« Centre névralgique de la Brigade criminelle, le palier du troisième étage était un lieu de passage obligé pour qui désirait connaître les dernières nouvelles. Les notes de service et autres télégrammes étaient punaisés sur les murs, une vieille armoire vitrée présentait les produits vendus par l’amicale (…) Il faisait bon vivre dans ce service. Des flics s’interpellaient à qui mieux mieux, d’autres se lançaient des vannes après s’être serrés la main… »
Hervé Jourdain est capitaine de police à la brigade criminelle et au fil des pages, dans son roman (policier, évidemment), Sang d’encre au 36 (éd. Les Nouveaux auteurs), il nous invite au sein d’un groupe d’enquêteurs. Et nous nous retrouvons un peu comme un stagiaire qui suit la progression d’une enquête criminelle – de l’intérieur. Et quelle enquête !
Tout démarre avec le meurtre du surveillant d’un collège de banlieue : deux balles à bout portant, tirées par un mystérieux motard. Une scène de crime sur le trottoir, et pour les policiers, le même scénario que d’habitude : « Identifier le cadavre, entendre les témoins, annoncer la mort aux proches, assister le médecin légiste lors de l’autopsie, tirer les ficelles, confronter les idées, monter le dossier, vérifier les alibis, travailler les pistes, mettre hors d’état de nuire, obtenir les aveux (…) Des jours de labeur, des nuits d’insomnies et de doutes. »
Mais cette fois, ce qu’ils ne savent pas encore, c’est que ce mort est le premier d’une longue liste et qu’ils partent à la chasse d’un serial killer…
Et on va les suivre, tout au long de leurs recherches, même si elles ne mènent à rien, comme c’est souvent le cas dans la réalité. « La nouvelle enquête de voisinage n’avait rien donné, malgré la vingtaine d’hommes déployés durant quatre heures (…) Les flics n’apprirent que des broutilles. »
Pas de héros dans cette histoire, mais un travail d’équipe. C’est un peu du Ed McBain à la française, sauf qu’ici on côtoie les techniques les plus modernes. Le tueur vient chatouiller l’un des enquêteurs sur son blog en utilisant l’adresse georges-simenon@hotmail.fr, mais « il y avait autant de protocoles Internet que d’échanges avec son blog » car le lascar piratait des liaisons Wi-Fi non sécurisées (aïe la loi Hadopi !).
Simenon, sa vie et son œuvre, c’est un peu le fil de cette histoire – mais les « seigneurs du 36 » mettront un certain temps à le comprendre.
L’auteur ne nous épargne rien. Il nous entraîne à l’institut médico-légal : « Chaque organe était retiré et pesé par l’aide technique, avant d’être déposé sur une planche en bois, découpé en fines lames, puis étudié par le médecin légiste. Un prélèvement était systématiquement mis en tube. Les restes étaient remisés dans un seau de cinq litres coincé entre les jambes du défunt, avant que le contenu soit reversé dans son habitacle, en attente de la couture. »
Hervé Jourdain est entré dans la police à l’âge de vingt ans. Gardien de la Paix en banlieue parisienne, au bout de 4 ans, il a rejoint les RG, à la 4° section, celle qui s’occupe des « phénomènes de société ». En 2001, une fois son grade de lieutenant en poche, il a intégré un groupe de la brigade criminelle. C’est la découverte de Thierry Jonquet, m’a-t-il dit, qui lui a véritablement donné envie d’écrire : « Car auparavant, j’étais persuadé qu’il était impossible de décrire un groupe d’enquête. Jonquet a été le déclic, d’autant que j’arrivais à saturation lorsque je lisais les polars vantant les flics ou enquêteurs solitaires, borderline, effectuant des miracles malgré des pressions de toutes parts ».
C’est son troisième roman. Le premier, si j’ai bien compris, est resté dans un tiroir ; le second comptait parmi les finalistes du Prix du quai des Orfèvres, mais il n’a jamais été publié ; et celui-ci, Sang d’encre au 36, a obtenu le prix des lecteurs de VSD.
Franchement, ce livre, c’est tout gagnant. Pas de petits génies, pas de « Mais oui, bien sûr ! », pas de renversement de dernière minute, mais le travail rigoureux d’un groupe d’enquêteurs de la crim’ qui s’accrochent à leur affaire, qui veulent la sortir à tout prix, qui sont même prêts à renoncer à leurs vacances, et qui, le nez dans le guidon, passent parfois à côté du petit détail qui pourrait changer tout.
La vraie vie, quoi !
Rectificatif concernant ma réponse sur le lien entre simenon et le polar d’hervé adressée a Aurelien, je me suis trompe cela s’ adressait a J de Mazargues !! A ce propos en lisant les ouvrages de simenon tu comprendras tout de suite cet hommage dédie !!!
Je viens de découvrir Hervé par le biais de mes amis limbistes , sur FB , et je me réjouis vraiment d’avoir ce livre entre les mains. Il tombe bien, juste pendant mes vacances !
Bon vent à toi, Hervé ! Plein succès !
A lire sans hesiter!!!
intrigue parfaitement maitrisée, cohérente et une narration policière fidèle au travail des enquêteurs du 36.
C’est un polar bien construit avec un suspens prenant qui amène à réfléchir avec les enquêteurs auxquels on a donné de la profondeur, le tout dans une atmosphère policière authentique.
et en réponse à Aurélien DESBRIERES, le lien entre M. SIMENON et ce polar est évident sauf si tu ne connais pas Georges SIMENON ! Je te laisse alors le soin de fureter sur le net pour comprendre l’existence de cette relation !!!!
Merci Herve pour ce bon polar !
Je suis consterné par les commentaires lus jusque là : quelle bande de tristes sires ! le plaisir d’un bon polar, ça ne se refuse pas.
Cela dit, je ne vois pas le lien entre ce polar et Georges Simenon …
Je vais lire ce livre. Je lis très rarement des romans
Beau parcours, des controles au facies en banlieue au controle des gauchistes avec les RG. On ne nous donne pas le nombre de tir au flashball a l’annee ? Combien de reconduite a la frontiere ?
Pendant qu’on glorifie ce type de policier, les autres mettent le pays a feu et a sang avec la benediction de leur patron.
Il y a la police theorique et la police reelle, celle que subisse les citoyens et le 1% de francais qui sont passes par la garde a vue.
Il a l’air pourtant surper sympa, mais je me suis toujours demande, en dehors de la question de l’utilite que je ne remet pas en cause, les motivations profondes que peut avoir un individu pour entrer dans les RG
Oh ,comme ce beau jeune homme symbolise tant et tant d’espoirs de par la fonction qu’il occupe et dans l’un des lieux des plus mythiques de la police criminelle : »Le quai »
Là où les hommes sont appelés « les seigneurs», là où les femmes sont appelé « le patron » ,là où ont officié ceux qui ont arrêté le triste chemin d’un Guy Georges et de tant d’autres…
Comme on comprend que l’on ait besoin de s’échapper ,d’expliquer ,de rendre à chacun la place qui est la sienne et face « aux cas difficiles » ,à la cruelle réalité des innocents sacrifiés ,à la terrible inconscience de la portée des actes des plus barbares ,comme il est bon de dire, d’écrire que l’on est aussi humain ,vivant ,normalement vivant
Je suis sur que les collègues qui ont rendu plus douce ,l’épreuve des signatures ,sont fiers qu’un des leurs ait pu ,un peu rendre compte de leur travail dans ce roman car on met toujours un peu de soi ,même si l’on s’en défend
Maintenant, comme pour son collègue, auteur aussi ,après avoir passé brillamment l’épreuve de l’édition ,il va vouloir récolter les preuves du succès ,du travail reconnu et là ,il est un peu l’otage …de la distribution ,de la publicité (JP)..qui sont bien difficiles à maitriser ,mais déjà , bravo ,il est récompensé et ce n’est pas donné à tout le monde..alors..il faut continuer..
Je vais pour essayer de comprendre le travail si difficile de toutes ces femmes ,de ces hommes et l’acheter pour le plaisir de lire un bon bouquin
Bon vent à vous aussi ,Hervé Jourdain ,et gardez avant tout le premier des plaisirs qui vous a emmené dans cette aventure : celui d’écrire