Dans un monde où l’actualité est de plus en plus judiciaire, pas facile de nos jours d’être journaliste ! On a vu récemment les difficultés de la presse à expliquer les subtilités de la nouvelle loi sur la prescription pénale (sur ce blog : La patate cachée derrière l’infraction cachée), tandis qu’aujourd’hui il est question de « l’immunité » parlementaire de François Fillon et de Marine Le Pen.
L’immunité est une cause d’irresponsabilité pénale attachée le plus souvent à la qualité de l’auteur des faits répréhensibles. Elle empêche les poursuites judiciaires sans supprimer l’infraction, ce qui (sauf exceptions) laisse les complices ou coauteurs punissables et ne ferme pas la porte à un procès civil. De fait, l’immunité permet à une personne de commettre un crime ou un délit sans aucun risque. Cette mansuétude est justifiée par l’exigence de la protection d’intérêts considérés comme supérieurs à la justice du tout-venant. Des intérêts qui peuvent être politiques, judiciaires, diplomatiques ou familiaux. Et dans ce dernier cas, l’immunité nous concerne tous.
L’immunité familiale se justifie par la nécessité de protéger la cellule familiale. Elle vise essentiellement les infractions qui concernent le patrimoine (vol, escroquerie, abus de confiance, extorsion de fonds, chantage…) lorsqu’elles sont commises par un ascendant, un descendant ou le conjoint au préjudice d’un ascendant, d’un descendant ou du conjoint. Autrement dit, si votre galopin se sert du numéro de votre carte de crédit pour commander sur internet la toute dernière PlayStation, inutile d’aller porter plainte, il bénéficie de l’immunité familiale. Et comme, depuis le 1er janvier 2017, la loi interdit la fessée et toute forme de violences éducatives, il ne vous reste plus qu’à vous mettre aux manettes et à jouer avec lui.
L’immunité familiale s’applique également aux délits de justice (recel de malfaiteurs, non-dénonciation de crime, défaut de témoignage…) dans un cercle plus élargi comprenant frères, sœurs et concubin.
Bon, on a bien compris que cela ne concerne pas la famille Fillon. Mais, le député Fillon, lui, bénéficie d’un autre système dérogatoire, même si dans le cas présent l’on parle à tort de son immunité parlementaire.
En effet, l’immunité parlementaire n’existe que pour les délits de « communication ». Les députés et sénateurs sont protégés par l’article 26, al. 1er de la Constitution qui les déclare irresponsables pour les opinions ou votes émis dans l’exercice de leurs fonctions. Cette protection trouve un écho dans l’article 41 de la loi sur la presse, ce qui permet aux journalistes de rendre compte des débats politiques sans crainte de poursuites pour injures ou diffamation. Et, depuis 2008, elle s’applique également aux dépositions des personnes entendues lors des commissions d’enquête parlementaires.
Donc, pour M. Fillon, cela n’a rien à voir avec la série télé qui occulte depuis des jours et des jours la campagne présidentielle.
En fait, ce qui le protège, c’est l’inviolabilité parlementaire. Il s’agit d’un privilège de procédure qui ne diminue en rien la responsabilité pénale de l’élu, mais qui interdit à la police de l’arrêter et de le mettre en garde à vue, où à la justice de le placer en détention ou sous contrôle judiciaire. Une protection qui trouve ses limites en cas de crime ou de délit flagrant, ou dans l’hypothèse d’une condamnation définitive. Cette protection ne peut être levée que par le bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Autrement dit, François Fillon fait aujourd’hui l’objet d’une enquête platonique et s’il ne répond pas à la convocation de ses juges, personne ne viendra le chercher et il ne sera pas mis en examen.
En ce qui concerne Marine Le Pen, poursuivie pour avoir diffusé sur son compte Twitter des photographies mettant en scène des victimes de l’organisation EI, les choses sont différentes, car si les parlementaires européens bénéficient d’un système de protection identique (en application de l’article 10 du Protocole sur les privilèges et immunités des communautés européennes), un juge français a demandé la levée de son inviolabilité, et le bureau de l’Assemblée européenne a donné son feu vert.
Du coup, pour cette affaire seulement, Mme Le Pen est désormais une citoyenne comme une autre face à la justice. Si elle ne répond pas à une convocation de justice, elle pourrait faire l’objet d’un mandat d’amener – ce qui mettrait encore un peu plus de sel dans le feuilleton électoral.
Si les délits reprochés à M. Fillon avaient été découverts alors qu’il était Premier ministre, sa situation aurait été différente : il n’existe aucune immunité pour les membres du gouvernement. La Constitution leur accorde toutefois un privilège de juridiction pour les actes répréhensibles liés à leur mandat ministériel : la Cour de justice de la République. On a vu le résultat avec le procès de Christine Lagarde, ou pour la première fois sans doute, une personne jugée coupable a été condamnée à rien. Plus fort, bien que la « négligence coupable » de l’ex-ministre ait coûté fort cher aux contribuables, le gouvernement, pourtant responsable des deniers publics, c’est-à-dire de nos sous, n’a pas engagé d’action civile afin de demander à cette dame des réparations financières.
Enfin, si demain François Fillon est élu président de la République, l’enquête le concernant sera suspendue, car l’immunité pénale du président de la République est quasi absolue. En théorie, il existe deux exceptions : la destitution et la saisine de la Cour pénale internationale.
Toutefois, pour les actes accomplis hors de l’exercice de son mandat, le chef de l’État ne bénéficie que d’un « sursis », car, un mois après avoir quitté l’Élysée, il redevient un justiciable comme les autres – ou presque.
C’est ainsi que Jacques Chirac a été condamné en 2011, quinze ans après les faits, à deux ans de prison avec sursis dans l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris. Il n’était pas présent à l’audience, mais on peut méditer les termes de la lettre qu’il avait adressée au tribunal : « Ce procès donne tort aux démagogues qui soutiennent que, dans notre pays, la justice serait sévère aux faibles et complaisante aux puissants. En république, la justice est la même pour tous. »
Du pot de fer au pot de terre, via l’article 31 de la Convention de Genève, il existe également une immunité pénale pour les réfugiés en situation irrégulière qui arrivent directement d’un pays où leur vie ou leur liberté était menacée – sous réserve qu’ils se présentent sans délai aux autorités. En France, cet article 31 est perçu de façon plutôt restrictive par la Cour de cassation.
Quant à l’immunité diplomatique, il s’agit d’une règle internationale et réciproque qui empêche toute poursuite judiciaire concernant le représentant d’un État étranger. Même pour les infractions les plus graves. Les policiers aujourd’hui retraités se souviennent… C’était, il y a bientôt quarante ans…
Le 31 juillet 1978, dans la matinée, deux terroristes palestiniens de l’OLP prennent plusieurs personnes en otages, dans les locaux de l’ambassade d’Irak, à Paris. Une explosion, puis des tirs d’armes automatiques. C’est l’affolement. Lorsque la brigade criminelle, la BRI, et une toute nouvelle unité de la gendarmerie, le GIGN, arrivent sur place, l’un des terroristes a déjà décampé. Finalement, après de longues heures de négociation, en fin de journée, le second accepte de se rendre. Mais il craint pour sa vie. Avant de baisser les armes, il exige un gilet pare-balles (denrée rare à l’époque) et une protection humaine. Accompagné de plusieurs de ses hommes, Robert Broussard va récupérer le bonhomme à l’intérieur de l’immeuble, et les policiers font écran de leur corps pour le conduire à une voiture où se trouvent Pierre Ottavioli, le patron de la brigade criminelle et son adjoint, Claude Cancès. C’est alors, depuis les fenêtres de l’ambassade, que plusieurs individus arrosent le terroriste et les hommes qui le protègent. En bas, sous la pluie de balles, les policiers ripostent, du mieux possible. La scène se passe sous l’œil des caméras de télévision (voir les images de l’INA). Dans la fusillade, un inspecteur de la brigade criminelle est tué, Jacques Capela, et deux autres sont blessés, tandis que l’un des tireurs est abattu. Trois Irakiens pris les armes à la main sont finalement arrêtés et conduits Quai des Orfèvres. 48 heures plus tard, ils en ressortiront libres : immunité diplomatique. Les gendarmes sont réquisitionnés pour les escorter jusqu’à l’avion qui doit les ramener à Bagdad.
Lorsqu’ils franchissent le lourd portail de bois du 36, les trois hommes sont entourés par un important rassemblement de policiers qui réclament justice. La situation est explosive. Et l’on assiste à cette scène ahurissante, où des tueurs de flics, protégés de la colère des flics par des gendarmes, s’enfuient légalement.
Une plaque en marbre est toujours accrochée au mur du bureau de Jacques Capela.
Bel article, tonique, intelligent, impertinent aussi.
Il montre, comme ses commentaires, qu’entre le fait et le droit, c’est l’exécutif qui est responsable de l’action, ni le législatif, ni le judiciaire…
Cher expert,
les cas que vous évoquez prouvent que le système actuel a des failles, que la Loi n’est pas la même pour tous soit qu’elle punisse soit qu’elle protège.
Pour ma part j’en déduis que le contrat actuel entre nous n’est pas satisfaisant, ni même supportable.
Je propose une approche qui remette tout sur la table à l’aune des informations et savoirs actuels.
Vous refusez la violence physique, c’est tout à votre honneur, mais quelle agressivité et quelle violence dans les propos.
Pour l’immunité parlementaire, ou sur le simple fait de « parler », sans connotation, on pourra saluer la mémoire de Yann Piat ; rappeler que le port de l’uniforme en délégation ne suffit pas à valider une maxime pourtant prégnante à en assurer une autre à l’instar du Colonel Sérot, ou de Mon Général laissant vilipender trés diplomatiquement ce bon commissaire Caille ; pour tout prévenu, rappeler le jugement en référé du 04/04/07 tout empapailloté ; pour les ministres, de Broglie, Boulin, Fontanet, Bérégovoy, …, qu’elle dépend ou pas de céder à une envie de promenade, que pour des gars comme Bernard Nut ou Thierry Imbert, elle n’existe que selon le caprice des vents dominants ; pour les juges, le recours aux procédures administratives s’avère probant de Port Bou à Valenciennes afin d’éviter de nouveaux Renaud ou Michel dans le respect de la jurisprudence Bruguière à la Rand Co, & pour les artistes, on s’en tiendra sans évoquer Jean-Edern ou Michel à la sentence d’Olivier Marchal relatant les absents dans « les Lyonnais ».
Pour le citoyen lamda, on ne peut désormais que lui souhaiter développer quelque résistance à la nocuité médiatisée intrusive de ses Elites pour pouvoir sereinement finir sa nuit . Au choix, de l’iguane ou au musée .
« Autrement dit, si votre galopin se sert du numéro de votre carte de crédit pour commander sur internet la toute dernière PlayStation, inutile d’aller porter plainte, il bénéficie de l’immunité familiale. Et comme, depuis le 1er janvier 2017, la loi interdit la fessée et toute forme de violences éducatives, il ne vous reste plus qu’à vous mettre aux manettes et à jouer avec lui. »
Merci de nous donner ce bel exemple de la faillite où l’interdiction d’utilisation de la fessée par des idéologues dont le but est d’empêcher les parents de bien éduquer les enfants (c’est l’objectif de tous les totalitarismes) nous mène !
Pour les cas Fillon & Le Pen : Dieu pardonne… Pas le prolétariat !
Idéologue de la fessée et des châtiments corporels, inconditionnels de l’apprentissage dans la douleur, prosélytes du martyr, doloristes illuminés, Sado-masos du monde entier ! Unissez vous pour exiger plus de douleur, de souffrances et de punition, le vrai totalitarisme c’est le laxisme !
Oui ! plutôt l’inquisition et les camps de la mort que cette insupportable absence de violence et d’humiliation, que finalement ne supportent que ceux qui n’ont jamais été ni frappés ni humiliés, ceux qui « ne savent pas ce que c’est », qui n’ont aucune envie de le faire à autrui et qui donc préfèrent s’expliquer, faire confiance et éduquer un enfant plutôt que de dresser un fauve.
Quand on à été éduqué à coups de triques on est bien obligé de croire aux coups de triques. Apprenons à nos enfants à cogner d’abord, on discutera ensuite…
Peut on donner (ou mieux) facturer une fessé à Monsieur Probe (lancer une mayonnaise sur un costard qu’il doit rendre ensuite : c’est méchant pour le généreux monsieur….) et à Fifille?