et du procureur.

Donc, si des fragments de procès-verbaux ont été remis à la presse, la moindre des choses serait d’ordonner illico une enquête administrative. Ou mieux, pour faire mode, une enquête préliminaire. Et l’on se tourne vers MAM, toujours si discrète. Du temps où elle était ministre des Armées, on dit que les militaires l’avaient surnommée « Lady commandement », ce qui n’était pas méchant. Je me demande comment on l’appelle dans les couloirs de la place Vendôme…

Il y a plein de choses bizarres dans cette affaire. Ainsi, on a vu sur I-Télé Me Georges Kiejman (ancien garde des Sceaux, tout de même), brandir la photocopie des carnets personnels de la comptable de sa cliente, Mme Bettencourt. Or si ces carnets proviennent d’une perquisition (en fait, on ne sait pas trop comment la police a mis la main dessus), il aurait commis un délit prévu par l’article 58 du code de procédure pénale.

Quant aux journalistes qui diffusent des informations sur les enquêtes en cours, leur responsabilité pourrait être engagée si lesdites informations  provenaient de personnes qui concourent à la procédure.

Si leur source se situe à l’Élysée, comme certains le soutiennent, ils n’ont donc rien à craindre.

Et pour revenir à Montesquieu, je me permets un extrait (tronqué) de la préface De l’esprit des lois : « On sent flic_indecis_lesso.1279010442.jpgles abus anciens, on en voit la correction ; mais on voit encore les abus de la correction même… »

Euh !…
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Préliminaires dans l’enquête Bettencourt a été lu  18 907 fois et a suscité 38 commentaires

Préliminaires dans l’enquête Bettencourt

Enquêtes préliminaires tous azimuts. La justice est en marche, disent certains, tandis que d’autres affirment qu’il ne s’agit que poudre aux yeux, le procureur n’étant pas un magistrat indépendant. Mais c’est quoi, « une préli » ?

juge_intimeconviction.1278747173.jpgC’est une enquête effectuée à la demande du parquet ou sur l’initiative des policiers ou des gendarmes, qu’ils soient officiers ou agents de police judiciaire. Dénommée autrefois « enquête officieuse », elle a été encadrée par le Code de procédure pénale et longtemps présentée comme un cadre juridique qui ne permet pas l’utilisation de la coercition. Une enquête à la bonne franquette, quoi !

Au fil des ans, les choses ont un peu évolué, mais pas tellement. Ainsi, les perquisitions au domicile de M. de Maistre et à son bureau de la société Clymène, n’ont pu être effectuées qu’avec le consentement écrit de l’intéressé.

Que se serait-il passé s’il avait refusé ?

Ah, ah ! Tous les vieux poulets se souviennent avoir poireauté des heures devant la porte d’un suspect en attendant la précieuse commission rogatoire qui les autoriserait enfin à pénétrer dans les lieux. Car, en cas de refus de l’intéressé, pas d’autres choix que de saisir un juge d’instruction.

Aujourd’hui, toutefois, le procureur a une autre possibilité : se retourner vers le juge des libertés et de la détention (loi du 9 mars 2004), lequel peut autoriser la perquisition pour les nécessités d’une enquête préliminaire concernant des faits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Ce qui ne semble pas le cas ici.

Enfin, je dis ça… Comme je suis l’un des rares Français à ne pas avoir accès au dossier, je ne connais pas la qualification juridique retenue par le procureur Courroye. On parle de financement illégal de la campagne présidentielle…

Donc, si le gestionnaire de la fortune de Mme Bettencourt avait refusé la perquisition, le procureur aurait dû saisir un juge d’instruction.

Ce qui, vous en conviendrez, n’aurait pas nécessairement arrangé les affaires – ni de l’un ni de l’autre.

D’ailleurs, dans cette même enquête préliminaire, on apprend que les policiers seraient allés chercher la comptable, Mme Thibout, quelque part dans le Gard. Je suppose qu’ils lui ont juste demandé l’heure… Ou tout au plus de bien vouloir se présenter à leur service. Une simple convocation verbale. Car en préli, pas d’arrestation, pas de garde à vue. « La condition préalable au placement en garde à vue est que l’intéressé accepte de se mettre à la disposition de l’officier de police judiciaire », nous précise le commissaire principal Hervé Vlamynck*. Si cette dame avait refusé de suivre les policiers, il aurait fallu que le procureur délivre un mandat de recherche, mandat que les enquêteurs parisiens n’auraient d’ailleurs pu signifier eux-mêmes, pour cause de non-compétence territoriale.

En fait, et pour la petite histoire, deux fourgons de gendarmes et trois voitures de police ont planqué devant le domicile des parents de la comptable, dans le village de Fourques. Informé de cette présence insolite, raconte Midi Libre, le maire envoie son garde champêtre aux nouvelles. Chou blanc. Celui-ci est prié de passer son chemin. Ensuite, lorsque Mme Thibout est sortie, les policiers l’ont gentiment « escortée » jusqu’à Nîmes.

Je vais vous dire, le Code de procédure pénale, c’est un truc qui emmouscaille les flics comme le Code fiscal complique la vie des honnêtes gens fortunés.

Dans cette affaire qui tournicote autour de Mme l’Oréal, le proc a ouvert trois enquêtes préliminaires distinctes, ce qui limite un chouïa le pouvoir des policiers dans l’accomplissement de certains actes, comme une réquisition à une banque suisse, par exemple. Ce facho (sic) de Plenel a donc beau jeu de mettre en doute l’impartialité des enquêteurs, puisque le procureur est aux ordres du ministre de la justice, et que les policiers sont à la fois aux ordres du procureur et du ministre de l’Intérieur…

Aussi, pour nous rassurer sur la justice de notre pays, pour nous ôter l’idée que certains se placeraient au-dessus des lois, et pour faire bourricot-bourricotcome.1278745266.jpgcesser les ricanements venus de l’étranger, il faut évidemment ouvrir une information judiciaire. Et comme en haut de la pyramide du parquet se trouve la garde des Sceaux, la décision lui appartient…

MAM doit se dire que si on avait avancé plus vite dans la réforme pénale, on n’en serait pas là, puisqu’il n’y aurait plus de juges d’instruction.

* Droit de la police (édition 2010), de Hervé Vlamynck, chez Vuibert.
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Aff. Bettencourt : les policiers peuvent-ils enquêter librement ? a été lu 27 771 fois et a suscité 44 commentaires.

Aff. Bettencourt : les policiers peuvent-ils enquêter librement ?

À la brigade financière de Paris, l’air doit être irrespirable. Dans ce service habitué à traiter des « affaires chaudes », la culture du secret est constante, mais ces jours-ci, on doit frôler la parano. Car si les fameux enregistrements du majordome de Liliane Bettencourt masque-a-gaz_comboutique.jpgsont une véritable bombe pour le parti au pouvoir, les policiers doivent se méfier des dégâts collatéraux. Les plus anciens se souviennent sans doute du limogeage de deux commissaires, Yves Lucet et Patrick Riou, à la suite de la mise en examen du ministre de la Coopération Michel Roussin, justement pour  des affaires concernant le financement du RPR. Affaires qui se soldèrent, si j’ai bonne mémoire, par des non-lieux.

Autrement dit, nos flicounets, ils sont en équilibre sur une planche à roulettes.

Mais la question que chacun se pose est la suivante : Vont-ils pouvoir aller jusqu’au bout de leurs investigations ?

La première chose était de confirmer les identités de chacune des voix – ce qui est fait. Ensuite, les choses se compliquent, car en épluchant les conversations des uns et des autres, on peut envisager l’existence de plusieurs délits : fraude fiscale, blanchiment, escroquerie… On a l’impression que la riche et vieille héritière s’est trouvée prise dans un tourbillon de personnages, des comédiens, qui à tour de rôle lui passaient une main dans le dos tandis que de l’autre ils farfouillaient dans ses poches. Et machin qui cherche à lui revendre l’île qu’elle lui a donnée, et trucmuche qui fait venir des valises de billets de Suisse pour qu’elle lui offre le bateau de ses rêves. Tous font semblant de croire qu’elle est en possession de toutes ses cellules grises, et dans le même temps – à tout hasard – ils la placent sous « mandat de protection future ».

mandat-protection_legifrance.1278491713.JPG

(extrait Légifrance)

On aurait presque envie de dire : la pauvre !

Pour en revenir au travail des policiers, à la différence d’une information judiciaire, où leur action tient à la volonté du juge, en enquête préliminaire, il n’y a pas de limites. Et le procureur, me direz-vous… On imagine assez mal M. Philippe Courroye mettre un frein à l’enquête qu’il a lui-même ordonnée. Du moins tant qu’on touche au commun des mortels. Car s’il s’agit d’aller titiller un ministre, les choses ne sont plus les mêmes. Certes, en droit, un ministre ne bénéficie d’aucune immunité particulière, mais uniquement d’un privilège de juridiction (Cour de justice) pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions. Mais dans les faits, on comprend bien que cette procédure compliquée agit peu ou prou comme une protection contre les poursuites (art. 68-1 et 2 de la Constitution). Et si l’on se souvient que dans l’affaire citée plus haut, le juge Halphen avait convoqué le président Chirac comme un quelconque pékin (d’ailleurs sans résultat), on ne voit guère un procureur convoquer un ministre. Et encore moins un OPJ.

Ou alors un OPJ suicidaire.

Quant aux déclarations de l’ancienne comptable de Mme Bettencourt, il est assez simple de confirmer ses propos, puisqu’elle fait allusion à de l’argent retiré aux guichets de banques situées en France. On peut être sûr que c’est déjà fait. Pour les enregistrements clandestins, c’est différent. Il faut wanted_dalton.1278491944.jpgse méfier de ce qui est trop apparent. Le majordome les aurait effectués entre mai 2009 et mai 2010, et cela avec un appareil d’une capacité de 200 heures. Pourquoi « seulement » 21 heures ont été retenues ? Qui a fait le tri ? Sur quels critères ? Qui a décidé ? Qu’y avait-il sur les enregistrements que l’on ne connaît pas ? Que sont-ils devenus ? N’y a-t-il pas eu montage ? Etc. Car s’il est tentant de régler son compte à un ministre un rien arrogant, il ne s’agit pas d’une chasse à l’homme. Il faut rester neutre, impartial.

Pas facile dans le climat actuel.

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Pour le dessin du haut voir le blog de Sanrankune.
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Liliane et les quarante voleurs a été lu 21 886 fois et a suscité 38 commentaires.

Liliane et les quarante voleurs

L’année dernière, Tracfin a reçu 18 104 informations, dont 17 310  « déclarations de soupçon » transmises par les établissements financiers. Y avait-il dans le nombre une note concernant les liasses fernandel-dans-ali-baba-et-les-40-voleurs.jpgde billets retirées chaque semaine du compte bancaire de Mme Bettencourt ?

Si ce n’est pas le cas, son banquier devrait se faire taper sur les doigts, car il a l’obligation de déclarer les déplacements d’argent liquide (de mémoire, à partir de 8.000€).

Mais si c’est le cas…

Pour comprendre le processus, il suffit de se souvenir des mésaventures de Julien Dray. La banque attire l’attention de Tracfin sur des mouvements de fonds suspects. Rien à voir avec Bettencourt. Le député socialiste ne joue pas dans la cour des grands : seulement 300 000 euros étalés sur trois ans.

Après une enquête poussée, la cellule antiblanchiment pond un rapport de 37 pages (qu’on retrouve dans la presse) qui est transmis au procureur de la République. Lequel, derechef, ouvre une enquête préliminaire.

Il semble que l’interprétation du droit soit différente dans l’affaire Bettencourt. Si l’on comprend bien, le procureur de Nanterre était au courant de possibles fraudes fiscales de la milliardaire (avait-il été informé par Tracfin ?), et il n’a pas ouvert d’enquête, se contentant d’en aviser le fisc. Le parquet ne pouvant, d’après ses dires, « décider seul de se saisir d’un fait de fraude fiscale ».

Puis, finalement, on apprend par le JDD, qu’il vient de transmettre « une analyse juridique » à son supérieur hiérarchique, le procureur général de Versailles. Autrement dit, on attend à présent le feu vert de la chancellerie.

Et un petit mot de MAM ?

Je ne sais pas vous, mais moi, je m’y perds un peu. La fraude fiscale est un délit puni de cinq ans de prison. Et le procureur ne serait pas compétent pour engager des poursuites ? Oui, oui, me dit-on, il faut que l’administration fiscale dépose plainte. Mais ici, s’agit-il vraiment de fraude fiscale ? Ne peut-on pas imaginer qu’il se cache autre chose derrière ces mouvements considérables d’argent liquide ? Un autre délit, peut-être.

Ah, les arcanes de la justice…

50 000 € d’argent de poche par semaine ! Pour nous, 50 000 €, c’est un, deux, trois… cinq ans de salaire ou de retraite… Forcément, on s’indigne, et l’on s’interroge : Que pouvait bien faire Liliane Bettencourt de ces espèces sonnantes et trébuchantes ?

Des emplettes ? Impossible au-delà de 3000 € en espèces.

Arroser les partis politiques ? Interdiction de dons en espèces supérieurs à 150 €.

Alors ? Alors, il nous vient un doute. Et si cette vieille dame n’avait jamais vu la couleur de ces billets ? Et si elle était entourée d’une bande d’aigrefins en train de consciencieusement  piller sa fortune ?

Et si la fifille n’avait pas tout à fait tort ?

vautour_lucky-luke.1278235337.jpgIl y a comme un parfum nauséabond autour de l’héritage de l’Oréal. Les milliards de Bettencourt, c’est un peu la caverne d’Ali Baba, il ne reste plus qu’à identifier les quarante voleurs.

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En raison de problèmes techniques récurrents, impossible de donner des chiffres sur le dernier billet.

Les juges : dernier contre-pouvoir

Le litige qui oppose les Bettencourt, mère et fille, n’est pas un simple différend familial, mais bien une affaire politique. On vient d’en avoir la preuve par cette décision hors du commun où le procureur de Nanterre fait appel du magistrat_dreyfusculture.1278052083.jpgjugement qui ordonne un supplément d’information. Pas question de laisser cette magistrate « incontrôlable », Mme Prévost-Desprez, se mêler de cette affaire. Le parquet veut garder la main.

On a l’impression aujourd’hui qu’il existe deux sortes de magistrats : ceux qui marchent à l’ombre du pouvoir et les autres, qui restent fidèles à leur idéal de justice.

Qui a raison ? La justice serait-elle une affaire trop sérieuse pour être laissée à des juges ?

Pourtant, des exemples récents montrent que, lorsque ceux-ci sont aux ordres, systématiquement, ils enfreignent les règles de la procédure pénale.

Raison pour laquelle il faut changer ces règles, avancent certains.

Le procès Colonna, qui vient d’être cassé, est l’exemple parfait d’une enquête sous contrôle et d’un jugement couru d’avance. À vouloir trop en faire, on a oublié qu’il ne s’agissait pas de punir à tout prix un crime odieux, de faire un exemple, mais de juger un homme.

« La première vertu de la justice est l’indépendance (…) Sans indépendance, pas d’impartialité, et sans impartialité, pas de justice », a déclaré Jean-Louis Nadal, le procureur général de la Cour de cassation. C’était en 2007, lors d’une audience solennelle, devant le garde des Sceaux et le Premier ministre. À cette époque, avant les Présidentielles, un souffle d’indépendance chatouillait la haute magistrature. Le gâteau est-il retombé ? On fait tout pour ça. Mais aujourd’hui encore, des hommes et des femmes s’insurgent contre la mainmise de l’exécutif sur le judiciaire. Ils reçoivent peu d’échos, si ce n’est le silence (approbateur ?) de Mme Alliot-Marie. Sont-ils rétrogrades, ces magistrats qui ruent dans les brancards ? Hors du coup, d’une autre époque ? Je ne sais pas. balance_association-autrement.gifCe que je sais, c’est qu’il faut un certain courage pour sacrifier sa carrière à l’autel de ses idées.

Dans notre pays où la démocratie souffre d’une constitution qui remet tous les pouvoirs entre les mains d’un seul personnage, les juges peuvent-ils faire contrepoids ?

Je le crois sincèrement, à condition de mettre de côté (à gauche ?) leurs opinions politiques.

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Le témoin PT02/08 ne répond plus a été lu 1 280 fois et a suscité 11 réactions. Pour répondre à certaines interrogations, sur la difficulté à laisser ou à lire des commentaires, le problème technique semble résolu.

Le témoin PT02/08 ne répond plus

Par un curieux effet de distorsion, dans ce procès de Villiers-le-Bel, on parle surtout des  témoins sous X. Vont-ils venir, ne pas venir, confirmer leurs déclarations, se rétracter… Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce jeu du chat et de la souris ne sied pas à la sérénité d’une cour d’assises.

homme-yeux-bandes_dutronwordpress.1277797831.jpgCe recours à l’anonymat résulte du souci de rassurer les témoins. S’il s’agit le plus souvent d’une initiative des enquêteurs, ce ne sont pas eux qui décident, mais les magistrats. En l’occurrence, le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République ou du juge d’instruction. Et dans une affaire qui touche à la paix publique, on imagine qu’il a dû sérieusement potasser le dossier avant de prendre sa décision…

La marge de manœuvre est étroite, car la justice ne peut être rendue en catimini : une justice qui se cache serait l’aveu de l’échec de notre société. Elle doit donc être publique. Alors comment concilier la protection des témoins et la nécessité de rendre justice ?

En fait, le processus est basé sur un mot qui aujourd’hui semble avoir une connotation obsolète : la confiance.

Dans la pratique, le policier recueille le témoignage par procès-verbal, comme il est fait habituellement, mais à la place de l’état-civil, il se contente de mentionner le numéro d’ordre attribué au témoin. Dans le corps du P-V, il ne doit pas être fait mention d’éléments qui, par rapprochements, permettraient son identification.
C’est le procureur de la République qui est chargé du secret de son état-civil. La révélation de l’identité du témoin sous X tombe sous le coup de la loi (5 ans de prison et 75 000 € d’amende).

Mais il ne faut pas être naïf. Le plus souvent, on sait bien que ce sont les enquêteurs qui tirent les ficelles. Ce sont eux, sur le terrain, qui peuvent trouver le témoin et le convaincre de parler en lui assurant la plus complète discrétion. Le problème devient épineux lorsque ce sont des policiers qui se trouvent parmi les victimes. Comment éviter la suspicion ?

Ainsi, dans cette affaire, on entend dire que certains témoins pourraient être des indics de la police. C’est évidemment un habile moyen pour la défense, laquelle a beau jeu de dire aux jurés que l’accusation porte sur les déclarations des victimes – qui sont des policiers – et sur les témoignages d’inconnus – qui sont sous l’emprise de policiers. Une façon de semer le trouble parmi les esprits : témoin anonyme ou informateur ? Car s’il s’agit d’indics, la jurisprudence considère qu’ils ne peuvent témoigner.

Alors, comment faudrait-il faire ?indien_revedesoleilspaceslive.1277797896.gif Je ne sais pas. On se trouve devant la difficulté classique, habituelle dans le délit de rébellion : le policier peut-il être à la fois la victime et celui « qui punit » la victime ?

« Il ne suffit pas d’avoir juridiquement raison pour être médiatiquement compris », disait le procureur Burgelin. Cette réflexion colle assez bien à ce procès, me semble-t-il.

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Liliane, fais les valises ! a été lu 1 798 fois et a suscité 19 commentaires.

Liliane, fais les valises !

Je ne sais pas si Liliane Bettencourt se souvient de cette phrase de Georges Marchais lorsqu’il apprit que « Mit’rand » s’apprêtait à écorner le programme commun de la gauche ; mais à force de lui chercher valises_flodelirespaceslive.gifdes poux dans la tête, elle aussi, elle pourrait bien les faire, ses valises.

Dans cette histoire à épisodes, qui va finir par devenir le feuilleton de l’été, on retrouve tous les ingrédients de Dallas, l’argent, la politique, le mensonge… (ah non, y a pas de pétrole !), et chacun de se perdre en conjectures. Y a-t-il eu malversation, malhonnêteté, prévarication… ?

Eric Woerth, s’explique, se défend : c’est simple, il n’est jamais intervenu. Quant à sa femme, elle n’était pas au courant des comptes off shore de sa « patronne », ce qui dans une minuscule structure de quelques salariés peut paraître pour le moins surprenant… Mais bon, admettons !

La question que nous, les petites gens, on se pose, est bien plus simple…

Comment un ministre qui gère le budget de la France peut-il trouver normal que son épouse se mette au service de l’une des plus grosses fortunes du monde ? En effet, quelle que soit son intégrité, une telle situation ne peut entraîner que des interrogations, voire de la défiance.
N’a-t-il donc jamais entendu parler de la théorie de l’apparence ? Ce principe rabâché par la Cour européenne des droits de l’homme qui, appliqué au cas présent, donnerait : il ne suffit pas de se savoir honnête, il faut aussi montrer qu’on l’est.

Car les choses de la vie publique ne doivent pas seulement exister, elles doivent être visibles de tous et compréhensibles pour tous. Un gouvernement qui prêche l’exemplarité de la peine en matière pénale doit facilement comprendre ça, non !

Il suffit juste d’un peu de jugeote.

Les gens qui nous dirigent auraient-ils perdu à ce point la notion des réalités pour que cela ne leur saute pas aux yeux ?

Et puis, d’un coup, une autre question nous taraude : a-t-on fait des concessions pour éviter que Mme Bettencourt ne quitte le pays ? Existe-t-il des règles fiscales à géométrie variable selon qu’on s’adresserait à une riche héritière, à un joueur de foot ou à Madame Michu ?

Le fameux bouclier fiscal ne serait-il pas suffisant pour retenir les grosses fortunes ?

En tout cas, cette histoire fait naître le doute…

Liliane Bettencourt a déclaré qu’elle allait régulariser sa situation. Sous prétexte qu’elle a acheté une île, comme d’autres s’achètent une Breitling, ou qu’elle s’est offert un « artiste », comme autrefois, les vieux messieurs s’offraient une danseuse, on veut nous faire croire qu’elle est gaga. Mais en fait, c’est la seule à parler net dans cette affaire. Alors, attention ! À force de la titiller, elle pourrait bien décider de bazarder l’Oréal et de faire ses valises…

Le géant suisse de l’alimentaire, cocotiers_lespac.jpgNestlé, qui détient déjà 30% du capital de l’Oréal, est à l’affût. Ce groupe rêve depuis des années de récupérer les 30% de la famille Bettencourt. Pas de mon vivant, aurait dit Liliane.

Ma pauvre dame (?), je crains bien que vous ne soyez plongée dans « un monde impitoyable ».

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Les incidents techniques à répétition qui perturbent ce blog m’empêchent de donner les statistiques du billet précédent.

Y avait-il un micro dans les douches ?

Dans la police, lorsqu’on a un tuyau qui provient d’une écoute, d’une esgourde, d’un zozor, on dit qu’il s’agit d’un indic, un tonton, quoi ! Dans les vestiaires de l’équipe de France, le vocabulaire est différent, mais le résultat est le même.

Le plus facile pour sonoriser une pièce, m’a dit un spécialiste, est d’utiliser un quelconque téléphone enigme-picsou.jpgportable, à condition qu’il soit muni de la fonction « décrochage automatique ». On coupe la sonnerie et l’éclairage du cadran, et, lorsqu’on lance un appel sur ce mobile, on peut capter tout ce qui se dit autour. Bien sûr, c’est du bidouillage, il existe des moyens autrement plus sophistiqués.

Mais, amateur ou professionnel, derrière la technique, il y a une main, comme on dit au foot. Il faut donc se poser la question : à qui profite le crime ?

En tout cas, à aucune des stars du ballon rond. Eux, ils ont joué (si l’on peut dire) et ils ont perdu. Mais alors, qui y gagne ?

Par habitude, les yeux se tournent vers l’Élysée… Ah non, pas cette fois ! D’ailleurs le patron des lieux a envoyé sa  Roselyne au charbon. Ordre de mission : regonfler le moral de la troupe. « Ce sont vos gosses, nos enfants, pour qui peut-être vous ne serez plus les héros », leur a-t-elle susurré. On aurait dit Malraux devant le Panthéon dans l’hommage à Jean Moulin : « C’est la marche funèbre des cendres que voici (…)  Et depuis sont nés seize millions d’enfants… »
Elle est parvenue, paraît-il, à leur tirer une larme à ces grands gaillards. C’est vrai qu’il est plus facile de leur tirer une larme que de leur faire tirer un but…

Bon, il y a le cas Woerth. On est bien obligé de s’y arrêter, car pendant que l’on suit les rebondissements du ballon rond, on oublie la réforme des retraites et même (un peu) ses problèmes de couple. À noter pourtant que ce ministre qui a tant communiqué sur sa lutte contre l’évasion fiscale va se faire coiffer au poteau par son jeune successeur, lequel va probablement doubler le score sur une seule tête.

C’est vrai que ces jours derniers, on ne parle plus guère non plus de l’affaire de Karachi, ni de la plainte pour corruption déposée contre le club de Balladur pour une lointaine histoire de rétrocommissions. Je ne sais pas si ce monsieur a un alibi, mais on ne l’a pas vu dans les gradins ces temps-ci – ni avant d’ailleurs.

Donc, exit nos élites de la liste des suspects. Quant à TF1, on peut l’exclure aussi, vu que la chaîne va y laisser des plumes. Bon, vous me direz,  Bouygues vient de récupérer le marché pour la rénovation du vélodrome de Marseille, c’est quand même un beau lot de consolation, non!

Alors, il y a la presse écrite. Ca ronronnait dur en Afrique de Sud, à tel point que les Français commençaient même à se désintéresser de leurs joueurs, et patatras ! L’Équipe nous affiche un titre que même dans ce modeste blog je n’ose reproduire. On en est baba. On s’interroge… Et finalement la solution de l’énigme se trouve (peut-être) dans Le Monde du 22 juin : « (…) Il n’existe plus dans le stade, qu’un lieu sanctuarisé : le vestiaire. Là où, par chance, la langue de bois peut se volatiliser (…) Deux journaux en France se livrent une lutte sans  merci pour recueillir les propos qui ont pu s’échanger dans ce huis-clos : l’Équipe et Le Parisien. »

Sans merci, jusqu’à quel point ?
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Post-scriptum : Je
présente mes regrets pour avoir osé raconter cette fable sur un sujet coq-gaulois_bondy-blog.jpgqui n’est pas de mon ressort (sauf les écoutes). Mais j’ai une excuse : on ne parle que de ça.

Cela dit, je suis Français, moi, et je ne démissionnerai pas !

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Le dictaphone du majodorme de Mme Bettencourt a été lu 26 934 fois et a suscité 18 commentaires.

Le dictaphone du majordome de Mme Bettencourt

Rien de plus simple que d’écouter les conversations de la dame la plus riche de France, il suffit d’un matériel basique que l’on peut trouver n’importe où. telephone_design-technology.1277105849.JPG« Elle est bien mal conseillée, m’a dit un spécialiste du contre-espionnage. Lors de la dernière campagne présidentielle, par exemple, les deux candidats de tête ont dépensé pas loin de cent mille euros rien que pour s’assurer qu’il n’existait ni micros ni écoutes téléphoniques dans leurs locaux. » Un « dépoussiérage » qui est devenu une habitude dans les entreprises pour éviter l’espionnage industriel, la manipulation du cours de bourse, sauvegarder le secret d’une campagne de pub, etc. Une mission facturée quand même entre 300 et 500 euros de l’heure !

Mais il existe des gadgets plus sophistiqués que le « dictaphone du majordome ». Et ce n’est plus affaire de spécialistes. Leur utilisation est tellement simple que n’importe qui peut se découvrir des talents de parfait petit espion. Il n’existe pas bien sûr de statistiques officielles, mais peu de domaines échappent aujourd’hui aux oreilles indiscrètes. Les écoutes tous azimuts sont devenues un véritable fléau de la société moderne. Et si les services de l’État sont les premiers utilisateurs,  a contrario, le gouvernement tente de freiner la vulgarisation de ces matériels auprès du grand public.

C’est l’une des raisons du décret signé par le Premier ministre en juillet 2009, pour créer une agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, appelée ANSSI. Ses missions sont multiples, mais elle vient de publier un document qui rappelle « que l’intimité de la vie privée et le secret des communications électroniques sont protégés par la loi. Leur violation, la vente au public et l’utilisation de dispositifs d’écoute sont illégales et passibles de poursuites judiciaires ». Un an de prison et 45 000 euros d’amende, que ce soit pour l’utilisation, la détention, la vente et même la publicité de ces matériels.

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Même si le dictaphone du majordome s’est transformé en bombe politique, il faut bien reconnaître que les simples écoutes  sont dépassées. Aujourd’hui, le téléphone portable a changé la donne. Les renseignements les plus importants ne sont plus dans les conversations, mais plutôt dans le comportement, les déplacements, les habitudes… En fait, extrait-pub-espion-mobile2.1277106687.jpgce sont les traces que nous laissons derrière nous, dans notre vie de tous les jours, qui nous trahissent le plus.

Et pourtant, dans une poche ou dans un sac, on le trimballe tous ce satané portable, ce sycophante des temps modernes.

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Un léger problème technnique sur ce blog m’empêche de donner les statistiques du dernier billet.  

Argent sale en main propre

3.000 euros – et pas un kopeck de plus. C’est la somme maximale qu’un Français est autorisé à payer cash lorsqu’il effectue un achat. C’est un décret de mercredi dernier qui vient de fixer ce seuil.

picsou.pngOn comprend bien qu’il s’agit là de lutter contre l’argent sale.

Ce qui m’a agacé dans ce décret, c’est que le même jour, je découvrais les comptes de campagne d’Edouard Balladur. Vous savez, ce Monsieur, soutenu par Nicolas Sarkozy, qui s’est pris une veste aux Présidentielles de 95…

« La réalité (…) c’est que le financement en espèces n’a nullement été inventé par moi, qu’il est autorisé par la loi à concurrence de 20 % du total des dépenses… » C’est ce qu’il a déclaré le mois dernier, devant la Mission d’information sur les circonstances entourant l’attentat de Karachi. Pour se dédouaner de toute commission occulte, il se justifie, chiffres en main : sa campagne électorale a coûté environ 90 millions de francs (dont 30 millions remboursés par l’État), il avait donc droit à 18 millions de francs en espèces – et il n’en a utilisé que 13 (environ 2.300.000 euros).

Le brave homme !

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Extrait des déclarations d’Edouard Balladur devant la Mission d’information sur les circonstances entourant l’attentat de Karachi.

Mais tout ça, c’est du vieux. Depuis, les choses ont dû changer, me suis-je dit. Eh ben non ! La dernière campagne présidentielle a coûté environ 76 millions d’euros à l’ensemble des candidats (dont 45 millions remboursés par l’État).

Ce qui fait donc environ 15 200 000 € en espèces.

Évidemment, si l’on compare aux 700 € par mois que touche un retraité au « minimum vieillesse », on est un peu perdu dans les zéros.

Et pour 1,40 € de plus, j’apprends dans Le Monde, reprenant des informations de Médiapart et de Marianne, que le gestionnaire de la plus grosse fortune de France (celle de Liliane Bettencourt), par ailleurs patron de Mme Woerth, saupoudre de subsides certains personnages politiques, « Une pincée pour machine, une lichette pour truc… »

Je ne sais pas si c’est vrai, mais comme les dons supérieurs à 150 € doivent être réglés par chèque, c’est facile à vérifier.

Pourquoi j’ai parfois l’impression qu’on nous prend pour des cons ?

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« Libérator » a-t-il tort ? » a été lu 2 099 fois et a suscité 10 commentaires.
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