LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Web/Tech (Page 4 of 5)

HADOPI : On verra ça après les élections…

Alors que de jeunes militants de l’UMP se seraient fait prendre la main dans le sac à malice du petit pirate, avec la musique de leur clip, et que le décret portant nomination des membres de la Commission HADOPI vient d’être enqueteur_sillon38.jpgadopté, c’est la CNIL qui joue les trouble-fêtes, refusant notamment de donner son avis sur le fichier des internautes.

Or son avis, qu’il soit positif ou négatif, est indispensable. Il est certain que le gouvernement va trouver le moyen de contourner la difficulté, mais ce sont des mois de retard pour cette loi, votée et revotée dans l’urgence. Un couac de plus, mais cette fois, certains se demandent si cela n’arrange pas les petites affaires de nos dirigeants. Car HADOPI est impopulaire, et à la veille d’élections importantes…

Mais une fois tout en place, il est probable qu’après ces péripéties législatives, on entre dans un autre domaine : celui du droit. Et apparemment, ce n’est pas très clair non plus. Car le dispositif de lutte contre le piratage est basé sur l’identité numérique, dont la qualification juridique, à ce jour, reste encore à définir.

L’adresse Internet Protocole, dite adresse IP, est-elle l’identifiant d’une machine, un peu comme la plaque d’immatriculation d’une voiture, ou celui d’une personne, comme le numéro de Sécu ?

Les décisions de justice prises à ce jour sont assez ambiguës.

En 2007, par deux fois, la Cour d’appel de Paris a estimé que l’adresse IP n’était pas une donnée à caractère personnel, revenant ainsi sur la doctrine et la jurisprudence. En janvier 2009, la Cour de cassation lui a donné raison, mais en se basant sur des particularités liées aux affaires visées, notamment l’absence d’une surveillance automatisée des internautes, laissant le doute planer sur la définition de l’adresse IP.

Ces décisions prennent à contre-pied les CNIL européennes, qui, elles, estiment que  « toute information relative à une personne physique identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification… » constitue une donnée à caractère personnel. C’est également l’avis du Tribunal de grande instance de Paris, dans une décision récente.

Ça floute ! Et l’on peut s’attendre ordinateur-tousse_lebulletin-des-agriculteurs.jpgencore à de beaux débats. On voit bien l’enjeu : si l’adresse IP est une donnée personnelle, elle est supervisée par la CNIL. Dans le cas contraire, comment l’utiliser pour identifier et sanctionner les internautes ?

En 1978, en son article premier, la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, énonçait : « L’informatique doit être au service de chaque citoyen […] Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ».

Et trente ans plus tard…

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Le Père Noël sera-t-il décoré par Sarkozy ? a été lu 1.251 fois en 2 jours et a suscité 7 commentaires.

Le stress du blogueur

Je suis directeur de publication. C’est ce que je viens de découvrir, non sans appréhension, en farfouillant dans les textes qui régissent la publication sur Internet. Est-ce que les 9 ou 10 millions de blogueurs disséminés aux quatre coins de la France sont au courant de leur statut ? On sait l’influence de la blogosphère, ce monde de trublions qui met parfois carotte.jpgles pieds dans le plat sans trop se soucier des dégâts collatéraux. Ils réagissent vite, les bougres, et souvent ils font mouche avant la presse. Pourtant, ils ne font pas l’opinion publique – ils sont l’opinion publique. Mais quelle carotte fait marcher le blogueur !? Et pourquoi accepte-t-il d’endosser une responsabilité à laquelle il n’est peut-être pas préparé ?

D’après Guillaume Kessler, qui traite des aspects juridiques du blog dans le Recueil Dalloz (2006 p.446), toute information mise en ligne doit être qualifiée d’acte de publication et donc soumise aux dispositions de la loi sur la presse. Même s’il s’agit d’un journal intime. Ainsi, des lycéens ne peuvent impunément traiter leur prof d’anglais de… noms d’oiseaux.

Un accès protégé par un mot de passe ne suffirait même pas à lui donner le régime d’une correspondance privée ! Le simple fait d’une diffusion sur Internet entraînant, semble-t-il, la notion de « publication publique ».

Mais pas de corbeau sur le Net ! Si le blogueur agit en tant que professionnel, il devra indiquer sur son site son nom ainsi que celui de l’hébergeur. S’il agit en tant que non-professionnel, il pourra éventuellement utiliser un pseudo, mais l’hébergeur sera tenu de fournir son identité en cas de besoin.

Chaque blogueur doit être conscient qu’il est tenu de respecter le droit à la vie privée, droit garanti par l’article 9 du code civil. Il n’est pas inutile de rappeler à cet égard que l’article 226-2 du code pénal réprime toute divulgation d’éléments relevant de la vie privée tandis que l’article 226-8 réprime de son côté tout montage utilisant les images ou les paroles d’une personne sans son consentement.

Si la responsabilité du blogueur peut aisément être engagée sur le terrain du droit commun, il en est de même sur celui du droit de la presse. Il devra donc prendre garde à tempérer ses propos afin de ne pas tomber sous le coup des délits, d’injure (art. 33), de diffamation (art. 29), de provocation aux crimes et aux délits (art. 23 et suivants), d’atteinte à la présomption d’innocence (art. 35 ter), de provocation à la haine raciale (art. 24)… L’application du régime du droit de la presse permettra également à la personne mise en cause d’exercer un droit de réponse.

À ce stade de mes méditations, je me dis que je vais tout lâcher…

Le blogueur se doit aussi de respecter le droit de la propriété intellectuelle. S’il diffuse des œuvres musicales, cinématographiques ou photographiques sans autorisation des ayants droit, il se rend coupable de contrefaçon.

J’agrémente mes pages de dessins ou de photos. Je les choisis évidemment sans copyright et, lorsque c’est possible, je sollicite l’autorisation et j’en donne l’origine. Mais je suis conscient d’être parfois limite. D’autant que dans ce domaine, on ne peut pas dire qu’on ignore la loi.

En contrepartie, en tant que créateur du contenu de son blog, l’auteur est protégé par l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle. Ce qui veut dire que toute reproduction doit se faire avec son accord.

Enfin un point positif !

Le blogueur pourrait aussi engager sa responsabilité, non pas de son fait mais de celui des internautes qui laissent des commentaires. À défaut de modération a priori, il doit retirer rapidement tout propos provocateur ou injurieux.

C’est assez rare sur ce blog. Même si certains ont été limite sur des sujets qui touchaient par exemple au rôle de la police sous l’occupation allemande. Personnellement, je lis tous les commentaires avec attention, et s’il m’arrive de les utiliser dans un autre billet, j’y réponds rarement en direct. Il me semble que si mes écrits amènent un débat, il est plus ouvert si je n’interviens pas. Et puis, je vais vous faire une confidence, mon objectif n’est pas de défendre mes idées, mais de me faire une idée. Et si possible plusieurs. Ainsi, il y a 2 ans 1/2, j’ai écrit un billet sur l’arme du policier, et bien, les commentaires sont d’un niveau qui dépasse et de loin mes connaissances dans ce domaine.

Quant à l’hébergeur, il a deux obligations : une obligation d’identification et une obligation de surveillance du contenu. Il se doit de retirer rapidement une information « manifestement » illicite pour ne pas engager sa responsabilité civile (Le Monde.fr veille au grain.). Ce qui pourrait faire penser à une sorte de censure. Mais a contrario, il engage sa responsabilité s’il intervient d’une manière non justifiée. La parade, c’est l’article 6-I-4 de la loi de confiance dans l’économie numérique (LCEN), qui prévoit des sanctions en cas de notification abusive. « Le fait, pour toute personne, de présenter […] un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d’en obtenir le retrait ou d’en faire cesser la diffusion […] est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende ».

Cher lecteur, comme vous le savez maintenant, il vous faut donc saisir le modérateur uniquement à bon escient… Sur ce blog, il a été actionné une fois par un gendarme mécontent. Une autre fois, une personne m’a gentiment adressé un mail pour me faire remarquer une erreur la concernant, dans le récit d’une affaire criminelle. Dans le premier cas, j’ai effacé. Dans le second, j’ai présenté mes excuses et corrigé le texte.

nicolas.jpgMais il n’est pas facile de tant écrire sans se tromper. Une quinzaine de billets par mois. Plus que la plupart des journalistes, mais à la différence de ceux-ci, le blogueur travaille seul, avec les moyens du bord. Mais ce n’est pas un travail, puisqu’il n’y a aucune obligation, et surtout, avantage inestimable, pas de patron sur le dos… Cependant, le moindre sujet demande énormément de temps. Il faut chercher les sources, les renseignements (qu’on ne trouve pas toujours sur le Net), les recouper soigneusement, ne pas hésiter à décrocher son téléphone, etc., et puis, une fois qu’on a tout, il faut tout revérifier. Ensuite, enfin, il faut rédiger, et tout ça sans faute d’ortograf.

Avec à chaque fois que je clique sur « publier », cette appréhension : Est-ce que je n’ai pas raconté des bêtises ? Est-ce que mon histoire va intéresser quelqu’un ? Car des fois, c’est le bide complet, tandis que d’autres fois, je vois la courbe des visites monter, monter… (environ 1.4 million de visites, ou pages vues – je n’ai pas encore compris la différence – depuis le début de l’année). Et au lieu d’être satisfait, le trac me gagne et je me dis : De quel droit tu ouvres ton plomb?

Que de stress pour un modeste blogueur…

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Le billet précédent, Les policiers ont-ils le droit d’interroger un fichier ? a été lu 1.460 fois en 3 jours et le mini-débat qui a suivi a donné lieu à 27 commentaires. Philippe Pichon, qui par la force des choses est devenu un spécialiste en matière de fichiers de police, revient sur le STIC (20 octobre 2009 à 09:46) ; tandis que Marc Louboutin (19 octobre 2009 à 16:43) attire notre attention sur deux articles du Figaro qui parlent du fichier sériel. Si j’ai bien compris, il s’agit de connecter entre eux non seulement les fichiers de police, mais les fichiers d’autres administrations et même des réseaux sociaux, comme Facebook, ou celui des opérateurs téléphoniques. Un outil d’une efficacité redoutable pour les enquêteurs – et redoutable tout court dans de mauvaises mains.

Vidéosurveillance en entreprise : la CNIL juge et condamne

Le dirigeant d’une entreprise s’est vu infliger une amende de 10.000 euros par la CNIL pour avoir mis en place un système de vidéosurveillance qui, sous couvert de lutter contre les vols, filmait les salariés en continu sur leur poste de le-chien-et-le-reverbere_projetbobfree.giftravail. Et comme son directeur général s’était opposé au contrôle des agents de la CNIL, la société s’est vue en plus condamner par le TGI à une amende de 5.000 € pour délit d’entrave.

Dans ses délibérations, la Commission a considéré que le fonctionnement du système de vidéosurveillance constituait une collecte illicite de données disproportionnée au regard de la finalité. Et elle a relevé plusieurs manquements :

•    le système de vidéosurveillance n’avait pas été déclaré à la CNIL ;
•    le personnel n’avait pas été informé de l’existence de ce dispositif ;
•    aucun affichage ne rappelait les droits des salariés ;
•    l’accès aux images enregistrées s’effectuait à partir de postes informatiques non protégés par un mot de passe.

Il est bon de savoir que depuis la réforme de la loi informatique et libertés, en 2004, la CNIL dispose d’un réel pouvoir de sanction, notamment pécuniaire, puisque le montant de l’amende peut atteindre 300.000 €. Ce qui n’exclut pas la possibilité de poursuites pénales. Mais son action « répressive » ne se limite pas à la vidéosurveillance. Ainsi, en 2006, elle a sanctionné plusieurs banques pour l’absence de mise à jour de leur « liste noire », c’est-à-dire le fichier des clients qui ont connu un incident de paiement. Violant ainsi le principe du « droit à l’oubli » consacré par l’article 6-5° de la loi du 6 janvier 1978.

La vidéosurveillance s’installe partout. Sur la voie publique, dans les transports en commun, sur les lieux de travail… Insidieusement, elle est en train de modifier notre comportement. videosurveillance_parenthesesatelier.1255167471.jpgVous rêvassez sur l’escalier mécanique du métro, et patatras ! vous levez la tête et vous vous retrouvez face à l’œil inquisiteur d’une caméra. Fin du rêve ! Vous poussez la porte de votre entreprise en programmant votre prochaine RTT et re-patatras ! le patron vous épie de son œil électronique. Idem dans la rue, les magasins… Et qui peut dire aujourd’hui si les répercussions de la vidéosurveillance sur nos attitudes ne seront pas pires que les avantages attendus !

videosurveillance_beaute-et-bien-etre.jpgCar insidieusement, c’est un véritable chamboulement qui se manifeste dans notre vie de tous les jours. Nous prenons l’habitude d’être surveillé en permanence, instinctivement nous modifions notre comportement et d’une certaine manière nos pensées changent elles aussi. Un nouvel automatisme apparaît. Un peu comme on prend l’habitude de se méfier du téléphone portable ou de freiner à la vue d’un radar même si l’on n’est pas en excès de vitesse.

À force d’être surveillé, on se sent coupable.
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Si vous êtes intéressé par la vidéosurveillance, écoutez donc ce dimanche 11 octobre, sur France Inter, de 9 heures à 10 heures, l’émission Interception consacrée à ce thème.

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Remerciement à Gilles Bertrand pour ce sujet.
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Le billet précédent, Peut-on faire l’apologie du tourisme sexuel ?, a été lu 1.900 fois en 2 jours. Il a suscité 56 réactions, dont beaucoup, il faut le dire, ne sont pas en faveur du ministre de la Culture. Il m’a valu également quelques mails disons… désobligeants. Bof !

Obama se prend les pieds dans la Toile

Le mois dernier, deux sénateurs américains, l’un démocrate, l’autre républicain*, ont déposé un projet de loi pour mieux contrôler Internet, le Cybersecurity Act of 2009. Ça sonne autrement que notre pauvre HADOPI, non ! Mais ce internet-en-danger_blog_busi079d.JPGn’est guère plus rassurant. Ce texte prévoit la nomination d’un responsable de la cybersécurité, placé directement sous l’autorité de la Maison Blanche. Et il serait question de créer une nouvelle administration, l’Office of the National Cybersecurity Adviser, en prise directe avec le président des États-Unis – qui pour l’occasion se verrait doté des pouvoirs les plus étendus dans ce domaine.

Il pourrait en particulier désigner comme « systèmes critiques » des réseaux ou des infrastructures liés à Internet. Ces « indésirables » du Net pourraient voir leurs possibilités techniques réduites, ou même faire l’objet de coupures complètes. Tout cela au nom de l’urgence en matière de sécurité nationale et même en matière de cybersécurité tout court.

Le président Obama aurait ainsi la possibilité de couper Internet.

Et pour être efficace, des centres régionaux de cybersécurité pousseraient ici et là. Ils seraient en première ligne pour faire appliquer de nouvelles normes de sécurité cybernétique – qu’il reste à déterminer.

Ces éventualités hérissent au plus haut point le poil des défenseurs de la démocratie et des libertés individuelles. Ils estiment que ce texte, s’il était adopté, donnerait des pouvoirs incontrôlables au Président, car en l’état, c’est lui seul qui décrétera s’il y a urgence ou non. Il sera donc des deux côtés du manche.

Quant à la blogosphère, elle commence à s’échauffer.

Mais ce projet de loi, long de 51 pages, acte également l’importance d’Internet dans l’économie américaine. Il prévoit, par exemple, de donner des pouvoirs au Département du commerce, en autorisant son Secrétaire à accéder à l’ensemble des données de ces réseaux considérés comme critiques. Et aucune loi ne pourrait lui être opposable, même pas celles qui concernent la protection de la vie privée.

À l’heure où une partie des Américains considère le projet de la sécurité sociale comme une intrusion dans leur intimité, on peut imaginer que ce projet de loi aura du mal à passer les urnes. Comme dirait un certain ministre, va y’avoir du tohubohu.

Obama a fait rêver les Américains (et pas mal de Français) qui croyaient naïvement qu’un vent de liberté allait de nouveau souffler sur la Grande Amérique – et rien. Ou plutôt ce projet de loi que même notre Conseil constitutionnel repousserait du pied…internet-bâillonne.jpg

Mais les grands chefs qui mènent la danse sur notre planète ont de plus en plus de mal à accepter cette liberté d’expression que procure la Toile. Trop de libertés, ça fait fouillis, n’est-il pas !… Pour nous, Français, HADOPI sera-t-il le doigt dans l’engrenage ?

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* John Davison Rockefeller, membre du parti démocrate et descendant de la famille Rockefeller ; et Olympia Snowe, du parti républicain, qui est considérée comme la sénatrice la plus populaire du Congrès (source Wikipédia).

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Le billet précédent, Disparition de Maddie, le livre interdit, a été lu 2.010 fois en 2 jours. 13 commentaires et quelques mails, desquels il ressort que l’interdiction du livre a fait grand bruit au Portugal (la liberté d’expression est inscrite dans la Constitution). On m’a également fait remarquer que le commissaire Amaral n’avait pas transgressé son devoir de réserve, car dans la procédure portugaise, lorsqu’un dossier est « archivé », il est ouvert au public.

La caméra qui fait mouche

flic-heureux_image-lessor.jpgPour Brice Hortefeux, les caméras de surveillance sont dissuasives, mais elles permettent aussi d’identifier les auteurs d’un crime ou d’un délit. C’est la première fois que j’entends dans la bouche d’un ministre ce dernier argument, alors que c’est le seul qui les justifie réellement. Juste pour sourire, je me permets d’apporter une petite touche à ses propos, grâce à cette vidéo découverte sur le Net*.

Attention, c’est très court…

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Ou « Caméra de surveillance insolite » sur Dailymotion
*Sur la vidéosurveillance, et beaucoup plus sérieux, lire le billet de Jean-Marc Manach sur son blog, Bugbrother.

Le SMS peut-il servir de preuve ?

Le SMS est devenu le meilleur indic de la police*. C’est un véritable phénomène de société. Entre 7 et 11 milliards (selon les sources) en France, au dernier trimestre 2008. Quelles conséquences pour ces mots souvent écrits à la hâte et souvent dans un français approximatif ? Peuvent-ils servir de preuve dans une enquête judiciaire ?

sms_blog-de-100drine.jpgEn 2007, dans une affaire de harcèlement entre un patron et sa salariée, l’employeur soutenait que les SMS qui prouvaient sa faute devaient être assimilés à des conversations téléphoniques, et qu’à ce titre leur retranscription sans son consentement constituait un moyen déloyal de preuve.

La Cour de cassation a effectivement confirmé que l’enregistrement d’une conversation téléphonique à l’insu de l’auteur des propos est un procédé déloyal qui rend irrecevable la preuve, mais qu’ « il n’en est pas de même de l’utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur ».

Rappelons que le principe de loyauté de la preuve est un principe général. Dans ce domaine précis, il repose sur l’information préalable des procédés d’enregistrement. Toutefois, lorsqu’on envoie un SMS, on sait qu’il est destiné à être enregistré sur le téléphone de son correspondant. Il y a donc connaissance et acceptation implicite de cet enregistrement.

Pourtant, cette « preuve électronique », est à manipuler avec circonspection, car elle est contestable. Ainsi, dans le Recueil Dalloz 2007, Céline Castets-Renard, Maître de conférences à l’Université des sciences sociales de Toulouse, nous dit : « Il est peu probable que le procédé du SMS puisse garantir l’identité et l’intégrité. Cela est d’autant plus vrai des téléphones portables bluetooth qui peuvent permettre une prise de commande à distance par un tiers, sans que le titulaire du téléphone s’en aperçoive. Également, il ne faut pas négliger l’hypothèse simple et classique de la perte du téléphone ou encore de l’usage du téléphone par un tiers, à l’insu de son propriétaire ».

Madame Castets-Renard a raison, mais comme souvent dans le domaine des arguments techniques ou scientifiques, il existe un risque (non formulé) du retournement de la preuve. Et il va appartenir au propriétaire du téléphone de démontrer qu’il n’est pas l’expéditeur du SMS… sms_3g4g_blogspot.1248941047.gif

En tout cas, lorsqu’on pianote un texte sur son portable, il faut avoir en tête que sur le plan juridique cela peut présenter les mêmes conséquences qu’une lettre. Ce SMS qui traîne sur l’appareil de votre correspondant ou dans l’informatique de votre opérateur téléphonique pourra un jour ou l’autre être ressorti comme une preuve, tant au pénal qu’au civil.

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* Les SMS intéressent de plus en plus la police, article de Jean-Marc Leclerc dans Le Figaro.fr

De l'homo erectus à l’homo numericus

Certains ont bien du mal à s’adapter au nouveau monde, comme on le voit ces temps-ci avec la réaction judiciaire de Mme Morano ou avec la loi Hadopi de Mme Albanel. Et bizarrement les idées nouvelles surgissent de ce lieu supposé ringard que certains vonotre-ancetre_jlegrand.GIFulaient même supprimer : le Sénat – qui devient peu à peu le seul endroit où l’on pense.

En effet, les sages se sont penchés sur les difficultés d’adaptation de notre société à l’ère du numérique. Ils s’inquiètent de ces nouvelles technologies qui accumulent les données et permettent de suivre un individu dans l’espace et le temps, et ils livrent à notre méditation 15 recommandations qui tournent autour de trois axes principaux :

– L’implication de chacun, maître et responsable de ses données personnelles
– Le renforcement des moyens de la CNIL
– Une modification du cadre juridique pour clarifier la notion de « vie privée ».

Le droit à la vie privée et la protection des données personnelles sont mentionnés dans de nombreux textes**, mais aujourd’hui, avec une technologie de plus en plus performante, on peut dire qu’ils ne sont plus raccords.

Et ce qui chatouille le plus le groupe de travail du Sénat sur le respect de la vie privée*, c’est « la recherche d’une sécurité collective toujours plus infaillible » Pour de nombreuses personnes, il n’y a pas d’inconvénient à être surveillées, suivies à la trace…, partant du principe qu’elles n’ont rien à se reprocher, ni à cacher. On en est donc à admettre l’existence d’une « surveillance institutionnelle ». Avec, c’est dans les tuyaux, une délégation au secteur privé – et les dérives qu’on peut imaginer. Cas d’école : la loi Hadopi.

Et les sénateurs estiment qu’il faut encadrer certaines techniques comme le GPS, ou la technologie sans contact (les puces RFID), deux techniques qui sont « un défi nouveau au regard du droit à la vie privée et de la liberté d’aller et venir ».

Enfin, le rapport revient sur les sites sociaux (Facebook, MySpace, etc.) ou les blogs, qui invitent à « l’exposition volontaire de soi et d’autrui ». Or, une fois en ligne, on n’est plus maître de ces données. Impossible de les supprimer, de les modifier… Il faudra les assumer toute sa vie. D’où l’idée d’un droit à l’oubli.

Parmi les mesures juridiques préconisées, on peut en retenir quelques-unes, simples d’application, comme celle qui consiste à affirmer sans ambiguïté que l’adresse IP constitue une donnée à caractère personnel, ou cette autre qui réserve au seul législateur la possibilité de créer un fichier de police.

Mais la meilleure est sans conteste l’inscription dans la Constitution du droit au respect de la vie privée.

L’homo erectus caractérise l’homme à un stade précis de son évolution : lorsqu’il s’est dressé sur ses deux jambes. C’est l’homme debout. L’homo sapiens, c’est l’homme qui s’est mis à penser : l’homme sage.

L’homo numericus sera-t-il capable de faire les deux : être sage, mais toujours debout ?

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escoffier_anne_marie_senat.1244360144.jpg* Créé le 22 octobre 2008 par la commission des lois du detraigne_yves_senat.1244360125.jpgSénat présidée par M. Jean-Jacques Hyest (UMP, Seine-et-Marne), le « groupe de travail sur le respect de la vie privée à l’heure des mémoires numériques » est composé de M. Yves Détraigne (UC – Marne, photo de droite) et Mme Anne-Marie Escoffier (RDSE   Aveyron, photo de gauche). Les conclusions ont été déposées lors de la réunion de la commission des lois du Sénat du 27 mai 2009. Ce sont les sénateurs qui parlent de l’homo numericus.

** Le droit à la vie privée comme la protection des données personnelles, qui en est une déclinaison, sont largement consacrés dans les textes, qu’il s’agisse de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 novembre 1966, de la « Convention 108 » du Conseil de l’Europe de 1981 et de la Charte européenne des droits fondamentaux du 7 décembre 2000. En France, le droit à la vie privée est inscrit à l’article 9 du Code civil et consacré par la jurisprudence du Conseil constitutionnel (source Sénat).

Les dégâts collatéraux de la loi HADOPI

 hacker_googlestoriescom.1241430487.jpg« Un scan de votre ordinateur a été effectué… Vous avez un ou plusieurs logiciels dont vous ne possédez pas la licence légale. Vous devez remédier à cette situation dans les 24 heures sous peine de poursuites… » Pour les aigrefins, HADOPI, c’est déjà fait. Ils n’avaient pas envisagé le bon tour de ces diablotins de députés socialistes qui, planqués à la buvette du Parlement, ont surgi au dernier moment pour faire capoter le texte.

Bon, c’est pas grave : vont revoter, scrogneugneu ! Ils feront ainsi les frais (à leur tour) du nouveau postulat : Si tu votes mal, tu revotes !

Ces dernières semaines, des pourriels menaçants arrivent dans nos boîtes aux lettres : On a scanné votre ordinateur… Vous êtes en infraction… Alors, imaginons demain, lorsque cette loi sera adoptée…

La pauvre africaine qui veut qu’on l’aide à rapatrier son héritage en France moyennant une substantielle commission est complètement dépassée… Entre les arnaques et les bonnes blagues, va-t-y avoir du rififi dans les foyers ! En effet, comment détecter les avertissements réels, des arnaques, et même de la pub ?!

Car en cas de manquement à la loi HADOPI, l’internaute sera avisé par mail.
Et comme ce n’est pas l’auteur du piratage qui est visé par la loi, mais le titulaire de l’accès à la ligne, cela laisse la place à bien des incertitudes…

En effet, en tant que détenteur d’un abonnement au web, nous allons nous trouver « dans l’obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l’objet d’une utilisation à des fins » frauduleuses susceptibles de porter atteinte aux ayants droit (art. 336-3).

C’est le défaut à cette obligation de surveillance qui déclenchera les foudres HADOPI. Dans le recueil Dalloz 2009, Me Asim Singh, spécialiste en propriété intellectuelle, remarque toutefois que ce texte « n’a de sens et n’est intelligible que si l’internaute sait quels actes sont en effet soumis à l’autorisation des ayants droit. Or, dit-il, la réponse à cette question demeurant parfois incertaine même pour les spécialistes, il nous semble illégitime de la part du législateur de demander aux internautes de faire mieux ».

Pour parler simple, Le législateur se montrant incapable de définir l’objet exact du « délit », l’usager moyen se trouve dans l’incapacité de savoir quelles sont exactement ses obligations.

Bon, ça s’éclaircit pas !

En fait, si j’ai bien compris le système alambiqué qui nous attend, des agents assermentés rémunérés par des entreprises privées (Sacem, SACD, producteurs de film, de disques…) scanneront la Toile à longueur de journée pour détecter les pirates du Net. Ensuite, ils transmettront l’adresse IP des suspects à d’autres agents assermentés auprès d’une autorité administrative. Lesdits agents s’adresseront alors aux fournisseurs d’Internet pour obtenir l’identité des titulaires de la liaison en vue de leur adresser une mise en garde, et de les sanctionner en cas de récidive.

En principe, ils n’auront accès ni à l’historique des pages visitées ni au contenu des boîtes mails.

Ce n’est pas l’avis d’Anthony Astaix, de la rédaction de Dalloz. Dans une étude parue en 2008, il estime que l’art. L.331-20, permettra d’aller plus loin. Les agents publics habilités « pourront obtenir tous documents, quel qu’en soit le support, y compris les données nominatives conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques telles que identité, adresse postale et électronique, coordonnées téléphoniques du titulaire de l’abonnement utilisé… ».

Les gens qui s’y connaissent un peu en informatique (ce qui n’est pas mon cas) m’assurent que tout ça n’est pas très réaliste. Certains pensent même que le piratage pourrait du coup devenir une sorte de challenge chez les jeunes. On pirate et l’on se fait peur et on vous em… !

hadopi_leblog-de-djib.1241430851.jpgL’ancien directeur de l’Adami (Société pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes), Bruno Ory-Lavollée, a déclaré dans un article du Monde du 14 avril 2009 : « Aucun des artistes qui ont signé des pétitions pour soutenir cette loi ne peut accepter qu’en son nom on s’attaque aux libertés individuelles, ni que la culture, synonyme de liberté et d’épanouissement, entre en ménage avec l’espionnage des vies privées ».

Aujourd’hui, certains artistes (de gauche) ont écrit à Martine Aubry pour lui dire qu’elle avait perdu son âme en ne soutenant pas ce projet…

Alors, au risque de perdre ma place au paradis, je m’y suis mis aussi. J’ai téléchargé un ouvrage numérisé par Google : Les lettres choisies de Voltaire, 1792, tome deux. Et j’ai noté cette petite phrase : « Mais remarquez, Monsieur, pour la consolation des grands artistes, que les persécuteurs sont assurés du mépris et de l’horreur du genre humain, et que les ouvrages demeurent ».

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Le deuxième dessin provient du blog de Djib (ici).

Vidéo sur la vidéosurveillance

Les Français sont favorables à l’implantation de caméras de vidéosurveillance. C’est sans doute cette popularité qui a incité Bertrand Delanoë à approuver le plan « 1000 caméras » ! Pourtant, certains maires traînent les pieds. Auraient-ils peur de devenir des « maires fouettards » ?

camera.1234190939.jpgC’est le cas de Jacques Boutault, le maire du II° arrondissement. Pour se forger une opinion, il a organisé en novembre 2008 un débat sur la question. J’y étais. Mais pour être franc, il n’y a pas eu de débat : même si les arguments différaient selon les intervenants, tout le monde est tombé d’accord pour admettre que les caméras n’ont aucune incidence sur la protection des citoyens.

Il n’est donc pas « loyal » de parler de vidéo-protection.

Si les caméras de surveillance implantées sur la voie publique n’empêchent ni les crimes ni les délits, elles peuvent en revanche se révéler précieuses pour en identifier les auteurs, repérer des témoins et reconstituer les faits.
Il s’agit donc d’un bon outil pour les enquêteurs (ici).

Il faut mettre en parallèle cet avantage avec les risques d’atteinte à la vie privée, ou ceux qui sont liés à des technologies de plus en plus invasives… C’est un débat de société. À chacun de faire ses comptes.

La réunion, organisée par Dominique Butin-Friez, chef du cabinet du maire, a été filmée par la caméra (de surveillance) de Gilles Donnard. Un montage a été mis en place sur Dailymotion (le son est très mauvais).

C’est la scientifique Dominique Leglu, directrice de la rédaction de Sciences et Avenir qui a dirigé la discussion.
Les participants étaient :
– Laurent Bonelli, enseignant et chercheur à Paris X-Nanterre ;
– André Gunthert, enseignant et chercheur à l’EHESS (école des hautes études et sciences sociales) ;
– Noé Le Blanc, journaliste ;
– Georges Moréas (pour l’aspect technique).

Si vous êtes intéressé (mais c’est un peu long), vous pouvez cliquer ici.

Google, indic de la police

Il y a quelques jours, en surfant sur Google Earth, l’attention des policiers helvétiques a été attirée par une étrange parcelle de terrain : un rectangle de 150 mètres sur 50 délimité par une belle couleur jaune, tandis que le centre était tout vert.

google-is-evil.1233645683.jpgLe porte-parole de la police cantonale zurichoise a déclaré dans La Tribune de Genève : « L’homme y cultivait du cannabis et avait fait pousser du maïs tout autour. Comme les plantes de chanvre sont moins hautes, on ne pouvait rien voir de la rue ».

C’est ainsi que les policiers ont réussi un très beau coup en mettant à jour le plus important trafic de cannabis que la Suisse n’ait jamais connu. Au total, seize personnes ont été inculpées et plusieurs tonnes de cannabis, de marijuana et de haschich ont été saisies, ainsi qu’une somme de 400.000 euros.

Pour être tout à fait franc, les policiers enquêtaient sur ce trafic depuis plus d’un an, et Google n’a servi qu’à détecter l’un des producteurs. « Cela relève plus du coup de chance que d’un procédé systématique », a reconnu un enquêteur.

Décidément, l’entreprise de Silicon Valley joue sur tous les tableaux. On apprend qu’elle va nous permettre d’explorer les fonds marins, et, il y a une quinzaine de jours, Google Street View a permis de retrouver une fillette de 9 ans qui avait disparu.

Les faits se déroulent dans le Massachussetts. Dès que l’alerte de la disparition est lancée, les policiers récupèrent la position GPS du téléphone portable de la petite Nathalie, ce qui leur donne une zone de recherche. Ils rentrent les coordonnées dans Google Maps, puis ils analysent la zone à l’aide de Google Street View. Rue par rue, immeuble par immeuble. L’enfant a été retrouvée dans un hôtel. Elle avait été enlevée par sa grand-mère.

Aux E-U, selon une loi de 2005, les opérateurs de téléphonie mobile sont tenus de pouvoir localiser leurs clients dans un rayon maximum de 300 mètres. En conséquence, la plupart des téléphones portables sont munis d’un GPS. Pour la petite fille, c’était… du bon usage d’une loi liberticide.fish2.1233644970.gif

Google, indic de la police ; notre portable, mouchard de la police. On vit quand même une drôle d’époque.

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