LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Actualité (Page 14 of 71)

Des agents paramilitaires pour affronter les pirates de la mer

Nos parlementaires viennent d’adopter une loi autorisant la mise en place d’une force armée privée à bord des navires de commerce. La France, deuxième puissance maritime mondiale (presque à jeu égal avec les États-Unis) est pourtant l’un des derniers pays d’Europe à franchir ce cap. Il n’a pas dû être facile pour nos autorités de déléguer ainsi au « privé » le devoir régalien d’assurer la protection des personnes et des biens. Mais dans une société où les comptables sont rois, l’enjeu était trop gros : un préjudice évalué entre 7 et 12 milliards d’euros. D’autant que certains armateurs français louchaient vers les pays où il existe déjà des sociétés militaires privées, envisageant même de changer de pavillon.

CaptureLa loi a mis près de deux ans à sortir du chapeau. Elle est compliquée, contraignante et un rien timorée, au point de se demander si les entreprises françaises qui vont se lancer dans l’aventure parviendront à rester concurrentielles ? Il faut l’espérer, car c’est un marché en pleine expansion. Continue reading

La justice européenne cherche à s’imposer

Alors que la coopération européenne bat son plein dans la police, le système judiciaire est à la traîne. Il faut dire que si les États soutiennent haut et fort la lutte transfrontière contre la criminalité et le terrorisme, bien peu sont prêts à abandonner leur souveraineté, notamment en ce qui concerne le déclenchement de l’action publique, autrement dit, l’initiative des poursuites. Raison pour laquelle le traité de Lisbonne, applicable depuis fin 2009, apporte des garanties aux États membres lorsque certaines mesures risquent de mettre en cause leur justice pénale, comme la définition des infractions, le barème des sanctions ou la création d’un parquet européen. Le garde-fou consiste en une clause dite « frein-accélérateur » que les États membres peuvent évoquer pour bloquer une décision ou au contraire demander un renforcement de la coopération.

Eurojust_LogoLe traité de Lisbonne pose le principe d’un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect des droits fondamentaux et des différents systèmes et traditions juridiques de chaque pays de l’Union. Il définit une coopération accrue en matière de justice civile et pénale par le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions – ce qui implique le rapprochement des législations nationales et l’application de règles minimales communes. Continue reading

Le mandat d’arrêt européen : arrestations sans frontière

Après un procès dérangeant qui aurait sans doute inspiré Jean de la Fontaine, Jérôme Kerviel a entamé un bras de fer avec la justice, attendant, sous l’œil bienveillant des médias, que les forces de l’ordre viennent le chercher de l’autre côté de la frontière italienne – mais au sein de l’Europe. Ce fait-divers braque les projecteurs sur l’avancée la plus importante de l’UE en matière de justice et de police : le mandat d’arrêt européen (MAE).

Touriste de bananes de Georges Simenon, illustré par Loustal (Vertige Graphic)

Touriste de bananes de Georges Simenon, illustré par Loustal (Vertige Graphic)

En effet, l’extradition n’existe plus entre les États membres de l’Union. La France a entériné la chose en 2003 en modifiant sa Constitution : « La loi fixe les règles relatives au mandat d’arrêt européen en application des actes pris par les institutions européennes ».

L’extradition a donc été remplacée par un système « basé sur la confiance réciproque » qui consiste à remettre au pays demandeur les personnes condamnées, comme Jérôme Kerviel en France, ou celles qui font simplement l’objet de poursuites pénales. On ne parle donc plus d’une personne extradée mais, en l’absence de synonyme, d’ « une personne dont la remise a été demandée ».

Le vieux principe selon lequel la France n’extrade pas ses nationaux a donc vécu. Il s’est incliné devant la citoyenneté européenne. Continue reading

L’Europe bouscule la procédure pénale

L’adoption en urgence de la loi relative au renforcement des droits des personnes dans le cadre des procédures pénales montre combien on a du mal à suivre le rythme de l’Europe. Il faut dire que nos méthodes d’investigation sont souvent en contradiction avec les directives européennes. Celles-ci tentent en effet d’installer une harmonisation basée sur une procédure orale, publique et accusatoire ; aux antipodes de celle que nous appliquons qui, elle, est écrite, secrète et inquisitoire.

Cette divergence explique en grande partie pourquoi l’avocat a du mal à faire son trou dans l’enquête pénale, du moins en amont du jugement ou de l’instruction judiciaire. Car notre système est basé sur un postulat : une personne soupçonnée d’un crime ou d’un délit est présumée innocente. Et un innocent n’a pas besoin d’un défenseur. On pourrait presque en faire un syllogisme dérisoire si nos prisons n’étaient pas en partie remplies de « présumés innocents ». Continue reading

Juges et journalistes : secret de l’instruction contre secret des sources

Après la publication d’extraits d’écoutes téléphoniques judiciaires, Nicolas Sarkozy, dans sa lettre aux Français, s’interroge : « Qui a donné ces documents alors même qu’aucun avocat n’a accès à la procédure ? Les seuls détenteurs en sont les juges ou les policiers… Sont-ils au-dessus des lois sur le secret de l’instruction ? » Et simultanément, son avocat, Me Herzog, d’annoncer le dépôt d’une plainte.

Ecoutes L’affaire est intéressante, car, lorsqu’il y a des fuites dans une procédure, il est de coutume d’en accuser les avocats. Il faut dire que c’est souvent le cas, les avocats, et surtout les pénalistes, aiment à briller dans les médias. Et les renvois d’ascenseur ne sont pas rares… Mais ici, il semble bien que les juges aient tenu ces écoutes secrètes jusqu’au dernier moment, quelques semaines après la nomination du nouveau procureur national financier, Mme Houlette, dont les compétences s’étendent de la fraude fiscale au blanchiment, en passant par la corruption et son duplicata, le trafic d’influence. Ce sera donc l’un des tout premiers dossiers du nouveau parquet « mains propres ». Je ne sais pas si le procureur de Paris a été consulté Continue reading

Affaire Le Roux : 35 ans d’enquête

Pour la troisième fois, l’ex-avocat Maurice Agnelet passe devant une cour d’assises pour le meurtre de sa maîtresse Agnès Le Roux, riche héritière du Palais de la Méditerranée, à Nice. Un procès qui se déroule à Rennes et qui devrait durer quatre semaines.

« Je me suis souvent demandé par exemple si Dieu régnait sur les chiffres. » (Jeanne Moreau dans La Baie des Anges, 1962)

L’affaire démarre le 22 octobre 1977. Ce jour-là, Madame Renée Le Roux écrit au procureur de Nice pour signaler qu’elle est sans nouvelles de sa fille depuis plusieurs semaines. Personne, ni au parquet ni au commissariat, ne prend la chose au sérieux : Agnès est considérée comme une fugueuse d’habitude et ses relations avec sa mère sont exécrables.

D’autant que quelques mois plus tôt, lors du conseil d’administration pour renouveler le mandat du PDG du Palais, la jeune femme avait voté contre elle. Et Renée Le Roux avait dû laisser la place à son concurrent direct, le sulfureux patron du tout nouveau casino Le Ruhl (voir les différents billets sur ce blog). Continue reading

Un monde à l’écoute

Il y aurait environ 40 000 interceptions judiciaires par an et, ces jours-ci, deux petites écoutes téléphoniques de rien du tout n’arrêtent pas de faire parler d’elles. Les avocats affirment qu’il s’agit d’une violation des droits de la défense, un syndicat de magistrats défend sa corporation en disant que les avocats font du corporatisme, et Le Canard dégaine sa plume et surprend la garde des sceaux les doigts dans le pot de confiture. Et nous, on n’y comprend rien.

EcouteAlors, en évitant de surenchérir sur les cours de droit professés dans la presse (ça doit être dur d’être journaliste), on peut élucubrer sur la manière dont les juges nous surveillent. Car il est bon de rappeler que même un non justiciable peut faire l’objet d’une écoute. Il suffit d’être en relation avec un suspect. Ou de fréquenter un lieu… branché comme un bar, un bureau…, n’importe quel endroit où la personne visée est susceptible de décrocher le téléphone. Le juge d’instruction détient en effet de l’article 81 du code de procédure pénale un pouvoir d’ingérence dans la vie privée qui n’est limité que par son professionnalisme. La décision d’interception dépend de lui seul, elle est écrite et ne souffre d’aucun recours. La bonne règle veut d’ailleurs que l’impétrant ne soit pas informé puisque le plus souvent les procès-verbaux ne rejoignent la procédure qu’en fin de parcours – et parfois il n’y en a pas. Continue reading

Garde à vue : cumul et saucissonnage

L’ex-policier municipal suspecté dans l’enquête sur le quadruple meurtre de Chevaline a été blanchi après trois jours de garde à vue. Mais il n’a pas été libéré, enchaînant une nouvelle garde à vue pour une affaire incidente. Une même personne peut-elle ainsi être placée sous contrainte de police plusieurs fois et sans limitation de temps ou existe-t-il des garde-fous pour éviter les abus ?

ChevalineComme souvent, le précepte est fixé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme dont les dispositions de l’article 5 § 3 édictent l’obligation de traduire « aussitôt » toute personne détenue devant un magistrat, dans le but de « réduire au minimum le risque d’arbitraire ».

Afin d’éviter toute tentation pour un OPJ ou un magistrat de contourner ce principe soit en fractionnant la garde à vue soit en enchaînant plusieurs gardes à vue pour des faits différents, la Cour de cassation s’est penchée à plusieurs reprises sur ce sujet. Continue reading

Procureur, une fonction ambiguë

La boulette de Madame Taubira remet en scène le feuilleton de l’indépendance du ministère public. Certes, rien ne s’opposait à ce que la ministre de la Justice propose un autre poste au procureur général de Paris, François Falletti ; mais après avoir affirmé, il y a moins d’un mois, que les conditions de nomination des magistrats de parquet devaient être inscrites dans la Constitution, cette démarche laisse sans voix.

En effet, seuls les juges du siège sont inamovibles (article 64 de la Constitution), ce qui garantit leur indépendance. Tandis que les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des Sceaux. Raisons pour lesquelles la Cour européenne estime que le ministère public ne peut pas être considéré comme une autorité judiciaire au sens de l’article 5 – 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Alors pourquoi ces atermoiements ? Pourquoi ne pas réformer une fois pour toutes ? Continue reading

La police va re-géolocaliser

Lundi 20 janvier, le Sénat examine en séance publique le projet de loi sur la géolocalisation judiciaire. L’objectif est de redonner aux policiers et aux gendarmes le droit d’utiliser les moyens techniques pour surveiller les déplacements des personnes suspectées d’un crime ou d’un délit. Un procédé utilisé de longue date mais brutalement interrompu le 22 octobre 2013 par une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Filoche par géolocalisation

Filoche par géolocalisation

La loi qui doit être votée dans les jours prochains (selon la procédure accélérée) viendra inscrire deux articles nouveaux dans le code de procédure pénale, et un dans le code des douanes. Elle ne vise pas la géolocalisation a posteriori – celle qui est la plus indiscrète et qui permet de reconstituer notre passé – mais uniquement la géolocalisation en temps réel. En pratique, deux techniques dominent: la balise (GPS ou radio) et le bornage du téléphone portable.  Continue reading

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