« Youssouf m’a raconté toute l’histoire de la soi-disant libération (…) Ilan avait réussi à relever son bandage sur les yeux. Il avait donc vu Ilan le regarder droit dans les yeux et du coup Youssouf avec un couteau lui a mis un coup dans la gorge vers la carotide puis un coup de l’autre côté de la gorge. Ensuite il a essayé de lui couper le bas de la nuque (…) Il m’a dit qu’il avait utilisé un bidon pour asperger Ilan (…) Il m’a dit « cela a fait une grande flamme et je suis parti ». »
C’est la confession de Samir que nous rapporte le journaliste Alexandre Lévy dans son livre Le gang des Barbares aux éditions Hachette littératures. Aujourd’hui chef de service Europe de l’Est à Courrier International, il a couvert l’affaire Halimi pour Le Monde.fr.
Enfin, si l’on peut dire. Car la particularité de cette enquête a été le secret quasi absolu qui l’a entourée. Et les rares journalistes qui peu ou prou étaient au courant ont accepté de se taire pour ne pas mettre la vie d’un homme en danger.
Les enquêteurs de la brigade criminelle ont-ils fait le bon choix ? Je me garderai bien de porter un jugement a posteriori, mais cette affaire présente trois particularités, qui ressortent nettement du récit au jour le jour fait par l’auteur de cet ouvrage :
– Une enquête en circuit fermé au sein de la brigade criminelle, à tel point qu’en dehors des services du 36 peu de policiers étaient au courant qu’un enlèvement était en cours. Une décision lourde à porter lorsque pour éviter un procès à huis-clos* l’avocat de la maman d’Ilan déclare : « C’est la loi du silence qui a tué ; ce serait intolérable qu’elle s’impose encore aux assises. »
– La prise en main des négociations par les enquêteurs, avec l’espoir de conduire les ravisseurs à la faute. Didier Halimi, le père d’Ilan, a été le maillon principal des tractations (les ravisseurs l’appelaient parfois plusieurs dizaines de fois par jour) et il a fait confiance aux policiers. On sent la tristesse dans ses propos, lorsqu’il répond aux questions d’Alexandre Lévy : « Je pense que nous devons assumer les choix, y compris ceux que j’ai faits moi-même en toute connaissance de cause (…) On aurait fait l’inverse, on nous aurait également critiqués si Ilan était mort. Il s’en serait sorti vivant, on nous aurait félicités. »
– La trop grande confiance accordée à la « technique ». Pas une page dans ce livre où l’on ne parle écoutes téléphoniques, localisation de portables, piégeage du courrier électronique, cybercafés, etc. On a parfois l’impression que les policiers se sont laissé entraîner dans une enquête virtuelle.
Alexandre Lévy termine son livre par une chronologie des faits. On peut retenir trois dates principales : Le 21 janvier 2006, Ilan Halimi, 23 ans, est enlevé. Le 13 février, il est retrouvé agonisant près de la gare de Sainte-Geneviève-des-Bois, dans l’Essonne. Dix jours plus tard, le chef de la bande, Youssouf Fofana, est interpellé à Abidjan par la police ivoirienne.
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* Les mineurs au moment des faits, mais majeurs le jour du procès, peuvent renoncer au huis-clos (loi du 4 mars 2002). Ainsi, Patrick Dills, condamné pour meurtre en 1989 a obtenu la révision de son procès. Il a été rejugé en 2001 par une Cour d’assises des mineurs selon les règles de la publicité restreinte, alors qu’il avait plus de 30 ans. En revanche, son appel a été jugé publiquement en raison de cette loi qui a modifié l’article 306 du Code de procédure pénale.
la notion de lobby et d’interventionnisme politique en matière juridique est de plus en plus prégnante dans la société actuelle. Les faits, tels qu’ils sont exposés dans ton commentaire, laissent à penser que cette influence tend à dominer le quotidien aux profits des uns. Mais ne sommes-nous pas là à la frontière d’une voie délicate?
Quoi qu’il en soit, un acte de barbarie reste un acte de barbarie qui, exécuté en pleine conscience de ses actes et en l’abscence de délire psychotique, réléve de lourdes peines carcérales.
Malheureusement, la psychiatrie ne peut que peu de choses pour le psychopathe, qui par définition n’a pas accès aux idées de bien ou de mal…
C’est là toute la difficulté du juriste et du psychiatre en matière de crimes barbares.
Je voulais seulement démontrer que le poids et le prix de la vie devant la justice ne sont pas la même pour tous.
Qu’est-ce que tu entends demontrer?
On ne peut bien sûr qu’être révolté par ce qu’a subi Ilan Halimi.
Toutefois l’instrumentalisation de ce fait divers à des fins victimaires,pour accréditer la thèse de « l’antisémitisme » est également révoltante, indécente et sordide.
On a beaucoup surfé sur le fait que ce groupe s’était autoproclamé le « Gang des Barbares »; donc que les membres de ce gang étaient forcément des barbares.
S’ils ont réellement fait, ce que l’on impute, ils n’étaient manifestement pas normaux ; et dans ce cas leur place est dans un asile psychiatrique, pas dans une prison.
Je crois aussi qu’on en a beaucoup rajouté à propos du « Gang des Barbares ».
Je voudrais aussi parler d’un autre barbare : Julien Soufir, un « Franco-Israélien » qui avait égorgé de 27 coups de couteau, il y a environ deux ans, un chauffeur de taxi arabe à son domicile de Tel-Aviv en guise de paiement de sa course, sous prétexte de lui offrir un café -On dit même qu’il aurait également volé l’argent de ce malheureux-.
Une fois son forfait accompli il avait déclaré aux policiers auprès desquels il s’était rendu, « qu’il avait voulu tuer un Arabe, parce que c’était pour lui comm tuer une bête, car un Arabe n’avait pas d’âme ».
Cet individu était aussi connu pour son extrémisme religieux.
Les amis de cet individu,parmi lesquels de hauts responsables communautaires français se mobilisèrent pour soutenir, faute de mieux, son non-racisme » et son « irresponsabilité ». Il fut placé placé dans un établissement psychiatrique et dernièrement « une rumeur » a couru selon laquelle il serait libéré prochainement et rentrerait en France où réside sa famille.
Le meurtre de ce chauffeur de taxi commis par Julien Souffir, auquel on a trouvé toutes les excuses; n’est pas moins barbare, si ce n’est dans la durée du calvaire subi, que celui commis par « le Gang des Barbares » et la vie de la victime arabe ne valait pas moins que celle d’Ilan Halimi
Cette affaire comportait bien des zones d’ombres, puisqu’on a dit tout d’abord qu’il était en compagnie de son frère et donné une autre version ensuite.
On a même dit que Soufir aurait été impliqué dans une agression contre un fonctionnaire en marge d’une manifestation à Paris ; puis on n’en a plus parlé.
Pour moi, la barbarie n’est pas en fonction des origines du barbare et de celles de sa victime.