LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Société (Page 15 of 40)

Des agents paramilitaires pour affronter les pirates de la mer

Nos parlementaires viennent d’adopter une loi autorisant la mise en place d’une force armée privée à bord des navires de commerce. La France, deuxième puissance maritime mondiale (presque à jeu égal avec les États-Unis) est pourtant l’un des derniers pays d’Europe à franchir ce cap. Il n’a pas dû être facile pour nos autorités de déléguer ainsi au « privé » le devoir régalien d’assurer la protection des personnes et des biens. Mais dans une société où les comptables sont rois, l’enjeu était trop gros : un préjudice évalué entre 7 et 12 milliards d’euros. D’autant que certains armateurs français louchaient vers les pays où il existe déjà des sociétés militaires privées, envisageant même de changer de pavillon.

CaptureLa loi a mis près de deux ans à sortir du chapeau. Elle est compliquée, contraignante et un rien timorée, au point de se demander si les entreprises françaises qui vont se lancer dans l’aventure parviendront à rester concurrentielles ? Il faut l’espérer, car c’est un marché en pleine expansion. Continue reading

La justice européenne cherche à s’imposer

Alors que la coopération européenne bat son plein dans la police, le système judiciaire est à la traîne. Il faut dire que si les États soutiennent haut et fort la lutte transfrontière contre la criminalité et le terrorisme, bien peu sont prêts à abandonner leur souveraineté, notamment en ce qui concerne le déclenchement de l’action publique, autrement dit, l’initiative des poursuites. Raison pour laquelle le traité de Lisbonne, applicable depuis fin 2009, apporte des garanties aux États membres lorsque certaines mesures risquent de mettre en cause leur justice pénale, comme la définition des infractions, le barème des sanctions ou la création d’un parquet européen. Le garde-fou consiste en une clause dite « frein-accélérateur » que les États membres peuvent évoquer pour bloquer une décision ou au contraire demander un renforcement de la coopération.

Eurojust_LogoLe traité de Lisbonne pose le principe d’un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect des droits fondamentaux et des différents systèmes et traditions juridiques de chaque pays de l’Union. Il définit une coopération accrue en matière de justice civile et pénale par le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions – ce qui implique le rapprochement des législations nationales et l’application de règles minimales communes. Continue reading

Le mandat d’arrêt européen : arrestations sans frontière

Après un procès dérangeant qui aurait sans doute inspiré Jean de la Fontaine, Jérôme Kerviel a entamé un bras de fer avec la justice, attendant, sous l’œil bienveillant des médias, que les forces de l’ordre viennent le chercher de l’autre côté de la frontière italienne – mais au sein de l’Europe. Ce fait-divers braque les projecteurs sur l’avancée la plus importante de l’UE en matière de justice et de police : le mandat d’arrêt européen (MAE).

Touriste de bananes de Georges Simenon, illustré par Loustal (Vertige Graphic)

Touriste de bananes de Georges Simenon, illustré par Loustal (Vertige Graphic)

En effet, l’extradition n’existe plus entre les États membres de l’Union. La France a entériné la chose en 2003 en modifiant sa Constitution : « La loi fixe les règles relatives au mandat d’arrêt européen en application des actes pris par les institutions européennes ».

L’extradition a donc été remplacée par un système « basé sur la confiance réciproque » qui consiste à remettre au pays demandeur les personnes condamnées, comme Jérôme Kerviel en France, ou celles qui font simplement l’objet de poursuites pénales. On ne parle donc plus d’une personne extradée mais, en l’absence de synonyme, d’ « une personne dont la remise a été demandée ».

Le vieux principe selon lequel la France n’extrade pas ses nationaux a donc vécu. Il s’est incliné devant la citoyenneté européenne. Continue reading

La police européenne va de l’avant

L’Europe est souvent critiquée mais s’il y a un domaine dans lequel l’évolution est notoire, c’est la police. Helmut Kohl, en 1991, aurait été le premier à envisager la création d’une agence de police européenne, à l’image du FBI. On est loin du compte, même si petit à petit on s’en approche. Et pourtant, depuis près de 20 ans, il existait une structure plus ou moins secrète créée d’une manière empirique par la volonté de plusieurs pays européens. Ou plus exactement par la volonté de quelques hommes, des praticiens, qui ont su forcer la main des pouvoirs politiques.

logo_DRISa mise en place a été envisagée à l’issue de la prise d’otages perpétrée lors des JO de Munich en 1972.  Le fonctionnement d’Interpol étant apparu trop rigide pour faire face à de telles actions terroristes, il s’est constitué une sorte de bureau de liaisons. Les gouvernements des États membres de la CEE l’ont entériné en 1976, en créant officiellement (mais en dehors de tout traité), le groupe TREVI. Sa création a été suffisamment improvisée pour qu’aujourd’hui encore on ne sache pas trop d’où vient son nom. Probablement parce que la première réunion a eu lieu à Rome, pas très loin de la célèbre Fontaine de Trevi et qu’elle était présidée par un Hollandais du nom de Fonteijn. En France, plus tard, les parlementaires ont voulu en faire un acronyme (Terrorisme – Radicalisme – Extrémisme- Violences internationales), mais personne n’y a cru. Continue reading

Juges et journalistes : secret de l’instruction contre secret des sources

Après la publication d’extraits d’écoutes téléphoniques judiciaires, Nicolas Sarkozy, dans sa lettre aux Français, s’interroge : « Qui a donné ces documents alors même qu’aucun avocat n’a accès à la procédure ? Les seuls détenteurs en sont les juges ou les policiers… Sont-ils au-dessus des lois sur le secret de l’instruction ? » Et simultanément, son avocat, Me Herzog, d’annoncer le dépôt d’une plainte.

Ecoutes L’affaire est intéressante, car, lorsqu’il y a des fuites dans une procédure, il est de coutume d’en accuser les avocats. Il faut dire que c’est souvent le cas, les avocats, et surtout les pénalistes, aiment à briller dans les médias. Et les renvois d’ascenseur ne sont pas rares… Mais ici, il semble bien que les juges aient tenu ces écoutes secrètes jusqu’au dernier moment, quelques semaines après la nomination du nouveau procureur national financier, Mme Houlette, dont les compétences s’étendent de la fraude fiscale au blanchiment, en passant par la corruption et son duplicata, le trafic d’influence. Ce sera donc l’un des tout premiers dossiers du nouveau parquet « mains propres ». Je ne sais pas si le procureur de Paris a été consulté Continue reading

Le maire, 1er flic de sa ville ?

Si l’insécurité n’est pas le débat majeur des élections municipales, à quelques jours du scrutin, il n’est peut-être pas inutile de revenir sur les pouvoirs de police du maire et de sa police municipale. Alors que Manuel Valls revendique le titre de premier flic de France, le maire peut-il dire de même dans les limites de sa commune ?

Et le souhaite-t-il ?

Yosemite SamLe maire, officier de police judiciaire – En tant qu’officier de police judiciaire, le maire peut recevoir les plaintes et les dénonciations, constater des faits par procès-verbal, arrêter des suspects lors d’un flagrant délit, les placer en garde à vue, faire des perquisitions, des saisies… Mais il doit également en informer le procureur de la République, lequel va probablement le sermonner et lui conseiller gentiment de passer à la main à des professionnels.

Car si le maire et ses adjoints sont OPJ de droit (art. 16-1 du CPP), c’est une qualité tombée en désuétude. Cette prérogative originale et révolutionnaire ne fait plus recette. Et peu de maires la revendiquent. Pourtant, si l’on remonte le temps… Continue reading

Un monde à l’écoute

Il y aurait environ 40 000 interceptions judiciaires par an et, ces jours-ci, deux petites écoutes téléphoniques de rien du tout n’arrêtent pas de faire parler d’elles. Les avocats affirment qu’il s’agit d’une violation des droits de la défense, un syndicat de magistrats défend sa corporation en disant que les avocats font du corporatisme, et Le Canard dégaine sa plume et surprend la garde des sceaux les doigts dans le pot de confiture. Et nous, on n’y comprend rien.

EcouteAlors, en évitant de surenchérir sur les cours de droit professés dans la presse (ça doit être dur d’être journaliste), on peut élucubrer sur la manière dont les juges nous surveillent. Car il est bon de rappeler que même un non justiciable peut faire l’objet d’une écoute. Il suffit d’être en relation avec un suspect. Ou de fréquenter un lieu… branché comme un bar, un bureau…, n’importe quel endroit où la personne visée est susceptible de décrocher le téléphone. Le juge d’instruction détient en effet de l’article 81 du code de procédure pénale un pouvoir d’ingérence dans la vie privée qui n’est limité que par son professionnalisme. La décision d’interception dépend de lui seul, elle est écrite et ne souffre d’aucun recours. La bonne règle veut d’ailleurs que l’impétrant ne soit pas informé puisque le plus souvent les procès-verbaux ne rejoignent la procédure qu’en fin de parcours – et parfois il n’y en a pas. Continue reading

L’État géolocalise et tape dans la caisse

Les députés ont renvoyé la loi sur la géolocalisation dans les enquêtes judiciaires devant le Conseil constitutionnel. Quel sera l’avis des Sages ? Tout le monde semble persuadé qu’il s’agit d’une simple formalité. Réponse « à très vite », comme on dit dans les milieux branchés.

La manchePourquoi n’ont-ils pas fait la même chose pour la géolocalisation effectuée en dehors du champ des magistrats (art. 20 de la LPM) ? La réponse est simple : lorsque ce pistage est fait dans le cadre d’une mission de police administrative, c’est sous le couvert du secret. Du coup, les risques de voir un quidam déposer une QPC sont quasi inexistants, puisqu’il ignorera tout des surveillances électroniques dont il a fait l’objet. Géolocalisation ou autres. L’affaire des fadettes du Monde, ne se reproduira jamais plus. Comme dirait George Sand, dans cette histoire, La Petite Fadette est passée par là. Continue reading

Retour sur l’affaire Benitez

Tout le monde s’attendait à un dénouement dans l’enquête sur la tuerie de Chevaline. Ça a fait pschitt ! Les gendarmes n’ont pas réellement progressé. En fait, il leur manque une clé : le mobile. Dans une autre affaire, à Perpignan, la disparition et probablement la mort de Madame Benitez et de sa fille, ce sont les policiers qui n’ont pas brillé. Dans les deux cas, les enquêteurs ont perdu du temps : quelques heures pour les gendarmes à Chevaline, plusieurs jours pour les policiers à Perpignan. Alors, seraient-ils moins bons que par le passé ? Il semble surtout que le poids de « l’administration » soit de plus en plus pesant dans le déroulement des investigations, ce qui bride d’autant l’initiative des hommes de terrain.

L’affaire de Perpignan est un bon exemple…

Le légionnaire Francisco Benitez s’est pendu le 5 août 2013. Si sa mort sonne comme un aveu et ne laisse aucun espoir de retrouver un jour sa femme et sa fille vivantes, elle ne résout en rien l’imbroglio qui entoure leur disparition ni le mystère qui plane autour de cet homme. Alors que la police et la justice ont eu bien du mal à se mettre en mouvement, aujourd’hui, se sont plusieurs groupes d’enquêteurs de la police judiciaire qui travaillent sur ce dossier. Et il pourrait bien réserver des surprises. Continue reading

Procureur, une fonction ambiguë

La boulette de Madame Taubira remet en scène le feuilleton de l’indépendance du ministère public. Certes, rien ne s’opposait à ce que la ministre de la Justice propose un autre poste au procureur général de Paris, François Falletti ; mais après avoir affirmé, il y a moins d’un mois, que les conditions de nomination des magistrats de parquet devaient être inscrites dans la Constitution, cette démarche laisse sans voix.

En effet, seuls les juges du siège sont inamovibles (article 64 de la Constitution), ce qui garantit leur indépendance. Tandis que les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des Sceaux. Raisons pour lesquelles la Cour européenne estime que le ministère public ne peut pas être considéré comme une autorité judiciaire au sens de l’article 5 – 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Alors pourquoi ces atermoiements ? Pourquoi ne pas réformer une fois pour toutes ? Continue reading

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