LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Actualité (Page 13 of 71)

Police, justice, etc. : Ce qui va changer en 2015

En début d’année, il est courant de prendre de bonnes résolutions. Pour les policiers, magistrats et gendarmes, c’est une nécessité : 2015 s’annonce chargée. Le changement est en marche, souvent sous la pression européenne. Dès le 1er janvier, plusieurs mesures modifient le déroulement de l’enquête pénale, d’autres l’application des peines. Et certaines égratignent nos libertés individuelles. Sans porter aucun jugement, voici un panorama laconique des principales modifications :

Audition libre dans l’enquête : Dorénavant, toute personne soupçonnée d’avoir participé à un crime ou un délit (puni d’une peine d’emprisonnement) qui fait l’objet d’une audition libre a le droit d’être assistée par un avocat. Celui-ci peut, comme lors d’une garde à vue, recommander à son client de parler ou de se taire ; mais il peut, en plus, lui conseiller soit de rester soit de partir.

Jusqu’alors, le suspect ne pouvait bénéficier que de conseils juridiques obtenus dans une structure d’accès au droit (maisons de justice et du droit, antennes de justice, point d’accès au droit, associations…)

La personne entendue librement (ce qui suppose qu’elle soit là de son plein gré) bénéficie donc des mêmes droits que si elle faisait l’objet d’une garde à vue. Mais il lui appartient de régler les honoraires de son avocat, sauf si ses ressources lui permettent de prétendre à l’aide juridictionnelle. Elle peut également renoncer à l’avocat et se débrouiller toute seule.

Confrontation de la victime avec son agresseur : Si la victime de l’infraction doit être confrontée au suspect, elle aussi, a la possibilité d’être assistée d’un avocat, dans les mêmes conditions tarifaires que ci-dessus.

Contrainte pénale : Cette sanction peut remplacer l’emprisonnement Continue reading

Le droit des victimes : de la compassion à la justice réparatrice

Dans le procès Xynthia, la condamnation de René Marratier, l’ancien maire de La Faute-sur-Mer, à quatre ans de prison ferme a surpris nombre de personnes et a fait réagir au quart de tour la journaliste du Monde Pascale Robert-Diard. Dans l’hebdomadaire de notre journal favori, malgré les caractères ridiculement petits qui sont une invitation à ne regarder que les pubs, chacun a pu apprécier l’envolée littéraire qui s’éloigne de la chronique judiciaire pour interpeller son lecteur. Même si l’image du Christ crucifié qui illustre l’article frise le mauvais goût et aboutit d’ailleurs à desservir les propos, puisqu’en théologie, la victime est offerte pour le salut de l’homme. À moins que la croix de Tau ne soit comme un message subliminal, mais alors, là, je n’ai pas imprimé.

Extrait du magazine du Monde

Extrait du magazine du Monde

Pour ceux qui n’ont pas lu l’article, la journaliste égratigne (à la hache de guerre) une justice qui s’éloigne du droit pour tomber dans le compassionnel, transformant le tribunal en « une sorte de Mireille Dumas judiciaire ». Continue reading

Sivens : l’État est-il responsable ?

L’enquête de l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) n’a relevé aucune faute professionnelle de la part des gendarmes mobiles dans l’action de maintien de l’ordre qui a conduit à la mort de Rémi Fraisse, dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014.

Le maréchal des logis-chef J., qui a lancé la grenade mortelle, a utilisé une arme autorisée par les règlements pour accomplir un acte autorisé par la loi.

Mais alors, personne ne serait responsable de la mort de ce jeune homme !

Pas si vite. Cette enquête permet juste de soutenir qu’aucun gendarme présent sur le terrain n’a commis une faute professionnelle. Il appartient maintenant aux juges de déterminer s’il peut y avoir une ou plusieurs personnes responsables tant sur le plan pénal que civil, voire si la responsabilité de l’État peut être engagée. Car le maintien de l’ordre relève exclusivement du ministre de l’Intérieur (art. D. 211-10 du CSI), donc de son représentant au plan du département, le préfet. Continue reading

Pourquoi on a besoin de la Cour européenne des droits de l’homme

Lorsque Manuel Valls fait des déclarations qui vont à l’encontre d’une récente décision de la CEDH sur les enfants nés d’une mère porteuse, on s’interroge ; lorsque Jean-Yves Le Drian récuse l’idée que les militaires et les gendarmes puissent se syndiquer ou lorsque Bernard Cazeneuve soutient le bien-fondé d’une loi antiterroriste qui tripatouille la Convention européenne, on s’inquiète ; mais lorsque David Cameron affirme qu’il veut sortir le Royaume-Uni de la justice européenne, on comprend tout : l’Europe dérange.

La communication anti-européenne a pris son envol. L’Europe, bouc émissaire idéal ! Et, au vu des récentes déclarations de Nicolas Sarkozy et de Marine Le Pen sur l’espace Schengen, il n’est pas exclu qu’elle ne devienne un argument électoral fort lors des Présidentielles de 2017.

La CEDH

Palais des droits de l’homme à Strasbourg (site CEDH)

Or, si l’on peut s’interroger sur le poids de l’Euro ou celui d’une fiscalité disparate dans nos misères de tous les jours, les attaques contre la cour de Strasbourg sont beaucoup moins lisibles. Elle n’est que l’outil qui permet de faire respecter les droits fondamentaux reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme. Elle donne aux Européens la possibilité de faire condamner leur pays si ces droits ont été violés. C’est la seule arme légale pour freiner la tendance actuelle à piétiner les droits de l’homme. C’est un symbole, celui des valeurs partagées par 800 millions de personnes au sein de la grande Europe. Juste l’idée d’une zone de paix et de liberté. Continue reading

Quinzième loi antiterroriste

Cette année 2014 est celle des commémorations. Les principaux chefs d’État ont rendu hommage à ces hommes qui ont mis leur sécurité entre parenthèses au nom de la liberté. Aujourd’hui, on nous soutient que nous devons mettre nos libertés entre parenthèses au nom de la sécurité.

Capture

Commémoration du débarquement, 6 juin 2014 (capture d’écran, cliquer sur l’image pour voir la vidéo)

Nous vivons une époque troublante. Un monde paradoxal où la France est hélas dans le groupe de tête. Avec un chef qui marche à tâtons, sauf lorsqu’il s’agit de faire la guerre, et une gauche qui ravale les idées qu’elle a si longtemps défendues. Même là où on l’attendait le moins. Ainsi, pour faire passer cette nouvelle loi liberticide destinée à lutter contre le terrorisme, on manipule nos peurs. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, soutient que la menace d’attentat est d’autant plus dangereuse qu’elle est diffuse ; tandis que le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, va plus loin en affirmant que « nous sommes au bout du fusil ». Quant au député Jean-Jacques Urvoas, qui chaque mois qui passe doit manger son chapeau, il nous explique le revirement de son parti en affirmant avoir « accès à des informations que nous n’avions pas dans l’opposition ». Quelles informations ? Nous ne sommes pas habilités à les connaître. Dans notre société, il y a les sachants et les autres. Nous. Continue reading

Les forces de l’ordre peuvent-elles tirer sur un fuyard?

La semaine dernière, un jeune homme soupçonné de braquages a été abattu alors qu’il avait été extrait de la maison d’arrêt de Strasbourg pour être présenté à un juge d’instruction. Il semblerait que le chauffeur du véhicule, un gendarme adjoint volontaire (GAV), ait voulu venir en aide à sa collègue aux prises avec le détenu sur la banquette arrière. Il s’est arrêté sur la bande d’arrêt d’urgence de l’A35 et, dans l’altercation qui a suivi, un coup de feu est parti. Hocine Bouras, âgé de 23 ans est mort d’une balle dans la tête.

Les faits ont été qualifiés comme des « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner commises par un dépositaire de l’autorité publique ». Une infraction criminelle passible de 20 ans de réclusion. Pourtant, le juge d’instruction n’a pas mis le gendarme adjoint en examen, comme le réclamait le procureur de la république Bernard Lebeau. Il l’a placé sous le statut de témoin assisté.

Cette différence d’appréciation est un révélateur. Continue reading

Le secret de l’instruction a-t-il encore un sens ?

Le procureur de Paris vient d’ouvrir une information judiciaire contre X pour violation du secret de l’instruction dans l’enquête mettant en cause Nicolas Sarkozy. Il aura donc fallu que l’une des nombreuses fuites concerne le barreau de Paris pour que la justice s’intéresse enfin aux manquements répétitifs à l’un des éléments clés de l’instruction judiciaire : le secret.

C’est un article du Monde citant un mail du bâtonnier Pierre-olivier Sur qui a fait déborder le vase. Du coup, le X est facilement identifiable. Au point que le directeur du journal qui abrite ce blog a pris la plume dans le numéro de dimanche dernier estimant que cette enquête « vise purement et simplement à identifier les sources du Monde. Ou à les intimider ». Il rappelle d’ailleurs que les journalistes ne sont pas astreints au secret de l’instruction.

Pas plus que vous et moi. Le secret de l’instruction et de l’enquête ne s’impose qu’aux personnes qui concourent à la procédure : magistrats, greffiers, policiers, gendarmes, experts, interprètes… Continue reading

Tarnac : la filoche s’effiloche

Rarement une simple filature aura fait couler autant d’encre. Ou du moins le procès-verbal qui la retrace, le fameux P-V 104, qui est paraît-il bourré d’invraisemblances. D’après la presse, et notamment les journalistes du Monde et de Mediapart, qui visiblement connaissent le dossier Tarnac sur le bout des doigts, l’élément fort réside dans le compte-rendu des surveillances effectuées sur Julien Coupat et son amie Yildune Lévy. Les policiers ont noté que le véhicule à bord duquel ils se trouvaient a stationné un quart d’heure dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008 à proximité de la ligne TGV où, au petit jour, il a été découvert un crochet métallique posé sur la ligne caténaire.

Sans remettre en cause le travail des journalistes, notamment l’épluchage des procès-verbaux effectué par Laurent Borredon sur son blog, plus d’un policier a dû sourire en lisant les analyses et les reconstitutions d’une filature qui a duré une vingtaine d’heures. Continue reading

Indices graves ET/OU concordants

On a beaucoup lu et entendu qu’il existait contre Nicolas Sarkozy des indices graves ET concordants suffisants pour justifier sa mise en examen. Pourtant, la formule n’est pas exacte. En fait, le code de procédure pénale (art. 80-1) se contente « d’indices graves OU concordants rendant vraisemblable » que le suspect ait pu participer, comme auteur ou complice, aux faits dont le juge d’instruction est saisi. À notre époque binaire, cette conjonction de coordination (mais ou et donc or ni car) est pour le moins dérangeante.

Avec l'aimable autorisation de Jean-Michel Sicot

Avec l’aimable autorisation de Jean-Michel Sicot

Les choses étaient différentes par le passé. L’évolution n’est pas inintéressante. Ainsi, à une époque où les juges étaient moins surchargés et plus à même d’instruire à charge et à décharge, de simples indices étaient suffisants pour justifier une mise en examen. Une notion assez subjective. Puis, vers la fin des années 80 (époque où les policiers disparaissent des médias), les juges n’hésitent plus à mettre les mains dans le cambouis. Ils deviennent de véritables enquêteurs, perdant sans doute un peu de leur objectivité au fur à mesure que se renforce leur instinct de chasseur.

La loi du 15 juin 2000 a donc tenté de limiter les mises en examen au profit du statut de témoin assisté. Elle a cherché à durcir les conditions nécessaires. Lors des travaux préparatoires de ce texte, il était question d’utiliser une formule retenant « des indices précis, graves ou concordants » Continue reading

Aide juridictionnelle : l’amertume des avocats

Il y a une certaine ambiguïté dans l’action revendicative des avocats. Lorsqu’ils dénoncent le désengagement de l’État dans l’aide juridictionnelle, on ne peut qu’applaudir. La cause est noble. La société a le devoir d’assister les plus pauvres, victimes ou justiciables, afin qu’ils soient représentés devant la justice. Mais en même temps, les avocats ne font-ils pas preuve d’un corporatisme excessif, encaissant les contrecoups d’une profession qui a du mal à se remettre en cause ?

Photo perso

©GM

C’est sans doute ce qui explique en partie la position délicate de Christiane Taubira lors de la conférence des bâtonniers qui s’est tenue vendredi dernier. D’après les observateurs, elle était droit dans ses bottes, comme à son habitude. Mais on la sentait tendue, sur la défensive, et sans doute contrainte de soutenir une position qui n’est pas la sienne. Elle s’en est tirée par une pirouette : « J’accepte de descendre devant vous dans un silence lourd, qui pèse… ». Puis elle a cité René Char avant de sortir, comme une tombée de rideau, dans un silence tout aussi hostile.

Il faut donc en déduire que le projet du gouvernement de taxer les cabinets d’avocats est toujours d’actualité. Continue reading

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