LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Vidéosurveillance en entreprise : la CNIL juge et condamne

Le dirigeant d’une entreprise s’est vu infliger une amende de 10.000 euros par la CNIL pour avoir mis en place un système de vidéosurveillance qui, sous couvert de lutter contre les vols, filmait les salariés en continu sur leur poste de le-chien-et-le-reverbere_projetbobfree.giftravail. Et comme son directeur général s’était opposé au contrôle des agents de la CNIL, la société s’est vue en plus condamner par le TGI à une amende de 5.000 € pour délit d’entrave.

Dans ses délibérations, la Commission a considéré que le fonctionnement du système de vidéosurveillance constituait une collecte illicite de données disproportionnée au regard de la finalité. Et elle a relevé plusieurs manquements :

•    le système de vidéosurveillance n’avait pas été déclaré à la CNIL ;
•    le personnel n’avait pas été informé de l’existence de ce dispositif ;
•    aucun affichage ne rappelait les droits des salariés ;
•    l’accès aux images enregistrées s’effectuait à partir de postes informatiques non protégés par un mot de passe.

Il est bon de savoir que depuis la réforme de la loi informatique et libertés, en 2004, la CNIL dispose d’un réel pouvoir de sanction, notamment pécuniaire, puisque le montant de l’amende peut atteindre 300.000 €. Ce qui n’exclut pas la possibilité de poursuites pénales. Mais son action « répressive » ne se limite pas à la vidéosurveillance. Ainsi, en 2006, elle a sanctionné plusieurs banques pour l’absence de mise à jour de leur « liste noire », c’est-à-dire le fichier des clients qui ont connu un incident de paiement. Violant ainsi le principe du « droit à l’oubli » consacré par l’article 6-5° de la loi du 6 janvier 1978.

La vidéosurveillance s’installe partout. Sur la voie publique, dans les transports en commun, sur les lieux de travail… Insidieusement, elle est en train de modifier notre comportement. videosurveillance_parenthesesatelier.1255167471.jpgVous rêvassez sur l’escalier mécanique du métro, et patatras ! vous levez la tête et vous vous retrouvez face à l’œil inquisiteur d’une caméra. Fin du rêve ! Vous poussez la porte de votre entreprise en programmant votre prochaine RTT et re-patatras ! le patron vous épie de son œil électronique. Idem dans la rue, les magasins… Et qui peut dire aujourd’hui si les répercussions de la vidéosurveillance sur nos attitudes ne seront pas pires que les avantages attendus !

videosurveillance_beaute-et-bien-etre.jpgCar insidieusement, c’est un véritable chamboulement qui se manifeste dans notre vie de tous les jours. Nous prenons l’habitude d’être surveillé en permanence, instinctivement nous modifions notre comportement et d’une certaine manière nos pensées changent elles aussi. Un nouvel automatisme apparaît. Un peu comme on prend l’habitude de se méfier du téléphone portable ou de freiner à la vue d’un radar même si l’on n’est pas en excès de vitesse.

À force d’être surveillé, on se sent coupable.
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Si vous êtes intéressé par la vidéosurveillance, écoutez donc ce dimanche 11 octobre, sur France Inter, de 9 heures à 10 heures, l’émission Interception consacrée à ce thème.

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Remerciement à Gilles Bertrand pour ce sujet.
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Le billet précédent, Peut-on faire l’apologie du tourisme sexuel ?, a été lu 1.900 fois en 2 jours. Il a suscité 56 réactions, dont beaucoup, il faut le dire, ne sont pas en faveur du ministre de la Culture. Il m’a valu également quelques mails disons… désobligeants. Bof !

15 Comments

  1. partage de fichiers

     » Nous plaisons plus souvent dans le commerce de la vie par nos défauts que par nos qualités. « 

  2. surveillance gardiennage

    Plus rien ne nous étonne, mais là, faut arrêter, on est vraiment traqué de partout. Si les gens ne peuvent même plus travailler tranquillement. Que l’on mette des caméras pour la sécurité des gens, je suis d’accord mais pour être épié : non !

  3. Opsomer

    Une analyse personnelle à ce propos :
    http://phmadelin.wordpress.com/2009/08/26/video-surveillance-efficace-cest-a-voir/
    Mis à jour par les liens en commentaires

  4. Eric Lefèvre

    Plus efficace encore, une caméra couplée à un flash ball …Faudra simplement faire attention à ne pas être gênant!

    🙂

  5. Antoine C

    « Et j’ajouterais que, de toute façon, à partir du moment où l’on a rien à se reprocher, en quoi gênent ces caméras? » (Christophe)
    En théorie, pas grande gêne, mais j’ai toujours tendance à répondre : si je n’ai rien à me reprocher, pourquoi me surveiller ?
    Pour moi, c’est comme aller pisser avec quelqu’un qui vous regarde fixement. Effectivement, il est derrière, à plus de trois mètres, il ne dit même rien. Pas gênant à priori… Mais il regarde, on le sent, et… bah ça la coupe, quoi.

    Et historiquement, avec cet argument, on a fait passer les pires saloperies. Donc j’ai comme une méfiance latente, quand on me sort ça. Ca part toujours des meilleures intentions, mais comme le dit TZ, il y aura toujours un petit malin pour détourner tout ça. Il y a toujours eu, en tous cas. Bonne raison de se méfier, ou je suis vraiment parano ?

  6. Classics

    Est-ce que cela ne peut concerner que la vidéosurveillance ? Qu’en est-il des emails par exemple ?

  7. Thomas

    Un article récent l’avait prouvé, comme le dit TZ, les caméras omniprésentes n’empêchent pas les crimes. Par contre, elles sont très efficaces… pour faire réélire un maire. (Et accessoirement engraisser ceux qui les fabriquent.)

  8. TZ

    « Tout système pouvant être détourné le sera forcément un jour ». Mettre des caméras partout, outre qu’elles n’améliorent quasiment pas les travaux d’investigation (voir les études récentes en Angleterre), expose au risque qu’un individu, un groupe voire un futur pouvoir en place pourra les détourner pour un tout autre usage. Il est de bon ton de citer Orwell, mais 1984 est effectivement de plus en plus d’actualité.

  9. glauque22

    « Donc, on l’aura compris, la vidéo surveillance, aucun problème pour moi. Bien au contraire ».

    @ Christophe : tu vas peut-être changer d’opinion le jour où tu vas visionner le film de ta femme en train de se faire sauter par ton collègue de la Péhène dans les chiottes de l’immeuble où tu avais mis une caméra espionne, vu que tu soupçonnais les dealers du coin d’y planquer leur came.

  10. christophe

    Forcément, d’un point de vue professionnel, je ne peux que être pour la généralisation de la vidéo-surveillance.
    Elles fournissent un outil très précieux. J’en veux pour exemple l’affaire suivante, à laquelle j’ai participé il y a quelques mois, au sein du groupe de PJ dans lequel je suis:
    Deux individus braquent une bijouterie parisienne. Ils emportent avec eux plusieurs centaines de milliers d’euro en montres. Deux de mes collègues ont la présence d’esprit d’aller très rapidement au PC sécurité de la RATP, puisque les malfaiteurs sont partis à pieds.
    De là, ils réussissent à retracer le parcours des deux individus, dans le métro.
    Ainsi donc, connait-on la station de métro à laquelle ils sont sortis. De là, il n’y a qu’à faire un travail de recherche dans les hotels avoisinnant, puisque ces individus sont décrits avec « un accent de l’est ». On imprime les photos de la RATP, on fait le tour des hotels, et le tour est joué. Ils sont « logé ». Il n’y a plus « qu’à les serrer ». Ce qui sera fait le lendemain matin. Tout le préjudice est retrouvé, tout comme l’arme utilisée.
    Donc, de ce point de vue là, il est tout à fait compréhensible que cette surveillance vidéo nous est concrètement utile.

    Ensuite, d’une manière générale, il ne faut pas non plus croire que 1 caméra = 1 homme qui regarde 24h24 les images qui sont retransmises. Toutes ces données sont tout juste stockées sur un disque dur, et écrasées par celles qui viendront plus tard.
    Il n’est donc pas non plus question de faire un système à l’américaine, ou toutes les données sont centralisées plusieurs années durant.

    Et j’ajouterais que, de toute façon, à partir du moment où l’on a rien à se reprocher, en quoi gênent ces caméras?
    J’en vois déjà qui vont me parler d’atteinte aux libertés… mais quelles libertés? en quoi vous gênent ces caméras? elles ne vous empêchent pas d’aller où vous le voulez ! Donc, à mon sens, aucun argument qui soit réaliste, si ce n’est la « sacrosainte-sainte » philosophie de la liberté qui n’est qu’une conception de quelque chose, et qui ne voit rien de très réaliste (je parle là de l’atteinte que pourrait résulter ces caméras).
    Donc, on l’aura compris, la vidéo surveillance, aucun problème pour moi. Bien au contraire.

  11. janssen j-j

    Merci de m’avoir effacé.
    Je viens d’intercepter vos commentaires bien équilibrés, ce dimanche matin… comme ceux de ce blog attachant finalement.
    Elle était pas géniale l’émission, mais c’était pas mal qu’elle s’achève par vous, votre regard toujours équlibré.
    « Faire de la police, c’est faire du contact humain, ce n’est pas du contact machine à machine », dites-vous. « Il faudra évaluer l’efficacité dans 10 ans »…
    Dommage, je sens dans votre propos une légère résignation, comme si vous aviez perdu la bataille contre la généralisation des caméras.
    Dans 10 ans, la Péhène ne sera plus humaine, n’importe quel type d’agent dédié sera évalué sur sa capacité à avoir répondu le plus « efficacement » possible à n’importe quel problème signalé par les technologies de la vidéo (surveillance, protection, assistance). L’évaluation de cet agent efficace ne sera faite que par son « client » (« des agences publiques » ou des « citoyens regroupés »), à qui ils lui auront demandé de travailler à leurs intérêts exclusifs. Il aura été choisi parmi cuex qui auront su convaincre leur client de disposer des technologies les plus efficaces, càd filmer, détecter, signaler et/ou résoudre le « problème » posé dans leur espace domestique et/ou public. Dans 10 ans, il n’existera plus de différences entre les sphères et les espaces, car leur continuité sera devenue totale (foyer-entreprise-rue) au regard de caméras capables de (re)tracer les flux par delà ces frontières artificielles. « L’agent de police » ne sera plus que l’agent à qui l’on demandera de faire la simple jonction et surtout d’aller alpaguer concrètement le « gêneur » de votre problème, de vous l’amener afin que vous lui infligiez vous-même la correction qu’il mérite.
    Le « meilleur des mondes » sera enfin là, la Péhène ne sera plus devenue qu’une institution virtuelle, Il sera temps de nous recycler, Georges.
    Voilà, ça vous fait 6.

  12. GM

    Voila, ça fait toujours 5…

  13. janssen j-j

    Euh, j’ai causé trop vite, j’avais mal lu le billet qui parle d’un contrôle de la CNIL dans l’espace de l’entreprise. En effet, ça colle, moi je parlais des caméras dans la rue. Donc je demande un droit à rectification. Eventuellement Georges, si vous pouviez effacer le précédent message… Enfin bon, vous faites comme vous le sentez. POur l’instant, ça vous en fit 5.
    Désolé pour les fidèles addicts… Maxima culpa

  14. AJ

    Excellente nouvelle pour ce flicage abscons.

    Alors, à quand la condamnation de certains Maires, ceux mettent des caméras dans leur ville à tort et à travers ?

    http://allainjules.wordpress.com/

  15. MERCIER MICHEL

    POur infos.

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