LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Auteur/autrice : G.Moréas (Page 5 of 82)

Commissaire Moulin, police judiciaire

Yves Rénier est décédé il y a quelques jours, à 78 ans. Il ne verra donc pas la fin annoncée de la police judiciaire au profit de la police administrative, une spécialité qu’il a si bien représentée dans le rôle d’un « patron » de terrain, plutôt borderline, mais toujours attachant. Je suis sûr que ses fictions ont fait naître des vocations.

Capture d’écran du générique de « Paris 18 »

Même s’il restera à jamais le commissaire Moulin, c’était un homme-orchestre du spectacle : scénariste, réalisateur, producteur, doubleur de voix…, mais avant tout comédien, évidemment. D’un caractère entier et indépendant, volontiers provocateur, il vous neutralisait d’un sourire ravageur avant de vous balancer ses quatre vérités. C’est ce qui m’avait plu chez lui.

Et pourtant, la première fois que nous nous sommes rencontrés, ça avait plutôt frité !

Sur ce blog, j’évite de trop parler de moi, mais, allez ! je vais me lancer.

Après vingt ans d’une vie à cent à l’heure, je venais de démissionner de la police et j’avais publié quelques bouquins qui avaient plus ou moins trouvé leurs lecteurs. À la suite de la sortie de l’un d’eux (Un solo meurtrier, 1986), le producteur Christian Fechner me contacte : après le succès du film de Patrice Leconte Les spécialistes, il envisage un film avec Gérard Lanvin en flic solitaire et marginal. Lors d’un déjeuner, la conversation avec ce dernier n’est pas débridée, nous sommes tous deux des taiseux, mais perso, je le trouve sympa, surtout lorsqu’il raconte que tout jeune il faisait les marchés au quartier Saint-Paul, un endroit où j’ai traîné mes culottes courtes.

Quelques semaines plus tard, je remets mon projet de scénar à Fechner qui le passe à José Giovanni, lequel le réécrit et le prend à son compte : fin de l’histoire entre un ancien taulard et un ancien flic.

Pour les Moulins, ça s’est passé à peu près pareil. Claude de Givray, l’un des responsables de la fiction sur TF1, me demande d’écrire un scénario pour la reprise de la série Commissaire Moulin. Et cette fois, c’est Yves Rénier qui me renvoie à mes gammes. Qu’est-ce qu’on peut prendre comme coups dans la gueule dans la vie ! Je me souviens de notre premier resto, un chinois, près de Champs. C’était classe, mais j’ai eu du mal à terminer le repas. De toutes manières, ils ne savent pas faire les desserts.

En rentrant chez moi, la tête dans les épaules, je me suis dit qu’il était plus facile d’être un vrai flic qu’un flic de cinéma.

Yves m’a rappelé le lendemain. Continue reading

La fin de la PJ de papa

C’est quasi certain, la police judiciaire telle qu’on la connaît va disparaître. En province, ses services devraient se noyer dans des directions départementales de la police nationale (DDPN) qui regrouperont la sécurité publique (SP), la police aux frontières (PAF) et la police judiciaire (PJ). Tandis que les quatre départements autour de Paris et sa petite couronne pourraient se voir rattachés au préfet de police – ce qui meublerait la célèbre casquette de Didier Lallement.

Exit la mythique 1re brigade mobile devenue au fil du temps la direction régionale de police judiciaire de Versailles.

Le Tigre Clemenceau est en deuil !

Il n’est d’ailleurs pas inintéressant de noter, à plus d’un siècle de distance, le fossé qui sépare l’approche politique pour lutter contre l’insécurité. C’est un marqueur de l’évolution de notre société. Reste à savoir s’il s’agit d’une évolution positive…

La PJ de papa – En 1907, notamment pour lutter contre une criminalité de plus en plus itinérante, Georges Clemenceau, ministre de l’Intérieur, mais également président du Conseil des ministres, décide d’offrir au pays une police mobile et autonome, dotée de moyens modernes et même de véhicules à moteur, comme la célèbre De Dion-Bouton. Ce qui leur vaudra le nom de « brigades mobiles ». Ces policiers, qui vont défricher un terrain vierge, sont tous partants pour renoncer au train-train du quotidien.

Déchargés des tâches administratives, les « mobilards » vont se lancer dans l’aventure un peu comme des commandos, mais dans les limites du droit, car chapeautés par les magistrats de l’ordre judiciaire. Georges Clemenceau est d’ailleurs intraitable sur ce point. Je ne peux m’empêcher de citer un extrait du courrier qu’il adresse aux préfets : « Les commissaires divisionnaires, les commissaires et les inspecteurs de police mobile ont pour mission exclusive (j’en ai pris l’engagement formel devant les Chambres lorsque je leur ai demandé les crédits nécessaires) de seconder l’autorité judiciaire dans la répression des crimes et des délits de droit commun. Ils ne doivent donc jamais, qu’ils soient au siège de leur brigade ou en route dans l’étendue de leur circonscription, être détrônés par M.M. les Préfets et Sous-Préfets de leurs attributions nettement définies, qui consistent d’une part, dans une collaboration immédiate avec les parquets pour l’exercice de la police répressive, et, d’autre part, dans la recherche et la constatation spontanées des flagrants délits (…). Continue reading

La nouvelle carte nationale d’identité : vers une vie « sans contact »

Au rythme d’une pandémie qui n’en finit pas, sous un joug accepté, nous nous éloignons les uns des autres. Mais en fait, ce virus nous éclaire sur le monde de demain : un monde sans contact. Et la nouvelle carte nationale d’identité électronique nous fait faire un pas vers l’ère de l’identité numérique, sans trop savoir s’il sera grand ou petit pour l’homme et pour l’humanité.

Ce n’est pas une particularité française : environ 150 pays de par le monde auraient déjà adopté le passeport électronique et biométrique et plusieurs dizaines, dont la Belgique, l’année dernière, auraient opté pour la CNI du même tonneau, se pliant ainsi à la volonté de l’Union européenne.

Dans un règlement (2019/1157) applicable au 2 août 2021, l’UE fait en effet obligation aux États membres de mettre en circulation « des cartes d’identité intégrant un composant électronique hautement sécurisé contenant des données biométriques, à savoir une image numérisée du visage du titulaire de la carte et celle de deux empreintes digitales dans des formats numériques interopérables. » Autrement dit, cette carte doit être capable de communiquer avec d’autres systèmes.

Pour l’UE, cette réglementation est destinée à « accroître la sécurité dans un monde de mobilité », et notamment, bien sûr, de mieux lutter contre le terrorisme.

C’est un marché colossal qui s’ouvre aux entreprises et bon nombre l’ont anticipé. En deux mots, ça va dépoter, car la sécurité, c’est un peu comme l’écologie, ça marche mieux quand il y a du fric à faire.

C’est le cas de Thales. Après l’acquisition de Gemalto, en 2019, pour la modique somme de 4,8 milliards d’euros, ce géant de la « défense », qui flirte avec nos secrets (son site d’Élancourt, dans les Yvelines, héberge la plateforme des écoutes téléphoniques), est devenu un leader mondial en identité et en sécurité numériques. L’entreprise est présente dans 64 pays où elle prospecte ce domaine très… protégé, terrain de chasse tendance des services de renseignement du monde entier.

Cette année, 3,6 milliards de citoyens disposeront d’une CNI électronique, affirme Thales dans sa brochure. On comprend bien que l’enjeu économique va au-delà du petit bout de plastique que nous aurons bientôt dans notre poche. Il s’agit de proposer aux secteurs privés et publics une sécurité – invisible -, clé en main, qui touche aussi bien la finance, les transports… que l’ordre public.

Mais, bien entendu, de l’autre côté de la CNI, il y a un fichier : le fichier des titres électroniques sécurisés (TES). L’image numérisée du visage et de la signature, et l’empreinte de chaque index, seront conservées dans le TES, ainsi que l’identité le sexe, la taille, la couleur des yeux, l’état civil des parents, l’adresse postale, l’adresse de messagerie, le téléphone, etc. Ce fichier, tenu par le ministère de l’Intérieur, qui abrite déjà les informations Continue reading

Anticor et à cri

Depuis 18 ans, l’association Anticor s’est imposée comme l’acteur principal de la lutte anticorruption. Elle est sur tous les fronts : l’affaire de l’ancien PDG de Radio France Mathieu Gallet, qui vient d’être condamné en appel pour favoritisme, l’enquête sur les Mutuelles de Bretagne, qui a valu à Richard Ferrand une mise en examen et son portefeuille de ministre ; la saisine de la Cour de justice de la République concernant Éric Dupond-Moretti ; l’affaire Alstom, les milliards du Grand Paris, les fraudes aux subventions agricoles en Corse, Sarkozy, Buisson, Benalla… (voir la liste des affaires) ou encore l’enquête sur les manquements du maire de Pourrières, dans le Var,  après le décès de deux jeunes filles lors de l’accident d’une navette scolaire…

Inutile de dire combien cette association empoisonne le panthéon de la politique en s’appliquant à combattre un mal bien implanté en France : la corruption. Un mal qui, selon une étude du parlement européen, coûte 120 milliards d’euros par an aux contribuables que nous sommes, soit l’équivalent du budget de l’Éducation nationale, et qui mine la confiance dans les institutions (3 Français sur 4 estiment la société politique « plutôt » corrompue).

Le fait de profiter de sa fonction pour obtenir un avantage personnel, quel qu’il soit, est un acte de corruption. Ce délit (et son avatar le trafic d’influence) est donc lié au pouvoir. Il ne concerne pas que les élus ou les membres du gouvernement, mais toutes les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public. On parle là de corruption publique, car une loi de 2005 a introduit la corruption privée dans le code pénal (art. 445-1 et 445-2). Cela concerne aussi bien les salariés, que les dirigeants, et même les entreprises en tant que personnes morales.

Mais pour qu’une association puisse ester en justice, il faut qu’elle ait intérêt à agir, et en matière de corruption ou autres délits proches, qu’elle obtienne un agrément ministériel. Tout est dit dans l’article 2-23 du code de procédure pénale qui autorise les associations anticorruption déclarées depuis au moins cinq ans à exercer les droits reconnus aux parties civiles – sous réserve d’être agréées selon les conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ce qui se traduit par une décision ministérielle renouvelable tous les trois ans.

Il faut donc l’accord du pouvoir exécutif pour lutter contre la corruption.

« L’action associative devant les juridictions traduit de façon modeste la possibilité d’un autre rapport au pouvoir. Elle a permis à une citoyenneté vigilante d’entrer dans les prétoires », dit Éric Alt. Il sait de quoi il parle puisqu’il assume à la fois son rôle de vice-président de l’association et ses fonctions de magistrat (ce qui lui a valu de faire l’objet d’une enquête interne). Mais les associations sont poil à gratter Continue reading

Réforme de la police : on peut toujours rêver…

La France, « patrie des droits de l’homme » a flétri son image internationale par la répression violente des manifestations des gilets jaunes, mais c’est seulement après avoir soulevé une fronde dans les rangs des syndicats policiers par ses déclarations sur les contrôles au faciès qu’Emmanuel Macron a estimé qu’il y avait « urgence à agir ». Dans un courrier adressé à un dirigeant syndicaliste, il a annoncé un « Beauvau de la sécurité » pour une réforme de la police.

Ce Beauvau de la sécurité devrait, selon le communiqué du ministre de l’Intérieur, s’étendre sur plusieurs mois au rythme de débats citoyens hebdomadaires et d’une réunion de travail tous les quinze jours regroupant, outre les représentants syndicaux, des élus et des experts français et internationaux. Ces travaux, dit Gérard Darmanin, « permettront de dessiner des réponses à court terme, mais également de poser les bases de la future loi de programmation de la sécurité intérieure pour 2022 ».

En décortiquant les thèmes retenus, on peut penser que pour le court-terme il s’agit de tenter de calmer les syndicats en revisitant la formation, l’encadrement, les effectifs, les conditions matérielles d’exercice et l’utilisation de la vidéo. Les échanges sur ce dernier point risquent d’être houleux, puisque cela pourrait aussi bien concerner la généralisation des caméras portables pour les forces de l’ordre que l’interdiction (de fait) de les filmer, comme il ressort de la sulfureuse loi sur la sécurité globale.

On s’acheminerait donc vers une réformette, d’autant qu’il n’est plus question de toucher à la monolithique préfecture de police. Pourtant, la création à Paris d’une police municipale ne serait-elle pas l’occasion idéale pour une refonte de ses services afin de mieux assurer la sécurité de l’agglomération parisienne, tout en diminuant les coûts ?

Mais heureusement deux autres points, s’ils étaient menés à terme, pourraient modifier la donne, et même marquer ce quinquennat. D’autant qu’en filigrane, ils sont raccords avec les propos du président de la République Continue reading

Le masque et la plume

2020 s’achève. Rien à regretter. Et, même s’il y a quelques mois, on a pu voir des libraires afficher « la vente de livres est interdite », le bouquin reste notre plus fidèle compagnon, toujours prêt à nous aider à « faire le mur ». Des murs de plus en plus hauts, de plus en plus gris. C’est aussi le cadeau de dernière minute. Le plaisir de partager avec un proche le livre que l’on a aimé va bien au-delà de l’objet-papier, c’est un peu une communion de pensées : à défaut de se prendre la main, on se touche les idées.

Aussi, dans l’esprit de ce blog, je me permets quelques suggestions piochées dans mes lectures de l’année écoulée.

Si vous cherchez un livre sur la police, la gendarmerie, les affaires criminelles, le banditisme, etc., les éditions Mareuil sont incontournables, avec un nombre impressionnant de publications sur le sujet : GIGN, RAID, BRI, Brigade criminelle, PJ de Marseille…

Histoire du RAID est un beau livre cartonné, illustré de nombreuses photos inédites, dont le récit est centré sur l’intervention de police à haut risque. Pierre Joxe, qui l’a préfacé, revendique la paternité du RAID. S’il est vrai qu’il a eu le mérite de le mettre en œuvre, contre l’avis de certains hauts cadres de la police, l’idée en revient à Robert Broussard et à Ange Mancini. C’est en Corse, alors qu’ils sont en charge de lutter contre le terrorisme, que tous deux méditent sur la conception d’un service de police équivalent au GIGN, ou plutôt concurrent. Il faut dire que sur l’Île, l’action underground du capitaine de gendarmerie Paul Barril, alors en charge de l’aspect opérationnel de la cellule élyséenne, leur donne des boutons. Le préfet Broussard devra cependant attendre une opportunité politique pour faire passer son projet. Attendre, un truc qu’il a appris à l’antigang. En 1984, Pierre Joxe est nommé à l’Intérieur par le nouveau premier ministre Laurent Fabius. La réforme est dans l’air, sauf qu’avec lui, ce n’est pas du vent. Il donne son feu vert : le 23 octobre 1985, l’unité de recherche, assistance, intervention et dissuasion (RAID) est officiellement créée. Ange Mancini en devient le premier patron. Dans un récit aéré, les auteurs nous entraînent au cœur de ce service d’exception.

Histoire du RAID illustrée de Charles Diaz et Ange Mancini

 

Jean-Marc Simon, historien et romancier, est l’auteur de plusieurs livres sur l’ennemi public des années 1970, dont un ouvrage de référence paru en 2015. Dans Mesrine, les sept cercles de la mort, il décortique la vie de Jacques Mesrine tout en se livrant à une analyse sociétale et, in fine, il s’interroge : Mesrine était-il à un tournant de son action criminelle ? Allait-il basculer dans le terrorisme ? Continue reading

Cour d’assises : dans le secret du délibéré

Le procès d’assises qui a conduit à la condamnation de Jonathann Daval, le 21 novembre 2020, pour le meurtre de son épouse Alexia, s’est tenu à Vesoul sous le feu des projecteurs, mais le verdict a été élaboré à l’abri des regards, dans le secret du délibéré.

Personne ne saura ce qui s’est dit derrière la porte de la chambre des délibérations, mais il n’est pas inintéressant de connaître la démarche qui a amené la cour à prononcer une peine de 25 ans de réclusion criminelle, alors que l’avocat général, Emmanuel Dupic, avait conclu son réquisitoire en demandant la perpétuité (art. 221-4 du code pénal, qui dans son 9° ter vise le meurtre commis par le conjoint de la victime, son concubin ou son partenaire pacsé).

Une peine, comme l’a souligné Randall Schwerdorffer, l’avocat de Daval, « qu’on prononce contre les criminels les plus dangereux de la société : Francis Heaulme, tueur d’enfants, Fourniret, Marc Dutroux, Guy Georges… ».

Néanmoins, si l’avocat général requiert une condamnation au nom de la société, si les avocats plaident au nom de leurs clients, c’est finalement la cour qui décide : trois magistrats et six personnes « ordinaires » (neuf en appel) tirées au sort plusieurs fois pour participer à une aventure dont ils garderont à jamais le souvenir.

Ils auront la lourde tâche de se forger une opinion sur une enquête judiciaire, longue de plusieurs années, qu’ils découvriront au fil du procès. En l’espace de quelques jours ou de quelques semaines, ils vont devoir se glisser dans la peau d’un citoyen-juge avec pour tout bagage juridique une formation de quelques heures au cours de laquelle ils auront reçu des notions de procédure pénale et le canevas du déroulement du procès. Pour mieux comprendre, lors des débats, ils peuvent poser des questions aux accusés et aux témoins, en prenant garde toutefois de ne pas manifester leur opinion. Les jurés s’intègrent très vite et sont rapidement en phase avec le ministère public, disait il y a quelques jours l’ancien président de cour d’assises de Paris Dominique Coujard, lors d’une conférence aux avocats du barreau de Paris. « J’ai toujours été surpris par l’intelligence des jurés et leur scrupule à bien juger », ajoutait-il.

C’est leur présence qui justifie l’oralité des débats. Continue reading

Floutage de gueule

Après les attentats du mois dernier, droite extrême et extrême droite sont parties au quart de tour dans une surenchère sécuritaire. Un classique, puisqu’il en est de même après chaque attentat. Mais c’est Éric Ciotti qui a décroché le pompon en réclamant la création d’un « Guantanamo à la française ». Pas mieux, a dû se dire Marine Le Pen.

Du côté de la majorité, pas question d’abandonner du terrain à 18 mois des présidentielles : durcissement du projet de loi sur le séparatisme (qui cherche son point d’équilibre : la liberté d’expression peut-elle être à sens unique ?) et cascade d’amendements à la proposition de loi relative à la sécurité globale.

Ce texte sur la sécurité globale a été porté par les députés Alice Thourot et l’ancien patron du RAID Jean-Michel Fauvergue. Avec l’appui de l’ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, aujourd’hui président du groupe LREM a l’Assemblée nationale. Il fait l’objet d’une procédure accélérée.

Initialement, cette proposition de loi visait à créer un « continuum de sécurité » en rapprochant policiers, gendarmes, polices municipales et sécurité privée. Soit 400 à 500 000 personnes qui œuvreraient toutes pour notre sécurité. Toutefois, Gérard Darmanin a recentré cette proposition de loi sur la protection des forces de sécurité. Une façon de les dorloter, alors que de sombres nuages s’accumulent au-dessus de la France. Notamment en mettant en application sa promesse « de ne plus pouvoir diffuser l’image des policiers et des gendarmes sur les réseaux sociaux » (une proposition de loi en ce sens avait d’ailleurs été déposée en mai 2020 par le député Éric Ciotti).

Du coup, un texte qui aurait pu faire consensus est pointé du doigt comme une atteinte aux droits à l’information et un nouveau croche-pied à nos valeurs républicaines.

Toutefois, si l’on passe outre à la démagogie sécuritaire, peut-on trouver des justifications sérieuses à une telle décision ?

L’image, notre image, fait partie intégrante de la vie privée. Or, depuis une loi promulguée le 18 mars 1803, reprise texto dans l’article 9 du code civil, « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Oui, je sais, ça sonne bizarre aujourd’hui… Il en résulte qu’une personne dont l’image est rendue publique sans son consentement, par la reproduction de son visage ou de toute autre manière, peut agir en justice. Mais souvent, ce droit se heurte à la liberté d’expression qui est considérée comme l’un des fondements d’une société démocratique. C’est d’ailleurs au nom de la liberté d’expression que le président Macron défend les caricatures de Charlie Hebdo : pour qu’en France « les Lumières ne s’éteignent jamais » (hommage à Samuel Paty, 21 octobre 2020). Il appartiendra donc au juge, lorsqu’il est saisi, de trouver l’équilibre entre ces deux droits fondamentaux. Mais souvent, Continue reading

Attentat de Conflans-Sainte-Honorine : fatalité ou fiasco ?

La nouvelle de l’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, a engendré une onde de choc. Une émotion provoquée par la cruauté de l’acte, mais aussi par la personnalité de la victime : un prof qui tentait de faire son métier du mieux possible. Or, ce prof, quel que soit notre âge, nous l’avons tous eu. Il a marqué notre vie.

Mais, le choc passé, on est en droit de s’interroger : y a-t-il eu défaillance des services de l’État ou doit-on admettre une fois pour toutes que ce terrorisme de coin de rue est imprévisible ?

Qu’est-ce qu’on a raté pour faire de ce jeune homme un terroriste ? Comment des jeunes gens, lui et ses complices, ont-ils pu basculer dans la folie et la haine ? s’est demandé le président Chirac, en 1995. Il parlait de Khaled Kelkal, principal leader d’un groupe de terroristes islamistes auteurs de nombreux attentats à la bombe, dont celui dans le RER B, à Paris ; et devant une école juive de Villeurbanne, près de Lyon.

35 ans plus tard, personne n’a répondu à cette question. La différence, c’est qu’aujourd’hui, plus personne ne se la pose.

À cette approche sociétale, nos dirigeants successifs ont préféré le coup de menton : accumulation de lois (une trentaine), souvent asynchrones avec le droit européen et l’esprit de notre Constitution, et création d’une armada de services.

Au fil du temps, ces services ont été regroupés dans une communauté virtuelle, la « communauté française du renseignement ». Depuis 2017, tout est drivé depuis l’Élysée Continue reading

Fadettes, pirouettes, cacahouètes…

Le 6 octobre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a tranché : la collecte et la conservation systématiques des métadonnées – toutes ces traces qu’on laisse sur Internet ou via notre smartphone – sont incompatibles avec les traités et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Certains pourraient être tentés de dire qu’on n’en a rien à faire de cette Charte, sauf que, proclamée il y a vingt ans, à Nice, elle est juridiquement contraignante depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, en 2009. En fait, pour ceux qui espèrent une Europe « plus humaine », il s’agit d’une avancée considérable. Et même si la route est longue, cette Charte est sans doute le premier pas vers une souveraineté européenne. Un projet porté pour la France par Emmanuel Macron, qui passe par le renforcement de l’État de droit au sein de l’UE et par l’adhésion de celle-ci à la Convention européenne des droits de l’homme.

Cela pour dire qu’on ne peut pas s’asseoir sur une décision de la CJUE : ce n’est pas un diktat, mais la simple application des traités que les 27 pays de l’Union ont voulus et signés. D’ailleurs, dans l’arrêt concernant les demandes de décision préjudicielle déposées par la France et la Belgique, la Cour s’est astreinte à trouver un compromis entre le souci affiché de renforcer les libertés publiques et les nécessités opérationnelles des services enquêteurs.

Toutefois, c’est un sérieux coup de frein aux méthodes d’investigation adoptées ces dernières années, tant par les services de renseignement que par les services d’enquête. Et cette décision risque fort de faire passer à la trappe le chantier (intellectuellement séduisant, mais combien dangereux) de l’enquête prédictive. Projet basé, pour ce que l’on en sait, sur la captation des données de chacun d’entre nous, afin de les passer à la moulinette de mystérieux algorithmes : on surveille tout le monde et un changement de comportement fait d’un innocent un suspect. Un projet pour lequel des entreprises privées ont déjà investi de gros moyens et qui nous mène tout droit vers une police de la pensée, telle qu’elle est imaginée par George Orwell – une police chérie de tous les césars aux petits pieds.

En deux mots, les services concernés vont donc devoir apprendre à travailler autrement, puisqu’aujourd’hui, la première démarche des enquêteurs consiste le plus souvent à « faire les fadettes » des suspects ou des victimes, s’il y en a, et ensuite à tracer leur Internet.

Pourtant, il ne faut pas faire celui qui tombe du placard. Déjà, en 2016 Continue reading

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