LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Jeux en ligne : Si tu me pousses, je te tire !

Il y a quelques jours, le FBI a lancé un vaste coup de filet sur plusieurs sites de jeux d’argent en ligne et notamment le plus gros d’entre eux, PokerStars. Lequel serait dirigé depuis le paradis fiscal de l’Île de Man. Ses dirigeants sont accusés de picsou-argent.1303575812.jpgfraude bancaire et de blanchiment d’argent. Ils risquent 55 ans de prison. La filiale française de PokerStars, qui est dirigée par Alexandre Balkany, n’est pas concernée par cette affaire, puisque cette entreprise possède une licence en bonne et due forme.

Contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là, les jeux en ligne ne sont pas prohibés aux USA, mais une loi de 2006, promulguée par George W. Bush dans le cadre de la sécurité du territoire, vise le financement de ces jeux. Pour faire simple, elle interdit aux entreprises de paris en ligne de percevoir ou de déposer de l’argent auprès des banques américaines. Un rien hypocrite, non ! Ce qui oblige celles-ci à une petite gymnastique, comme de proposer aux clients des achats fictifs pour, de fait, alimenter leur compte joueur… Les Américains seraient ainsi quinze millions à acheter des objets qui n’existent pas pour mieux se livrer à leur passion : le jeu virtuel.

Pour les satisfaire, c’est toute une filière frauduleuse qui avait été mise en place, et il n’est pas interdit de s’interroger : Cette combine aurait-elle pu aller jusqu’au recyclage de l’argent du crime ou de la drogue ? Il est probable que la justice américaine a préféré ne pas prendre ce risque. Elle vient de donner un sérieux avertissement – et compte au passage récupérer environ 3 milliards de dollars de taxes.

Le casino, qu’il soit en dur ou virtuel, est l’endroit idéal pour blanchir l’argent sale. En France, on connaît bien le système de la paire de joueurs : celui qui gagne et celui qui perd. À la roulette, pour prendre le cas bêta, si l’un joue noir et l’autre rouge, il n’y a ni gain ni perte (sauf si le zéro sort), mais il est alors possible de justifier de l’origine de l’argent que l’on a dans sa poche, puisqu’on vient de le gagner au casino. Un truc utilisé par tous les truands, à plus ou moins grande échelle. À ne pas confondre avec la technique de la paire, telle qu’elle est pratiquée  par les spéculateurs boursiers. On sélectionne deux actions d’un même secteur, on en achète une et l’on vend l’autre. Ce qui diminue les risques et augmente sérieusement les probabilités de gains.

Bizarrement, cette intervention du FBI suit à quelques semaines d’intervalle le rejet d’une proposition de loi qui voulait faire du New Jersey le premier État américain où le poker en ligne aurait été autorisé. Une sorte de Silicon Valley des jeux en ligne. Et le sénateur qui soutenait ce projet se lamente du lobbying exercé par les casinotiers du Nevada, lesquels auraient dépensé des millions de dollars pour le faire capoter.

Chez nous, le lobbying doit plutôt s’exercer dans l’entourage de François Baroin, le ministre du Budget, puisque le Comité consultatif des jeux, qui a compétence sur tous les jeux d’argent et de hasard, vient de passer sous sa tutelle. Initialement, il devait être rattaché au Premier ministre, mais celui-ci aurait semble-t-il botté en touche, sans que l’on ne sache trop pourquoi. Le mois dernier, lors d’un colloque à Paris, les participants ont fait le point sur la loi de mai 2010 qui légalise les jeux d’argent en ligne. Que du beau monde : le député Lamour, le sénateur Trucy, l’homme d’affaires Partouche (une cinquantaine de casinos), etc. Rien n’est vraiment sorti de ces discussions, si ce n’est la conclusion du ministre du Budget, que je résume : Pour la clause de revoyure, on en reparlera après les Présidentielles.

En revanche, il y a une certaine agitation du côté de l’Union européenne. Le commissaire (et ancien ministre) Michel Barnier, vient d’ailleurs de présenter un Livre vert sur les jeux d’argent et de hasard en ligne dans le marché intérieur. La bible européenne du jeu, en quelque sorte, qui appuie là où ça fait mal :

Du marché noir au marché gris – Aujourd’hui, parallèlement à l’augmentation des services de jeux autorisés par les États membres, un vaste marché illicite s’est développé au sein de l’Europe. Cela va des sites sans aucune licence, le marché noir ; aux sites autorisés sur leur territoire mais qui prospectent allègrement dans les pays voisins, ce qu’on appelle le marché gris. Il y aurait plus de 12 000 sites de jeux en ligne qui seraient ainsi hors la loi. D’où la réaction des instances européennes.

Le droit européen – Comme l’a confirmé la Cour européenne, les sites de jeux sont régis par l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « Les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites » – sauf si un État membre s’y oppose pour des raisons qui touchent à la protection des consommateurs ou aux risques de troubles à l’ordre public.

L’argent du jeu – En 2008, en Europe, les recettes annuelles des jeux d’argent et de hasard ont atteint 75.9 milliards d’euros (les mises, moins les gains et les bonus), dont 6.16 milliards pour les seuls jeux en ligne. Avec une croissance prévue à deux chiffres. La France se situe au quatrième rang, mais bien loin du Royaume-Uni, qui devance largement tous les pays d’Europe. Le petit tableau, extrait du Livre vert, donne la répartition des jeux.

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On se trouve devant cette situation ambivalente : d’un côté les États-Unis d’Amérique qui ne veulent pas des jeux en ligne et de l’autre, les États d’Europe, qui s’organisent pour mieux les réglementer.

Qui a raison ?

Je crois que, lorsque l’on ne peut maîtriser une situation, il n’est pas idiot de chercher à la réglementer. C’est d’ailleurs l’argument phare de ceux qui voient dans la dépénalisation du cannabis un moyen de mettre un sérieux coup de frein à un marché underground que personne ne peut contrôler. S’il s’agit de canaliser, moi, je suis plutôt pour. Et au passage, on pourrait, comme cela se passe pour les jeux en ligne, prélever une taxe destinées aux services hospitaliers d’addictologie. La loi sur les jeux en ligne prévoit en effet qu’une fraction des mises soit reversée à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé et au régime d’Assurance maladie.

Et pourquoi ne pas rétablir les bordels et prélever des taxes !

Je plaisante.

Mais rien ne pourra empêcher la prolifération des jeux d’argent en ligne. Que ce soit sur Internet, sur les téléphones portables ou via la télévision. casser-ordinateur_fotosearch.1303628037.jpegIl faut donc faire avec et en tirer un avantage : si tu me pousses, je te tire, comme au judo.

Et au moins, les casinos en ligne, on ne peut pas les braquer !

6 Comments

  1. Gaëtan CALMES

    Merci encore pour ces éclairages.

    Pour ceux qui ne comprennent pas que l’on refuse la libéralisation de la prostitution : il s’agit du commerce d’être humains.

    Ce qui n’a rien à voir avec une feuille de canabis, une bouteille d’alcool, une carte de pocker, une course de chevaux ou de lévriers.

    Je vous laisse y méditer.

  2. L627

    Pour le judo en ligne j’ai trouvé où s’entraîne GM.
    Ici=> http://www.youtube.com/watch?v=x4qjHNfeUkA

    Pour le poker : faire le mort, ça peut rapporter gros.

    Pour la mort : ça swingue toujours autant mais ici c’est hors-sujet, cf. sujet d’à côté.

    Pour mon fournisseur : toujours le même, mais en ce moment il est en rupture de stock. (réponse tardive à Paul Hisson)

    Et pour l’ordi, pas la peine de le bousiller. Un bouton on-off est prévu à cet effet qui permet de le retrouver intact au retour de vacances.

  3. ThomasB

    En ffet, une des grandes arnaques est que ce qui est « en ligne » serait sécurisé. Quelle charte aura-t-on pour ces casinos ? Lorsqu’ils seront sous un monopole (de préférence d’un ami du président, au hasard), quel recours auront les clients plumés ? Il sera probablement, pour la banque, encore plus facile de truquer le jeu. Et qui le contrôlera ? La main invisible du marché ?
    Et quid de la règlementation des mineurs, dont on sait qu’ils trichent sur leur âge en ligne ? Vu le nombre de publicités d’une violence parfois extrême dont ils sont bombardés, qui les empêchera d’aller se faire plumer ? Un organisme privé (puisqu’il faut supprimer tous ces zorribles fonctionnaires avec couteau entre les dents qui empêchent les braves gens de faire du bizness…)
    En effet, si des imbéciles veulent aller se faire plumer, vous avez parfaitement raison, c’est leur droit le plus strict, en ligne ou ailleurs. Mais la conjoncture actuelle, dans cette civilisation du FRIC, du FRIC, du FRIC, ne va guère dans ce sens…

  4. Patrick Handicap expatrié

    « Et pourquoi ne pas rétablir les bordels et prélever des taxes ! »

    Au lieu de plaisanter renseignez vous.

    Entre certains de vos collègues qui monnaient leur protection… ou impunité, les impôts forfaitaires payés au fisc, les amendes sans parler de la dime des souteneurs, l’addition est bien plus salée que si l’Etat prélevait des taxes car ces dames (et messieurs) n’ont pas de syndicat pour manifester contre les abus. Sincèrement, les bordels qui constitueraient un syndicat seraient bien moins taxés.

  5. anonyme

    Vous devez pas faire beaucoup de Judo ….

    ___

    Réponse : Uniquement en ligne…

  6. Jimwy

    Si on ne peut pas les braquer, on peut tout de même les pirater, les casinos en ligne! (Pirater dans un sens très large: altérer les chances des uns et des autres, récupérer les numéros CB des joueurs etc…)

    Je suis en total accord avec vous sur le fait que lorsqu’on ne peut maîtriser une situation, il faut au moins tenter de la réguler pour la canaliser. Mais alors pourquoi dites vous « je plaisante » lorsqu’il s’agit de régulariser la prostitution?

    Jimwy

    ___

    Réponse : Oui, vous avez raison, j’aurais pu m’abstenir.

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