Savez-vous qu’au XIX° siècle, le commissaire Maigret était le patron du commissariat de quartier de la rue des Écrivains, à Paris ? Rue où se trouvait la maison de
l’écrivain public Nicolas Flamel , qui aurait, dit-on, découvert le secret de la pierre philosophale. Connaissez-vous le mystère de la rame 382 ? Ou la machine infernale de Fieschi ? Savez-vous quels ont été les premiers vigiles ? Et, simplement, par curiosité, pourquoi flic, poulet …? Doù vient l’expression « prendre une balle dans le buffet » ?… Si vous cherchez des réponses, puisque samedi, c’est la Nuit européennes des musées, pourquoi ne pas passer la soirée au musée de la préfecture de police ?
Créé sur l’initiative du préfet de police de la Seine, Louis Lépine, en 1909, c’est toute l’histoire de la police parisienne qui est alignée sur plus de cinq cents mètres carrés, au troisième étage de l’hôtel de police du 5° arrondissement. Mais on peut dire aussi que c’est un morceau de l’Histoire de France.
Vous y serez accueilli par le commissaire divisionnaire Françoise Gicquel, qui
dirige la maison, ou par l’un de ses collaborateurs, comme Philippe Laganier, guide-conférencier depuis une vingtaine d’années, qui connaît chaque recoin de son musée et qui a toujours une petite anecdote en réserve, ce truc en plus qui ne figure dans aucun manuel. C’est lui qui m’a branché sur le commissaire Maigret, en me révélant l’existence de l’Almanach royal de 1821 (voir en bas de page).
Difficile de décrire un musée, mais voici en vrac quelques souvenirs anecdotiques de ma visite :
Bonnes gens, dormez en paix ! – En 1254, Saint-Louis crée le guet royal, commandé par un noble, le chevalier du guet. Ass
isté de 20 sergents à cheval et 26 sergents à pied, il est chargé d’assurer la sécurité de Paris, notamment la nuit. Philippe le Bel, en 1306, met en place les commissaires au Châtelet, qui sont également des magistrats, et qui portent la robe longue, symbole du pouvoir judiciaire. En 1526, c’est la création du lieutenant criminel, qui lui est en robe courte, symbole d’un pouvoir plus limité. Mais la délinquance continue à augmenter (déjà !). En 1660, les commerçants parisiens participent à leur propre sécurité et rémunèrent des hommes qui se joignent aux archers du guet (photo du haut). Lesquels ne sont pas dotés d’un arc, jugé peu adapté aux petites rues de la cité, mais d’une lance à triple usage. La partie recourbée servait à couper la sangle des cavaliers. Pour les deux autres, pas besoin de dessin !
Du lieutenant de police au commissaire – En 1667, l’édit que présente Colbert envisage pour la première fois une approche globale de la criminalité. Il constitue l’acte fondateur de la police et institue un lieutenant général de la police. Le premier sur la liste est Nicolas de la Reynie. Il le restera trente ans. Les commissaires du Châtelet deviennent alors des commissaires tout court. En 1708, ils seront assistés des inspecteurs de police. 
La mouche et le flic – Pour beaucoup, Eugène-François Vidocq est un ancien bagnard devenu chef de la police. En fait, en 1811, il a été placé à la tête d’une brigade de sûreté composée essentiellement d’anciens condamnés, avec pour mission d’infiltrer le milieu. Mais la bourgeoisie acceptait mal que la police soit représentée par un ancien truand et, finalement, il a été contraint à la démission. Mais pendant une vingtaine d’années, il a été un espion de la police rémunéré et efficace, un « mouchard », comme on disait alors. En lien sans doute avec l’expression de l’époque : Les mouches en liberté et les moutons en prison. Il est possible que le mot « flic » vienne de la traduction approximative du mot mouche en allemand (fliegen).
La première police en uniforme du monde – Au début du XIX° siècle, « La criminalité se développe, favorisée par une situation économique et sociale qui ne s’améliore
pas. » (Histoire de la police – ministère de l’Intérieur). Et en 1829, apparaissent les sergents de Paris, qui portent un tricorne et l’épée. La première force de police en uniforme du monde. « Ces sergents de ville, dont les plus méritants peuvent être promus brigadier (grade créé en 1830) sont placés sous les ordres d’officiers de paix qui répondent eux-mêmes à ceux d’un commissaire appelé chef de la police municipale à Paris. »
La police technique et scientifique – En 1882, la préfecture de police se dote d’un service d’anthropométrie puis d’un service photographique. Alphonse Bertillon en prendra la direction onze ans plus tard. Après avoir mis au point la signalisation anthropométrique des individus arrêtés, basée essentiellement sur la morphologie et la dimension des os, il va
alors se rallier à l’identification par les empreintes digitales.
22 v’la les flics – Il semble que l’expression provienne de l’uniforme de certains policiers du début du siècle dernier ou de la fin du siècle précédent dont la tunique portait deux rangées de onze boutons.
Les hirondelles – Les brigades cyclistes ont été créées par le préfet Lépine et si le bon peuple les a surnommées les hirondelles, ce n’est ni pour leur cape qui flottait au vent ni en raison du printemps, mais simplement à cause de leur vélo, de marque Hirondelle.
Et les poulets ! – Les services de la préfecture de police se trouvaient rue de Jérusalem, mais les locaux étaient sans doute trop étroits ou peu rationnels (ce qu’on dit actuellement du 36) et il a fallu envisager plus grand. D’où la caserne de la Cité, construite pour une moitié sur un ancien couvent et pour l’autre sur un ancien marché aux poulets.
Une balle dans le buffet ! – Le premier policier de la préfecture de police mort (officiellement) en service est l’inspecteur Buffet. Le 9 mars 1804, il reconnaît Georges Cadoudal, un général chouan, contre-révolutionnaire acharné, qui complote contre le régime en place et projette d’enlever le Premier consul. Avec son collègue, Buffet tente de l’arrêter, mais celui-ci prend la fuite. Puis il attend son poursuivant au coin de la rue de Buci et tire froidement sur lui. Buffet avait 43 ans et était père de trois enfants. Cadoudal est condamné à mort. Refusant de demander
sa grâce, grâce que Bonaparte lui aurait probablement accordée, il est guillotiné le 25 juin 1804. Plus tard, Cadoudal sera anobli et élevé au grade de maréchal de France.
Il y a une leçon dans cette triste histoire.
J’arrête là, mais il y a plein d’autres choses. Tant et tant, qu’il est difficile de s’y retrouver sans guide*. Mais pour la Nuit des musées, tout le monde sera mobilisé, et je ne crois pas me tromper en disant que les visiteurs seront particulièrement chouchoutés.
_________________________
* Musée de la préfecture de police, Hôtel de police du 5° arrondissement, 4, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève. Horaires des visites guidées pour ce samedi 14 mai : 19h05 – 19h35 – 20h05 – 20h35 -21h05 – 21h35 -22h05.