LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Société (Page 10 of 40)

Polar au Bastion

Le déménagement est en cours. Peu à peu, les services de la PJ parisienne vont rejoindre les locaux tout neufs du quartier des Batignolles. Tous grades confondus, bien des policiers y vont à reculons, même si les patrons doivent faire bonne figure. À terme, ce sont plus de 1500 fonctionnaires qui vont se retrouver sur ce site. Il s’agit, d’après l’administration, de maintenir une proximité entre les services de police judiciaire et ceux de la justice – du moins lorsque le futur tribunal de grande instance sera terminé. L’année prochaine. Si tout va bien. Cette raison avancée paraît un peu paradoxale, alors que les moyens de communication actuels permettent mieux que jamais de compenser l’éloignement et que le télétravail commence à gagner certaines administrations, même l’Intérieur…

Il faut surtout y voir, me semble-t-il, une volonté de concentration qui va au-delà d’un simple souci d’efficacité… Et pourtant, on ne peut pas dire que le transfert à Nanterre des services actifs de la DCPJ, tout comme le blockhaus de la DGSI, à Levallois, soient des réussites !

Mais la police, plus que jamais, est devenue une police d’État, qui s’éloigne de la population, et chacun sait que la préfecture de police de Paris, est un État dans l’État. Il est où le temps où certains élus socialistes (pas de nom, on ne tire pas sur une ambulance) voulaient mettre à bas la citadelle !

La PJ parisienne va-t-elle retrouver son âme après ce déménagement ? Peut-être, dans quelques années, ou plutôt quelques décennies. Continue reading

Le dernier tour de piste de Carlos

Ces jours-ci, Ilitch Ramirez Sanchez cabotine devant la presse alors qu’il est jugé pour un attentat à la grenade qui a fait deux morts et 34 blessés. Malgré les rides et son visage rondouillard, le bonhomme n’a pas changé : il n’a jamais eu aucun respect pour la vie humaine. Celui qui a terrorisé la France, il y a de cela plusieurs dizaines d’années, ressemble aujourd’hui à un clown qui ne fait rire personne.

Le personnage est apparu au grand jour en 1975, après avoir tué froidement trois hommes, dont deux policiers, et en avoir blessé gravement un autre.

C’était le vendredi 27 juin 1975. Au 13 de la rue des Saussaies, le siège de la DST, l’ambiance est décontractée. Certains se préparent à partir en vacances, d’autres, en week-end. Il y a même un pot pour fêter l’événement et pour marquer le départ à la retraite d’un fonctionnaire de la division B2, celle en charge du terrorisme international. Mais dans la cour, dans les locaux de garde à vue, il y a un certain Michel Wahab Moukharbal, dit Chiquitin, un Libanais de 25 ans que la division de surveillance avait pris en filature depuis sa descente d’avion, à Orly, deux semaines plus tôt.

Une filature qui les avait conduits dans une rue étroite derrière la Sorbonne. Devant l’immeuble du n° 9 de la rue Toullier. Là, un homme attendait. Contact. C’est Carlos – mais personne ne le connaît.

C’est ainsi que cette adresse a été enregistrée par les enquêteurs de la DST Continue reading

Immunités : pour qui pour quoi pourquoi ?

Dans un monde où l’actualité est de plus en plus judiciaire, pas facile de nos jours d’être journaliste ! On a vu récemment les difficultés de la presse à expliquer les subtilités de la nouvelle loi sur la prescription pénale (sur ce blog : La patate cachée derrière l’infraction cachée), tandis qu’aujourd’hui il est question de « l’immunité » parlementaire de François Fillon et de Marine Le Pen.

L’immunité est une cause d’irresponsabilité pénale attachée le plus souvent à la qualité de l’auteur des faits répréhensibles. Elle empêche les poursuites judiciaires sans supprimer l’infraction, ce qui (sauf exceptions) laisse les complices ou coauteurs punissables et ne ferme pas la porte à un procès civil. De fait, l’immunité permet à une personne de commettre un crime ou un délit sans aucun risque. Cette mansuétude est justifiée par l’exigence de la protection d’intérêts considérés comme supérieurs à la justice du tout-venant. Des intérêts qui peuvent être politiques, judiciaires, diplomatiques ou familiaux.  Et dans ce dernier cas, l’immunité nous concerne tous. Continue reading

Police de proximité : l’arlésienne ?

Pour colmater la cassure entre la population et sa police, mise en exergue par l’affaire Théo, certains semblent redécouvrir la police de proximité. On nous a déjà fait le coup. Après sa suppression en 2003 par Nicolas Sarkozy (« La police n’est pas là pour organiser des tournois sportifs… »), elle renaît de ses cendres sous des noms divers au moins par trois fois. La dernière en 2011, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant justifiant alors l’apparition des « patrouilleurs » par le besoin de « créer un climat, une ambiance de sécurité ».

Cette méconnaissance du principe même de la police de proximité est tout simplement affligeante.

Car faire de la « polprox » ne consiste pas à mettre sur le trottoir des gardiens en baguenaude, c’est au contraire une véritable révolution, on pourrait presque dire une philosophie, qui s’inscrit dans un précepte simple : la police n’est pas là pour servir l’État, mais pour assurer la sécurité des citoyens.

C’est un concept relativement nouveau qui est apparu à la fin des années 1980 aux États-Unis et en Angleterre sous l’expression « community policing ». Continue reading

Data-surenchère dans les services secrets

Depuis déjà un certain temps, la DRM (direction du renseignement militaire) s’efforce de convaincre les autres services de mutualiser les moyens techniques. Elle dispose pour cela d’un argument-choc : le Geoint – pour Geospatial Intelligence.

 « La guerre se gagne par la géo-intelligence » a affirmé récemment son directeur, le général Christophe Gomart. Il y a un siècle, il aurait été fusillé pour de tels propos. D’autant qu’il s’adressait à des jeunes gens lors d’un discours tenu sur « l’Intelligence campus entreprise », un lieu où l’Armée et les industriels espèrent recruter de nouveaux cerveaux.

Satellites espions, satellites d'observation, satellites militaires, satellites de télécommunication, satellites météorologiques...

Satellites espions, satellites d’observation, satellites militaires, satellites de télécommunication, satellites météorologiques…

C’est en janvier 2015 que la DRM s’est lancée dans l’aventure en ouvrant, sur la base de Creil, le CRGI (centre de renseignement géospatial interarmées). De quoi s’agit-il ? D’un système tarabiscoté qui mobilise les informations provenant de différentes sources (cybersurveillance, écoutes, sources humaines, documentation ouverte…) en les plaquant sur des images provenant des satellites, des drones, des avions de surveillance, etc. Les techniciens parlent de « chaînes traditionnelles d’exploitation des sources ouvertes ou maîtrisées et de représentation géophysique opérationnelle ». Pourquoi pas !

Pour faire simple, on mélange les images avec les données des sources de renseignement, et l’informatique mouline un résultat. Ce qui donne une sorte de Google earth en live et en 3D. Imaginez, le petit bonhomme jaune au milieu d’un camp djihadiste ! Continue reading

Un peu las, les OPJ renâclent

Plusieurs centaines de policiers auraient demandé à leur parquet respectif le retrait de leur habilitation à la fonction d’officier de police judiciaire. Ils veulent ainsi démontrer leur exaspération devant l’application d’une nouvelle loi qui modifie, à la marge, le déroulement de la garde à vue.

echarpe-1-copieIls estiment notamment qu’ils croulent sous la paperasserie et les taches annexes, ce qui les détourne de leur mission d’enquêteur judiciaire.

Même s’il est troublant de voir des représentants de la loi discuter sur le bien-fondé d’une loi qui a été adoptée par les élus il y a bientôt six mois, il faut reconnaître qu’ils n’ont pas tort : « Les multiples réformes intervenues depuis plus d’une vingtaine d’années ont toutefois rendu complexes et peu lisibles les règles de procédure pénale et, ce faisant, affecté leur efficacité pour les praticiens et les justiciables », peut-on lire dans le projet de la loi du 3 juin 2016, celle, justement, que critiquent les policiers.

Vous me direz, c’est tout pareil dans la vie de monsieur et madame Tout-le-Monde. Avant la moindre initiative, il faut tenter de savoir ce qui est permis, interdit, toléré, obligatoire, etc. C’est le mal de notre pays. Et même lorsqu’il est question de simplifier les choses, la technocratie prend le pas sur les bonnes intentions et tout devient plus compliqué qu’avant. Continue reading

Légitime défense des policiers : faut-il tordre le droit ?

Comme aux élections présidentielles de 2012, certains policiers revendiquent le droit d’utiliser leur arme sans avoir de comptes à rendre à la justice. Ce marronnier politico-policier frôle la démagogie, et pourtant, Bernard Cazeneuve a annoncé que les règles d’ouverture de feu par les forces de l’ordre seraient réexaminées.

Libre interprétation du trou de (la) balle qui a eu raison du parrain québécois Nicolo Rizzuto.

Il semblerait que dans un rapport, l’INHESJ (Institut national des hautes études sur la sécurité et la justice) préconise d’aligner ces règles sur celles en vigueur dans la gendarmerie.
C’est-à-dire une réglementation basée sur une loi et un décret promulgués par le gouvernement de Vichy afin de permettre aux policiers et aux gendarmes de lutter contre la Résistance. Des textes qui se référaient d’ailleurs à un décret de 1903 et à une loi de 1798.

Il est quand même assez étonnant de chercher à régler un problème actuel en se basant sur des textes aussi anciens… Continue reading

Police : la mutinerie

Quelques centaines de policiers s’attroupent, la nuit, depuis une semaine, pour manifester leur hostilité au gouvernement. L’attaque aux cocktails Molotov de Viry-Châtillon et les propos malheureux de Bernard Cazeneuve sur ces « sauvageons » qui s’en prennent aux forces de l’ordre ont suffi à faire sauter le couvercle d’une police en rupture.

france-mecontente2Ce n’est pas la première fois que la marmite déborde, car ce métier ne fait aucun cadeau ! Le flic prend l’homme. Et du coup, les policiers ont une inclinaison au nombrilisme. Ils sont souvent comme ces comédiens, tellement pris par leur personnage, qu’ils ne parviennent pas à séparer leur vie professionnelle de leur vie tout court. Et ils prennent tout dans la gueule. C’est sans doute l’une des raisons qui fait qu’il y a tant de suicides dans la profession…

C’est une charge difficile, pour celui qui l’exerce et pour le ministre qui se veut leur patron. Il n’est pas évident pour ce dernier d’écouter et de comprendre sans tomber dans l’excès, de la démagogie à la « couvrante » systématique. « Si la police était facile, il n’y aurait pas besoin de police », disait Dominique Monjardet, le premier sociologue à avoir exploré l’univers policier*.

C’est le métier qui veut ça. Continue reading

Info trafic… d’influence

Ces temps-ci, plusieurs affaires judiciaires visant le trafic d’influence ont fait la une des journaux, notamment celles qui touchent les hautes sphères de la hiérarchie policière. La dernière en date concerne Bernard Squarcini, l’ancien patron du Renseignement intérieur. On peut toujours en déduire que les flics sont moins honnêtes qu’auparavant ou les juges plus sévères, mais la réalité est tout autre : le marché de la sécurité et du renseignement est devenu un champ de mines – de mines d’or, s’entend !

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Extrait du mensuel Super Picsou

Dans les entreprises, notamment les grands groupes, l’espionnage est aujourd’hui une bête noire. Elles sont tenues de se protéger – et accessoirement, mais il ne faut pas le dire, de rendre la pareille à leurs concurrents. On comprend bien que ni le droit ni la morale n’ont de place dans cette guerre underground ou tout est permis sauf de se faire prendre. Ainsi, peu de gens sont au fait des arcanes des énormes marchés militaires que la France a récemment remportés ! Or, dans ce jeu off, les services de l’État ne sont pas innocents, mais ils ne doivent pas apparaître : il leur faut une couverture. Qui est mieux placé qu’un ancien de leurs services ! C’est ainsi que nombre de policiers ou de militaires (pas nécessairement des gendarmes) se lancent dans l’aventure, oubliant parfois qu’ils agissent désormais sans gilet pare-balles.

Et les balles proviennent d’une loi du 4 juillet 1889 qui est issue d’un trafic de décorations. Continue reading

15 ans, l’âge pénal de raison

Plusieurs adolescents d’une quinzaine d’années ont été arrêtés ces derniers jours pour s’être laissés embobiner par des partisans du djihad armé, au point, pour certains, paraît-il, d’être à deux doigts de « passer à l’acte ». Les enquêtes antiterroristes étant secrètes, nous sommes tenus de croire ce que l’on nous raconte, néanmoins, il est difficile de ne pas s’interroger : un délit d’intention peut-il s’appliquer à un enfant ?

La scène médiatique du terrorisme offre une tentation forte de vouloir y jouer un rôle. On en a un bon exemple avec ces ados qui ont « scénarisé » l’alerte bidon dans une église du quartier des Halles de Paris. Comment faire la différence entre l’intention malicieuse et l’intention pernicieuse ? Au lieu de déclarer que l’État se portera partie civile, le ministre de l’Intérieur n’aurait-il pas été plus inspiré de dire que cet événement a été un excellent exercice pour ses services parisiens ! Leur rapidité d’intervention a en effet démontré que l’on peut compter sur eux.

Manuel Valls, lui, a promis des « sanctions exemplaires » contre ces garnements. Euh !…

NOMBRE JEUNES DELINQUANTSLa justice des mineurs est sérieusement encadrée et s’il y a un domaine où les magistrats montrent leur indépendance, c’est bien celui-là. Continue reading

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