LE BLOG DE GEORGES MORÉAS

Catégorie : Fiches de lecture (Page 4 of 6)

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Mesrine au Canada : la légende écornée

Le 30 juin 1969, l’escouade des homicides du Québec découvre le corps d’Evelyne Lebouthillier, 58 ans, un tablier noué autour du cou. Elle gît sur le sol, dans le salon du motel dont elle est propriétaire, Les trois Sœurs, à Percé. L’hôtel où justement sont descendus Jacques Mesrine et Jeanne Schneider, sa compagne. Le cadavre est recouvert d’une couverture et, à première vue, le vol semble être le mobile du crime.

mesrine_la-presse_quebec..jpgLe couple est arrêté en Arkansas, aux E-U, au mois d’août, et leur procès se tient en janvier 1971.

Verdict : innocents !

Percé, le bout de la Gaspésie, le bout du bout. Un bled où il ne se passe jamais rien. Mesrine y reste quatre jours : un mort. Troublant, non ! Contre toute évidence, il a toujours nié ce meurtre, alors qu’il a reconnu avoir tué deux gardes forestiers et qu’il a revendiqué plein d’autres assassinats qu’il n’a jamais commis. Il faut reconnaître qu’étrangler une femme avec son tablier, cela ne correspond pas à l’image du bonhomme. Alors, qu’a-t-il voulu dire, plus tard, en écrivant : « Nous étions ainsi accusés d’un meurtre que je n’avais pas commis » ? Que Jeanne Schneider était la coupable ?

C’est l’une des questions soulevées par le québécois Eric Veillette, sur son site Historiquement logique. Né au moment des faits, en novembre 1971, il a toujours été fasciné par la légende de Mesrine. Il a lu de nombreux ouvrages sur le sujet et il dit avoir adoré les deux films de Jean-François Richet – mais pour lui cela reste du cinéma. En tant qu’historien à l’Université du Québec à Trois-Rivières, il a décidé de reconstituer le séjour du truand au Canada en dépiautant la presse et les archives locales.

Un éclairage différent qui écorne la légende.

evelyne-bourthillier et son motel.jpg

En 1968-1969, alors qu’il est recherché en France pour plusieurs vols à main armée, Mesrine s’enfuit au Canada. On peut penser qu’il cherche à reconstruire sa vie. Avec sa compagne, il trouve un job en mars 69, au service d’un handicapé, le richissime Georges Deslauriers. Lui est cuisinier et chauffeur, elle gouvernante. Mais à la suite d’une querelle avec le jardinier, tous deux sont licenciés. Le tempérament sanguin de Mesrine reprend alors le dessus. Le couple enlève et séquestre Deslauriers pour obtenir une rançon. L’affaire foire – et de nouveau, c’est la cavale.

Le 21 juin, ils s’arrêtent au motel Les trois Sœurs, à Percé. Ils en repartent le 25, en laissant leur chat à la garde d’une voisine, pour se rendre à Montréal.

Malgré leurs dénégations, l’enquête révèle un faisceau de présomptions à charge, voire de preuves. Ainsi, il est quasiment certain qu’ils seraient revenus en Gaspésie à bord d’une voiture de location. La veille du meurtre, on les aurait vus à environ 600 km du motel ; et plusieurs témoins affirment qu’ils ont passé la nuit à Percé. Le gardien d’une discothèque dit que le couple se trouvait dans son établissement vers 22 heures. Or la discothèque se trouve à cinq minutes à pied du motel. A quatre heures du matin, ils auraient pris une collation à Carleton, à environ 200 km de là. Et c’est sur cette route, sous un pont, qu’un adolescent a découvert un coffret renfermant des papiers personnels de la victime.

De plus, les empreintes relevées sur un verre et sur un guéridon, dans le salon où a été découvert le corps, sont celles de Mesrine et de Schneider, et, affirme le spécialiste de la police technique, elles ne peuvent remonter à plus de 24 heures.

Enfin, dans les bagages réexpédiés par les autorités américaines, on trouve des bijoux (une montre, deux colliers, une bourse…) et un réveille-matin, une sorte de copie d’ancien. Le tout semble appartenir à la victime. Ce que confirme sa sœur. D’ailleurs, une antiquaire déclare avoir vendu un réveil analogue, quelques années plus tôt, à Mme Lebouthillier.

Lors du procès qui a lieu en janvier 1971, le couple est défendu par Me Raymond Daoust, l’un des avocats pénalistes les plus en vue du pays. Il aurait été engagé, dit-on, par le père de Mesrine, depuis la France. Habilement, celui-ci désarçonne les témoins à charge. Il démontre que les bijoux et le réveil ne sont pas des preuves, car il pourrait tout aussi bien s’agir d’objets identiques. Il fait venir à la barre une femme, qui a fréquenté le couple à Montréal, et qui certifie que ces objets leur appartiennent.

Et pour couronner le tout, l’avocat fait citer un expert qui contredit le technicien de la police technique : pour lui les empreintes digitales peuvent être anciennes. Autrement dit, elles auraient été laissées par les accusés lors de leur séjour au motel. Un verre sale qui serait resté cinq jours sur un guéridon, au milieu du salon du motel… Bon.

Durant les audiences, Mesrine en fait des tonnes. Il intimide les témoins. Il n’hésite pas à pousser des coups de gueule, au point que le président menace de le juger en son absence. Mais il a réponse à tout. Le réveil ! Il l’a acheté à Montréal. La montre ! À Paris. Etc.

Au bout de trois semaines, le jury prononce l’acquittement. eric-veillette.jpgFranchement, je ne suis pas sûr que devant une cour d’assises française le résultat aurait été identique…

Lorsque j’ai demandé à Eric Veillette pourquoi il s’était intéressé à ce truand, et surtout ce qu’il en pensait. Il m’a répondu : « Je crois que Mesrine fascine parce qu’il reste encore des questions en suspens, en particulier dans la compréhension de sa personnalité ».

Là, je peux aider. Il était barge.

« Commissariat » : un film dérangeant

Lorsqu’on parle de la police, c’est souvent pour la blâmer et parfois, mais plus rarement, pour saluer une réussite : l’arrestation d’un assassin, le sauvetage d’un enfant… Mais qui connaît la vie de son commissariat ? C’est toujours avec une certaine appréhension que l’on pousse la porte… Un univers différent, un endroit qui a sa propre vie, ses propres règles. Et on est bien content d’en sortir.

en-cellule.jpgC’est donc sans grande conviction, que je suis allé voir Commissariat, le film de Ilan Klipper et Virgil Vernier*. En traînant les pieds.  Avec en plus la crainte de m’enquiquiner pendant une heure et demie.

J’avais tort. Je suis resté scotché à mon siège avec parfois la larme à l’œil. L’affiche souligne qu’il s’agit d’un film d’amour, mais c’est la détresse qui domine. La misère au quotidien. Et de la compassion, autant pour ces jeunes flics qui se cherchent que pour leurs « clients ».

Un film tout simple. Des séquences mises bout à bout. Et bizarrement, on n’en sort pas indemne. Encore maintenant, les images me tournent dans la tête.

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Sûr, on est loin d’une série télé ! Ici, les « criminels » sont des anthunes.jpggens ordinaires. Comme cet alcoolique qui s’est fait plus ou moins bastonner par ses voisins, sans doute lassés d’entendre ses vociférations. Et c’est sans pudeur, comme à un psy, qu’il se confie à l’officier de police qui l’a mis en garde à vue. « Je ne fais de mal à personne, dit-il en résumé, de temps en temps, je bois un coup, ou je fume un joint, ou les deux. » Il est touchant. Il a le même regard que Houellebecq et il parle comme Modiano. Ou le contraire, c’est selon.

samantha3.jpgEt cette jeune femme, Samantha, avec sa beauté toute simple, soulignée, comme une provocation, par une méchante cicatrice au menton. Il y a tant de vie passée, tant de tristesse dans son regard…

Quant aux policiers, surtout les plus jeunes, on les sent aussi perdus que les autres. Déracinés, loin de chez eux, affectés dans une ville qu’ils ne connaissent pas, avec l’impression qu’ils portent un uniforme trop grand pour eux. Ils ne sont pas encore flics et ils ne sont plus tout à fait pas flics.

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Ils supportent mal d’être marginalisés, de ne pas être aimés. Aussi, lorsqu’ils sauvent un enfant des flammes, un jeune Marocain, c’est comme une réconciliation. « Peut-être, maintenant, vont-ils nous voir autrement… ». L’image de la fliquette qui danse de joie devant l’immeuble en feu s’affiche comme un symbole. « Le plus beau moment de ma vie », dira-t-elle plus tard.

Mais si le commissariat est un lieu de vie, c’est plutôt de la vie des autres dont il est rempli. Des histoires qui passent, un procès-verbal plus long que nécessaire, un peu d’écoute, des conseils… puis le boulot qui reprend le dessus : « Allez, signe là ! » affiche-film-commissariat.jpg

Et le film se termine par une sorte de parabole, un gros plan sur l’employé qui nettoie les geôles de garde à vue – au karcher, car le commissaire trouve que ça décape mieux.

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*Le film a été tourné au commissariat d’Elbeuf. Il sort le 10 novembre, dans une dizaine de salles (dossier de presse et extraits ici).

« Un flic de l’Intérieur », l’histoire d’un livre

On dit que chaque livre a son histoire, derrière les mots. C’est le cas du Flic de l’Intérieur. Je l’ai écrit après avoir claqué la porte de la PJ, il y a maintenant… bien Un flic de l'Intérieur-livre.jpglongtemps. Je m’étais tant donné à ce métier que j’étais en manque, et, un bébé insomniaque sur les genoux, je passais une partie de mes nuits un crayon à la main. Oui, oui, un crayon, je peux le jurer.

C’était comme un journal intime, je ne savais pas alors qu’il serait publié.

Il y avait dans ce manuscrit des choses qu’on ne raconte pas, des méchancetés, des gentillesses…, et surtout beaucoup d’impudeur.

Lorsqu’il a  paru, j’étais sous la table. Et pourtant, ce livre a eu un vrai succès. Des centaines de policiers sont venus me serrer la main, leur bouquin sous le bras.

J’en avais la larme à l’œil.

Mais je m’étais bien juré qu’il ne serait jamais réédité.

Et puis voilà, par les hasards de ce blog, j’ai retrouvé Jean-Luc Tafforeau. Nous nous étions vaguement croisés alors que tous deux nous écrivions des polars pour le Fleuve Noir. Un drôle de bonhomme. Il m’a raconté que, lorsqu’il était môme, il griffonnait dans de petits carnets d’écoliers les histoires qu’il s’inventait. Puis un jour, son grand-père, André Odemard, découvre sa passion, et il lui propose d’être son éditeur, « pour de faux ». Il a perdu son grand-père depuis longtemps, mais l’amour du livre lui est resté.

Et dès qu’il a eu trois sous, il a réalisé son rêve : créer sa propre maison d’édition. Oh, ses bouquins, vous ne les trouverez pas à la FNAC, et vous n’en entendrez pas parler sur France-Culture, non, il s’agit le-cercle-damis.JPGde livres plus intimes, à des années-lumière d’Amélie Nothomb. Des livres moins travaillés, sans doute, mais aussi moins commerciaux, plus vrais.

Lorsqu’il m’a dit qu’il aimerait publier l’un de mes romans, j’ai refusé. Mais le ver était dans le fruit.

Je me suis dit que si un seul de mes livres devait être réédité, c’était Un flic de l’Intérieur, car s’il y avait eu Internet, à l’époque, sûr que j’aurais plutôt ouvert un blog.
En le relisant, pour la première fois depuis sa parution, je me suis trouvé face à une évidence : si la police a profondément changé, bien des problèmes d’hier sont encore d’actualité.

La comparaison n’est pas inintéressante.

Et je me suis trouvé aussi face à mes contradictions. Pendant des années, j’avais joué aux gendarmes et aux voleurs, sans vraiment me prendre au sérieux et sans plus réfléchir à mon métier. Aujourd’hui, avec les années qui s’entassent, je vois les choses différemment. Comme des rides de réflexion, à l’intérieur de la tête.

Si vous êtes curieux, et vous l’êtes forcément puisque vous lisez ce blog, cliquez donc sur le site des éditions AO-André Odemard , et jetez un œil sur l’avant-propos et le premier chapitre du Flic de l’Intérieur. Après tout, ça n’engage à rien.

Fin de la séquence publicitaire.

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Le grand banditisme en campagne pré-électorale a été lu 43 606 fois et a suscité 34 commentaires.

Le droit et la police

L’affaire  Bettencourt aura au moins le mérite d’attirer l’attention sur la guéguerre entre certains magistrats, sur le fonctionnement de la justice, et sur celui de la police. Il y a de la passion dans ce dossier, et chacun y va de sa propre interprétation du Code de procédure pénale – moi compris, sans doute. Aussi n’est-il pas inutile dans de telles circonstances d’ouvrir droit-de-la-police.1279609376.jpgun livre comme celui du commissaire principal Hervé Vlamynck : Droit de la police (3e édition – 2010), chez Vuibert, ouvrage qui se situe à mi-chemin entre la théorie et la pratique, et qui est préfacé par l’ancien directeur de la formation de la police nationale, Emile Pérez.

Voici ce qu’il nous dit de l’enquête préliminaire :

« Le pouvoir d’ouvrir une enquête préliminaire et de mener les investigations appartient concurremment à l’officier de police judiciaire, à l’agent de police judiciaire et au procureur de la République (…) Lorsque le parquet donne pour instruction de procéder à une enquête préliminaire, il fixe le délai dans lequel cette enquête doit être effectuée. »

À noter qu’à la différence de l’enquête menée dans le cadre d’une information judiciaire, il n’y a pas ici de délégation de pouvoir. L’enquêteur agit selon les prérogatives de sa fonction.

 « La police judiciaire a la possibilité de mettre directement en œuvre certains pouvoirs coercitifs » (contrôle d’identité, garde à vue, palpation de sécurité, réquisition à manœuvrier et prélèvement génétique).

Pour la garde à vue, le Code impose deux conditions : « La première concerne les nécessités de l’enquête et la deuxième suppose l’existence d’une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que la personne a commis ou tenté de commettre l’infraction, objet des investigations ». L’OPJ n’a pas à solliciter l’accord de la personne. « Il faut que celle-ci soit à sa disposition (…) Lorsque la personne accepte de l’accompagner, de le suivre ou de déférer à une convocation, (il) peut la placer en garde à vue. »

« Le seul domaine où la personne doit consentir expressément, est celui de la perquisition. »

Si une personne refuse d’accompagner les policiers ou de répondre à une convocation, le procureur de la République peut utiliser des mesures de contrainte (art. 78).

Si une personne refuse une perquisition, c’est le juge des libertés et de la détention qui va intervenir, pour les délits punis d’au moins cinq ans de prison (ce qui, après lecture de l’art. 324-1 du Code pénal, est le cas du blanchiment). Ce même magistrat peut également autoriser l’OPJ à se faire remettre les données des opérateurs de téléphonie, et sans doute (mais ce n’est pas très clair), à procéder à des écoutes téléphoniques. Dans la pratique, l’utilisation d’écoutes administratives, simplifient les choses. Elles ne peuvent cependant être utilisées en procédure.

les-differentes-enquetes.jpg

Quant à la coopération internationale, elle a profondément évolué ces dernières années. Ses différents organes sont aujourd’hui rassemblés au sein d’une plate-forme commune, le SCCOPOL (section centrale de coopération opérationnelle de police), qui est rattachée à la direction centrale de la PJ. Les échanges d’informations sont monnaie courante, avec, pour la Suisse, commission rogatoire ou pas, cette réticence à répondre à des recherches qui concernent une fraude fiscale.

Une enquête effectuée sur délégation d’un juge d’instruction ne donne guère plus de pouvoir à l’OPJ, et certainement beaucoup plus de contraintes. C’était le fil du billet précédent : une plus grande liberté d’enquête pour la police. D’autant qu’à la brigade financière, les rapports de force sont rarement physiques : on y sort plus souvent son stylo que son calibre.

Bien entendu, l’information judiciaire malmène moins les droits de la défense, puisque les « mis en examen » ont accès au dossier, mais il s’agit là d’un autre débat. À noter, comme le rappelle Péhène dans son commentaire du billet précédent, que le procureur peut très bien donner aux personnes concernées un accès au dossier, comme cela a été fait pour Julien Dray.

D’ailleurs, qui peut affirmer que le procureur Courroye n’ouvrira pas une information judiciaire à l’issue de l’enquête préliminaire ?

Ce qui serait dans l’ordre des choses.

Et dans ce cas, le magistrat qui serait en charge de l’affaire délivrerait des commissions rogatoires à des policiers – probablement les mêmes hommes et les mêmes femmes, avec au-dessus d’eux la même hiérarchie. Je suis de ceux qui réclament la saisine d’un juge d’instruction dans l’enquête Bettencourt, mais juge ou pas, les « techniciens de surface » seront les mêmes.

Bien sûr, on n’est pas obligé de leur faire confiance, mais pour l’instant, à la brigade financière, ils ont fait un sans-faute.

Attention, au nom de la justice, de ne pas se livrer à un procès d’intention.

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Bettencourt : Les policiers ne sont pas des potiches a été lu 10 434 fois et a suscité 37 commentaires. Le billet ci-dessus tente de répondre aux critiques.

Tirez pas sur le dabiste !

Ces temps-ci, les DAB sont à la vitrine des faits-divers. Toutefois, ces quelques lignes ne concernent pas l’actu, mais un petit livre (130 pages) paru aux éditions AO. L’histoire, pas sérieuse pour un centime d’euro, est celle d’un dabiste séquestré par une bande d’olibrius aux idées courtes et aux livre-dabiste.jpgflingues ravageurs.

Dans la vraie vie, les dabistes gagnent environ 1 300 €. Dernièrement, après quelques jours de grève, leur prime de risque vient d’être doublée : 140 € par mois. Dans leur job, ils se déplacent dans une voiture banale, transportent des dizaines de milliers d’euros dans des sacs en plastique, et, pour ne pas attirer l’attention, ils se font parfois passer pour les réparateurs de la machine à café.

On imagine le stress… Alors, autant en sourire.

« Si nous suivons le dabiste tout au long de sa journée, nous nous rendons compte que le niveau de vigilance (et en même temps de stress) du dabiste est directement fonction de la proximité qu’il a avec son outil de travail. Par exemple, le niveau de stress d’un dabiste en congé sur la Costa Brava a été évalué très proche de zéro. Inversement, quand il ouvre sa « bécane » pour alimenter le « bastringue » en espèces bien fraîches, le niveau de stress est si élevé qu’il est à peine tolérable par un individu normalement constitué. »

C’est l’analyse (avant l’action) faite par ces trois braqueurs à la mie de pain : Milan (qui a pris quinze ans pour avoir descendu l’amant de sa femme), l’Ingénieur (un tueur à gages qui s’imagine bosser pour l’administration – et qui se plaint de son salaire de misère) et Géraldine, la romantique qui va flasher sur Jason, le dabiste qu’ils ont décidé d’accompagner dans sa tournée.

L’auteur, Daniel Safon, est un récidiviste. C’est son troisième polar. Je n’ai pas lu le premier, mais le second, Crimes entre parenthèses, et je dois dire que j’ai eu un faible pour cette histoire complètement déjantée où tous les hommes qui tournicotent autour de la mystérieuse Clarine tombent comme des mouches.

Ce qui m’a donné envie de lire l’histoire de Jason-le-dabiste.

Diplômé en psychologie, Safon est de son vrai métier responsable informatique. Le soir, il dit qu’il s’adonne au théâtre et la nuit, il écrit. Bon, j’en déduis qu’il se repose quand il siège au conseil municipal de sa ville, Achères, dans les Yvelines…

Je ne connais pas ce monsieur, mais ses livres valent le déplacement. Ils ont cette touche d’impertinence qui ravit, et un style imagé qui nécessite une sacrée maîtrise de l’écriture. Si Frédéric Dard était encore de ce monde, sûr qu’il apprécierait. Ne cherchez pas ses bouquins à la FNAC, vous les trouverez sur Priceminister ou sur le site des éditions AO. Une toute petite maison, créée par un amoureux des livres, Jean-Luc Tafforeau. Lui, je le connais un peu. Nous nous étions rencontrés au Fleuve Noir, il y a bien longtemps, alors qu’il publiait son le-marcheur_blog-daniel-safon.1264932610.jpgpremier polar. Pour lui aussi, c’est un deuxième métier, et comme il n’a pas encore pris la grosse tête, si vous avez un manuscrit sous le coude (ce qui est, paraît-il, le cas pour beaucoup d’entre nous), à la différence d’autres éditeurs, je suis sûr qu’il prendra le temps de le lire.

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Scènes de maltraitance ordinaire a été lu 15.504 fois en 2 jours et a suscité 64 commentaires.

Pradel, du café au crime

« Landru, croyez-vous en Dieu ? – Et vous, mon père, croyez-vous que c’est le moment de jouer aux devinettes ? » Quelques minutes plus tard, le couperet tombe… Pradel raconte Landru…, et bien d’autres histoires, comme celle du crash jamais expliqué du vol Ajaccio-Nice, le 11 septembre 1968, à une vingtaine de milles au large du Cap d’Antibes.

jacques-pradel.jpgL’enquête a été close en 1983 sans qu’aucune réponse ne soit apportée aux familles des 94 victimes. Et comme on semble avoir voulu cacher certaines choses, nombre de personnes sont persuadées encore aujourd’hui que l’appareil a été touché par « un missile fou, tiré de l’île du Levant où, dit-on se déroulaient à l’époque des essais classés Secret-Défense ».

Jacques Pradel est un cas à part dans le monde de l’audiovisuel. La première fois que je l’ai rencontré, il présentait une émission sur France Inter, c’était il y a… bof ! Ce qui frappe chez cet homme, c’est sa simplicité, sa gentillesse, son intérêt pour les autres, des qualités peu fréquentes dans un milieu où le narcissisme tient souvent place de talent.

En 1990, lorsque TF1 diffuse La Trace, une émission qui se propose de retrouver des personnes disparues, c’est un véritable tollé médiatique. On fait appel à la délation, claironnent certains éditorialistes. À tel point qu’Etienne Mougeotte capitule.  Du moins provisoirement, car six mois plus tard la chaîne affiche Perdu de vue. Un copier-coller que Jacques Pradel oriente vers la recherche de témoins. L’émission est un succès, un véritable phénomène de société. Elle dure 7 ans. Et si au bout de ces années son audience commence à s’essouffler, elle atteint encore des chiffres que TF1 voudrait bien retrouver aujourd’hui.

C’est d’ailleurs cette émission qui a permis de relancer l’affaire des disparues de l’Yonne et à la finale d’identifier l’assassin de sept jeunes filles handicapées. Jacques Pradel et le journaliste Stéphane Munka sont même les seuls à avoir obtenu une interview télévisée du gendarme Christian Jambert, avant son « incompréhensible » suicide de deux balles dans la tête (voir sur ce blog : La PJ de 1995). 

Dans Côté Crimes (Ed. Télémaque), Pradel nous retrace 36 affaires criminelles, souvent avec le concours direct ou indirect de policiers, de gendarmes, de magistrats, d’avocats…, qui ont participé à son émission Café Crimes, sur Europe 1.

Il nous rappelle, par exemple, l’aventure incroyable de Frédéric Dard… L’auteur du Commissaire San Antonio est en train de travailler sur un ouvrage dans lequel la fille d’un écrivain se fait enlever, lorsque la réalité le surprend en pleine fiction. Dans son livre, Faut-il tuer les petits garçons qui ont les mains sur les hanches ? au Fleuve Noir,  Dard écrit (page 131) : « C’est à ce point précis de mon livre que l’impensable s’est jeté sur ma vie et que ma propre fille a été kidnappée, comme si le sort voulait me faire mesurer l’horreur d’une situation que j’inventais. » L’affaire s’est bien terminée. L’otage a été retrouvée saine et sauve, la rançon récupérée et le coupable arrêté et condamné.

Jacques Pradel nous raconte des histoires cote-crimes_pradel.1248771168.gifdont on se souvient mais aussi d’autres, plus anonymes. Qui se rappelle de Ceslaw Bojarski, ce faussaire génial qui durant douze années a fabriqué des faux billets de banque dans le sous-sol de son pavillon de Montgeron, dans l’Essonne ? Avec un tel talent qu’encore aujourd’hui, on dit « un Bojarski » comme on dit « un Cézanne ».

Tiens, pour apporter ma petite touche personnelle à ce livre, il semble me souvenir que Bojarski était à l’époque dans le collimateur de la DST. Réfugié polonais, il était soupçonné d’être un agent secret, alors « que » ce n’était en fait qu’un faux-monnayeur.

La brigade criminelle contre le fantôme de Simenon

simenon-par-raymond-moretti.jpg« Centre névralgique de la Brigade criminelle, le palier du troisième étage était un lieu de passage obligé pour qui désirait connaître les dernières nouvelles. Les notes de service et autres télégrammes étaient punaisés sur les murs, une vieille armoire vitrée présentait les produits vendus par l’amicale (…) Il faisait bon vivre dans ce service. Des flics s’interpellaient à qui mieux mieux, d’autres se lançaient des vannes après s’être serrés la main… »

Hervé Jourdain est capitaine de police à la brigade criminelle et au fil des pages, dans son roman (policier, évidemment), Sang d’encre au 36 (éd. Les Nouveaux auteurs), il nous invite au sein d’un groupe d’enquêteurs. Et nous nous retrouvons un peu comme un stagiaire qui suit la progression d’une enquête criminelle – de l’intérieur. Et quelle enquête !

Tout démarre avec le meurtre du surveillant d’un collège de banlieue : deux balles à bout portant, tirées par un mystérieux motard. Une scène de crime sur le trottoir, et pour les policiers, le même scénario que d’habitude : « Identifier le cadavre, entendre les témoins, annoncer la mort aux proches, assister le médecin légiste lors de l’autopsie, tirer les ficelles, confronter les idées, monter le dossier, vérifier les alibis, travailler les pistes, mettre hors d’état de nuire, obtenir les aveux (…) Des jours de labeur, des nuits d’insomnies et de doutes. »

Mais cette fois, ce qu’ils ne savent pas encore, c’est que ce mort est le premier d’une longue liste et qu’ils partent à la chasse d’un serial killer…

Et on va les suivre, tout au long de leurs recherches, même si elles ne mènent à rien, comme c’est souvent le cas dans la réalité. « La nouvelle enquête de voisinage n’avait rien donné, malgré la vingtaine d’hommes déployés durant quatre heures (…) Les flics n’apprirent que des broutilles. »

Pas de héros dans cette histoire, mais un travail d’équipe. C’est un peu du Ed McBain à la française, sauf qu’ici on côtoie les techniques les plus modernes. Le tueur vient chatouiller l’un des enquêteurs sur son blog en utilisant l’adresse georges-simenon@hotmail.fr, mais « il y avait autant de protocoles Internet que d’échanges avec son blog » car le lascar piratait des liaisons Wi-Fi non sécurisées (aïe la loi Hadopi !).

Simenon, sa vie et son œuvre, c’est un peu le fil de cette histoire – mais les « seigneurs du 36 » mettront un certain temps à le comprendre.

L’auteur ne nous épargne dscn2879.1247991254.JPGrien. Il nous entraîne à l’institut médico-légal : « Chaque organe était retiré et pesé par l’aide technique, avant d’être déposé sur une planche en bois, découpé en fines lames, puis étudié par le médecin légiste. Un prélèvement était systématiquement mis en tube. Les restes étaient remisés dans un seau de cinq litres coincé entre les jambes du défunt, avant que le contenu soit reversé dans son habitacle, en attente de la couture. »

Hervé Jourdain est entré dans la police à l’âge de vingt ans. Gardien de la Paix en banlieue parisienne, au bout de 4 ans, il a rejoint les RG, à la 4° section, celle qui s’occupe des « phénomènes de société ». En 2001, une fois son grade de lieutenant en poche, il a intégré un groupe de la brigade criminelle. C’est la découverte de Thierry Jonquet, m’a-t-il dit, qui lui a véritablement donné envie d’écrire : « Car auparavant, j’étais persuadé qu’il était impossible de décrire un groupe d’enquête. Jonquet a été le déclic, d’autant que j’arrivais à saturation lorsque je lisais les polars vantant les flics ou enquêteurs solitaires, borderline, effectuant des miracles malgré des pressions de toutes parts ».

C’est son troisième roman. Le premier, si j’ai bien compris, est resté dans un tiroir ; le second comptait parmi les finalistes du Prix du quai des Orfèvres, mais il n’a jamais été publié ; et celui-ci, Sang d’encre au 36, a obtenu le prix des lecteurs de VSD.

sang-dencre-au-36.1247991421.jpgFranchement, ce livre, c’est tout gagnant. Pas de petits génies, pas de « Mais oui, bien sûr ! », pas de renversement de dernière minute, mais le travail rigoureux d’un groupe d’enquêteurs de la crim’ qui s’accrochent à leur affaire, qui veulent la sortir à tout prix, qui sont même prêts à renoncer à leurs vacances, et qui, le nez dans le guidon, passent parfois à côté du petit détail qui pourrait changer tout.

La vraie vie, quoi !

Le gang des barbares

« Youssouf m’a raconté toute l’histoire de la soi-disant libération (…) Ilan avait réussi à relever son bandage sur les yeux. Il avait donc vu Ilan le regarder droit dans les yeux et du coup Youssouf avec un couteau lui a mis un coup dans la gorge vers la carotide puis un coup de l’autre côté de la gorge. Ensuite il a essayé de lui couper le bas de la nuque (…) Il m’a dit qu’il avait utilisé un bidon pour asperger Ilan (…) Il m’a dit « cela a fait une grande flamme et je suis parti ». »

halimi.jpgC’est la confession de Samir que nous rapporte le journaliste Alexandre Lévy dans son livre Le gang des Barbares aux éditions Hachette littératures. Aujourd’hui chef de service Europe de l’Est à Courrier International, il a couvert l’affaire Halimi pour Le Monde.fr.

Enfin, si l’on peut dire. Car la particularité de cette enquête a été le secret quasi absolu qui l’a entourée. Et les rares journalistes qui peu ou prou étaient au courant ont accepté de se taire pour ne pas mettre la vie d’un homme en danger.

Les enquêteurs de la brigade criminelle ont-ils fait le bon choix ? Je me garderai bien de porter un jugement a posteriori, mais cette affaire présente trois particularités, qui ressortent nettement du récit au jour le jour fait par l’auteur de cet ouvrage :

– Une enquête en circuit fermé au sein de la brigade criminelle, à tel point qu’en dehors des services du 36 peu de policiers étaient au courant qu’un enlèvement était en cours. Une décision lourde à porter lorsque pour éviter un procès à huis-clos* l’avocat de la maman d’Ilan déclare : « C’est la loi du silence qui a tué ; ce serait intolérable qu’elle s’impose encore aux assises. »

– La prise en main des négociations par les enquêteurs, avec l’espoir de conduire les ravisseurs à la faute. Didier Halimi, le père d’Ilan, a été le maillon principal des tractations (les ravisseurs l’appelaient parfois plusieurs dizaines de fois par jour) et il a fait confiance aux policiers.  On sent la tristesse dans ses propos, lorsqu’il répond aux questions d’Alexandre Lévy : « Je pense que nous devons assumer les choix, y compris ceux que j’ai faits moi-même en toute connaissance de cause (…) On aurait fait l’inverse, on nous aurait également critiqués si Ilan était mort. Il s’en serait sorti vivant, on nous aurait félicités. »

– La trop grande confiance accordée à la « technique ». Pas une page dans ce livre où l’on ne parle écoutes téléphoniques, localisation de portables, piégeage du courrier électronique, cybercafés, etc. On a parfois l’impression que les policiers se sont laissé entraîner dans une enquête virtuelle.gang-des-barbares_livre.1246702386.jpg

Alexandre Lévy termine son livre par une chronologie des faits. On peut retenir trois dates principales : Le 21 janvier 2006, Ilan Halimi, 23 ans, est enlevé.  Le 13 février, il est retrouvé agonisant près de la gare de Sainte-Geneviève-des-Bois, dans l’Essonne. Dix jours plus tard, le chef de la bande, Youssouf Fofana, est interpellé à Abidjan par la police ivoirienne.
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* Les mineurs au moment des faits, mais majeurs le jour du procès, peuvent renoncer au huis-clos (loi du 4 mars 2002). Ainsi, Patrick Dills, condamné pour meurtre en 1989 a obtenu la révision de son procès. Il a été rejugé en 2001 par une Cour d’assises des mineurs selon les règles de la publicité restreinte, alors qu’il avait plus de 30 ans. En revanche, son appel a été jugé publiquement en raison de cette loi qui a modifié l’article 306 du Code de procédure pénale.

Une femme caméléon

« La créature politique Rachida Dati, ses aventures, ses succès, ses échecs sont en fait le miroir d’une certaine conception de la politique, celle de Nicolas Sarkozy. Tout est spectacle, rien n’est tabou… ». C’est un peu la clé du livre Du rimmel et des larmes, au Seuil.

jacqueline-remy.1245676753.jpgSon auteur, Jacqueline Remy, qui à la différence de la garde des Sceaux semble ne pas trop aimer les photographes, nous aide à comprendre pourquoi cette femme qui prétendait illustrer la méritocratie française est aujourd’hui tant dénigrée. Et l’on s’interroge sur le comportement de certains « grands de ce monde » qui se sont pliés à ses lubies ! Au fil des pages, il est étonnant de suivre son parcours. Quelle fougue et quelle persévérance pour se sortir de son milieu social ! On a l’impression que rien ne lui est impossible. Si une porte se ferme, elle entre par la fenêtre.

Ainsi, en 1988, elle vient d’être inscrite à Paris-II Assas. La plupart des étudiants se seraient jetés sur les petites annonces, à la recherche de la chambre de bonne providentielle. Pas elle. Elle appelle Paul Bata, ancien spécialiste du Maghreb pour Le Monde, et elle lui demande s’il peut l’aider à se loger. Or, il ne l’a rencontrée qu’une seule fois. À l’issue d’une conférence qu’il avait donnée, elle s’était approchée pour lui dire combien elle appréciait ses articles. Finalement, avec l’accord de sa famille, il va l’héberger pendant un an…

Rachida Dati a dû lire le livre de Dale Carnegie Comment se faire des amis. Elle joue sur la pauvreté, la jeunesse, l’inexpérience, ses origines…, et surtout sur son sourire – et elle obtient tout ce qu’elle veut. Et en quelques années, la jeune femme possède un carnet d’adresses où se bousculent le monde de la politique, celui du CAC 40 et de la presse.

Mais en fait, il semble bien que sa vie soit en trompe-l’œil. Elle s’adapte à ses interlocuteurs. Dati pourrait être l’héroïne de l’ancienne série américaine Le Caméléon. Et elle cache sa véritable personnalité. Connaissez-vous beaucoup de gens qui devant le maire bafouillent sans finalement parvenir à prononcer le « oui » traditionnel ? Ou des femmes qui entretiennent la rumeur sur l’identité du père de leur enfant ?

Jacqueline Remy m’a raconté que plusieurs personnes qu’elle avait rencontrées lors de son enquête s’étaient confiées sous le sceau du secret. Ils avaient peur de Rachida Dati, impression résumée dans une formule souvent répétée : Elle n’a aucune limite… du-rimmel-et-des-larmes.1245677027.jpg

C’est dit-on l’une des caractéristiques des décideurs !

Mais ce qu’on retient de son enquête ce n’est pas le personnage politique, mais le portrait d’une femme surprenante, insolite, attachante et agaçante. En fait un véritable personnage de roman, dans un livre d’ailleurs écrit comme un roman.

La main courante du brigadier-chef

« Pendant quelques secondes, une petite fille m’a regardé crs.1244466733.jpgen ayant peur de moi (…) Elle ne pleure pas, elle ne dit rien ; la bouche entrouverte, elle tremble (…) Une petite Algérienne, menue, proprette, les pouces dans les bretelles du cartable, le cou tordu vers le haut, très haut, vers le grand flic en cotte noire et rangers… » En sortant du squat où il venait de participer à une expulsion le brigadier-chef Serge Reynaud n’était sans doute plus tout à fait le même homme…

Reynaud, c’est un pseudonyme, mais pas pour me cacher, dit-il, simplement par convenance personnelle. Ses collègues savent qu’il a écrit un livre, d’autant qu’indirectement, ils ont participé… Car il s’agit d’une série d’anecdotes liées aux situations parfois insolites, parfois pathétiques, parfois drôles, que les flics de terrain peuvent rencontrer au cours de leurs missions. Comme celle-ci :

Tous les jours, vers cinq heures, le car de CRS prend le même chemin, le long de la Seine. Ceux qui ne dorment pas ont l’habitude de regarder une péniche qui dépasse du quai, vide de tout chargement. Mais ce matin, elle est chargée à ras-bord : une montagne de sable. Le car est arrêté à un feu rouge. « Le gradé semble dubitatif, ses yeux las vers le bateau surbaissé. Il se tourne vers le chauffeur et, le plus sérieusement du monde, lui inflige un : T’as vu, la Seine a monté cette nuit… »

serge-reynaud.jpgÀ 19 ans, Serge Reynaud choisit d’être gendarme et 6 ans plus tard, il opte pour la police. Les CRS, la 38 à Mulhouse, la 5 à Massy, la 54 à Marseille, et des détachements en Italie et en Bosnie-Herzégovine. Une carrière dans les CRS qu’il assume complètement. Dans son livre, il ne cherche ni à justifier l’action de la police ni à se mettre en valeur ni à régler des comptes, mais l’air de rien, il nous fait faire connaissance avec les policiers de base, ceux qui ne « causent jamais dans le poste » et qu’on voit rarement plastronner au vingt-heures.

Même pour leur hiérarchie, ce ne sont souvent que des soldats. D’autant que les CRS ont de multiples missions : le maintien de l’ordre, bien sûr, mais aussi les patrouilles, les renforts saisonniers, l’assistance aux opérations de PJ, etc. Par définition, ils sont mobiles et corvéables à merci. On n’a à peine le temps de s’habituer à eux qu’ils sont déjà partis.

Tiens, pour la culture des chefs, je ne peux m’empêcher de citer ce passage : « Le commissaire, c’est celui qui fait l’ambiance, la qualité de vie d’un commissariat (…) Si le patron veut du chiffre, tu lui donnes du chiffre. S’il est sociable, tu discutes. S’il est paranoïaque, tu fermes ta gueule en attendant le suivant. S’il est bon, les services vont tourner. Si c’est une buse, ça va gripper ».

Sur ce blog, parfois, il m’arrive de critiquer la police, mais c’est parce que je l’aime bien. Je l’idéalise. Je ne voudrais pas qu’on en fasse une armée qui livre bataille, mais seulement des hommes et des femmes qui assurent notre sécurité, notre tranquillité, dans le respect des lois et de la morale. Des gardiens de la paix, quoi !

Serge Reynaud (on va respecter son anonymat) chroniques-main-courante.jpga 45 ans. Aujourd’hui, il est chef de section à la compagnie départementale d’intervention de Marseille, donc en sécurité publique.

Si vous voulez savoir qui se cache derrière la visière d’un CRS, lisez ce livre : Chroniques de la main courante, histoires vécues, de Serge Reynaud, Bourin éditeur, ou allez faire un tour sur le blog de l’auteur Police-Histoires. Après, vous aurez sans doute un regard différent sur ce corps de la police nationale.

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Et aussi une fiche de lecture de ce livre sur le blog de Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire au Monde.

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