Le mois dernier, deux sénateurs américains, l’un démocrate, l’autre républicain*, ont déposé un projet de loi pour mieux contrôler Internet, le Cybersecurity Act of 2009. Ça sonne autrement que notre pauvre HADOPI, non ! Mais ce n’est guère plus rassurant. Ce texte prévoit la nomination d’un responsable de la cybersécurité, placé directement sous l’autorité de la Maison Blanche. Et il serait question de créer une nouvelle administration, l’Office of the National Cybersecurity Adviser, en prise directe avec le président des États-Unis – qui pour l’occasion se verrait doté des pouvoirs les plus étendus dans ce domaine.
Il pourrait en particulier désigner comme « systèmes critiques » des réseaux ou des infrastructures liés à Internet. Ces « indésirables » du Net pourraient voir leurs possibilités techniques réduites, ou même faire l’objet de coupures complètes. Tout cela au nom de l’urgence en matière de sécurité nationale et même en matière de cybersécurité tout court.
Le président Obama aurait ainsi la possibilité de couper Internet.
Et pour être efficace, des centres régionaux de cybersécurité pousseraient ici et là. Ils seraient en première ligne pour faire appliquer de nouvelles normes de sécurité cybernétique – qu’il reste à déterminer.
Ces éventualités hérissent au plus haut point le poil des défenseurs de la démocratie et des libertés individuelles. Ils estiment que ce texte, s’il était adopté, donnerait des pouvoirs incontrôlables au Président, car en l’état, c’est lui seul qui décrétera s’il y a urgence ou non. Il sera donc des deux côtés du manche.
Quant à la blogosphère, elle commence à s’échauffer.
Mais ce projet de loi, long de 51 pages, acte également l’importance d’Internet dans l’économie américaine. Il prévoit, par exemple, de donner des pouvoirs au Département du commerce, en autorisant son Secrétaire à accéder à l’ensemble des données de ces réseaux considérés comme critiques. Et aucune loi ne pourrait lui être opposable, même pas celles qui concernent la protection de la vie privée.
À l’heure où une partie des Américains considère le projet de la sécurité sociale comme une intrusion dans leur intimité, on peut imaginer que ce projet de loi aura du mal à passer les urnes. Comme dirait un certain ministre, va y’avoir du tohubohu.
Obama a fait rêver les Américains (et pas mal de Français) qui croyaient naïvement qu’un vent de liberté allait de nouveau souffler sur la Grande Amérique – et rien. Ou plutôt ce projet de loi que même notre Conseil constitutionnel repousserait du pied…
Mais les grands chefs qui mènent la danse sur notre planète ont de plus en plus de mal à accepter cette liberté d’expression que procure la Toile. Trop de libertés, ça fait fouillis, n’est-il pas !… Pour nous, Français, HADOPI sera-t-il le doigt dans l’engrenage ?
_________________________________
* John Davison Rockefeller, membre du parti démocrate et descendant de la famille Rockefeller ; et Olympia Snowe, du parti républicain, qui est considérée comme la sénatrice la plus populaire du Congrès (source Wikipédia).
______________________________________________________________________
► Tart-Empion | le 21 septembre 2009 à 09:44
Il y a 20 ans, vous deviez faire partie des « happy few »… Tous les internautes se connaissaient et s’appelaient par leur prénom ! 😆
« …Quand on voit ce qu’[Internet est] devenu on en pleurerait. »
C’est parce que, dans la nature humaine réside un « virus » de la malveillance : dès qu’une chose « impropre », « malhonnête », « malveillante » ou « délictuelle » peut être faite, soyez certain que quelqu’un la fera !
Une loi,un organisme de control d’Internet, pourquoi pas? A condition qu’il soit aussi au service du citoyen lambda. On en a plus que marre de trouver chaque jour nos écrans encombrés de messages que l’on ne veut pas, d’avoir a se méfier de nombreux intrus, d’hésiter à faire un achat en ligne parce qu’on ne veut plus donner nos numéros de cartes bancaires. Il est temps de considérer qu’une adresse email est un lieu privé,comme la boite au lettres sur le mur,ou le domicile. Que nul ne puisse y entrer sans autorisation formelle.
Il y a vingt ans j’étais un fervent partisan de la liberté absolue pour l’internet. Je trouvais ce nouveau moyen de communication si pratique et si ouvert sur tout et partout que je pensais qu’il fallait absolument protéger son caractère anar- chique. Hélas! Quand on voit ce qu’il devenu on en pleurerait
Je dois reconnaître que 6 commentaires sur ce sujet, c’est très peu !
Notons, tout d’abord, que les motifs invoqués pour la proposition de loi américaine (la « sécurité nationale », thème dont le peuple américain a été gavé pendant les huit années de Bush Jr: on comprend que ce soit un sujet sensible, même si on désapprouve l’initiative)) sont un peu plus consistants que ceux qui ont été avancés pour la loi HADOPI, en France (la prétendue lutte contre la spoliation des artistes de leurs droits d’auteur = traduisons « artistes » par « producteurs-éditeurs » et nous serons un peu plus proches du vrai).
J’ai la conviction que ce prétexte pour adopter la loi HADPI, cache une intention beaucoup plus maligne (au sens médical): permettre une surveillance légale de la vie privée des internaute, même en l’absence de soupçon ou de présomption de quoi que ce soit !
Au moins, les ricains annoncent franchement la couleur.
Bien entendu, quand on sait ce que le « Patriot Act » (2001) a permis comme excès, on ne peut pas approuver cette initiative, qui donnerait une sorte de pouvoir dictatorial à une homme qui n’est pas constitué pour jouer un tel rôle : remettez-nous un Bush, sinon !
@Lob: Au cas où vous n’auriez pas essayé, il est beaucoup plus difficile de tuer quelqu’un avec son clavier d’ordinateur qu’avec un flingue.
Peut-être cela justifie-t-il la plus grande liberté laissée sur le net, avec le clavier, que dans la rue, avec le flingue, non?
Nous n’avons rien à envier aux États-Unis, en matière de liberté sur la toile.
En France, nos mêmes instances ont également du mal à considérer celles et ceux qui s’expriment; surtout lorsque ces personnes sont placées sous leur autorité.
En pour cause…
Dites moi, ne vous opposeriez vous pas à toute introduction de sécurité ou de législation sur internet au nom des mêmes principes que des américains bas du front défendraient leur droit inaliénable à porter une arme?
Plutôt que de parler d’HADOPI, il faudrait parler des LOPSI et autres.
Par ailleurs, je ne suis pas sur que le conseil constitutionnel censure un tel texte, pour HADOPI par exemple, c’est pas sur le fond que le texte a été retoqué mais sur quelques détails qui n’ont pas empêché sont adoptions.
Incroyable !
Merci pour cette note.Comme ça, la même obsession que celle sous Bush refait surface ?
Les homes politiques sont vraiment tous nuls et se croient plus intelligents que les autres.
http://allainjulesblog.blogspot.com/
Le meurtre de la petite Marina avec la déclaration d’autosatisfaction du Conseil général de la Sarthe qui « respecte la liberté des familles », c’est du fait divers pour Le Monde. Rien sur le sujet ?